Andras Schiff excelle dans ce répertoire germanique, que ce soit chez Beethoven, Brahms ou Mendelssohn mais son compositeur de prédilection est sans doute Bach. Cela tombe bien, ils étaient tous au programme ! C'est un pianiste doté de très nombreuses qualités et son jeu ne va jamais dans le superflu même s'il lui arrive souvent d'être généreux en effets, en ornementations. Il est avant tout au service de la musique et du texte composé par le compositeur. Cela s'est ressenti notamment dans le Klavierstücke op. 76 de Brahms. Toute sa virtuosité était utile à la musique, à la vitalité de la phrase et à ces rythmes syncopés qui swinguaient comme Brahms sait si bien le faire.
Tout cela ne l'empêche pas non plus d'avoir de l'intensité dans le finale de la Fantaisie op. 28 de Mendelssohn. Après avoir montré toute sa clarté, son autorité mais aussi sa subtilité dans les premiers instants de ce morceau où il caressait les touches et utilisait la pédale avec parcimonie, ainsi, la réverbération n'était pas trop prononcée.
L'agilité était alliée à l'épure dans la Sonate n°24 Op.78 "A Thérèse" de Beethoven. Ce sont des passages comme ces miracles qu'il donnait dans les aigus qui justifient le fait de se déplacer à un concert où il donne tellement plus qu'au disque.
S'en est suivi un assez long entracte puis le soliste est revenu pour nous donner Fantasien op. 116 de Brahms et enfin, la Suite anglaise n° 6 en ré mineur BWV 811 de l'immense Bach. Chez Brahms, on sentait une grande stabilité des lignes mélodiques, peu de rubato et surtout des prouesses techniques passées sans la moindre difficulté notamment avec des croisements de mains assez spectaculaires, enfin, quelle plaisir, quelle jubilation de voir Schiff à l’œuvre dans Bach. Un contrepoint volontaire, des trilles délicieux et des ornementations succulentes, pas de pédale. Le Prélude partait bien. La Courante était un peu lente car il savourait et faisait durer le plaisir avec un merveilleux cantabile avant d'en arriver à une Gavotte pleine de suavité, de sautillements, qui pétillait et irradiait de mille feux avec une main gauche d'une stabilité à toute épreuve. Enfin, dans la Gigue, la tension ne retombait jamais et on était déjà dans la créativité des partitas.
Puis Andras Schiff, après une ovation bien méritée est revenu non pas pour un et deux bis. Un pianiste généreux, dans son jeu, dans ses prises de position, dans son sourire et toutes les émotions qui transparaissent et qu'il transmet lorsqu'il fait de la musique. Un merveilleux concert.