L'Orgue scandinave : facture, répertoire, discographie

Un topic consacré à l'orgue en Scandinavie et pays nordiques : facture, patrimoine instrumental, répertoire et discographie afférente.

Pour l'orgue baroque hanséatique, voir aussi cet autre sujet : https://classik.forumactif.com/t7336-l-orgue-baroque-en-allemagne-du-nord

Un bien bel instrument pour une musique nordique qui m'était totalement inconnue mais finalement assez facile d'accès: orgue Jorgensen (1945) de Ålesund:






Kjell Mork Karlsen: Sonate De Profundis op 143 par Terje Winge, 2L 2016.


4 claviers et pédalier pour 70 jeux ce qui en faisait le 3° plus grand orgue de Norvège en 1945. Il est très apprécié des organistes du froid mais l'instrument lui - même supporte mal le froid et l'humidité de sorte que le besoin d'une restauration s'est rapidement fait sentir mais il a fallu de nombreuses années pour y arriver. Les travaux furent finalement réalisés par la firme Rieger qui en profita pour ajouter une soubasse de 32' et porter l'instrument à 94 registres. La sonorité est profonde, ample et sans dureté. Vraiment un très bel instrument qui exprime à merveille cette musique à la fois sombre, puissante et envoutante.

Église Sainte - Catherine de Stockholm

Charles - Marie Widor (1844 - 1937) :

Symphonies n° 3 & 6
Hans Fagius, orgue Akerman & Lund de la Katarina kyrka de Stockholm

(BIS, 1990)




Cet instrument a eu moins de chance que celui de ND de Paris car il fût totalement détruit par les flammes en mai 1990   . Ce très bel enregistrement de Hans Fagius réalisé en janvier de la même année lui rend donc un dernier hommage. P.L. Akerman construisit cet instrument en 1863 en conservant quelques jeux de l'instrument baroque de 1751 (Jonas Gren & Petter Strahle). Devenu irréparable, il fût reconstruit en 1975 - 1976 par Knut Kaliff qui réutilisa la plupart des tuyaux d'Akerman ainsi que les principaux de façade de 1751. Parfois critiqué pour ses choix d'intonation un peu hétéroclites mélangeant caractère symphonique avec caractère baroque de la façade, il est évident à l'écoute de ce CD que le résultat était parfaitement réussi et très bien intégré à l'acoustique de l'édifice (après tout cette technique lui a été inspiré par Cavaillé - Coll). Grave profond, pleins - jeux puissants mais ni durs, ni agressifs, c'était vraiment un très bel instrument à ré - écouter.

L'église du XVIIIe siècle avait déjà abrité plusieurs instruments d'origine inconnue dès sa construction.
L'orgue actuel, fabriqué sur les décombres des orgues précédentes jugées irréparables, a été conçu par le facteur suédois GRÖNLUNDS de Stockholm en 1975-76. Seuls quelques jeux anciens et le buffet ont pu être conservés.
Composé de 57 jeux répartis sur 3 claviers + pédale, l'équilibre est résolument néo-classique. Il faut aussi noter la présence de deux 32' fonds et anches au pédalier. Il a été restauré en 2001.

Il fait partie de ces orgues de "synthèse" parfaitement réussis là, où trop souvent l'équilibre sonore tient du mariage de la carpe et du lapin.
L'écoute révèle une belle palette romantique éclaircie par des jeux classiques et baroques: on peut y interpréter avec un rare bonheur le répertoire symphonique et le répertoire ancien.

Marcel DUPRE

Symphonie-Passion, op. 23; Trois préludes & fugues op. 36; Evocation, op. 37
A l'orgue, Torvald TOREN
Ed. Proprius Musik, 1985

Johann Sebastian BACH: 1ère sonate en trio en mi bémol

Belkiev a écrit:

Église Sainte - Catherine de Stockholm






Cet instrument a eu moins de chance que celui de ND de Paris car il fût totalement détruit par les flammes en mai 1990   .

Suite plus heureuse de cette histoire : les suédois fidèles de cette église n'ont pas tardé à se mobiliser pour trouver les fonds nécessaires (en plus des assurances) pour reconstruire leur église avec son orgue. L'église a été ré- ouverte en 1995 et de nombreux enregistrements ont déjà été réalisés sur le nouvel orgue Van den Heuvel construit dans le style symphonique français mais sans être la copie d'un instrument précis. Le buffet a été reconstruit à l'identique mais la décoration (sculptures et dorures) n'a pas pas été directement complétées en attente du financement complet.
Evidemment, le nouvel orgue n'a plus grand chose de scandinave à part l'esthétique du buffet et le lieu (je vire peut - être au hors sujet) mais face à une telle histoire, je ressens des sentiments partagés entre la nostalgie due à la perte d'un élément important de patrimoine et la joie d'entendre sonner si magnifiquement le nouvel instrument. Grâce aux enregistrements, nous avons heureusement la possibilité d'apprécier les deux.

Pour découvrir le Van den heuvel, on peut écouter par exemple:

Great European Organs, Vol. 70: Katarina Church, Stockholm
Marcus Toren
Priory Records

=> permet de découvrir un répertoire peu commun avec des oeuvres de Erland von Koch, Hilding Rosenberg, Harald Fryklof, etc

Saint-Saëns Organ Works
Magne H. Draagen
Lawo Classics

=> pour l'entendre sonner dans toute sa splendeur.

Un peu d'orgue du nord récemment. Après quelques essais du côté de Kokkonen qui ne m'ont guère enthousiasmé, deux disques aux antipodes l'un de l'autre pour du répertoire rare.


Otto MALLING : Organ Music (Sverker Jullander / orgue de Vsa, Gothenburg)

Pour commencer, les livres d'images pieuses d'Otto Malling. Contre toute attente, j'ai adoré. À part les Nachklange aus Davids Psalmen au pouls désespérément plat, les aplats aux reflets opalescents de Die heilige Jungfrau me charment (quelque chose de très doux, ronronnant, enveloppant) et la fresque Die heiligen drei Könige me passionne de bout en bout. The High Priests and the Scribes et Herod sont fortement rythmés, dotés d'un refrain envahissant peut-être (mais délicieusement motorique, cf. Bydlo). On retrouve les beaux climats simples de sa narration mariale dans la belle nuit de Noël qui ouvre, ou la question des mages dans le II.
L'écriture est globalement très simple, le son très allemand (instrument "à la Sauer" idéal pour le post-romantisme), le geste français (structure et couleurs). Pas de furieuses polyphonies ou de dissonnances, l'on trouvera cela peut-être ennuyeux, j'ai été pour ma part conquis par cette touchante simplicité.


Gunnar IDENSTAM : Metal Angel (Gunnar Idenstam / orgue de la cathédrale de Monaco)

Changement de registre complet avec ce disque qui risque au contraire de réveiller les morts (de saison à Pâques...). L'instrument, recréation moderne visant à émuler le son ancien lorsque nécessaire (mélange de coupleurs électriques et mécaniques), est assez étonnant : on dirait une sorte de machine de science-fiction, il sonne comme une sorte de synthétiseur



Quant à la musique... Idenstam vient du rock et de la musique traditionnelle, cela s'entend. Les mélodies sont souvent dansantes et très immédiates, le rythme plus celui de la pop-music que la musique d'église (là où Malling avait oublié cette notion). La Toccata de la première suite ressemble à une B.O. de film d'aventure médiévalisant (Willow). Metal Angel avec ses barrissements qui ponctuent une cavalcade endiablée saisit l'auditeur. La progression qui suit, changeant de registration en permanence, ne manque pas de piquant. Pour une approche similaire, Dark Angel est encore meilleur (et fera tomber les murs).
Tout n'est pas que rythme et rugissements. Le thème de l'ange qui ouvre la suite No. 2 est initialement d'une grande douceur, peut-être trop facile et sucré pour son bien, mais les variations de couleurs incessantes et le ton conquérant convainquent. De même avec Polina's Song plus tard.
Voilà au final une œuvre éminemment approchable, bariolée (certains diront facile et vulgaire), sur un instrument idéal et plus grand que nature. Je suppose que les réfractaires à l'orgue seraient plus facilement convaincus par cette musique, j'ai pour ma part raffolé de cette orgie sonore.

Mefistofele a écrit:

Un peu d'orgue du nord récemment. Après quelques essais du côté de Kokkonen qui ne m'ont guère enthousiasmé, deux disques aux antipodes l'un de l'autre pour du répertoire rare.


Otto MALLING : Organ Music (Sverker Jullander / orgue de Vsa, Gothenburg)

Pour commencer, les livres d'images pieuses d'Otto Malling. Contre toute attente, j'ai adoré. À part les Nachklange aus Davids Psalmen au pouls désespérément plat, les aplats aux reflets opalescents de Die heilige Jungfrau me charment (quelque chose de très doux, ronronnant, enveloppant) et la fresque Die heiligen drei Könige me passionne de bout en bout. The High Priests and the Scribes et Herod sont fortement rythmés, dotés d'un refrain envahissant peut-être (mais délicieusement motorique, cf. Bydlo). On retrouve les beaux climats simples de sa narration mariale dans la belle nuit de Noël qui ouvre, ou la question des mages dans le II.
L'écriture est globalement très simple, le son très allemand (instrument "à la Sauer" idéal pour le post-romantisme), le geste français (structure et couleurs). Pas de furieuses polyphonies ou de dissonnances, l'on trouvera cela peut-être ennuyeux, j'ai été pour ma part conquis par cette touchante simplicité.

J'ai essayé. Quand même une écriture très conservatrice et « conforme » (je n'aime pas dire académique, mais il y a un peu de ça), mais ça sonne bien, c'est apaisant – et effectivement Hérode pulse très bien !

Merci de l'avoir mentionné !  J'en ai profité pour écouter son concerto pour piano, parfaitement conforme lui aussi, et totalement impersonnel (on peut s'en passer).

Académique mais bien troussé, oui, je crois que c'est cela. Et apaisant.
Son concerto est un pensum. C'est sa musique de chambre qui est intéressante !

En prenant dans le sens Scandinavie & Baltique, un cycle passionnant qui se poursuit :

¶ J’ai fait une erreur et écouté le volume 9 de 2020 au lieu du volume 14 de 2023 (Helsinki), mais je peux déjà parler du concept du cycle de James D. Hicks sur des orgues du Nord de l’Europe : des répertoires totalement inconnus se révèlent, joués sur les instruments locaux. Complètement passionnant, et très belle réalisation. Dans le volume 9, consacré à la Suède : Gunnar Idenstam, Nils Lindberg, Erland von Koch, Herman Åkerberg, Gunnar Thyrestam, Fredrik Sixten, Anders Börjesson. Je ne connaissais presque rien de tout ça, et il y a beaucoup de très bonne musique. Je vais écouter toute la série.

¶ Pour les volumes de 2023, j’ai écouté le 13 (capté à Turku sur un orgue des années 30), consacré aux romantiques finlandais. Des choses assez traditionnelles, comme la Deuxième Sonate de Karvonen, mais aussi des propositions d’une très belle poussée (et réalisée avec un véritable élan par Hicks), comme les variations sur un choral finlandais de Kumpula ou l’impressionnant Fantaisie & Choral d’Oskar Merikanto. (Également des compositions de Haapalainen, Hilli, Siimes, et des stars Kuula, Oskar Merikanto, Kuusisto…)

¶ Le volume 14 est encore plus étonnant, sur des orgues des années 80 et 90 à Helsinki : des œuvres plus récentes de Fridthjov Anderssen, Finn Viderø, Mats Bachman, Lasse Toft Eriksen, Jukka Kankainen, Hans Friedrich Micheelsen, Toivo Elovaara, Kjell Mørk Karlsen, qui culmine dans l’irrisésitible « Diptyque de danses » d’Olli Saari.