Votre dernier film visionné

Brian de Palma : Greetings        1968

 /  +
Il s'agit du deuxième film du réalisateur, c'est encore assez différent du style que l'on lui connaît même si certains éléments apparaissent déjà notamment les inserts dans les images, le thème du voyeurisme ou la référenciation de son cinéma - référence explicite à Blow up, ici, terreau du voyeurisme. Dans ce film, le ton est cependant nettement plus comique et le film est beaucoup plus ancré en son temps : il témoigne de l'obsession pour l'engagement au Vietnam - et surtout pour y échapper - mais aussi la volonté d'éclaircir l'assassinat de Kennedy. Le film est cependant trop épars pour être véritablement passionnant, les trajectoires des personnages - aussi amusantes soient-elles - deviennent assez vite moins intéressantes.

Jacques Audiard : Un prophète        2009

 /  +
Ce film est sans aucun doute l'un des meilleurs films de Jacques Audiard, une histoire qui ne faiblit pas sur les deux heures et demie du film, une mise-en-scène assez sobre dont émane l'atmosphère très pesante et crasseuse des prisons ; il ne faut pas oublier le formidable duo aux antipodes l'un de l'autre qui porte le film : Niels Arestrup, en vieux de la vieille, mafieux corse à la réputation déjà établie et Tahar Rahim en jeune adulte, très touchant, néophyte de la prison centrale. Comme dans Regarde les hommes tomber, c'est un récit d'initiation qui va se mettre en place ici qui s'accompagne d'une déterritorialisation du processus de réinsertion : on parle souvent de la réinsertion dans la vie active (Sur mes lèvres, par exemple) mais ici, il va s'agir de se trouver une place au sein même de la prison, distribuée entre les corses et les musulmans ; Malik va pousser cette division jusqu'à ses retranchements et le film va suivre son ascension bien mouvementée. Il y a un petit détail qui m'a beaucoup plu dans le film : pour rendre compte du temps passé en prison, Audiard donne à Malik un billet en francs alors que le film se passe après 2002, j'ai trouvé ça intelligent, d'autant plus que c'est très discret.

Emeryck a écrit:

Jacques Audiard : Un prophète        2009
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Ce film est sans aucun doute l'un des meilleurs films de Jacques Audiard, une histoire qui ne faiblit pas sur les deux heures et demie du film, une mise-en-scène assez sobre dont émane l'atmosphère très pesante et crasseuse des prisons ; il ne faut pas oublier le formidable duo aux antipodes l'un de l'autre qui porte le film : Niels Arestrup, en vieux de la vieille, mafieux corse à la réputation déjà établie et Tahar Rahim en jeune adulte, très touchant, néophyte de la prison centrale. Comme dans Regarde les hommes tomber, c'est un récit d'initiation qui va se mettre en place ici qui s'accompagne d'une déterritorialisation du processus de réinsertion : on parle souvent de la réinsertion dans la vie active (Sur mes lèvres, par exemple) mais ici, il va s'agir de se trouver une place au sein même de la prison, distribuée entre les corses et les musulmans ; Malik va pousser cette division jusqu'à ses retranchements et le film va suivre son ascension bien mouvementée. Il y a un petit détail qui m'a beaucoup plu dans le film : pour rendre compte du temps passé en prison, Audiard donne à Malik un billet en francs alors que le film se passe après 2002, j'ai trouvé ça intelligent, d'autant plus que c'est très discret.

Oui très bon film, j'aurais d'ailleurs trouvé plus normal que celui-là ait la palme à Cannes, plutôt que Dheepan qui est très surestimé. Mon film préféré d'Audiard, ça reste Un héros très discret, j'aime beaucoup moins les trois derniers, très démonstratifs et tape-à-l’œil, comme s'il voulait montrer qu'il était vraiment un grrrrrand cinéaste...

Stefano P a écrit:

Emeryck a écrit:

Jacques Audiard : Un prophète        2009
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Ce film est sans aucun doute l'un des meilleurs films de Jacques Audiard, une histoire qui ne faiblit pas sur les deux heures et demie du film, une mise-en-scène assez sobre dont émane l'atmosphère très pesante et crasseuse des prisons ; il ne faut pas oublier le formidable duo aux antipodes l'un de l'autre qui porte le film : Niels Arestrup, en vieux de la vieille, mafieux corse à la réputation déjà établie et Tahar Rahim en jeune adulte, très touchant, néophyte de la prison centrale. Comme dans Regarde les hommes tomber, c'est un récit d'initiation qui va se mettre en place ici qui s'accompagne d'une déterritorialisation du processus de réinsertion : on parle souvent de la réinsertion dans la vie active (Sur mes lèvres, par exemple) mais ici, il va s'agir de se trouver une place au sein même de la prison, distribuée entre les corses et les musulmans ; Malik va pousser cette division jusqu'à ses retranchements et le film va suivre son ascension bien mouvementée. Il y a un petit détail qui m'a beaucoup plu dans le film : pour rendre compte du temps passé en prison, Audiard donne à Malik un billet en francs alors que le film se passe après 2002, j'ai trouvé ça intelligent, d'autant plus que c'est très discret.

Oui très bon film, j'aurais d'ailleurs trouvé plus normal que celui-là ait la palme à Cannes, plutôt que Dheepan qui est très surestimé. Mon film préféré d'Audiard, ça reste Un héros très discret, j'aime beaucoup moins les trois derniers, très démonstratifs et tape-à-l’œil, comme s'il voulait montrer qu'il était vraiment un grrrrrand cinéaste...

Oui, c'est sûr, la fin de Dheepan est un net loupé. C'est le seul que je n'ai pas vu ! Effectivement, je les aime moins aussi - enfin, sauf le début de Dheepan. Je les trouve beaucoup plus lisses, en fait. En plus, dans ses derniers films, c'est Desplat qui lui a écrit la musique, c'est vraiment très mauvais, si insipide.

Billy Wilder : The seven year itch        1955

 /  +
J'ai bien aimé ce Wilder mais il n'est toutefois pas aussi profondément intelligent que certains autres en terme de constructions formelles. J'ai toutefois aimé la façon dont le réalisateur utilise la valeur iconique de Marilyn Monroe (notamment dans la scène de fin où Ewell dit à l'homme qui vient rechercher la rame qu'il y a une blonde dans la cuisine et l'autre demande si c'est Marilyn), d'autant plus que son personnage tourne des courts-métrages publicitaires. Le personnage joué par Ewell est lui aussi dans le domaine des images, il ne les créé pas mais les subit : sans cesse en proie à ses fantasmes comme en témoignent les nombreuses (belles) scènes se projection, il est cerné par ses fantasmes - la scène finale est éloquente de ce point de vue, puisque l'image l'amène jusqu'à sa mort. Wilder met d'ailleurs cette clôture fantasmatique en exergue à travers sa mise en scène : la pagaie, l'escalier ne menant nulle part, la majeure partie des scènes se passe dans l'appartement du personnage joué par Ewell ; d'ailleurs tous les éléments extérieurs qui essaient de pénétrer cet espace, ce personnage prend soin de les renvoyer à l'extérieur par le plombier. Concernant l'escalier ne menant nulle part, l'aspect fantasmatique est particulièrement clair lorsque Marilyn l'ouvre et en descend. Se cantonner à l'aspect fantasmatique est sans doute un moyen de se détourner de la censure américaine de l'époque.

Jean-Pierre & Luc Dardenne : Rosetta        1999

 +
J'avais été assez séduit par le dernier films des Dardenne que j'avais trouvé plutôt intelligent - si on ignore la fin - mais ici, j'ai été vraiment déçu. Dès le début, le film se vautre dans des effets de réel assez pénibles, notamment par la caméra à l'épaule, extrêmement mobile, presque nauséeuse, accompagnant les nombreux mouvements de Rosetta - et assez insupportables dans les moments de lutte ; je n'ai pas compris l'intérêt de la séquence finale, le film aurait dû s'arrêter au coup de téléphone. Le scénario manque également de profondeur et d'intelligence, les personnages sont assez peu travaillés - y compris celui de Rosetta qui repose sur une dualité sans doute trop franche, tiraillée entre la volonté de s'intégrer et son humanité - c'est particulièrement visible dans la scène de l'étang ou celle du coup de téléphone final. Si le prix d'interprétation féminine attribué à Émilie Duquenne - très convaincante et forte dans le rôle de Rosetta - est mérité, je ne comprends pas comment un tel film a pu avoir la palme d'or alors qu'il y avait de bien meilleurs films dans la séléction : L'été de Kikujiro de Kitano, Ghost dog, the way of the samurai de Jarmusch et sans doute d'autres.

Emeryck a écrit:

Jean-Pierre & Luc Dardenne : Rosetta        1999
 +
J'avais été assez séduit par le dernier films des Dardenne que j'avais trouvé plutôt intelligent - si on ignore la fin - mais ici, j'ai été vraiment déçu. Dès le début, le film se vautre dans des effets de réel assez pénibles, notamment par la caméra à l'épaule, extrêmement mobile, presque nauséeuse, accompagnant les nombreux mouvements de Rosetta - et assez insupportables dans les moments de lutte ; je n'ai pas compris l'intérêt de la séquence finale, le film aurait dû s'arrêter au coup de téléphone. Le scénario manque également de profondeur et d'intelligence, les personnages sont assez peu travaillés - y compris celui de Rosetta qui repose sur une dualité sans doute trop franche, tiraillée entre la volonté de s'intégrer et son humanité - c'est particulièrement visible dans la scène de l'étang ou celle du coup de téléphone final. Si le prix d'interprétation féminine attribué à Émilie Duquenne - très convaincante et forte dans le rôle de Rosetta - est mérité, je ne comprends pas comment un tel film a pu avoir la palme d'or alors qu'il y avait de bien meilleurs films dans la séléction : L'été de Kikujiro de Kitano, Ghost dog, the way of the samurai de Jarmusch et sans doute d'autres.

Les frères Dardenne ont la carte à Cannes, comme Ken Loach ; ils collectionnent les palmes et les prix divers. C'est peut-être une sorte de complexe de culpabilité, mais entre deux cocktails ou soirées VIP dans les plus luxueux palaces, les festivaliers adorent ce cinéma un peu schématique et stylistiquement fruste, mais qui leur montre les difficultés et les malheurs des damnés de la terre, avec lesquels ils ont l'impression de communier en les primant...

Stefano P a écrit:

Emeryck a écrit:

Jean-Pierre & Luc Dardenne : Rosetta        1999
 +
J'avais été assez séduit par le dernier films des Dardenne que j'avais trouvé plutôt intelligent - si on ignore la fin - mais ici, j'ai été vraiment déçu. Dès le début, le film se vautre dans des effets de réel assez pénibles, notamment par la caméra à l'épaule, extrêmement mobile, presque nauséeuse, accompagnant les nombreux mouvements de Rosetta - et assez insupportables dans les moments de lutte ; je n'ai pas compris l'intérêt de la séquence finale, le film aurait dû s'arrêter au coup de téléphone. Le scénario manque également de profondeur et d'intelligence, les personnages sont assez peu travaillés - y compris celui de Rosetta qui repose sur une dualité sans doute trop franche, tiraillée entre la volonté de s'intégrer et son humanité - c'est particulièrement visible dans la scène de l'étang ou celle du coup de téléphone final. Si le prix d'interprétation féminine attribué à Émilie Duquenne - très convaincante et forte dans le rôle de Rosetta - est mérité, je ne comprends pas comment un tel film a pu avoir la palme d'or alors qu'il y avait de bien meilleurs films dans la séléction : L'été de Kikujiro de Kitano, Ghost dog, the way of the samurai de Jarmusch et sans doute d'autres.

Les frères Dardenne ont la carte à Cannes, comme Ken Loach ; ils collectionnent les palmes et les prix divers. C'est peut-être une sorte de complexe de culpabilité, mais entre deux cocktails ou soirées VIP dans les plus luxueux palaces, les festivaliers adorent ce cinéma un peu schématique et stylistiquement fruste, mais qui leur montrent les difficultés et les malheurs des damnés de la terre, avec lesquels ils ont l'impression de communier en les primant...

Ça me semble compliqué de parler de leur oeuvre en globalité - en passant, le I, Daniel Blake de Loach est pas mal du tout, ce qui n'est pas le cas de ce Rosetta. Mais effectivement, il est possible qu'il y ait un peu de ça.

Chris Marker & Pierre Lhomme : Le joli mai        1963

 +
J'ai beaucoup aimé. Comme toujours chez Marker, les commentaires accompagnant l'image sont très beaux - dommage qu'ils soient si peu nombreux ; ils sont ici lus par Yves Montand, ça fonctionne très bien. La photographie de Pierre Lhomme est très soignée, et notamment dans les sections initiale et finale qui donnent à voir des superbes plans de Paris. J'ai trouvé que ce film avait une acuité toute particulière à saisir ce qu'il se passait/ce qu'il allait se passer : cet aspect profondément tacite des événements, la transmutation du quartier de la rue Mouffetard, mais aussi la dernière partie où il est question de racisme. Et tout cela se fait quasiment sans jugement, avec une profonde sincérité ; en bref, c'est beau.

Dario Argento : Profondo rosso        1975

 + / 
On est ici un niveau au-dessus de la trilogie animale (que j'aime beaucoup au demeurant) et même de Suspiria. C'est vraiment dense, complètement exalté voire fouillis par moments et contrairement à d'autres films d'Argento, l'écriture tient sacrément la route. Argento pousse ici tous les curseurs du giallo au maximum, il utilise des lieux du genre - notamment toute l'inquiétude qui germe autour de la poupée, l'omniprésence des grandes bâtisses, la folie. D'ailleurs, j'ai trouvé que Profondo rosso était nettement plus spatial que les autres films du réalisateur, ne serait-ce que par les nombreux travellings, parfois courbes et acrobatiques de la caméra ; de plus, Argento semble utiliser l'architecture des bâtiments comme projection du terrain psychologique des personnages - la maison abandonnée finale en est le point culminant. En faisant jouer le personnage principal par le photographe de Blow-up d'Antonioni, Argento tisse un lien avec tout un tas de choses : on retrouve d'ailleurs l'aspect de "recherche" du photographe qui ne voit pas (dessin sur le mur de la maison abandonnée, la fameuse histoire du "tableau disparu" - quelle idée géniale, ça !). Ce qui est absolument fantastique dans ce film, c'est l'esthétique baroque à souhait - et c'est là qu'une restauration et donc le BluRay n'est pas du luxe ! - : sang bien rouge, diversité des scènes de meurtre, omniprésence de l'oeil - il y a notamment ce superbe plan totalement noir où on voit juste un œil -, il y a beaucoup de couleurs également (scène d'ouverture) et la séquence finale du brasier est somptueuse lorsqu'Argento filme les visages nimbés de cette douce lumière orange. Sinon, chose plus inhabituelle, Argento incorpore une nette part d'humour dans son récit notamment à travers les séquences dans la Fiat 500 ou même (plus intéressant) à travers la mise-en-bascule des préjugés essentialistes sexuels. C'est une excellente surprise pour moi ! 

Incassable



Le Pianiste

Les Rendez-vous de Paris (Eric Rohmer), 1995

Un Rohmer considéré comme mineur, constitué de trois histoires indépendantes liées par un thème commun : la déambulation dans Paris. Le filmage est superbe, avec une équipe de tournage et des moyens minimaux (c'est du 16mm gonflé en 35, les passionnés de HD risquent d'être déçus...), mais une grande précision dans les cadrages, une fluidité stupéfiante dans les travellings qui accompagnent les personnages devisant dans la rue comme on le ferait dans la vie (Rohmer reprendra le même principe pour filmer l'année suivante (1996) les promenades des personnages du magnifique Conte d'été sur le chemin des douaniers ou le bord des plages de Dinard). Il y a évidemment les grands thèmes rohmériens : la méprise, le hasard, le jeu des sentiments, mais surtout cette grâce incroyable qui est l'essence même du cinéma de Rohmer, et que l'on ressent d'autant plus ici que le propos semble (en apparence) plus ténu. C'est vraiment très beau.

Stefano P a écrit:

Les Rendez-vous de Paris (Eric Rohmer), 1995
c'est du 16mm gonflé en 35, les passionnés de HD risquent d'être déçus...

Tiens, je n'ai jamais vu ce Rohmer, je ne l'ai même pas. Mais sinon, même avec du 16mm gonflé en 3533, il y a moyen de faire une belle restauration, on fait de belles choses de nos jours. 

En parlant de pellicule, j'ai vu une courte vidéo faite par la cinémathèque sur le format 70mm, l'homme qui s'occupait des appareils/de la technique était d'un conservatisme assez consternant dans le genre (classique) de "la pellicule c'est bien, le numérique, c'est mal" et pour essayer de se justifier une fois la bombe incendiaire lâchée, il sortait des trucs d'une naïveté/niaiserie sidérant "la pellicule bouge, son cœur bat" (il ne rigolait pas du tout) ; sans oublier de cracher son mépris sur la télévision, évidemment - sans laquelle d'ailleurs, je ne sais pas si nous aurions eu toute cette émergence des (belles) techniques hollywoodiennes des années 40/50.

The Swimmer
Franck Perry / Sidney Pollack (pour partie)

Film très étrange: River movie, avec piscines comme archipel inversé, qui commence comme une ballade de santé, puis dévoile les fêlures et tensions d'un univers si américainement sain et fait éclater les déchirures intimes du swimmer, Burt Lancaster. Les piscines sont autant d'îlots de noyade. J'ai beaucoup aimé

Somewhere
Sofia Coppola

euh, quand la Ferrari noire est en rade sur le bitume, ça c'est vraiment poignant !

xoph a écrit:

Somewhere
Sofia Coppola

euh, quand la Ferrari noire est en rade sur le bitume, ça c'est vraiment poignant !

 Ça doit être le moment le plus intéressant du film. Autant Lost in translation est vraiment très bien mais celui-ci...

Oui à part Lost in translation (qui doit tant à la bande son): Sofia Coppola, franchement ...

xoph a écrit:

Oui à part Lost in translation (qui doit tant à la bande son): Sofia Coppola, franchement ...

Et Virgin suicides ! Dans le reste, je n'ai vu que Somewhere ; je regarderai tout de même les autres.

xoph a écrit:

Oui à part Lost in translation (qui doit tant à la bande son): Sofia Coppola, franchement ...

Oui, franchement, son père est un bien meilleur cinéaste...

(J'ai eu l'occasion de voir à Rome sa mise en scène de Traviata ; à côté de ça, Zeffirelli, c'est du pur génie !)

La Liste de Schindler

+

Henry

Stefano P a écrit:

Les Rendez-vous de Paris (Eric Rohmer), 1995

Un Rohmer considéré comme mineur, constitué de trois histoires indépendantes liées par un thème commun : la déambulation dans Paris. Le filmage est superbe, avec une équipe de tournage et des moyens minimaux (c'est du 16mm gonflé en 35, les passionnés de HD risquent d'être déçus...), mais une grande précision dans les cadrages, une fluidité stupéfiante dans les travellings qui accompagnent les personnages devisant dans la rue comme on le ferait dans la vie (Rohmer reprendra le même principe pour filmer l'année suivante (1996) les promenades des personnages du magnifique Conte d'été sur le chemin des douaniers ou le bord des plages de Dinard). Il y a évidemment les grands thèmes rohmériens : la méprise, le hasard, le jeu des sentiments, mais surtout cette grâce incroyable qui est l'essence même du cinéma de Rohmer, et que l'on ressent d'autant plus ici que le propos semble (en apparence) plus ténu. C'est vraiment très beau.

Ah j'aime beaucoup ces trois courts-métrages, comme souvent chez Rohmer construits autour des hasards de la rencontre.

La Marquise d'O, d'Eric Rohmer (1976)

Je continue ma révision estivale des grands classiques de Rohmer avec ce film que j'avais vu il y a une bonne trentaine d'années. C'est la première réalisation "en costumes" de Rohmer, adaptée très fidèlement d'une nouvelle de Kleist (l'adaptation est d'ailleurs de Rohmer, qui était aussi un grand germaniste). La photographie de Nestor Almendros est superbe, avec des éclairages et des postures qui s'inspirent de la peinture de l'époque (la pâmoison de la marquise après le fameux acte plus ou moins manqué renvoie explicitement au tableau de Füssli Le Cauchemar). Le film a une tonalité pleinement fidèle à l'oeuvre de Kleist, avec une exacerbation romantique des sentiments et des situations, mais aussi une distance pleine d'humour avec même une certaine dérision sur l'argument central de l'histoire (la grossesse "miraculeuse" de la marquise ; l'épilogue ("Une longue suite de petits Russes suivit le premier...") montre que Kleist n'était évidemment pas dupe de l'aspect également vaudevillesque de la situation).

C'est vraiment formidable, encore plus que le souvenir que j'en avais. Les acteurs allemands sont extraordinaires (notamment Edith Clever et Bruno Ganz, mais tous les autres aussi sont impeccables). Le film montre l'éclectisme et la richesse stylistique du cinéma de Rohmer, quand on pense que son film précédent (L'Amour l'après-midi) était vraiment aux antipodes de celui-là. Bref, on peut je pense parler de chef d'oeuvre.

Soldier of Orange

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Jean Rollin : Le viol du vampire        1968


Il s'agit du premier film de Jean Rollin, le seul en noir et blanc, à l'histoire particulièrement atypique. Le projet initial était de réaliser un film d'une petite trentaine de minutes en première partie d'un autre film, plus ambitieux. Pour un budget de 200000 francs, Rollin accepte - et perd le script durant le tournage, accessoirement ; les acteurs devant par la suite improviser les dialogues - mais rend un film de quarante minutes. Le producteur/distributeur lui dit donc de compléter le film pour lui donner des dimensions raisonnables ; mais un problème se pose : le scénario est en fait assez clos sur lui-même, il serait donc difficile de lui greffer une seconde partie. Rollin hésite puis accepte, le film sort finalement en mai 1968 - parmi le peu d'autres films en salle à cette époque - et il fait scandale tant il est bordélique, mal construit et raté. En effet, les deux parties se raccordent très mal, la faible durée imposée à la première partie créé de véritables trous narratifs assez mal gérés, le récit est trop elliptique. En fait, comme souvent chez Rollin, l'image me séduit - le noir et blanc est parfois très beau - mais l'histoire est assez peu intéressante. De plus, dans ce film, le montage est particulièrement exotique avec des inserts assez bizarres. L'aspect érotique reste ici assez peu prononcé et assez soft. C'est en tout cas à voir si l'on s'intéresse à la filmographie de Rollin.

Jean Rollin : Jeunes filles impudiques        1973


Faisant partie de la filmographie alimentaire de Jean Rollin (d'ailleurs réalisé sous le pseudonyme de Michel Gentil) qui ne comporte principalement que des opera érotiques - ou pornographiques - ce film est particulièrement peu intéressant : l'esthétique est très lisse, l'histoire inintéressante. Finalement, le seul point un tant soit peu positif de ce film, c'est qu'il est drôle notamment dans ses scènes d'affrontement - quelles cascades incroyables ! - et la musique est assez amusante - jamais lisse chez Rollin. En plus, le réalisateur y a un petit rôle - assez drôle, lui aussi.

Louis Malle : Atlantic city        1980

 
J'ai plutôt aimé ce film en y trouvant cependant des longueurs. Au-delà de l'intérêt historique de ce film (Malle y montre la mutation de la ville d'Atlantic City qui détruit ses immeubles pour y construire des casinos), il y a un propos sur le refus de la vieillesse : le renouveau de la ville coïncidant avec l'illusion voyeuriste de Lou (cinématographiquement référencée) puis sa relation avec Sally. Il est en fait sans cesse question d'échappée : la migration initiale du couple Dave-Chrissie, la projection voyeuriste de Lou et le désir de Sally de s'exiler en France ; c'est assez joli, surtout lorsque c'est teinté de la nostalgie de Lou - qui n'est pas dépeinte de façon réactionnaire.

Jean Rollin : Requiem pour un vampire        1971


Sorti juste après Le frisson des vampires - bien meilleur - ce film n'est pas terrible. Encore une fois, certains plans - notamment par la cohabitation particulière des couleurs très franches - sont assez jolis ; le scénario ne suit pas et donne sans doute trop d'importance aux scènes érotiques, qui sont vraiment plates. L'utilisation de la musique n'est pas très subtil mais semble suivre le principe de leitmotiv, c'est ici assez amusant.

Olivier Assayas : Désordre        1986

 + /
Je n'avais vu qu'Irma vep de ce réalisateur, c'était un film qui m'avait plu, que j'avais trouvé original. J'ai trouvé celui-ci vraiment très moyen, assez peu intéressant, en fait : l'ambiance me semblait plutôt artificielle, mêlant des choses communes - notamment toute la première partie qui s'intéresse au trio amoureux ou alors tout ce propos sur l'art (ici par la musique). Je n'ai pas non plus aimé le jeu des acteurs, assez peu intense, toujours obligés de hurler au cours d'une dispute. En somme, sur le papier, ça me semblait intéressant mais c'est traité de façon tout à fait plate, avec une musique monotone (sans doute voulue comme telle) et des acteurs mal dirigés ; c'est dommage !

Emeryck a écrit:

Olivier Assayas : Désordre        1986
 + /
Je n'avais vu qu'Irma vep de ce réalisateur, c'était un film qui m'avait plu, que j'avais trouvé original. J'ai trouvé celui-ci vraiment très moyen, assez peu intéressant, en fait : l'ambiance me semblait plutôt artificielle, mêlant des choses communes - notamment toute la première partie qui s'intéresse au trio amoureux ou alors tout ce propos sur l'art (ici par la musique). Je n'ai pas non plus aimé le jeu des acteurs, assez peu intense, toujours obligés de hurler au cours d'une dispute. En somme, sur le papier, ça me semblait intéressant mais c'est traité de façon tout à fait plate, avec une musique monotone (sans doute voulue comme telle) et des acteurs mal dirigés ; c'est dommage !

Oui, c'est un peu foutraque, mais j'aime bien, il y a une ambiance très sympa et des acteurs attachants (j'aime beaucoup le jeu à fleur de peau de Wadeck Stanczak, l'acteur à la mode dans les années 80, plutôt oublié aujourd'hui ; il est très bien aussi chez Téchiné, dans Rendez-vous et Le Lieu du crime). Ça peut plaire surtout à ceux qui ont connu l'époque des groupes de rock classieux et déjantés genre Marquis de Sade, Taxi Girl ou Stinky Toys, ou les débuts d'Etienne Daho (qui fait d'ailleurs une petite apparition dans le film). On retrouve un peu le processus classique de ces groupes de copains qui finissent pas exploser sous la pression du succès ou de l'industrie de la musique rock (managers, labels), et aussi des fluctuations sentimentales ou des diverses substances de plus en plus accessibles avec l'argent qui rentre...

Assayas, c'est très irrégulier, beaucoup de talent, beaucoup d'ambition, un vrai sens de l'image, mais des films très peu aboutis. J'aime bien Les Destinées sentimentales (toutes proportions gardées, c'est dans son oeuvre ce qu'est Le Temps de l'innocence dans celle de Scorsese), L'Heure d'été, Sils Maria. Par contre, il a loupé son dernier film : Doubles vies, une satire des milieux de l'édition (genre Woody Allen, ou du Rohmer loupé) qui tourne un peu à vide.

Fritz Lang : M le maudit        1931


J'ai beaucoup aimé. Il s'agit du premier film parlant de Fritz Lang et l'utilisation du son reste parfois assez curieuse : certaines scènes sont absolument silencieuses, ça leur donne un effet assez lunaire ; la première partie est peut-être un peu longue et bavarde, également. Cependant, Lang utilise aussi le son de façon narrative puisqu'il donne un rôle clef au petit leitmotiv sifflé de Grieg. Le propos est déjà assez venimeux - dans la lignée de Fury : le peuple en rage aveugle contre l'accusé, ne voulant que sa mort ; l'accusé jugé par des bandits - qui sont finalement assez peu distingués des policiers durant le film. Lang nuance encore ici la peine de mort en introduisant la démence - séquence d'ailleurs très touchante, l'acteur jouant le personnage de l'accusé est très bon.

La Collectionneuse, d'Eric Rohmer (1967)

Un des six contes moraux, et peut-être (pour moi) le film le plus décevant de Rohmer. Je ne l'avais pas revu depuis très longtemps, mais déjà la première fois, je n'avais pas accroché, et c'est pareil cette fois-ci. Qu'est-ce qui bloque chez moi dans ce film alors que j'adore globalement le cinéma de Rohmer ? Je crois que c'est surtout les personnages qui ne m'intéressent absolument pas : aucune grâce chez eux et même une fondamentale vulgarité, dans l'attitude et le langage. L'un des trois personnages principaux (Daniel interprété par Daniel Pommereulle), est même carrément horripilant, avec une voix et une intonation hyper-crispantes. Patrick Bauchau tient assez bien son rôle de dandy cynique, mais le personnage (que l'on dit inspiré par Paul Gégauff, le scénariste et dialoguiste de Chabrol) laisse froid et reste surtout antipathique. La jeune fille (Haydée Politoff) est très belle et c'est la seule qui intéresse, mais là aussi il y a dans son côté "collectionneuse" qui se fout de tout, quelque chose d'assez vide et lassant, même si l'actrice réussit à faire passer un petit mystère qui intrigue et retient quand même le spectateur (et la caméra de Rohmer est visiblement troublée par la présence sensuelle de l'actrice).

Globalement très décevant, l'un des seuls intérêts du film, c'est de voir Saint-Tropez (et sa campagne) dans les années soixante, avec un côté tranquille et charmant qu'il a bien perdu aujourd'hui après le rush touristique. La photo du génial Nestor Almendros est aussi très belle. On voit aussi au début du film Mijanou Bardot dans l'une de ses rares apparitions au cinéma ; elle n'a pas le charme miraculeux de sa grande sœur, mais presque la même voix et les mêmes postures, c'est assez amusant... Le film avait été à l'époque interdit aux moins de 18 ans, ce qui donne une idée de l'évolution des mœurs en cinquante ans ; aujourd'hui, on pourrait le projeter sans problème dans les écoles maternelles.

Stefano P a écrit:

...

Assayas, c'est très irrégulier, beaucoup de talent, beaucoup d'ambition, un vrai sens de l'image, mais des films très peu aboutis. J'aime bien Les Destinées sentimentales (toutes proportions gardées, c'est dans son oeuvre ce qu'est Le Temps de l'innocence dans celle de Scorsese), L'Heure d'été, Sils Maria. Par contre, il a loupé son dernier film : Doubles vies, une satire des milieux de l'édition (genre Woody Allen, ou du Rohmer loupé) qui tourne un peu à vide.

Je garde un très bon souvenir de l'eau froide, pas revu depuis fort longtemps

Palombella rossa
Nanni Moretti

Nanni Moretti n'a pas sauvé le PCI, reste un film très drôle et touchant

xoph a écrit:

Je garde un très bon souvenir de l'eau froide, pas revu depuis fort longtemps

Oui, L'Eau froide, très bien aussi !

xoph a écrit:

Palombella rossa
Nanni Moretti

Nanni Moretti n'a pas sauvé le PCI, reste un film très drôle et touchant

Je crois que c'est dans ce film qu'une journaliste interviewant le héros se prend une baffe parce qu'elle a utilisé en italien les mots trend et cheap : "Trend ? Cheap ? Ma come parla ? Chi parla male pensa male ! Le parole sono importanti !"

Tout à fait

Stefano P a écrit:

xoph a écrit:

Je garde un très bon souvenir de l'eau froide, pas revu depuis fort longtemps

Oui, L'Eau froide, très bien aussi !

C'était un de ses premiers films, avec Virginie Ledoyen, toute jeune à l'époque.
Ce film avait connu une version télé courte dans la série Tous les garçons et les filles de mon âge sur Arte, tout comme Les roseaux sauvages de Téchiné. Une série assez inégale, mais avec de belles réussites.

L'heure d'été, ça avait tout pour me plaire (le sujet, les acteurs), mais j'avais trouvé que ça restait très plat.

Parmi les Assayas récents, Personnal shopper était pas trop mal.

Alfred Hitchcock : The Paradine case        1947


J'ai été vraiment déçu par cet Hitchcock qui n'a pas rien d'exceptionnel. Un film de procès sans rebondissement particulier, sans verve de la part des avocats, un montage bien sage ; j'ai cru comprendre que ce fut le dernier film de Hitchcock avec Selznick et que ce dernier a franchement mis les mains dans le montage et le scénario, ce n'est pas très étonnant que Hitchcock soit parti quand on voit le résultat - qui n'est pas loupé pour autant, juste assez plat.

Sergueï Loznitsa : My joy        2010

 +
Il s'agit du premier long-métrage de Loznitsa et c'est donc assez étonnant qu'il se soit déjà retrouvé en compétition à Cannes. J'aime en général assez les films de Loznitsa, sans qu'ils me convainquent totalement ; j'ai assez aimé celui-ci. La séquence d'ouverture de ce film est déjà emblématique du cinéma du réalisateur ukrainien : le film s'appelle My joy et s'ouvre sur un bourbier dans lequel on jette un homme que l'on recouvre ensuite sèchement de boue ; l'ironie teintée de noirceur est déjà ici présente. Dans ce film, Loznitsa établit une sorte de brouillage généralisé ; un brouillage aussi bien temporel : on présume que la scène se passe de nos jours mais rien n'est précisé, et puis il y a cette réminiscence de la guerre dont les échos sont aujourd'hui très palpables ; mais également un brouillage spatial : on ne sait où le personnage va, il semble errer au sein de la Russie, on lui dit que la route ne va nulle part, puis une fois arrivé dans ce mystérieux village, la caméra va l'abandonner pour autopsier ce village, sinon déjà mort à la caméra, acteur de sa propre mise-à-mort. La mise-en-scène très dépouillée de Loznitsa accentue ce côté glaçant et cru ; j'ai toutefois trouvé que son ironie tournait un peu ici à vide - alors qu'elle est autrement plus géniale lorsqu'elle est aussi survoltée que dans Une femme douce ou teintée d'humour comme dans Donbass. Ce film reste toutefois plaisant à visionner et intéressant.

Kenji Mizoguchi : Une femme dont on parle        1954

 +
Ce Mizoguchi est coincé entre deux chefs d'oeuvre du réalisateur : L'intendant Sansho et Les amants crucifiés, et il en souffre très certainement. Ce n'est pas un mauvais film mais c'est trop sage comparé aux autres films du réalisateur sortis cette année-là : il manque le souffle mélodramatique des Amants crucifiés ou la terrible cruauté de L'intendant Sansho ; le film est d'ailleurs d'une longueur beaucoup plus modeste, à peine plus d'une heure vingt contre deux heures pour les deux autres. Ce film repose principalement sur un trio amoureux où l'on retrouve des thèmes et des lieux chers à Mizoguchi : la maison de geichas (comme lieu d'inversion de pouvoir), le théâtre kabuki et des thèmes plus classiques dans le cinéma nippon d'alors : le mariage, la succession, la stabilité professionnelle. Certains plans sont assez jolis notamment celui de la confrontation des membres du trio où le docteur fait tomber le rideau étendu. La distribution des personnages est aussi (classiquement) organisée selon une correspondance entre la hiérarchie sociale et hauteur ("les gens d'importance vont en haut" entend-on dans le film), la fin est d'ailleurs éloquente de ce point de vue avec ces femmes qui marchent sur des sortes de petites échasses face à la servante qui arrive en sens inverse. C'est en somme un film assez dispensable dans la filmographie de Mizoguchi mais qui est toutefois agréable à regarder.

Eusèbe a écrit:

Stefano P a écrit:

xoph a écrit:

Je garde un très bon souvenir de l'eau froide, pas revu depuis fort longtemps

Oui, L'Eau froide, très bien aussi !

C'était un de ses premiers films, avec Virginie Ledoyen, toute jeune à l'époque.
Ce film avait connu une version télé courte dans la série Tous les garçons et les filles de mon âge sur Arte, tout comme Les roseaux sauvages de Téchiné. Une série assez inégale, mais avec de belles réussites.

L'heure d'été, ça avait tout pour me plaire (le sujet, les acteurs), mais j'avais trouvé que ça restait très plat.

Parmi les Assayas récents, Personnal shopper était pas trop mal.

Les roseaux sauvages de Téchiné, très beau film je trouve, mais pas revu non plus depuis longtemps

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A Ciambra
Jonas Carpignano

Passage à l'âge adulte de Pio, 14 ans, dans la communauté Rom avec en filigrane les tensions ou rapprochements avec les migrants africains.
Tourné dans la communauté Rom (qui lui avaient volé sa voiture, avec tout son matos, un an avant). Je trouve le film réussi. L'énergie opaque de Pio, les moments d'allégresse, portent le film au delà de la veine compatissante que l'on pourrait craindre.

Federico Fellini : Fellini Satyricon        1969

 + / 
C'est vraiment grand! Il s'agit d'une adaptation du roman de Pétrone - que je n'ai pas lu - mais Fellini en fait quelque chose de très personnel (la mention de "Fellini" dans le titre n'est pas anodine) et particulièrement jouissif. La structure narrative en mosaïque est très proche de celle de La dolce vita avec qui ce film partage l'aspect orgiaque et pictural, en fresque. La scène finale - extrêmement belle - est à mon sens très significative sur le film lui-même : la caméra se fige sur le visage d'Enclope, s'ensuit un fondu sur une peinture murale le représentant puis un travelling arrière montre les différents morceaux du récit sur des peintures semblables ; c'est exactement comme cela qu'est fait le film : des fragments que Fellini lie de manière profondément organique. La mise en scène est vraiment superbe, dans un ton très baroque (auquel font échos l'aspect fragmentaire et l'aspect transitoire constant présent dans le film) avec beaucoup de costumes, du maquillage, de façon très assumée, sans aucune volonté de coller au réel ; il y a aussi de superbes séquences (la séquence initiale avec toutes les bougies, le festin, l'effondrement de la ville, les séquences sur le bateau, l'arrivée finale dans l'île) qui tirent parfois vers le délire en terme d'opulence. Ce film est également un petit musée tant les références picturales sont présentes. C'est en tout cas pour moi un des meilleurs films de Fellini que j'ai vus.

John Ford : The grapes of wrath        1940

 +
C'est la première fois que je vois un film de Ford - non, je ne l'ai pas évité consciemment. 
J'ai trouvé ce film assez beau notamment par la force volitionnelle des Joad - et ce malgré l'ostensible supériorité et le mépris des gens qui rachètent les terres. De ce point de vue, la scène se trouvant dans le début du film, où une maison est détruite par un énorme bulldozer malgré les menaces de l'ancien propriétaire, totalement impuissant face à la force du nouveau propriétaire. J'ai aimé la façon de filmer de Ford : il se concentre sur une famille dans un road movie et cela donne un ton assez intime, et ce malgré les nombreux paysages et la généralité du problème évoqué. De ce point de vue, la fin est d'une très grande beauté, le départ du fils - joué par Henry Fonda, très beau - cette conversation dans la tente, avec un noir et blanc un peu crépusculaire ; mais il est également d'une grande puissance par le discours prononcé par la mère à la fin : we're the people that live, they can't wipe us out, they can't lick us ; we'll go on forever, pa, 'cause we're the people.

Parasite



Génial.
J'y suis allé un peu au pif, et j'ai su seulement après que c'était la dernière Palme d'or à Cannes.

Xavier a écrit:

Parasite



Génial.
J'y suis allé un peu au pif, et j'ai su seulement après que c'était la dernière Palme d'or à Cannes.

Ah oui oui, c'est génial, ça ! On en avait un peu parlé quelques pages avant. 

Yórgos Lánthimos : Alps        2011

 
C'était pourtant plutôt intéressant sur le papier : la mimesis qui pose des questions sur la notion d'acteur, une approche amusante du deuil et on retrouve également l'aspect causticomique omniprésent chez le réalisateur grec. Cependant, ici, c'est bel et bien un raté auquel on est confronté : Lánthimos préfère se gargariser dans son atmosphère étrange que de véritablement construire quelque chose. J'avais eu un peu la même impression (beaucoup moins forte, cela dit) pour The lobster : il y avait des bonnes idées mais elles n'étaient pas développées ; ici, le film ne prend jamais, ça n'avance pas, le réalisateur se focalise sur des choses inutiles - à quoi servent les deux autres membres de Alpis, finalement ? - et je me suis beaucoup ennuyé. Passer de Canine à ce truc, ça fait mal.

Emeryck a écrit:

Xavier a écrit:

Parasite



Génial.
J'y suis allé un peu au pif, et j'ai su seulement après que c'était la dernière Palme d'or à Cannes.

Ah oui oui, c'est génial, ça ! On en avait un peu parlé quelques pages avant. 

+ 1

Un docu Arte très intéressant :

Alain Resnais : Muriel ou le temps d'un retour        1963

 +
Un film assez déconcertant au premier abord mais qui s'inscrit parfaitement dans son temps, au final ; d'une part, dans la filmographie de Resnais, juste après L'année dernière à Marienbad dont il reprend l'obsession pour le temps et la mémoire mais au rythme de montage opposé à celui-ci, le montage est ici très fragmenté ; et d'autre part, dans la société puisque la guerre d'Algérie sous-tend tout le récit. La forme du film m'a amusé puisqu'elle est linéaire mais pourtant très bordélique tant les souvenirs surgissent de partout - je le vois toujours comme si Resnais avait dit "bon, on m'a dit qu'on ne comprenait rien à Marienbad parce que ce n'était pas linéaire alors je vais leur en faire, un film linéaire, moi, et on verra si c'est mieux". Sinon, la forme déployée est admirable, comme un glissement, les deux couples initiaux se séparent pour former deux autres couples, groupés par temporalités : Hélène-Alphonse, le couple du passé et Françoise-Bernard, peut-être le couple à venir ; d'autant plus qu'Hélène est liée à 39-45 tandis que Bernard à la guerre d'Algérie ; et puis il y a évidemment cette Muriel en dénominateur commun, souvent très liée à la torture en Algérie - belle pirouette pour la censure ; Resnais travaille aussi sur le son en superposant le son d'un couple sur l'autre et en utilisant parfois la musique comme une ponctuation. Il y a également un travail sur la mémoire ("vous êtes ici pour parler de votre passé") et notamment la capacité à modifier/inventer les souvenirs - très liée à ces situations de guerre. J'ai toutefois trouvé le film un peu long, ça passera peut-être mieux au deuxième visionnage.