Bonjour !
Il n'y avait pas de topic pour ce fabuleux concert du BSO dont le programme était le suivant:
Leonard Bernstein
Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions
Dmitri Chostakovitch
Symphonie n°4
Boston Symphony Orchestra
Andris Nelsons, direction
Baïba Skride, violon
A savoir qu'après ce concert, le BSO a eu du mal à rallier Amsterdam, une histoire de dingues.
Mes impressions:
La Sérénade de Bernstein reprend quant à des épisodes du Banquet de Platon. Là où la musique puise dans la philosophie, on entend des choses intéressantes, avec une non moins intéressante soliste au violon, à savoir Baibe Skride. Œuvre en six mouvements, elle alterne entre les différents dialogues, climats et rythmes. Elle ne requiert que des cordes et des percussions. Le passage le plus marquant et le plus malhérien est sans doute Agathon, noté Adagio en IV, avec des cordes excellentes, un pianissimo troublant, une soliste virtuose qui n'abuse pas du vibrato. Son jeu est sonore, , clair et on sent simplement une évidence à l'écouter tant son son se projette avec aisance. Le finale, consacré quant à lui à Socrate avec ses rythmes dansants exprime bien la philosophie du dialogue socratique. Une pulsation, des allers retours du thème avec une touche d'ironie bel et bien socratique. Il s'agit ici d'une très belle découverte et d'une belle ouverture à ce concert avant la symphonie tant attendue.
Après un bis assez périlleux de Baibe Skride et un long entracte, le BSO revient au grand complet sur la scène de la grande salle Pierre Boulez de la philharmonie. La Symphonie n°4 de Chostakovitch requiert un immense orchestre tout comme les symphonies de son illustre ainé Mahler que Stravinski l'invitait à dépasser. Il y a par exemple de façon très inhabituelle un total de six flûtes (dont deux piccolos), quatre hautbois, six clarinettes, quatre bassons. Ou comment la petite harmonie devient très grande et cela s'entend. Composée en 1935 mais créée seulement en 1961, elle se caractérise par sa modernité, son intensité, son âpreté mais aussi sa mélancolie. Chostakovitch avait été obligé de retirer sa symphonie du programme d'un concert après une campagne rude contre son opéra Lady McBeth et les accusations de formalisme. Effectivement, le début du I allegro est assez brutal et loin des canons du réalisme socialiste. Un usage de timbres assez grinçants dans le grave, le son devient corrosif. Nelsons traduit bien cela et ne semble pas être là pour blaguer. L'importance des pupitres de bois et de cuivre se ressent intensément tant ces instruments sonores frappent. Cela est du à la partition mais également à la qualité des musiciens du BSO. Les timbres sont inconfortables, comme par exemple ce piccolo âpre et strident, là la petite clarinette, là le cor ou encore le basson solo (qui achève magistralement le mouvement). Du côté des cordes, on ressent encore beaucoup de poids. Mais la lecture de Nelsons sait aussi offrir des respirations en dehors de ces ballets de timbres grinçants voire dissonants. En effet, même si l'intensité est là, il y a des passages où la mélancolie se fait ressentir, où l'on sent toute l'introspection du compositeur. Le scherzo en II représente bien cela, notamment de part l'entrée successive des cordes qui permet qui permet d'exposer les choses subtilement. Mais le malaise n'est jamais loin, notamment avec ces harpes qui jouent dans un registre très grave. Le scherzo est ici un épisode assez enlevé, et sa brièveté entre deux mouvements gigantesques le rend d'autant plus âpre même s'il laisse place à de l'introspection dans son thème principal. Le III se caractérise une fois de plus par des timbres âpres, basson, hautbois, ça pique. Mais il y a aussi des moments de respiration plus légers et humoristiques bien retranscrits notamment par le basson. L'accent est mis davantage sur la respiration que sur l'intensité, tant et si bien que lorsque des timbres plus légers s'invitent, l'ambiance est moins pesante, plus introvertie. Tant et si bien que lorsque le tutti revient, il frappe d'autant plus, notamment les des fortissimos à faire frissonner dans la fameuse coda où le trombone solo se déchaîne au dessus de l'orchestre, avec des timbales qui ne s'arrêtent plus.
La symphonie n°4 est une partition excessivement forte qui recèle des trésors d'émotions et qui fonctionne lorsqu'elle est exécutée par des musiciens du niveau du BSO. Andris Nelsons s'est échiné à la rendre moins "moderne" et en a donné un interprétation plus introvertie, contemplative, mélancolique. Et quand on connait le compositeur, cela fait sens. Ainsi ce final avec le célesta (le soliste toussait beaucoup avant son intervention) ne cessera d'interroger sur ce que ressentait Chostakovitch, sur ce que l'on doit ressentir devant ce monde, en écoutant cette musique.