La Clémence de Titus n'est pas l'opéra le plus connu de Mozart, exactement contemporain de la Flûte enchantée, il fut composé fin 1791 en six semaines pour les festivités du couronnement de l'empereur Léopold II. Mais l'ouverture elle, reste dans les oreilles et est connue de tous presque malgré nous. Qu'il est plaisant de voir ce petit effectif orchestral purement mozartien avec pas plus de dix premiers violons. Cela installe immédiatement une ambiance intimiste, quasi chambriste. Pourtant, dès les premiers accords de l'ouverture, le tutti orchestral s'exclame avec vigueur, les cuivres recouvrants les cordes. Plus la musique avance, plus elle gagne en force et intensité, le chef dirigeant sans baguette, de manière énergique, cette ouverture si rythmée, agrémentée de syncopes, et si vivifiante. Un merveilleux prélude pour bien commencer la soirée.
La suite est un plat un peu plus doux. Le concerto pour piano n°23 en la majeur fait partie de ces musiques célestes connues de tous. Il ne peut que susciter une émotion profonde, surtout dans cet adagio si doux. Il est à noter qu'il s'agit du seul et unique adagio de la production mozartienne dans ses concertos pour piano, ses mouvements lents étant d’habitude des andantes. Mais avant cet adagio, il y a un allegro qu'il convient de ne pas négliger. On est immédiatement saisi par le tempo choisi par le chef, inhabituellement rapide, des cordes légères, très staccato, une petite harmonie phénoménale où l'on sent que le basson solo Giorgio Mandolesi, (qui s'était déjà distingué dans l’œuvre précédente) est très, très en forme. Le chef ne laisse jamais retomber la tension. L'arrivée du pianiste offre une accalmie, même si on perçoit ça et là quelques curiosités rythmiques. Toutefois le toucher est admirable, le son est beau, le phrasé délicat et surtout, soliste et orchestre s'écoutent. Tant et si bien que lorsque le thème est repris à l'orchestre, le ralentissement du tempo est très perceptible. Le tempo joue une fois des tours à Nelson Goerber pendant sa cadence qui est toute en trilles et rubato ! Vint alors l'adagio tant attendu. Le pianiste énonce le thème l'orchestre répond. Le tempo n'est pas trop lent, c'est plaisant car on sent qu'ils font de la musique, qu'ils ne sont pas là à caricaturer ces pages magnifiques. Les cordes sont amples, le pianiste a une grande clarté, il ressort beaucoup d'humilité de cette interprétation. Pas de fantaisie, on s'incline devant le grand Mozart. Le III, noté allegro assai s'est distingué quant à lui grâce au merveilleux jeu de question/réponse entre le piano et l'orchestre, l'ensemble était très souriant, énergique. Les trilles du soliste étaient un peu décevants mais rien de bien méchant. Le bis quant à lui était le nocturne n°20 de Chopin en do# mineur où le pianiste a encore pu montrer toutes ses qualités.
Après l'entracte, l'Orchestre de Paris est de retour presque au grand compte. En effet, il n'y a pas de trombone ni de tuba prévus dans la symphonie n°4 de Mahler. En revanche, il y a bien davantage de violons que chez Mozart. Le chef a cette fois-ci une baguette et c'est parti pour les clochettes (ou grelots) du I! Ah, cette symphonie, composée dans la suite logique de la 3ème qui était tout ce qu'il y a de plus panthéiste. Elle persévère dans la félicité, l'amour de la nature, la légèreté de ces étés passés à Steinbach par Mahler en compagnie de Natalie Bauer. L'ambition du compositeur était de décrire le bleu uniforme du ciel. Cela commence par le chant, tout pour le chant. Le chef veille à ce que le cantabile soit intelligible, en allégeant le plus possible les phrases, travaillant la clarté, la fluidité, les cordes répondent bien à cette injonction. Cela donne une ambiance très viennoise et assez chambriste alors même qu'il y a près de 100 musiciens sur scène. A cette félicité des cordes répond celle de la petite harmonie qui est une fois de plus formidable, le son vient de partout, la polyphonie est merveilleuse, c'est orgiaque, les bois caquètent, là un solo de flûte joué par Vincent Lucas rappelle un appel de la montagne, là un solo de trompette annonce la 5ème symphonie, intervenant juste après un tutti impressionnant. Le scherzo placé en II est bien entendu connu pour son fameux violon solo désaccordé. Le violon de Roland Daugareil ne semblait pas si déréglé même s'il grinçait quand même. Tout le sarcasme vient ici des timbres et des dissonances qui sont très bien interprétées par l'orchestre. Ces notes pincées à la harpe, la petite harmonie qui continue de caqueter, notamment dans cet incroyable trio, tout cela donne une impression de désordre parfaitement organisé. On ne peut qu'être saisi par un sourire à l'écoute de cette musique. l'Adagio en III quant à lui doit pleurer et rire en même temps selon les dires du compositeur. Les entrées successives des cordes offrent une véritable douceur, une onctuosité même si la quiétude apparente est souvent précaire, ici un dialogue inquiétant entre le cor solo et le violon, un tutti avec des coups de timbales salvateurs. Des nuances somptueuses, une caresse qui nous mènent vers les portes du paradis que va nous chanter Camilla Tilling dans le IV. Malheureusement, être placé derrière la scène n'aide pas à entendre la soprano qui est placée à côté du chef, toutefois, une diction admirable, un médium tout à fait satisfaisant et un timbre qu'on aurait aimé goûté d'une meilleure place. L'orchestre ici se contentent de répondre avec énergie avant de retomber dans la félicité de la joie céleste. Une belle soirée.