Écouté aujourd’hui:
• Viktor ULLMANN: Drei Hölderlin Lieder (1943): Abdenphantasie. Der FrühlingMitsuko Shirai (mezzo-soprano), Hartmut Höll (piano)
Heidelberg, V.1986 & X.1993
Capriccio• Viktor ULLMANN: Drei Hölderlin Lieder (1943)Christine Schäfer(soprano), Axel Bauni (piano)
X & XII.1994, I.1995
Orfeo « Mudisca Rediviva »(Étrangement, Mitsuko Shirai et Hartmut Höll dans leur disque
Hölderlin Gesänge excluent le bref
Sonnenuntergang - mais je crois qu’ils ont enregistré les trois dans leur monographie Ullmann, que je devrais recevoir incessamment,
je l'avais aussi commandé pour l'adaption sous forme de mélodrame de Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke.)
• Wilhelm KILLMAYER: Hölderlin-Lieder, II. Zyklus (1983-87, version pour orchestre)Peter Schreier (ténor), Bernhard Klee / Radio-Philharmonie Hannover des NDR
Hanovre, X.1992 & VI.1993
Wergo• Joseph Matthias HAUER: Hölderlin-Lieder, op. 6, op. 12, op. 23, op. 21 n°2 et n°5, op. 32 n°3 et op. 40 n°3 (1914-25). Klavierstücke mit Überschriften nach Worten von Friedrich Hölderlin, op. 25 (1923)Holger Falk (ténor), Steffen Schleiermacher (piano)
Marienmünster, IX.2010
MDG - À propos du disque Hauer de Falk et Schleiermacher, lulu a écrit:
- C’est un beau disque je trouve, où on sent fortement l’ambigüité entre l’aspect ludique et naïf du formalisme de son langage et en même temps quelque chose qui tire vers le répertoire décadent mais comme épuré, rendu artificiel.
Je souscris absolument. Un disque magnifique, très dense - on a l’impression que les idiosyncrasies de Hauer (pas du tout spectaculaires, mais assez irréductibles), telles que les décrit
lulu, y sont comme condensées.
- Drosselbart a écrit:
- Je me suis d'ailleurs toujours étonné que tant de compositeur aient mis Hölderlin en musique. Si on me demandait le nom d'un poète qui ne s'y prête pas du tout, c'est bien le sien que je donnerais.
- Rubato a écrit:
- Avec cette diversité de compositeurs [...] et de styles (quoique), ceci n'empêchant pas d'avoir une belle homogénéité quant à l'ambiance générale de l'album.
Aucune faiblesse dans la succession de ces Lieder.
C'est comme si chaque compositeur avait donné le meilleur de lui-même pour servir la poésie d'Hölderlin.
[…] La charge émotionnelle est intense sur toute la durée de l'album, et difficile d'écouter autre chose après…
À écouter ces disques, je crois pouvoir avancer quelques pistes de réflexion pour répondre à
Drosselbart et
Rubato.
Comme le dit
Drosselbart, c’est un poète qui se prête très difficilement à une mise en musique: l’espèce de structure rhétorique extrêmement dense (syntaxiquement, notamment) des poèmes de
Hölderlin et leur arrière-plan très allusif en font effectivement un «objet de langue» qui paraît multiplier des contraintes quasiment impossibles pour une mise en musique. En les lisant, on imagine plutôt quelque chose qui serait de l’ordre d’une «déclamation proférée» assez complexe que de lignes vocales d’un mélodisme très évident. Ce qui explique d’ailleurs largement, comme je le disais, que cette poésie ait été mise en musique par des compositeurs du XXᵉ: je crois qu’on ne peut guère répondre à ces contraintes prosodiques que par des écritures vocales «modernes» ou «décadentes» - déclamation frontale en quasi-
Sprechgesang ou lignes a-mélodiques complexes à l’harmonie sinueuse et/ou tendue.
Ce qui explique, du coup, la relative homogénéité dont parle
Rubato, et impose une grande concentration de moyens: c’est une poésie dont la densité d’écriture est telle qu’elle ne laisse pas une grande place au déploiement des idiosyncrasies mélodiques et harmoniques des compositeurs. C’est souvent, me semble-t-il, dans l’accompagnement, que celles-ci peuvent résider, tandis que l’écriture vocale conserve une dimension essentiellement déclamatoire, voire hiératique. Ça me semble particulièrement sensible chez Killmayer, où cela atteint presque une forme de disjonction (sans doute accentué par l’orchestration - je n’ai pas encore reçu la version pour voix et piano de Prégardien et Mauser), ou dans ce que
lulu désigne justement comme le caractère artificiel à force d’épure chez Hauer.
Ces contraintes justifient aussi, je pense, une forme d’extrême concentration des moyens musicaux qui explique cette absence de «faiblesse» dont parle
Rubato, «comme si chaque compositeur avait donné le meilleur de lui-même pour servir la poésie»: difficile de produire quelque chose de superficiel ou d’un peu relâché avec un texte aussi serré.
Et ce primat accordé à la profération d’un texte aussi dense, cet effet de concentration (ou de condensation autour du texte) des moyens musicaux me semble aussi expliquer ce sentiment de «charge émotionnelle intense», effectivement encore accentué par une interprète aussi tournée vers l’expressivité que l’est Mitsuko Shirai - à cet effet, la manière beaucoup plus détachée de Christine Schäfer (comme toujours chez elle, cette expression de sourire distant) propose une vraie alternative.