Globalement j'ai bien aimé et en prime, j'ai pu serrer la main à Deltev Glannert à la sortie de l'auditorium, c'est un homme charmant, ça lui ai fait plaisir que je vienne le voir et que je lui dise que j'avais apprécié sa composition. Voici ma critique:
Trois œuvres étaient au programme, Theatrum bestiarum de Detlev Glanert, le concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur op 107 de Chostakovitch et enfin les Danses symphoniques de Rachmaninov. Programme dansant et teinté des effluves de la Russie éternelle. De la danse, il y en a bien entendu chez Rachmaninov au vu du titre de son ultime œuvre, mais également dans la composition de Glanert, compositeur allemand qui a dédié ces pages à Chostakovitch, russe comme Rachmaninov.
Un compositeur allemand contemporain et d'ailleurs présent dans la salle qui dialogue avec deux illustres russes, thème de la danse également partagé, de quoi vivre une riche soirée.
Ce qui importe dans la danse, c'est le rythme et lorsqu'on a un chef qui soigne autant les choix de ses tempi, l'écoute est un plaisir. Kirill Karabits est un musicien rigoureux, et de la rigueur il en faut pour ce bestiaire théâtral initial. Sa battue très régulière sert la science de l'orchestration du compositeur. Tout cela commence avec des accords mystérieux dans des nuances pianos malgré un effectif orchestral pléthorique. Les effets sont soignés, à savoir les changements de nuances, et plus globalement les surprises et brusques changements de direction. Il faut alors souligner ici la souplesse des cordes, la qualité de la petite harmonie, les registres tourmentés des instruments, notamment les contrebasses qui semblent imiter des cuivres. La notion de jeu prend ici tout son sens, notamment dans les innombrables solos qui sont magnifiquement exécutés. Ce sens de la pulsation du chef fait vivre cette musique et l'ovation rendue à Glanert monté sur scène à la fin était totalement méritée.
Puis après un bref changement de plateau, place à Maximilian Hornung et son violoncelle. Plus aucun cuivre à l'orchestre dans ce concerto de Chostakovitch si ce n'est un cor solo ! Hornung a un jeu sobre, point trop de vibrato ou de fanfreluches servant plus à décorer qu'autres choses, il va à l'essentiel de manière toutefois subtile, notamment grâce à un beau legato. L'humour cher à Chostakovitch réside ici dans un violoncelle qui s'époumone face à un orchestre un peu stoïque et un fabuleux cor solo sarcastique. Dans le II, les violoncelles et les altos de l'orchestre expriment une grande sensibilité. Le tempo est lent mais ne traine pas, toutefois, le son du violoncelle solo est souvent étouffé. Mais ce problème ne dure pas longtemps puisque le III est une cadence du soliste. Il est nu mais il assure sans encombre, faisant sonner son instrument comme s'il jouait sa vie, vraiment un moment intense. Puis enfin le final avec un thème inquiétant que se partagent les vents et le soliste tandis que les cordes jouent en pizzicati. Le bis de Hornung était une partita pour violoncelle de Bach, un peu convenu mais c'est toujours un plaisir.
Après l'entracte, le main event avec les Danses Symphoniques. Sorte de testament musical de Rachmaninov puisqu'il s'agit de sa dernière composition. On sent encore toute la rigueur du chef dans la franchise des attaques et le sens de la pulsation. Le nom de danse n'est pas usurpé, ce non allegro initial envoute, aidé par des solistes en très grande forme, notamment le cor anglais et le saxophone. Une grande tension nait de ces notes, plus précisément des cordes et percussions qui martèlent le thème tout en marquant le rythme tout cela avant les épanchements lyriques du second thème, les cordes ont enfin l'occasion de montrer toute leur sensibilité dans ce paroxysme émotionnel caractéristique de ce compositeur. Le piano se fait ici discret mais son apport est essentiel. Ces grandes phrases sont déclamées avec précisions. On sent le chef à l'aise dans ce répertoire lui qui est né en ex URSS avec notamment une grande maitrise des nuances et tempi. Le tempo de la valse du deuxième mouvement est scrupuleusement respecté, on peut facilement compter 1; 2; 3 grâce aux pizzicati des altos et seconds violons. Les solistes ont une fois de plus été irréprochables, particulièrement Luc Héry au violon. Le final était moins intense, le rythme y étant moins souligné sauf sur la toute fin lors d'un déchainement orchestral qui était assez jouissif, sans toutefois être de trop, ainsi, nulle saturation, que du plaisir !