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A Quiet Place



Fous d'Irène

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Je revois les premiers Almodovar, et c'est vraiment ce que je préfère chez lui : Matador, Femmes au bord de la crise de nerfs, La Loi du désir, Attache-moi, il y a beaucoup d'énergie, des scénarios un peu foutraques, beaucoup de références cinématographiques, de citations diverses (Duel au soleil, La Nuit des morts vivants, Johnny Guitar, Body snatchers, et des séries B genre Fulci ou Freda), des rengaines nostalgiques ou rythmées irrésistibles (j'adore la fin de Attache-moi, avec le trio dans la voiture qui chante Resistire).

Les couleurs claquent, le filmage est toujours inventif, il n'a peur de rien (voir les débuts de Matamor et de La Loi du désir, d'une audace assez stupéfiante) et il y va à fond ; après ce sera plus lissé, plus contrôlé, histoire de faire grand cinéma et d'avoir enfin (et en vain pour le moment) la palme à Cannes. Les acteurs sont les mêmes d'un film à l'autre (Carmen Maura, Antonio Banderas (l'objet du désir, ça crève les yeux), Eusebio Poncela, Rossy de Palma, Bibi Andersen, Loles Leon...) et c'est très très sexe (Banderas n'a jamais aussi bien mérité son nom). Bref, je recommande tous ces premiers films, disons jusqu'à Kika ; après, ça rigole beaucoup moins...

Citation :

il y a beaucoup d'énergie, des scénarios un peu foutraques, beaucoup de références cinématographiques, de citations diverses

Cette description pourrait, presque, s'adapter à Tarantino (j'aime beaucoup les deux), alors que leurs productions n'ont pas grand choses à voir.

Désolé, je retourne en Jazz .

Thelonious a écrit:

Citation :

il y a beaucoup d'énergie, des scénarios un peu foutraques, beaucoup de références cinématographiques, de citations diverses

Cette description pourrait, presque, s'adapter à Tarantino (j'aime beaucoup les deux), alors que leurs productions n'ont pas grand choses à voir.

Désolé, je retourne en Jazz .

Tu as raison, mais chez l'Espagnol, ça me ravit et chez l'Américain, ça m'assomme, question de goûts et de couleurs...

Stefano P a écrit:

Thelonious a écrit:

Citation :

il y a beaucoup d'énergie, des scénarios un peu foutraques, beaucoup de références cinématographiques, de citations diverses

Cette description pourrait, presque, s'adapter à Tarantino (j'aime beaucoup les deux), alors que leurs productions n'ont pas grand choses à voir.

Désolé, je retourne en Jazz .

Tu as raison, mais chez l'Espagnol, ça me ravit et chez l'Américain, ça m'assomme, question de goûts et de couleurs...

Almodovar a tout de même plus de profondeur.
Tarantino, c'est avant tout l'esthétisation jubilatoire de la violence (la vengeance en leitmotiv) et un sens du rythme incomparable.

C'est amusant: dans mon esprit, Almodovar et Tarantino ont toujours été assez étroitement connectés - c'est d'ailleurs un peu à cause d'eux que j'ai décroché de la cinéphilie compulsive (vers l'extrême fin des années 90, quand tous mes potes cinéphiles n'arrêtaient pas d'en parler de façon extrêmement laudative et que je n'osais pas dire que leurs films m'enquiquinaient grave.)

Les Sorcières de Zugarramurdi

Réalité
Quentin Dupieux

Les films de Raoul Ruiz repassent en ce moment à Paris

xoph a écrit:

Réalité
Quentin Dupieux

Matteo Garrone, deux ans avant :

Où l'on voit bien que Quentin Dupieux, à l'instar de Pierre Ménard, est le champion des abymes, et que son film avait déjà été tourné, comme il en est de même sous un autre jour, pour son héros Jason.
Mais je préfère relire les Ruines Circulaires du génial Borges.

Invasion Los Angeles

Xavier, on dirait des messages codés tes posts

Ran





Non non, ce sont juste des titres de films.

docteur mabuse a écrit:

Xavier, on dirait des messages codés tes posts

Oui, avec les titres et les émoticones, c'est très excitant ; on a l'impression d'être des résistants qui reçoivent (souvent dans la nuit) des infos lapidaires mais capitales, comme au temps de Radio Londres...

Joon-ho Bong : The host        2006

 +
Après le thriller, le réalisateur change d'horizon avec ce film de monstre ; il y a cependant bien des similitudes : l'aspect politico-social du récit, le cadrage - surtout sur les visages. Le propos prend ici un double sens métaphorique particulièrement virulent, à la fois politique et écologique : la créature, visiblement née par le rejet de formaldéhyde dans les canalisations par les américains, est une sorte de double des institutions (déshumanisantes) américaines et sud-coréennes - qui veulent d'ailleurs tuer la bête par un nouveau devers de produit chimique ; l'évolution de la vision des USA depuis Memories of murder où ils représentaient une sorte d'état technologiquement avancé est palpable. Le film oppose essentiellement une famille sud-coréenne éclatée en proie à la bête et la bête elle-même ; et c'est en cela que je trouve le film parfois un peu manichéen même si les personnages sont assez creusés et que Bong Joon-ho détend l'atmosphère avec quelques pointes d'humour. C'est un bon film, malgré tout, meilleur que Barking dogs never bite mais en-dessous de Memories of murder ou Parasite.

Jean-Pierre Mocky : À mort l'arbitre !        1984

 /  +
C'est le premier film de Mocky que je vois, c'est plutôt social, contestataire et légèrement machiste sur les bords ; c'est plutôt ressemblant au réalisateur. Le scénario est assez mince : des supporters mécontent de l'arbitrage décident de poursuivre l'arbitre ; ce n'est pas extrêmement intéressant (original, cela dit) mais il y a quelques bonnes choses : le jeu de Michel Serrault et surtout le fait que les personnages soient un peu ambivalents : il y a un transfert moral au cours du film entre l'arbitre et le groupe de supporters ; finalement, ceux qui n'évoluent pas, ce sont les policiers qui ne servent toujours à rien dans le film. La musique de Alain Chamfort est par contre assez pénible et moche.

Fanny et Alexandre, de Bergman, sort en salle pour la première fois dans la version intégrale (ça ne se trouvait jusque là qu'en DVD ou BR) ; c'est long (cinq heures et des poussières, en deux séances), mais c'est très très très beau...

Je voulais me faire la version intégrale … mais j'hésite (je l'ai … en BR)
Faut-il voir la version cinéma ou la version intégrale ? Car la version intégrale est pour la télé … est-ce la même esthétique, le même format d'image ? Est-ce que la version cinéma forcément beaucoup plus concentrée n'est pas plus forte du coup ?

Ouais, enfin quand tu vois que la nuit, Xavier rode sur ODB a faire des commentaires sur les contre-mi dans le Bel-Canto …. (ou alors c'est un clone ?).

Les Herbes folles
Resnais

... de la meilleure façon de s'envoyer en l'air.
même si ce "finir en beauté" laisse un goût étrange.

Countdown (1968) - Robert Altman



Film sur l'obsession de la conquête spatiale tant à l’échelle humaine qu'au niveau national.
Le duo Caan/Duvall fonctionne plutôt bien.

Camille Vidal-Naquet : Sauvage        2018

 +
Je l'avais raté à sa sortie en salle il y a un peu près un an, le film traite d'un sujet assez peu porté à l'écran : la prostitution masculine. L'ouverture du film est d'ailleurs intéressante tant elle rend compte de la représentation marginale du sujet : un homme et un autre en blouse blanche dans un cabinet de médecin ; il ne s'agit pas d'une consultation mais d'une relation tarifée. Une esthétique de la discontinuité, de la déchirure et du bris va être installée tout au long du film : les cuts sont très abrupts, les flash stroboscopiques de la boite de nuit, bris de bouteille sur le crâne, séquences sexuelles mais aussi les relations entre les différents personnages du film. Le film esquisse cependant une aspiration à la continuité (ça fait très Bataille, tout ça) : volonté de créer des relations, leitmotivs, drop de la musique électro en boite de nuit ; et une porte de sortie semble timidement s'esquisser : des voitures, des trains et des avions qui passent. La confrontation de la continuité et de la discontinuité me semble claire dans une scène vers la fin où le personnage principal est tenu par Claude : les mains de Claude sont l'une dans l'autre alors que celles du personnage principal sont disjointes. Le film cultive d'ailleurs une atmosphère un peu étrange, trouble et nocturne à travers la colorimétrie très froide mais surtout par la non-évocation du nom du personnage principal et de la ville qui porte d'ailleurs la problématique du film sur un plan plus général - le personnage principal répond d'ailleurs "appelle-moi comme tu veux" quand on lui demande son prénom. J'ai bien aimé ce film mais j'ai trouvé la fin un peu longue et peut-être un peu caricaturale dans ses soubresauts.

Cololi a écrit:

Je voulais me faire la version intégrale … mais j'hésite (je l'ai … en BR)
Faut-il voir la version cinéma ou la version intégrale ? Car la version intégrale est pour la télé … est-ce la même esthétique, le même format d'image ? Est-ce que la version cinéma forcément beaucoup plus concentrée n'est pas plus forte du coup ?

C'est exactement le même format d'image et la même esthétique que la version cinéma qui a simplement été coupée. On l'appelle "version télé", mais c'est simplement la version intégrale du film telle que Bergman l'a voulue. La version cinéma n'est qu'une version tronquée, à laquelle Bergman s'était résolu sous la pression des producteurs. C'est un peu comme le Ludwig de Visconti, qui avait été coupé d'une bonne heure lors de sa première sortie. La version de cinq heures est irremplaçable.

Emeryck a écrit:

Camille Vidal-Naquet : Sauvage        2018
 +
Je l'avais raté à sa sortie en salle il y a un peu près un an, le film traite d'un sujet assez peu porté à l'écran : la prostitution masculine. L'ouverture du film est d'ailleurs intéressante tant elle rend compte de la représentation marginale du sujet : un homme et un autre en blouse blanche dans un cabinet de médecin ; il ne s'agit pas d'une consultation mais d'une relation tarifée. Une esthétique de la discontinuité, de la déchirure et du bris va être installée tout au long du film : les cuts sont très abrupts, les flash stroboscopiques de la boite de nuit, bris de bouteille sur le crâne, séquences sexuelles mais aussi les relations entre les différents personnages du film. Le film esquisse cependant une aspiration à la continuité (ça fait très Bataille, tout ça) : volonté de créer des relations, leitmotivs, drop de la musique électro en boite de nuit ; et une porte de sortie semble timidement s'esquisser : des voitures, des trains et des avions qui passent. La confrontation de la continuité et de la discontinuité me semble claire dans une scène vers la fin où le personnage principal est tenu par Claude : les mains de Claude sont l'une dans l'autre alors que celles du personnage principal sont disjointes. Le film cultive d'ailleurs une atmosphère un peu étrange, trouble et nocturne à travers la colorimétrie très froide mais surtout par la non-évocation du nom du personnage principal et de la ville qui porte d'ailleurs la problématique du film sur un plan plus général - le personnage principal répond d'ailleurs "appelle-moi comme tu veux" quand on lui demande son prénom. J'ai bien aimé ce film mais j'ai trouvé la fin un peu longue et peut-être un peu caricaturale dans ses soubresauts.

C'est un film très douloureux, qui met physiquement mal à l'aise quand on pense à ce que l'acteur est obligé de faire. On est vraiment face à ce qui est plus qu'une performance artistique, et je me demande dans quel état l'acteur (Félix Maritaud, littéralement hallucinant de vérité ; la scène avec les deux mecs pervers qui le ramènent chez eux est vraiment à la limite du supportable) a pu sortir d'un tournage pareil... La fin est très belle, avec cette échappée vers la nature où on a l'impression de voir une évocation du Dormeur du val, où le personnage a enfin trouvé la paix : celle du sommeil, du repos ou de la mort...

Stefano P a écrit:

Cololi a écrit:

Je voulais me faire la version intégrale … mais j'hésite (je l'ai … en BR)
Faut-il voir la version cinéma ou la version intégrale ? Car la version intégrale est pour la télé … est-ce la même esthétique, le même format d'image ? Est-ce que la version cinéma forcément beaucoup plus concentrée n'est pas plus forte du coup ?

C'est exactement le même format d'image et la même esthétique que la version cinéma qui a simplement été coupée. On l'appelle "version télé", mais c'est simplement la version intégrale du film telle que Bergman l'a voulue. La version cinéma n'est qu'une version tronquée, à laquelle Bergman s'était résolu sous la pression des producteurs. C'est un peu comme le Ludwig de Visconti, qui avait été coupé d'une bonne heure lors de sa première sortie. La version de cinq heures est irremplaçable.

Ok, ok, donc plus d'hésitation possible

Cololi a écrit:

Stefano P a écrit:

Cololi a écrit:

Je voulais me faire la version intégrale … mais j'hésite (je l'ai … en BR)
Faut-il voir la version cinéma ou la version intégrale ? Car la version intégrale est pour la télé … est-ce la même esthétique, le même format d'image ? Est-ce que la version cinéma forcément beaucoup plus concentrée n'est pas plus forte du coup ?

C'est exactement le même format d'image et la même esthétique que la version cinéma qui a simplement été coupée. On l'appelle "version télé", mais c'est simplement la version intégrale du film telle que Bergman l'a voulue. La version cinéma n'est qu'une version tronquée, à laquelle Bergman s'était résolu sous la pression des producteurs. C'est un peu comme le Ludwig de Visconti, qui avait été coupé d'une bonne heure lors de sa première sortie. La version de cinq heures est irremplaçable.

Ok, ok, donc plus d'hésitation possible

Tu verras que pour l'image, c'est formidable, avec une restauration impeccable. Le seul truc qui fait penser à un feuilleton télé, c'est qu'à la fin de chaque partie (il y en a cinq en tout, avec un prologue et un épilogue), on voit un générique qui défile. A part ça, c'est un film de cinq heures d'une unité esthétique et dramatique parfaite. Tout le passage chez l'évêque prend une dimension extraordinaire ; il y a une tension psychologique terrible, qu'on ne sentait pas à ce point dans la version cinéma de trois heures. Le seul moment un peu long, c'est vers la fin quand les enfants se réfugient chez le personnage d'Isak, mais c'est un détail tant le film est splendide.

Stefano P a écrit:

Cololi a écrit:

Stefano P a écrit:

Cololi a écrit:

Je voulais me faire la version intégrale … mais j'hésite (je l'ai … en BR)
Faut-il voir la version cinéma ou la version intégrale ? Car la version intégrale est pour la télé … est-ce la même esthétique, le même format d'image ? Est-ce que la version cinéma forcément beaucoup plus concentrée n'est pas plus forte du coup ?

C'est exactement le même format d'image et la même esthétique que la version cinéma qui a simplement été coupée. On l'appelle "version télé", mais c'est simplement la version intégrale du film telle que Bergman l'a voulue. La version cinéma n'est qu'une version tronquée, à laquelle Bergman s'était résolu sous la pression des producteurs. C'est un peu comme le Ludwig de Visconti, qui avait été coupé d'une bonne heure lors de sa première sortie. La version de cinq heures est irremplaçable.

Ok, ok, donc plus d'hésitation possible

Tu verras que pour l'image, c'est formidable, avec une restauration impeccable.

J'espère qu'ils ont laissé un petit aspect crachotant pour plus d'authenticité ! 

Chang-dong Lee : Peppermint candy        1999

 +
Il s'agit du deuxième film du réalisateur (impossible de trouver le premier) et c'est déjà très maîtrisé, je crois l'avoir préféré à son dernier opus en date, Burning - la différence est assez mince, cela dit. Ici, le film est plus ludique notamment à travers la position du spectateur : le film s'ouvre sur le suicide d'un homme, fauché par un train et le film va procéder par flash-back mais ce n'est pas un flash-back qui cherche à comprendre comme dans Citizen Kane de Welles, par exemple ; c'est plutôt ici un flashback signifiant, aux allures de mosaïque aux parties bien délimitées dressant le portrait d'un homme plutôt violent, perdu et misanthrope. Il y a cependant de nombreux liens entre les différentes parties - qui s'étalent sur exactement vingt ans - : tout d'abord, le train à rebours (dont on ne se rend pas compte qu'il circule à rebours au début), mais aussi les fameux peppermint candies et l'appareil photo du personnage principal ; ces deux derniers objets ont été échangés au cours du film et le parcourent entièrement. L'appareil photo est également fort signifiant puisqu'il interroge la fonction du souvenir. D'autres choses se font écho, notamment le début et la fin mais en rupture : les tons sont radicalement différents ; la photographie est très belle.

https://www.labiennale.org/it/cinema/2019/fuori-concorso/irr%C3%A9versible-inversion-int%C3%A9grale

Dans tous les sens possibles et inimaginables de montage, ce sera toujours aussi nul, de toute façon. 

Emeryck a écrit:

Stefano P a écrit:

Tu verras que pour l'image, c'est formidable, avec une restauration impeccable.

J'espère qu'ils ont laissé un petit aspect crachotant pour plus d'authenticité ! 

Jean-Pierre Mocky : Y a-t-il un français dans la salle ?        1982

 + /
J'étais enthousiaste en voyant la distribution (Galabru, Bideau, Riva) mais j'ai vite été déçu. Je pourrais en plus lui faire les mêmes reproches que j'avais faites aux Valseuses de Bertrand Blier mais le problème supplémentaire est que le film n'est pas brillant par ailleurs : rythme poussif, à taper sur tout le monde, on ne sait plus vraiment où le film veut en venir ; en plus, le propos est vraiment caricatural et convenu ; et puis cette petite de dix-sept ans, que vient-elle faire ici ? Elle ne sert à rien à part incarner une personne un tant soit peu intègre et à accentuer l'aspect prétendument subversif du film.

Emeryck a écrit:

Jean-Pierre Mocky : Y a-t-il un français dans la salle ?        1982

 + /
J'étais enthousiaste en voyant la distribution (Galabru, Bideau, Riva) mais j'ai vite été déçu. Je pourrais en plus lui faire les mêmes reproches que j'avais faites aux Valseuses de Bertrand Blier mais le problème supplémentaire est que le film n'est pas brillant par ailleurs : rythme poussif, à taper sur tout le monde, on ne sait plus vraiment où le film veut en venir ; en plus, le propos est vraiment caricatural et convenu ; et puis cette petite de dix-sept ans, que vient-elle faire ici ? Elle ne sert à rien à part incarner une personne un tant soit peu intègre et à accentuer l'aspect prétendument subversif du film.

Vu hier aussi. J'ai passé un très bon moment . Le dernier plan... .

François Ozon : Jeune & jolie        2013

 +
C'est un film assez curieux et plutôt froid. Cela dit, derrière cette apparente froideur, Ozon traite le sujet initiatique (fin de l'adolescence) avec beaucoup d'humour assez ironique : le réalisateur renvoie brièvement au tapis la psychanalyse de bas étage et toute forme d'explication (besoins financiers, manques affectifs) ; et quelques personnages sont légèrement pris au ridicule : le premier coup d'Isabelle (sexuellement egocentré) mais également le beau-père à travers ses propos ou bien l'homme à tendance dominante qui se comporte de manière absolument risible. De plus, le jeu sur le double (énormément de miroirs durant les séquences de passes) permet une distanciation qui renforce le caractère humoristique mais qui, à la fois, est pertinent vis-à-vis du personnage duel de Isabelle/Léa (Isabelle sonne d'ailleurs assez faux). Le problème de ce film - enfin, ce n'est pas véritablement un problème mais c'est assez troublant et inconfortable - c'est qu'on a du mal à saisir où s'arrête l'ironie d'Ozon puisque cette présence explicite du double pourrait bien faire allusion à un recours facile pour expliquer des comportements a priori disjoints et/ou pour porter à l'écran la dualité du personnage - cf. Cet obscur objet du désir de Buñuel.

Gus van Sant : Good Will Hunting        1997

 /  +
J'avais peut-être trop d'attentes à propos de ce film dont on parle beaucoup et j'ai finalement été déçu. Le propos principal du film est quand même sacrément convenu : un génie incompris reclus derrière ses mécanismes de défense qui préfère garder une sorte de dignité en se consacrant à un métier manuel ; aussi superficiel que la critique (légitime, cela dit) des institutions américaines. La mise en scène n'est toutefois pas désagréable à suivre et certains moments sont même plutôt jolis et/ou drôles.

Julien Duvivier : La belle équipe        1936


C'est quand même un beau film, d'une évidente sincérité, avec des acteurs convaincants ! Au début du film, on pourrait penser à du Renoir, à cheval entre l'aspect champêtre d'Une partie de campagne et l'amitié fraternelle et solidaire de La grande illusion - pas encore réalisé à l'époque - ; c'est ici cependant beaucoup plus social : c'est une bande de travailleurs qui est au cœur du récit - et en cela, le film est assez ancré dans son époque ; les gros propriétaires sont d'ailleurs singés comme celui à la fin du film, sautant sur la moindre occasion de rachat. Le film s'éloigne progressivement du sillage de Renoir pour arpenter un versant beaucoup plus noir ; la fin, par son aspect plaqué et assez invraisemblable, sonne encore plus terriblement : Duvivier met aussi l'accent sur le hasard à travers la loterie et la situation finale. Le cloisonnement genré (notamment la scission entre "la bonne bande de copains" et "les femmes qui amènent des ennuis") est tout de même un peu caricatural. La fin avait d'ailleurs été d'ailleurs été changée par les producteurs (?) pour une fin plus heureuse.

Ce ne me parait pas aussi téléphoné que toi.
La fin tragique n'est-elle pas finalement plus logique ? Après tout … on sait ce qui viendra après le Front Populaire ...

Cololi a écrit:

Ce ne me parait pas aussi téléphoné que toi.
La fin tragique n'est-elle pas finalement plus logique ? Après tout … on sait ce qui viendra après le Front Populaire ...

Gabin qui dit à la fin "Quand c'est fini, c'est fini, c'était pourtant une belle idée..." Il me semble en effet que cette fin tragique a aussi une dimension métaphorique très forte...

Cololi a écrit:

Ce ne me parait pas aussi téléphoné que toi.
La fin tragique n'est-elle pas finalement plus logique ? Après tout … on sait ce qui viendra après le Front Populaire ...

Je n'ai pas dit que c'était téléphoné ! 
Je ne sais pas, en tout cas, ça sonne un peu abrupt pour moi mais j'ai beaucoup aimé, hein !

Emeryck a écrit:

Cololi a écrit:

Ce ne me parait pas aussi téléphoné que toi.
La fin tragique n'est-elle pas finalement plus logique ? Après tout … on sait ce qui viendra après le Front Populaire ...

Je n'ai pas dit que c'était téléphoné ! 

Tu dis qu'elle a un "aspect plaqué" (et "assez invraisemblable"), c'est quand même pas très loin de "téléphoné"...

Stefano P a écrit:

Emeryck a écrit:

Cololi a écrit:

Ce ne me parait pas aussi téléphoné que toi.
La fin tragique n'est-elle pas finalement plus logique ? Après tout … on sait ce qui viendra après le Front Populaire ...

Je n'ai pas dit que c'était téléphoné !   

Tu dis qu'elle a un "aspect plaqué" (et "assez invraisemblable"), c'est quand même pas très loin de "téléphoné"...

Pour moi, "plaqué" veut dire "forcé" alors que téléphoné veut dire "inutilement compliqué" donc c'est quand même bien différent. 

Ah? Pour moi, «téléphoné» veut plutôt dire «cousu de fil blanc» (le truc qu'on voit venir des kilomètres à l'avance.)

Benedictus a écrit:

Ah? Pour moi, «téléphoné» veut plutôt dire «cousu de fil blanc» (le truc qu'on voit venir des kilomètres à l'avance.)

Oui, pour moi aussi, une fin "plaquée" ou une fin "téléphonée", c'est à peu près pareil. Une fin inutilement compliquée, je dirais plutôt "tarabiscotée" ou "alambiquée"...

Benedictus a écrit:

Ah? Pour moi, «téléphoné» veut plutôt dire «cousu de fil blanc» (le truc qu'on voit venir des kilomètres à l'avance.)

Oui, ça semble logique, je voyais ça à travers l'aspect technique du téléphone.
Mais du coup, la fin est plus plaquée ou forcée que téléphonée. 
Enfin, bref, on s'est tous compris, c'est le principal.

Erwan le Duc : Perdrix       2019

/ +
C'est une petite comédie sans prétention qui ne paie pas de mine et pourtant, elle soulève bien des questions intéressantes. Il s'agit avant tout d'un film sur la liberté, qui nous la propose déclinée de plusieurs manières : lors de la reconstitution, un des participants citant La maman et la putain d'Eustache affirme : "Le faux, c'est l'au-delà" et ajoute "plus on est faux, plus on est libre". Inscrit dans le cadre de ce film, qui grossit volontairement les traits, parfois jusqu'à l'absurde, cette citation est lourde de sens et interroge la fonction émancipatrice du cinéma : faire du cinéma du réel, est-ce vraiment transcender le cinéma pour rejoindre la vie, triomphant de liberté ? Ne serait-on pas plus libre dans un jeu d'une facticité assumée ? C'est en tout cas la voie dans laquelle se place le film. Cette citation a d'ailleurs d'autres échos dans le cadre de la reconstitution de la seconde guerre mondiale (un peu maladroite dans les dialogues, parfois) notamment sur la question de la représentation et de la vraisemblance - qui prend là encore le parti de faire une reconstitution volontairement peu vraisemblable. Les personnages sont aussi distribués selon un degré de liberté variable : Juliette, personnage un peu étrange, assez paradoxal puisqu'on ne sait rien sur elle alors qu'elle tient des carnets sur elle-même depuis sa plus petite enfance ; elle prend une consistance un peu allégorique de liberté se faisant un peu l'initiatrice de Pierre - gendarme dans un petit village des Vosges, très attaché à sa famille, timide, vivant encore chez ses parents - dans son émancipation - et aussi du personnage de la mère. Le potentiel du gang de nudistes est peut-être sous-exploité, se contentant de les utiliser pour leur teneur absurde. Sinon, c'est assez drôle par moments, les acteurs sont plutôt convaincants - Ardant assez loin de son domaine de prédilection, très répétitive. Sinon, le film ironise beaucoup sur le genre de la comédie romantique notamment avec ce baiser final porté à l'écran rapidement en mode "ah oui, c'est vrai, on doit faire ça, normalement" ; c'est un bon premier film, en tout cas.

Phuttiphong Aroonpheng : Manta ray        2018

 +
Très imprégné du cinéma de Weerasethakul - le réalisateur revendique l'influence aux côtés de celles de Lynch et de Tarkovski -, le réalisateur nous propose un film d'une grande poésie, absolument mutique, au sens très évanescent (c'est d'ailleurs un de ses problèmes éventuels). On voit toutefois une trame se dessiner, un trio amoureux très spectral, plutôt confus, dont un personnage est muet ; le film essaie de rendre compte de la nature, essayant de lier la terre à l'eau. C'est un de ces films assez curieux, où il faut se laisser porter, un de ceux qui nous laissent une véritable marque même si l'on n'adhère pas au propos.

Raoul Ruiz : Trois vies et une seule mort        1996


Ce film est absolument génial, je ne connaissais pas du tout ce réalisateur, on dirait une sorte de mélange entre Rivette et Welles. Tout d'abord, le récit est absolument génial exploitant brillamment la multiplicité de Marcello Mastroianni (incroyable dans ces rôles) avec ces tiroirs dans tous les sens et également beaucoup d'humour. Au-delà de ça, j'ai trouvé qu'il y avait une interrogation intéressante sur notre rapport au réel notamment à travers l'emploi de Pierre Bellemare pour narrer cette histoire un peu étrange (écho direct aux émissions qu'il animait à l'époque) et aussi dans le final où le personnage joué par Chiara Mastroianni dit à Marcello Mastroianni : "je suis ta fille". La fin est absolument délirante, et la voix-off est tellement bien écrite - l'aspect conclusif de la phrase de fin. 

Kantemir Balagov : Une grande fille        2019


Il s'agit du second film de Balagov, c'est encore très maîtrisé, plus maîtrisé encore que Tesnota qui en est le digne prédécesseur. On retrouve un jeu sur les couleurs aussi marqué : là où Tesnota jouait sur le rouge et le bleu, ici, le vert a remplacé le bleu ; le sujet est encore très politique, l'intrigue se passe juste après la seconde guerre mondiale à Leningrad. Le sujet n'est pas très original : il s'agit de faire un portrait de la société soviétique après la guerre, de mettre l'accent sur les plaies à peine fermées - qui sont encore vives comme le montre l'excellente scène du dîner final. On essaie ici notamment de couvrir tant bien que mal le rouge par du vert : on repeint (partiellement) les pièces, on change de vêtements mais le rouge ressort - notamment chez Macha par les saignements de nez - le rouge prend alors un double sens évident ; le fait que le film se passe dans un hôpital dans la première partie est d'ailleurs éloquent. Balagov arrive à mettre en place une atmosphère très suffocante - et ce, dès le début par les sortes de paralysies de la jeune Iya, qui occupent l'image (immobile) et la bande-son ; on retrouve là encore un peu de Tesnota dans cet aspect suffocant notamment dans le huis-clos, même les extérieurs semblent lourds - tramways bondés la plupart du temps ; l'aspect pesant se ressent d'autant mieux que le rythme du film est lent - surtout dans sa première partie - et l'esthétique de Balagov est très belle, on pourrait même la trouver poseuse tant elle est appliquée et parfois démonstrative. On a quelques (durs) échos de la guerre notamment à travers des relations d'intérêt : la prostitution pour Macha ; intérêts encore actuels à travers la relation avec Sacha. De plus, l'aspect suffocant est secondé par des thématiques obsessionnelles, quasi pulsionnelles : la naissance, la subsistance et la mort. Ce réalisateur est très prometteur.

Alain Raoust : Rêves de jeunesse        2019


Je m'attendais à voir quelque chose d'assez proche des Météorites de Romain Laguna avec la solaire Zéa Duprez, rien de tout ça dans ce film que je n'ai pas du tout aimé. Ce film est d'une mièvrerie et d'un grotesque à faire fuir ! Les dialogues sont parfaitement inintéressants : des sortes de banalités aux accents caricaturalement utopistes qui sont juste placées là pour justifier le titre, jamais développées, il ne faudrait pas que ça devienne intéressant ! Les personnages n'ont aucun sens : ils n'arrêtent pas de se présenter comme inquiets pour la planète mais se déplacent en quad ou en mobylette pour faire quelques kilomètres. Sans parler de la catégorisation de la jeunesse : alors, il y a soit les cons, soit les roots ou soit des idiots abrutis par leur télévision ; la scène d'ouverture est d'ailleurs assez consternante : une soirée où tous les jeunes sont sur leur smartphone. C'est vraiment une grosse décéption pour moi qui m'attendais à quelque chose de plutôt rafraîchissant.

Howard Hawks : His girl friday        1940

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Quel dynamisme, les répliques fusent et s'entrechoquent à toute vitesse avec beaucoup d'humour par des blagues rapidement glissées. Plus ça avance et plus le film devient fougueux - il y a notamment plusieurs séquences au montage fulgurant (celle avant l'évasion avec les gros plans très brefs successifs) - et le récit lui-même semble être impacté par ce rythme fou : n'importe quel personnage peut se retrouver dans n'importe quelle situation d'un moment à l'autre. En plus, Hawks use d'un humour particulièrement acide vis-à-vis des journalistes, prêts à tout pour pondre un article dans le goût sensationnel ou des maires qui veulent fidéliser leur électorat ; il fait également voler le couple en éclat, d'abord à travers le trouple puis l'explose totalement. Les acteurs donnent tous des performances remarquables.

Costa-Gavras : Compartiment tueurs        1965

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C'est le premier long métrage de Costa-Gavras, c'est quand même assez différent des thrillers politiques qui viendront par la suite dont ce film ne me semble pas encore avoir la profondeur scénaristique ; cela dit, le récit bénéficie d'un rythme fort soutenu qui permet d'éviter les longueurs. La photographie noir et blanc est très belle et souvent audacieuse dans ses mouvements de caméra - bien plus vifs et démonstratifs que dans la suite de la filmographie du réalisateur, qui font d'ailleurs penser à The third man de Reed, par moments. La distribution est étonnante pour un premier film : Yves Montand, Michel Piccoli, Simone Signoret, Jacques Perrin et tant d'autres. J'ai bien aimé, c'est un bon thriller qui se laisse suivre avec plaisir.