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Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mar 29 Sep 2020 - 19:22 | |
| - Emeryck a écrit:
- Philippe Sollers : Nombres
1966
J'ai trouvé ça vraiment vain et extrêmement laborieux, une sorte d'expérimentation formelle creuse - d'autant plus que le procédé est assez vite éventé Bravo pour ton abnégation (car j'imagine que tu l'as lu jusqu'au bout.) - Emeryck a écrit:
- à renfort de beaucoup d'allusions sexuelles - ça serait amusant de compter le nombre d'occurrences de sexe ou queue.
Oui, tout ce côté «obscénité sérieuse» (on dit sexe et queue à longueur de page, mais jamais bistouquette ou cramouille) - tellement fastidieux, et démarqué de Bataille avec tant d'ostentation... - Emeryck a écrit:
- J'ai l'impression que les expérimentations de Lois ou de H sont potentiellement plus intéressantes car elles ne semblent pas être purement formelles mais plutôt sur le texte lui-même - ça n'a pas beaucoup de sens mais c'est pour dire que ce n'est pas "purement formel".
Euh... Enfin, bon, j'ai lu ça il y a des lustres et des lustres et je ne voudrais pas non plus te dissuader d'essayer. (Tu nous diras.) - Emeryck a écrit:
- Je me demande bien ce que Barthes pouvait lui trouver...
Moi aussi. (Enfin, non: en fait, je crois que les ressorts du truc sont très aisément identifiables: le fait qu'un écrivain encore jeune propose à ce moment-là des postures et des pratiques d'écriture qui font écho à certaines rêveries théoriques de Barthes de la même époque; la figure d'un écrivain «expérimental» disposant d'une vraie surface médiatique, et transfuge du roman français de tradition (d'abord salué par Aragon et Mauriac); et à mon avis surtout l'activisme éditorial de Sollers à Tel quel: un petit groupe effervescent fêtant Barthes comme une influence majeure, sollicitant de lui des entretiens et des bonnes pages, l'invitant à des colloques - et jusqu'en Chine...) |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 16:34 | |
| Oui, je l'ai lu jusqu'au bout, il y avait des choses amusantes lorsqu'il cite des définitions de mathématiques qui n'ont à peu près rien à voir. Ce n'est pas dans mes priorités mais j'essaierai quand même. Mais du coup, je me posais la question suivante : une fois qu'il sort de sa période expérimentale des années 60-70, ça doit être extrêmement fade, non ? Oui, j'imaginais un truc de ce genre, d'ailleurs Binet parle un peu de ça dans La septième fonction du langage (très peu) ; cependant, je crois avoir lu par ailleurs que tu n'aimes pas tellement Binet. Du coup, je commence : Roland Barthes : Sollers écrivain 1979  |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 17:47 | |
| - Emeryck a écrit:
- Oui, je l'ai lu jusqu'au bout, il y avait des choses amusantes lorsqu'il cite des définitions de mathématiques qui n'ont à peu près rien à voir.
Je n'ai pas les connaissances nécessaires pour m'en rendre compte, mais, ce n'est pas très surprenant non plus. (Au dire d'amis sinisants, quand il cite le Yi-Jing, c'est aussi très amusant à force d'approximation.) - Emeryck a écrit:
- Ce n'est pas dans mes priorités mais j'essaierai quand même. Mais du coup, je me posais la question suivante : une fois qu'il sort de sa période expérimentale des années 60-70, ça doit être extrêmement fade, non ?
Je trouve ça plutôt rigolo, en fait. C'est d'abord son nombrilisme satisfait qui est désopilant: le gars raconte sa vie en passant son temps à se rengorger, d'abord et avant tout, de ses innombrables bonnes fortunes (il faut quand même ne pas être rebuté par la répétition de scènes de cul - ses romans font assez penser au journal d'un Matzneff qui ne se taperait que des femmes de plus de 16 ans); et puis aussi de son intelligence et de sa culture supérieures (il est toujours le premier et le seul à avoir vraiment compris Sade, Artaud, Mozart, Céline, Proust, Rimbaud, Picasso, Heidegger, Debord...), de sa proximité avec les Grands de son temps (Aragon, Mauriac, Barthes, Bataille, Pound, Mao, Mitterrand, Jean-Paul II, Balladur... - qui étaient tous, bien sûr, en admiration devant lui) et de sa connaissance - voire de son influence souterraine - dans les dessous des affaires du monde (mai 68, c'est lui; et il possède des lumières inédites sur le féminisme, la Révolution culturelle, la chute du bloc de l'Est, les secrets du Vatican, la recherche génétique, le terrorisme...), de sa prodigieuse réussite éditoriale due à son génie stratégique (forcément: il est le premier à avoir vraiment compris Sun-Tzu, ça aide pour être directeur de collection chez Gallimard) et en même temps se plaint d'être, seul vrai rebelle contre l'ordre établi, en butte aux complots d'un clergé totalitaire, essentiellement éditorial et parisien (beaucoup de règlements de comptes - amusants dans leur mesquinerie même - contre des critiques littéraires pas assez laudateurs, ou contre des rivaux comme Duras, Robbe-Grillet, Le Clézio.) Et bien sûr (on est classe ou on ne l'est pas), tout ça ne peut se passer qu'entre Venise, New York, l'île de Ré et le Quartier Latin. Dans la forme aussi, c'est assez drôle à force d'être quasi auto-parodique: tout ça est écrit dans un démarquage caricatural du style de Céline ( Beaucoup de points de suspension... Phrases en suspens... Syntaxe destructurée... Reprendre autrement l'expérience... Énumérations... Raccourcis fulgurants... Suggérer une pensée mobile... De la musique avant toute chose... Staccato crépitant des idées... Cololi battu à plates coutures...), avec des pages entières de name dropping cultureux, le tout agrémenté d'espèces d'oracles vertigineux totalement nawak (du style « l'intelligence du corps sexué, c'est-à-dire la qualité musicale de la méditation historique»), de calculs numérologiques et de rapprochements historiques délirants sur le mode du comme par hasard (du genre « 1868, Dostoïevski publie L'Idiot , deux ans avant la Commune, notez les dates... Et comme par hasard un siècle après c'est mai 68 et deux ans avant, j'ai publié Nombres ... Les dates, les chiffres, très important...») et des touches d'humour nase (beaucoup de détournements de citations célèbres, « la chair est joyeuse et j'ai encore tous mes livres à écrire» mouahahahah, ou une onomastique censément drôle: je me souviens que dans un de ses livres où il raconte en un paragraphe la chute de l'URSS, Gorbatchev s'appelle Tachokran - tâche au crâne, LOL.) Bon, évidemment, ça ne vaut pas forcément qu'on s'inflige toute son œuvre écrite, mais, de temps en temps, pris au xième degré ça peut être assez franchement poilant. Ah, si, il y a quand même un de ses romans d'après que j'avais bien aimé - justement moins caricatural, peut-être parce que davantage coulé dans la forme d'une narration traditionnelle, avec notamment un effort pour créer des personnages au lieu de livrer au fil de la plume une sorte de crypto-journal intime: Le Lys d'or. (Et puis Femmes n'est pas non plus inintéressant, notamment pour sa façon de mettre en scène l'espèce de reflux des avant-gardes au début des années 80 et pour quelques portraits cryptiques un peu développés - mais sans bienveillance - notamment de Barthes et de Foucault.) - Emeryck a écrit:
- Oui, j'imaginais un truc de ce genre, d'ailleurs Binet parle un peu de ça dans La septième fonction du langage (très peu) ; cependant, je crois avoir lu par ailleurs que tu n'aimes pas tellement Binet.
Je n'ai pas lu ce livre, c'est HHhH que j'avais lu - et pas aimé. Chez Barthes, je ne pense pas qu'il y ait eu de la bassesse dans son enthousiasme pour Sollers - peut-être une forme d'aveuglement, en revanche. J'ai l'impression que dans Sollers écrivain, Barthes parle en fait davantage de ses propres rêveries théoriques ou de ses utopies sur la posture de l'écrivain, la pratique d'écriture, le rapport au langage, le Texte (dont il voit dans le Sollers des années 60-70 une possible incarnation) qu'il ne se livre à une analyse serrée de sa production. Mais j'ai lu ça il y a très longtemps: tu me diras ce que tu en as pensé.
Dernière édition par Benedictus le Mer 30 Sep 2020 - 23:27, édité 2 fois |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 18:56 | |
| Ah oui, et quand je disais que c'était rigolo: je me souviens de deux articles de Sollers sur la musique, repris dans ses recueils: - l'un sur Webern, où les douze sons sont expliqués comme «les quatre éléments au carré» (ou peut-être «au cube») (oui, oui, Emeryck: 4² = 12 ou 4³ = 12); - l'autre sur Haydn, où l'on découvre que le nom du compositeur des Symphonies londoniennes, comme par hasard, est la combinaison de YHWH et d'ADN (bon, on n'a toujours pas retrouvé le W et le H surnuméraire.) |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 19:34 | |
| Ç'a l'air gé-nial !! Sinon, je te conseille le Binet qui est assez jouissif quand on connaît tous les gens qui le peuplent — Sollers, Kristeva, Foucault, Derrida, Barthes, et toute la clique. |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 21:07 | |
| - Benedictus a écrit:
-
«l'intelligence du corps sexué, c'est-à-dire la qualité musicale de la méditation historique»), d «1868, Dostoïevski publie L'Idiot, deux ans avant la Commune, notez les dates... Et comme par hasard un siècle après c'est mai 68 et deux ans avant, j'ai publié Nombres... Les dates, les chiffres, très important...» «la chair est joyeuse et j'ai encore tous mes livres à écrire»
Ce sont des pastiches maison ou c'est l'original dans le texte? |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 21:53 | |
| Pastiches maison (mais je ne force pas spécialement le trait.) |
|  | | Oriane Mélomaniaque

Nombre de messages : 1829 Age : 29 Localisation : Orléans-Paris Date d'inscription : 21/07/2013
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 22:39 | |
|  Je n'ai jamais lu Sollers, mais tout ça m'est très familier ! De mon côté, entre autres belles lectures, des nouvelles de Füruzan, de Maupassant et de Karen Blixen. |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 30 Sep 2020 - 23:15 | |
| - Benedictus a écrit:
- Pastiches maison (mais je ne force pas spécialement le trait.)
ça donne envie mais pour le moment hors lecture professionnelle, j'ai des choses plus intéressante en cours j'ai commencé The French Lieutenant's Woman. |
|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 10:45 | |
| @Benedictus : bravo pour ce "portrait du joueur". Vraiment confondant. Dans sa production "expérimentale", je retiendrais tout de même Drame qui n'est pas exempt de lyrisme et de fulgurances poétiques. Plus anecdotique, mais néanmoins significative cette confrontation (exécution?) entre Onfray et Sollers dans l'émission ce soir ou jamais de Taddei https://www.dailymotion.com/video/x3ghkt |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 10:59 | |
| C'est violent effectivement ça serait tout de même plus efficace si Onfray lui même avait jamais eut quelque chose d'intéressant et substantiel a dire. (Sollers est rigolo au moins même si c'est à ses dépends) |
|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 11:02 | |
| Au royaume des aveugles... |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 11:03 | |
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|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 12:24 | |
| C'est à dire que comparé à l'insignifiance philosophique de Sollers, Onfray fait figure de maître alors qu'il n'est qu'un demi-habile. |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 13:11 | |
| Oui bien sur, pardon je suis un peu tendu en ce moment sur le coup je me suis demandé si ça ne me visait pas, désolé ^^ |
|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 13:26 | |
| Pas de problème. |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 90549 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 14:51 | |
| - arnaud bellemontagne a écrit:
- C'est à dire que comparé à l'insignifiance philosophique de Sollers, Onfray fait figure de maître alors qu'il n'est qu'un demi-habile.
(Et c'est hélas plutôt l'autre moitié de lui qu'il exhibe ces dernières années.  ) |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 1 Oct 2020 - 18:09 | |
| - arnaud bellemontagne a écrit:
- @Benedictus : bravo pour ce "portrait du joueur". Vraiment confondant.
Dans sa production "expérimentale", je retiendrais tout de même Drame qui n'est pas exempt de lyrisme et de fulgurances poétiques.
Plus anecdotique, mais néanmoins significative cette confrontation (exécution?) entre Onfray et Sollers dans l'émission ce soir ou jamais de Taddei
https://www.dailymotion.com/video/x3ghkt Je vais aussi essayer Drame aussi, du coup - dans combien de temps, ça, je l'ignore... |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 2 Oct 2020 - 17:42 | |
| - Benedictus a écrit:
- Chez Barthes, je ne pense pas qu'il y ait eu de la bassesse dans son enthousiasme pour Sollers - peut-être une forme d'aveuglement, en revanche. J'ai l'impression que dans Sollers écrivain, Barthes parle en fait davantage de ses propres rêveries théoriques ou de ses utopies sur la posture de l'écrivain, la pratique d'écriture, le rapport au langage, le Texte (dont il voit dans le Sollers des années 60-70 une possible incarnation) qu'il ne se livre à une analyse serrée de sa production. Mais j'ai lu ça il y a très longtemps: tu me diras ce que tu en as pensé.
En fait Barthes parle tout de même beaucoup sur les œuvres de Sollers, de manière assez précise (il parle surtout de Drame et de H, un peu de Paradis, de Lois et de Nombres) en plus. Mais je suis plutôt d'accord avec toi, j'ai l'impression que Barthes essaie de trouver une incarnation à ses ultimes rêveries (d'ailleurs, j'ai eu l'impression de répétition entre différents articles) dans un aveuglement qui me semble plutôt visible (notamment dans l'article Le refus d'hériter dans lequel il écrit notamment "C'est dans ce lointain de la révolution (lointain absolument inédit, "inscrit") que Philippe Sollers a établi son travail et développe son oeuvre" et encore mieux en guise de conclusion de l'article "Ce sont Sollers marque à la fois la suite et le commencement, c'est cette sortie hors du jeu narcissique de l'Occident, l'avènement d'une différence absolue - que la politique se chargera bien de représenter à l'écrivain occidental, s'il ne prend les devants". Globalement, j'ai bien aimé ce livre (il y a notamment de très beaux passages à propos de H). Ça aurait été drôle de voir si Barthes aurait continué à le soutenir une fois sa période expérimentale passée. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 2 Oct 2020 - 23:12 | |
| Donc, pour ma part, j'ai presque lu La Septième Fonction du langage de Laurent Binet.
«Presque», parce que si, au début, c'est effectivement une pochade assez divertissante, ça peine malheureusement à maintenir le même genre de verve sur la longueur, et, loin de masquer cet enlisement, le dérapage en nawak ne fait que l'accentuer: du coup, à partir du colloque à Cornell, j'ai commencé à ne plus lire qu'en diagonale; j'ai perdu tout intérêt pour le truc entre la mort de Derrida et l'émasculation de Sollers (même sa logorrhée face à Eco ne m'a pas tellement fait rire); et j'ai laissé tomber quand le personnage principal se fait couper la main à Venise. (J'ai juste vaguement feuilleté quelques pages dans la suite et vu qu'il était question du débat Giscard / Mitterrand de 81: j'imagine qu'en fait, c'est Mitterrand qui a récupéré la formule originale lors du fameux déjeuner, non?)
Et puis, il y a quand même pas mal d'anachronismes assez évidents quand on a vécu à cette époque-là: curieux que ça n'ait pas sauté aux yeux de Binet (qui est pourtant de la même génération que moi.) Par exemple, parler de style vestimentaire «gothique» en 1980, ça ne colle pas (je me souviens par exemple qu'à l'époque, on ne l'employait pas même pour parler de The Cure - le terme est apparu en français a posteriori, à l'époque où j'étais déjà lycéen.) Ou encore, quand il est fait mention de crack: c'est une substance qui n'arrive sur le marché que quelques années plus tard, là aussi - et pas du tout dans les milieux dont il est question dans le roman.
Mais bon, il y a quand même des trucs que j'ai trouvé amusants - surtout les running gags alimentaires, comme les bloody mary de Poniatowski ou les biscuits industriels (marques d'époque, pour le coup!) de Moati, ou encore les apparitions récurrentes des frères Bogdanoff, jamais nommés (d'ailleurs, il est exact qu'ils avaient été les élèves de Barthes - qui, si mes souvenirs sont bons, avait même dû préfacer leur thèse sur la science-fiction.)
À noter un truc qui m'a surpris: chez Grasset, il n'y avait personne pour signaler à Binet que, quand la particule nobiliaire est élidée, l'usage veut qu'on la conserve quand on appelle celui qui la porte par son seul nom de famille? («Comme Ornano est en train de fumer...» au lieu de «Comme d'Ornano est en train de fumer...», ça fait très Verdurin, quand même - je pense que Barthes aurait tiqué sur ce détail.)
Dernière édition par Benedictus le Ven 2 Oct 2020 - 23:52, édité 1 fois |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 2 Oct 2020 - 23:49 | |
| - Oriane a écrit:
Je n'ai jamais lu Sollers, mais tout ça m'est très familier ! Très vraisemblable, en effet: je me souviens que, chez les jeunes lettreux des années 90 (typiquement: ceux qui sortaient de Normale à l'époque où j'étais en prépa), il y avait un tropisme assez marqué pour le mimétisme sollersien - il ne serait donc pas étonnant du tout que tu en aies perçu des reliquats chez tes profs. |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Sam 3 Oct 2020 - 11:06 | |
| - Benedictus a écrit:
- j'imagine qu'en fait, c'est Mitterrand qui a récupéré la formule originale lors du fameux déjeuner, non?)
Pas exactement. Mais sinon, pour l'aspect anachronique, ça ne m'avait pas tant choqué (logique), même si j'avais relevé quelques trucs dont l'évocation du crack — mais ce ne sont pas des trucs très gênants, pour moi ; par contre, oui, le roman perd de la vitesse au fil de la lecture, ça, c'est clair. |
|  | | Horatio Mélomane chevronné

Nombre de messages : 4088 Age : 26 Localisation : Très loin de la plage ! Date d'inscription : 04/07/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Dim 4 Oct 2020 - 18:33 | |
| Update sur L'Homme sans qualités. Je viens de terminer la troisième partie : elle est encore meilleure que les deux premières.
Après l'immense effort de mise en place des deux premières parties, Musil donne un peu d'espace aux personnages et aux idées, afin qu'ils oscillent autour de leurs caractéristiques fondamentales. L'effet est le même que la lecture consécutive du Père Goriot puis des Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac : une soudaine impression de vie qui s'empare des protagonistes. Chez Musil, l'introduction de la sœur du personnage principal, est particulièrement bien réussi : la relation qu'elle noue avec son frère est d'une nature tout-à-fait nouvelle dans l'économie du roman, et offre à l'auteur l'occasion de belles réflexions sur les rapports au monde du privé. Les deux premières parties aboutissaient en gros à un constat d'échec : elles présentaient un cheminement intellectuel qui n'avançait que pour revenir à son point de départ ; l'immobilité inhérente à toute entreprise intellectuelle qui se propose de réconcilier sentiment, raison et morale. Cette troisième partie ne modifie pas ce constat, mais présente plusieurs échappatoires -- parfois étonnantes (le soudain intérêt pour les questions sexuelles du personnage auparavant le plus idéaliste), parfois réellement touchantes (les rapports entre le frère et la sœur). Comme si, après un immense prélude, commençait le contrepoint. Vu la diversité des thèmes et les enjeux de leur synthèse commune, pas étonnant que Musil n'ait pas pu finir son ouvrage. Précisons aussi qu'il ne s'agit pas d'un essai : même si l'enjeu est intellectuel, l'écriture mêle philosophie, art du dialogue, ironie, mise en scène, quelques moments de poésie. Musil mêle si bien ces aspects que la lecture, bien qu'exigeante, touche toujours juste. |
|  | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3671 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Dim 4 Oct 2020 - 19:44 | |
| Je relisais Le Journal d'une femme de chambre la semaine dernière (l'adaptation de Renoir sort en DVD début décembre) Je me demande ce que j'y ai compris quand j'ai lu ça au collège ou au lycée, tellement la teneur sexuel imprègne tout le texte. Je n'ai pas beaucoup aimé, par ailleurs, la complaisance dans le sordide (tout ce qui tourne autour du viol de l'enfant, il faut un estomac bien accroché quand même), le défaut de construction, l'attaque facile et systématique de classe ... Lu Leviathan de Green avant ça, où certaines pages avaient d'ailleurs la même violence. Mais cette fois, j'ai trouvé le roman beau. Et après, les mièvreries années 20 de cet Henri Ardel, que ma grand-mère aimait tant. C'est le contraste, cette fois, qui a été violent  |
|  | | Oriane Mélomaniaque

Nombre de messages : 1829 Age : 29 Localisation : Orléans-Paris Date d'inscription : 21/07/2013
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 5 Oct 2020 - 10:53 | |
| - Benedictus a écrit:
- Oriane a écrit:
Je n'ai jamais lu Sollers, mais tout ça m'est très familier ! Très vraisemblable, en effet: je me souviens que, chez les jeunes lettreux des années 90 (typiquement: ceux qui sortaient de Normale à l'époque où j'étais en prépa), il y avait un tropisme assez marqué pour le mimétisme sollersien - il ne serait donc pas étonnant du tout que tu en aies perçu des reliquats chez tes profs. Exactement.  J'en ignorais la source ... |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 5 Oct 2020 - 17:19 | |
| Vivant Denon : Point de lendemain 1777 // 1812  + |
|  | | Ravélavélo Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6157 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 7 Oct 2020 - 18:18 | |
| J'ai relu Oui de l'écrivain autrichien Thomas Bernhard, un roman plutôt court et difficile à aborder avec une première phrase longue et interminable.. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Mer 7 Oct 2020 - 18:53 | |
| Peut-être le roman de Thomas Bernhard que j'aime le moins. (Alors que je suis très fan de Bernhard romancier, en général.) |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 8 Oct 2020 - 18:40 | |
| Pierre-Jean Jouve : Les noces 1925-31 Pierre-Jean Jouve : Sueur de sang 1933-35  + Je découvre la poésie de Jouve, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si empreint (de manière très explicite) de christianisme (surtout dans Les noces où il y a carrément une partie qui s'appelle Symphonie pour Dieu ou quelque chose comme ça --- c'est d'ailleurs une partie qui m'a assez ennuyé. Sueur de sang est plus étonnant, influencé par la psychanalyse dans sa composante inconsciente très directement, ça me fait penser à certains recueils précoces de Perse, mais ça ne me séduit jamais complètement. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 8 Oct 2020 - 18:55 | |
| - Emeryck a écrit:
- Je découvre la poésie de Jouve, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si empreint (de manière très explicite) de christianisme (surtout dans Les noces où il y a carrément une partie qui s'appelle Symphonie pour Dieu ou quelque chose comme ça --- c'est d'ailleurs une partie qui m'a assez ennuyé.
Ah bon? Je ne sais plus si on en avait parlé - mais si on en a parlé, ça m'étonne que je ne t'aie pas prévenu du christianisme explicite de Jouve. (C'est La Symphonie à Dieu.) - Emeryck a écrit:
- Sueur de sang est plus étonnant, influencé par la psychanalyse dans sa composante inconsciente très directement, ça me fait penser à certains recueils précoces de Perse, mais ça ne me séduit jamais complètement.
Ah, moi, j'aime énormément Sueur de sang. (Et le référent chrétien y est à peine moins explicite.) |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 8 Oct 2020 - 19:37 | |
| - Benedictus a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Je découvre la poésie de Jouve, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si empreint (de manière très explicite) de christianisme (surtout dans Les noces où il y a carrément une partie qui s'appelle Symphonie pour Dieu ou quelque chose comme ça --- c'est d'ailleurs une partie qui m'a assez ennuyé.
Ah bon? Je ne sais plus si on en avait parlé - mais si on en a parlé, ça m'étonne que je ne t'aie pas prévenu du christianisme explicite de Jouve. (C'est La Symphonie à Dieu.)
- Emeryck a écrit:
- Sueur de sang est plus étonnant, influencé par la psychanalyse dans sa composante inconsciente très directement, ça me fait penser à certains recueils précoces de Perse, mais ça ne me séduit jamais complètement.
Ah, moi, j'aime énormément Sueur de sang. (Et le référent chrétien y est à peine moins explicite.) Je crois que l'on n'avait jamais parlé de Jouve. Cela dit, il y a quelques passages que j'aime beaucoup et je n'ai pas détesté comme ç'a pu être le cas pour les Cinq grandes odes de Claudel. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 8 Oct 2020 - 20:40 | |
| - Emeryck a écrit:
- Je crois que l'on n'avait jamais parlé de Jouve.
Effectivement, je ne me souviens pas que nous en ayons parlé - mais rétrospectivement, c'est curieux, parce que, outre que c'est vraiment un de mes poètes préférés, il est quand même au centre de tout une constellation de gens que nous aimons bien (Klossowski, Ungaretti, Bonnefoy, Starobinsky, Stétié...) Et il a écrit sur Berg, et ses positions politiques ont été impeccables dès le début des années 30... - Emeryck a écrit:
- je n'ai pas détesté comme ç'a pu être le cas pour les Cinq grandes odes de Claudel.
C'était peut-être bien moi qui te les avais recommandées... En tout cas, j'adore. |
|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Dim 11 Oct 2020 - 22:40 | |
| Thomas de Quincey : Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 9:21 | |
| Je n'ai jamais lu De Quincey, c'est bien? |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 9:56 | |
|  Sérieux? Toi, tu n'as même pas lu les Confessions d'un mangeur d'opium anglais ni De l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts? Oui, c'est très, très bien, très marquant dans l'histoire de la littérature et même, au-delà, dans l'histoire des idées et de la sensibilité - et en plus, ça me semble être assez calibré pour te plaire (d'où ma stupeur): c'est très anglais, très XIXᵉ (un des grands stylistes romantiques), avec un mélange très personnel d'érudition et d'humour (typiquement anglais, pour le coup: humour noir, loufoquerie distancée et persiflage burlesque), et un goût prononcé pour les formes littéraires hybrides, entre l'essai savant, la fiction et l'autobiographie. Je pense que c'est un des écrivains du XIXᵉ dont la postérité aura été la plus importante - sur tous les poètes maudits, symbolistes et décadents (notamment français: une fois qu'on a lu les Confessions et De l'assassinat, Lautréamont paraît soudain beaucoup moins original...), mais aussi sur tous les moralistes-ironistes britanniques ultérieurs (Waugh, Chesterton...), et aussi, au-delà, sur tout ce courant moderne de la littérature qui joue sur les frontières poreuses entre érudition et fiction (Borges, Sebald, Calasso...)
Dernière édition par Benedictus le Lun 12 Oct 2020 - 10:16, édité 2 fois |
|  | | arnaud bellemontagne Gourou-leader

Nombre de messages : 21010 Date d'inscription : 22/01/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 10:14 | |
| Je ne connais que ce petit livre sur Kant qui décrit dans un style très élégant (mais néanmoins sans fard) la déchéance physique et intellectuelle d'un des plus grands penseurs de l'occident. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 10:40 | |
| ... Et qui est justement assez typique de De Quincey: un travail d'érudition présenté comme tel (la présentation liminaire de Kant, la note savante sur les sources...) mais où la touche de l'auteur est sans cesse perceptible; une touche d'auteur qui consiste justement à raconter des horreurs avec détachement et raffinement; et un fond assez ravageur (et assez epochal): présenter la déchéance physique et intellectuelle de Kant avec cette élégante froideur, c'est implicitement, dénoncer la vanité de l'idéalisme kantien (presque au sens pictural de vanité: rendre dérisoire par la confrontation avec la mort) - et, mine de rien, on est au cœur de l'inversion de valeurs qu'un certain romantisme «noir» (et résolument antimoderne) effectue par rapport aux Lumières.
Dernière édition par Benedictus le Lun 12 Oct 2020 - 10:44, édité 1 fois |
|  | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 3671 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 10:43 | |
| Relu hier Appelle-moi par ton nom/Plus tard ou jamais/Call Me by Your Name (les titres ont changé depuis 10 ans) d'Aciman. Rien à faire, je suis toujours intensément mélancolique après. |
|  | | Parsifal Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6569 Age : 29 Date d'inscription : 06/01/2011
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 11:00 | |
| - Benedictus a écrit:
Sérieux? Toi, tu n'as même pas lu les Confessions d'un mangeur d'opium anglais ni De l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts?
Oui, c'est très, très bien, très marquant dans l'histoire de la littérature et même, au-delà, dans l'histoire des idées et de la sensibilité - et en plus, ça me semble être assez calibré pour te plaire (d'où ma stupeur): c'est très anglais, très XIXᵉ (un des grands stylistes romantiques), avec un mélange très personnel d'érudition et d'humour (typiquement anglais, pour le coup: humour noir, loufoquerie distancée et persiflage burlesque), et un goût prononcé pour les formes littéraires hybrides, entre l'essai savant, la fiction et l'autobiographie.
Je pense que c'est un des écrivains du XIXᵉ dont la postérité aura été la plus importante - sur tous les poètes maudits, symbolistes et décadents (notamment français: une fois qu'on a lu les Confessions et De l'assassinat, Lautréamont paraît soudain beaucoup moins original...), mais aussi sur tous les moralistes-ironistes britanniques ultérieurs (Waugh, Chesterton...), et aussi, au-delà, sur tout ce courant moderne de la littérature qui joue sur les frontières poreuses entre érudition et fiction (Borges, Sebald, Calasso...) Bon bon je rend les armes, ça seras ma prochaine lecture, tout ça donne très envie! |
|  | | David Rolland Mélomane averti

Nombre de messages : 158 Date d'inscription : 24/03/2018
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 12 Oct 2020 - 23:39 | |
| - arnaud bellemontagne a écrit:
- Thomas de Quincey : Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant
 Ben voilà, merci pour ce partage et vos contributions et participations qui ont suivi aujourd’hui. Je vais inscrire ce livre sur une prochaine liste de lecture parce que Emmanuel Kant, dont je possède et lis et admire plusieurs livres, est un penseur très profond. En dernier j’ai parcouru ses Prolégomènes à toute métaphysique future et j’ai lâché au bout de quarante pages. J’ai dû m’ébouillanter à son feu, qui tourne sans toujours assez de “sobriété” autour de la métaphysique future, qui m’intéresse encore. L’approche et l’abordage de ses idées est long et patient, il faudrait consacrer beaucoup plus de temps à Kant pour le suivre, même si ouvrir quelques pages de la Critique de la raison pure et les approfondir vous intègre dans le cerveau de Kant, dans sa pensée et dans ce livre, qui est une grande partie du cerveau de Kant, d’ailleurs connaissez-vous le cerveau d’Einstein qu’on a extrait sept heures et demi après sa mort ? Sa photo  Je ne connais pas trop bien Einstein. Emmanuel Kant a passé des années à transvaser son cerveau dans ses critiques, dans ses livres. C’est une autre approche et comme je disais plus haut, méditer une heure ou deux dans la lecture de la critique de la “Crapure” comme l’appelait un de mes professeurs de philosophie, je trouve que c’est une expérience très bonne et difficile mais qui transporte dans la métaphysique rationnellement, et j’aime lire ces livres et les approcher. |
|  | | Emeryck Mélomane chevronné

Nombre de messages : 10516 Age : 22 Localisation : Paris/Reims. Date d'inscription : 27/07/2012
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 12:54 | |
| André Breton : Nadja 1928   + Je n'aime habituellement pas beaucoup Breton : le recueil de poésies contenant Clair de terre m'avait paru assez vain et j'avais trouvé L'amour fou assez inégal mais là, je suis assez séduit : le procédé est original (substituer des photos à la description usuelle) et (toujours dans cette logique de saisie de l'instant), le livre témoigne bien d'un certain mode de vie des surréalistes à Paris à la fin des années vingt : Breton raconte qu'il va dans un cinéma au hasard pour regarder des sérials parfois nuls (mais qu'il s'en fiche car il les aime bien) et puis erre un peu partout dans Paris. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 13:03 | |
| Pareil que toi: d'une manière générale, je n'aime pas Breton (l'homme et l'œuvre), mais j'aime beaucoup Nadja.
|
|  | | Oriane Mélomaniaque

Nombre de messages : 1829 Age : 29 Localisation : Orléans-Paris Date d'inscription : 21/07/2013
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 13:12 | |
| - Benedictus a écrit:
- Pareil que toi: d'une manière générale, je n'aime pas Breton (l'homme et l'œuvre), mais j'aime beaucoup Nadja.
Absolument pareil ! Je recommande chaudement Dubravka Ugrešić, Le musée des redditions sans condition. C'est génial ! |
|  | | Ravélavélo Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6157 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 13:16 | |
| - Benedictus a écrit:
- Peut-être le roman de Thomas Bernhard que j'aime le moins. (Alors que je suis très fan de Bernhard romancier, en général.)
Un roman assez court, si on compare aux autres romans de Bernhard. Si on franchit le cap de l'interminable première phrase, on va vers un éclaircissement graduel jusqu'à la toute fin. Et comme dans les autres romans de Bernhard, il y est question de musique: de Robert Schumann en tant que philosophe et de Schopenhauer en tant que musicien. J'aime beaucoup imaginer le pré humide et la sombre forêt de mélèzes où il va marcher avec la Persane. |
|  | | Benedictus Mélomane chevronné

Nombre de messages : 11942 Age : 46 Localisation : De retour dans le neuf-quatre... Date d'inscription : 02/03/2014
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 14:14 | |
| Certes, mais je trouve que, par rapport aux autres romans de Bernhard, Oui reste un peu au milieu du gué: cette longue première phrase n'embraye finalement pas sur le jeu de massacre verbal qu'elle semblait promettre (ce qu'on trouve dans Maîtres anciens ou les génial Des arbres à abattre), ça débouche sur quelque chose de plus narratif mais qui me semble quand même un peu décevant en termes d'épaisseur romanesque (à la différence de Gel, Perturbation, La Plâtrière, Béton ou Extinction, où c'est vraiment tout un monde qui se déploie) ou de caractérisation (le narrateur, Moritz, la Persane n'atteignent jamais la dimension mythique que Bernhard réussit à donner au Neveu de Wittgenstein ou au Glenn Gould fantasmé du Naufragé.)
Bien sûr, comme tu le dis, quand on aime Bernhard, on y trouve de quoi se faire plaisir, mais je trouve que ça fonctionne moins bien. (En fait, je crois qu'en matière de construction romanesque, ces grandes logorrhées irascibles typiques de Bernhard s'articulent mieux au récit quand elles constituent une espèce de grand final crescendo qui prend tout ce qui a précédé en écharpe - typiquement: le monologue du châtelain dans Perturbation - que comme un «premier mouvement», après lequel la suite paraît plus faible.)
Dernière édition par Benedictus le Ven 16 Oct 2020 - 15:49, édité 2 fois |
|  | | Ravélavélo Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6157 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 16 Oct 2020 - 15:45 | |
| - Benedictus a écrit:
- Certes, mais je trouve que, par rapport aux autres romans de Bernhard, Oui reste un peu au milieu du gué: cette longue première phrase n'embraye finalement pas sur le jeu de massacre verbal qu'elle semblait promettre (ce qu'on trouve dans Maîtres anciens ou les génial Des arbres à abattre), ça débouche sur quelque chose de plus narratif mais qui me semble quand même un peu décevant en termes d'épaisseur romanesque (de Gel, Perturbation, La Plâtrière, Béton ou Extinction, où c'est vraiment tout un monde qui se déploie) ou de caractérisation (le narrateur, Moritz, la Persane n'atteignent jamais la dimension mythique que Bernhard réussit à donner au Neveu de Wittgenstein ou au Glenn Gould fantasmé du Naufragé.)
Bien sûr, comme tu le dis, quand on aime Bernhard, on y trouve de quoi se faire plaisir, mais je trouve que ça fonctionne moins bien. (En fait, je crois qu'en matière de construction romanesque, ces grandes logorrhées irascibles typiques de Bernhard s'articulent mieux au récit quand ils constituent une espèce de grand final crescendo qui prend tout ce qui a précédé en écharpe - typiquement: le monologue du châtelain dans Perturbation - que comme un «premier mouvement», après lequel la suite paraît plus faible.) Merci mille fois Benedictus pour ce brillant exposé,  La thématique de Oui (du moins la chute) rejoint celle de Béton. Je compte relire Des arbre à abattre prochainement. Et aussi Correction qui brille par son originalité d'écriture. |
|  | | Cololi chaste Col

Nombre de messages : 31631 Age : 40 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
 | Sujet: Re: Lectures (6) Dim 18 Oct 2020 - 19:38 | |
| _________________ Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination - Proust (Albertine disparue)
|
|  | | Ravélavélo Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6157 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
 | Sujet: Re: Lectures (6) Ven 23 Oct 2020 - 17:37 | |
| Milan Kundera* Le livre du rire et de l'oubli (Folio, 1979)  |
|  | | luisa miller Mélomane chevronné

Nombre de messages : 4534 Age : 920 Date d'inscription : 27/11/2008
 | Sujet: Re: Lectures (6) Jeu 5 Nov 2020 - 20:19 | |
| Pour les gros lecteurs, je signale ce site qui permet aux libraires indépendants de livrer vos commandes et / ou de faire di click and collect
https://www.librairiesindependantes.com/
Il permet de passer au dessus de la tête d'amazon et de faire travailler les "petits" libraires de quartier |
|  | | Ravélavélo Mélomane chevronné

Nombre de messages : 6157 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
 | Sujet: Re: Lectures (6) Lun 9 Nov 2020 - 16:21 | |
| Marie-Claire Blais* Le sourd dans la ville  Ce roman de Marie-Claire Blais inaugure son nouveau style d'écriture: une seule et longue phrase, c'est très dense et touffu. |
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 | Sujet: Re: Lectures (6)  | |
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|  | | | Lectures (6) | |
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