Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre
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xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Sam 27 Mar 2021 - 20:15
Au commencement était :
Hortus Musicus.
C’est le nom donné par Johann Adam Reincken (1643-1722) au recueil de six partitas, pour deux violons, viole de gambe et basse continue, qu’il publie en 1688 à compte d’auteur, tout comme le fera Buxtehude pour son premier recueil de sonates en trio de 1694 (et ne le fera pas pour le second qui trouvera éditeur, succès aidant). Décrit comme d’un caractère parfois ombrageux, ou parfois au contraire comme un « amant des femmes et du vin »* : ce portrait changeant s’accorde sans doute aux parfums d’un jardin, et aux humeurs de contrastes et ruptures du Stylus Phantasticus.
Dans la poignée des œuvres de Reincken qui nous soient parvenues, en dehors des pièces d’orgue, peu nombreuses, et de quelques plus rares pièces pour clavecin (et encore Clément Geoffroy dans la notice du beau disque qu’il leur a consacré admet que leur attribution reste incertaine) : elles sont à mettre au premier plan. Elles eurent par ailleurs une influence importante à l’époque : de par leur parenté avec les sonates de Buxtehude ; ou par leur influence sur Jean-Sébastien Bach qui rencontra Reincken lors de son voyage à Lüneburg en 1700 (et peut-être aussi en 1705 lors de son voyage à Lübeck, pour y entendre Buxtehude) et transcrivit pour clavecin trois des Partitas de l’Hortus Musicus.
Ce jardin de musique évoque les senteurs enivrantes, les couleurs foisonnantes, qui sont le propre de ce Stylus Phantasticus, aux affects changeants, fécondé de « libres fantaisies » ou toccatas.
Ivresse de senteurs, de passacailles ou chaconnes qui évoquent la transe de danses « populaires », mais pas seulement. S’il était aussi permis d'y imaginer une image d’harmonie, comme équilibre mouvant de la ronde des saisons, de la vie toujours renaissante, ou comme reflet d’une cosmologie. Ciaccona, Il mondo che gira, titrait l’ensemble Stylus Phantasticus pour son disque consacré à Buxtehude. Gilles Cantagrel y développait dans la notice le lien profond entre ostinato et vision cinétique et cyclique, de l'univers, via les découvertes (en médecine ou astronomie) **.
De ce point de vue : c'est un jardin dont le caractère fantasque ne peut faire oublier l’harmonie et la rigueur de composition. Six partitas de forme rigoureusement similaire sur le modèle de la suite de danse, avec en préambule de chacune d’elle une vaste « sonate » en plusieurs mouvements, qui sont elles-mêmes autant de jardins (on pourrait presque oser le terme fractal).
Parenté avec Buxtehude, ivresse et tournoiement, chatoyance de coloris, diversité et harmonie, et aussi un ton singulier qui va au-delà de parentés stylistiques : comme ces allemandes sont belles !
* Les ragots de Mattheson qu'évoque Jean-Christophe Pucek in http://passee-des-arts.over-blog.com/article-fantasques-allees-hortus-musicus-de-reincken-par-stylus-phantasticus-62149382.html
** « Le XVIIème siècle voit se généraliser l'image du système solaire. Après Copernic, Galilée affirme la rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil, et Kepler calcule les trajectoires des planètes autour du soleil. Découverte essentielle, alors, celle de la circulation, le cycle circulaire du sang par Harvey bouleverse les idées établies et contribue à affirmer une vision nouvelle, cinétique et cyclique, de l'univers […] Et il y a tout lieu de penser que chez cet humaniste de vaste culture [Buxtehude], l'œuvre sur ostinato est une manière de commenter une certaine conception du monde. »
> A suivre : - petit topo sur les sonates en trio de Buxtehude ; - éléments discographiques Reincken ; - éléments discographiques Buxtehude… Dans l’ordre ou le désordre.
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PS (juin 22) : extension du fil à Erlebach et plus généralement à la musique de chambre du Stylus phantasticus
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Dernière édition par xoph le Dim 26 Juin 2022 - 13:08, édité 7 fois
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 4 Avr 2021 - 19:24
Johannes Voorhout : Scène musicale familière, ou Allégorie de l'amitié (1674)
On y voit Reincken au clavecin, Buxtehude à la viole de gambe, et par la grâce du luth enchanté, ou tout ouïe : Johann Theile, qui aurait, le premier des trois, "annoncé"* en 1683 un recueil de suites à deux violons et une viole de gambe. Pas de trace, semble-t-il, de ce recueil. De ces échanges autour de Hambourg et Lübeck, les œuvres marquantes pour musique de chambre s'échelonneraient ainsi :
- Johann Theile - 1683 suites disparues ; - Dietrich Buxtehude - 1684 suites sans doute jamais publiées ; - Johann Adam Reincken - 1688 Hortus Musicus ; - Dietrich Buxtehude - 1694 suites Op. 1 ; - Dietrich Buxtehude - 1696 suites Op. 2 ; - Dietrich Buxtehude - [Dates échelonnées] suites du manuscrit d'Uppsala**, qu'enregistre la Rêveuse par exemple.
* Peter Wollny dans la plaquette de l'Op.1 de Buxtehude par Kraemer/Quintana/Roberts/Börner ** "[…]principale source de la musique du maître de Lübeck [Buxtehude]. Celui-ci entretint en effet une relation amicale suivie avec le Kapellmeister de la cour royale de Suède à Stockholm, Andreas Düben. et il lui envoya un grand nombre de ses propres œuvres, pour son usage à la cour de Suède." Gilles Cantagrel dans l'album Reincken-Buxtehude de La Rêveuse.
PS : Sur la partition que tient Johann Theile sur ses genoux, canon tiré du psaume 133 "Oh ! qu'il est doux, qu'il est agréable pour des frères de demeurer ensemble", l'on peut aussi lire "Canon écrit en l'honneur des frères Dieterich Buxtehude et Johann Adam Reincken".
Dernière édition par xoph le Jeu 8 Avr 2021 - 18:41, édité 3 fois
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 4 Avr 2021 - 23:45
Au point (presque) final étaient :
Opus 1 & 2 Buxtehude
L’on se rappelle que la modernité de Buxtehude, sa fantaisie radieuse, ses syncopes, ses rondes cosmiques, la sublime élévation de la triade des Chaconnes et Passacaille BuxWV 159-161 par Helmut Walcha (« une si chaleureuse poésie, tournée vers l'azur » selon Mélomaniac) avaient su lui faire emporter haut la main le « Jeu des compositeurs » sur ce forum. Il n’y a bien qu’ici que le Stylus Phantasticus sait être reconnu à sa juste valeur : combien d’intégrales de l’Hortus Musicus ? une à ma connaissance ; combien d’intégrales de l’Opus 1 & 2 de Buxtehude ? pas beaucoup plus…
Pourtant c’est un Buxtehude en pleine maturité qui publie en 1694 l’Opus 1, à compte d’auteur. Il a alors 57 ans, est renommé ; il est depuis une petite trentaine d’année la figure majeure de la vie musicale à Lübeck, encore capitale de la ligue hanséatique quelques années auparavant. Deux années après, il publie cette fois l’Opus 2.
Si l’on ne peut sans doute évaluer leur importance à l’aulne du corpus pour orgue, Buxtehude est loin de les avoir considérés comme mineurs, comme on le comprend !
L’Opus 1, contrairement à l’Hortus Musicus de Reincken, qui est bâti sur une forme de suite identique (ce qui n’enlève rien à sa fantaisie) se compose de sept sonates (dans la tradition de la sonate italienne) toutes de formes différentes dans leur nombre de mouvements, dans l’alternance de ces mouvements. On y sent un Buxtehude tout à la fois expérimentateur et soucieux de faire partager sa foisonnante palette. Peter Wollny, dans son enthousiasme, se laisse sans doute un peu emporter : « Cette manière, qui oppose à des sections plus ou moins longues d’inspiration traditionnelle des soli aux allures d’improvisations et d’une exubérante virtuosité, sera portée à son paroxysme par des compositeurs allemands toujours plus hardis. Dans leur excentricité, les sonates de Buxtehude représentent sans aucun doute le point culminant – et le point final – de cette évolution. […] Ce qui importe à Buxtehude, c'est l'expression, l'originalité poussées à l’extrême, et pour y parvenir, il recourt à des harmonies audacieuses, passe sans transition d’une technique de composition à une autre, exige de l’interprète une virtuosité implacable, évite toute routine dans la succession des mouvements. […] Le clou du recueil est la sonate en ré mineur, carrément anarchique avec ses effets de surprise permanents et une structure aussi libre que celle d’une fantaisie. »
Et dire que tout cela ne s’arrange pas vraiment avec l’Opus 2 : pour notre plus grand bonheur !
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Mar 6 Avr 2021 - 23:14
Ensuite (ou au milieu) : Le manuscrit d'Uppsala - Buxtehude
Pas tant d'informations que cela si ce n'est celles citées plus haut, ou à moins de lire le Buxtehude de Gilles Cantagrel. Cette source majeure dans l'œuvre de Buxtehude, que les échanges amicaux qu'il entretenait avec le Kapellmeister de la cour royale de Suède à Stockholm Andreas Düben ont rendu possible, contient de nombreuses cantates ; des sonates de "chambre" ; peut-être des œuvres pour clavecin ou pour orgue. Il semble qu'avec patience et passion, l'on puisse trouver de quoi préciser ces apports sur le site de "The Düben Collection Database Catalogue" : https://www2.musik.uu.se/duben/Duben.php .
Eh bien le troisième, qui est en fait le premier des disques où la Rêveuse aborde le Stylus Phantasticus (et sans doute le premier des disques à se procurer pour aborder cette musique sous son angle chambriste) est consacré à Reincken et Buxtetude. Avec deux partitas de Reincken (la I et la IV - ma préférée pour l'ile déserte) et des sonates issues du manuscrit d'Uppsala. Et devant tant de splendeurs pourquoi ne pas y associer une transcription pour deux orgues de l'une des magiques chaconnes pour orgue - BuxWV 159, par exemple ?
Buxtehude - Rein(c)ken(que l'on se rassure, c'est bien le même) La Rêveuse Stéphan Dudermel : violon David Ayache 2004 d’après Amati – archet Alain Héroux Simon Heyerick : violon Bart Visser 1989 d’après Amati – archet Daniel Latour Florence Bolton : basse de viole italienne 6 cordes Pierre Jaquier 2004 – archet Craig Ryder Angélique Mauillon : harpe triple Simon Capp 2002 Benjamin Perrot : théorbe Maurice Ottiger 2005 d’après Matteo Sellas Bertrand Cuiller : clavecin italien Philippe Humeau 2002; orgue coffre Bernard Aubertin 1984, un jeu (bourdon 8’ en bois) Emmanuel Mandrin : orgue Alexandre Jacquet de l’église de Waly, bourdon 8’, flûte 4’, prestant 4’
Spoiler:
Johann Adam Reinken Hortus Musicus IV d-moll Hortus Musicus I a-moll
Dietrich Buxtehude Sonata in G BuxWV 271 Sonata in C BuxWV 266 Ciacona c-moll BuxWV 159 (Arrangement pour 2 orgues) Sonata in F BuxWV 269
Maintenant, que la Rêveuse n'ait interprété que deux des partitas de Reincken sur six, eh bien il faudra faire avec, ou attendre… ou les repasser en boucle… Ou écouter l'ensemble Stylus Phantasticus, ou les Cyclopes, ou…
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Sam 10 Avr 2021 - 0:08
Hortus conclusus
A voir le frontispice de l’édition originale de l’Hortus Musicus, l’on peut se demander ce que Peter Wollny (par ailleurs très respectable directeur de la Bach-Archiv à Leipzig) avait fumé pour voir dans la sonate en ré mineur de l’opus 1 du frère de Reincken, Buxtehude, l’anarchie faite musique.
Soli Deo Gloria, dont Bach saura se souvenir (ou partager), peut-on lire sur ce sage portique d’entrée qui marque le seuil d’un jardin clos que l’on devine ordonné. C’est bien ce même Bach, qui de retour à Arnstadt, après avoir rencontré Reincken se verra pourtant adresser le reproche suivant : « comment se fait-il, Monsieur, que depuis votre retour de Lübeck, vous introduisiez dans vos improvisations beaucoup trop longues d'ailleurs, des modulations telles que l'assemblée en est fort troublée ? »
L’influence pernicieuse de Reincken, que Bach admirait, avait fait ses effets.
Friederike Heumann, à la viole de gambe et direction du Volume I de l’Hortus Musicus par l’ensemble Stylus Phantasticus (sans volume II à ce jour) signe la très instructive notice, argumentée, et aux sources contrôlées de ce si beau disque. Elle voit dans cette gravure une image d’harmonie, et la relie à l’Hortus conclusus * du Jardin d’Eden.
Je ne saurais en juger, mais cette image d’un jardin d’ordre divin est certainement aussi présente que l’ivresse des parfums. Et pour tout dire : la si merveilleuse allemande de la si magnifique partita IV (l'on peut en dire autant de la I), respire un tel bonheur teinté de mélancolie, qu’à mes oreilles athées, le paradis perdu pourrait pourtant sembler si proche.
Quant aux interprétations, à propos desquelles je dirai quelques mots à suivre, de façon générale (pour le Stylus Phantasticus) : les plus émouvantes et les plus belles sont, pour moi, celles qui savent trouver l’oscillation entre cette harmonie ordonnée et les fantasques fantaisies.
*:
Jardin enclos - Hortus conclusus Maître anonyme du Haut Rhin, La Vierge au Paradis avec les saints, vers 1410.
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 11 Avr 2021 - 15:39
… Il mondo che gira
Petit monde que celui des interprètes baroques, plus petit encore celui des interprètes du Stylus Phantasticus. Que l’on ne compte pas sur l’ensemble estonien Hortus Musicus : ni Reincken (!) ni Buxtehude à leur répertoire.
Par contre l’astre fixe autour duquel gravite cette ronde d’interprètes est Dirk Börner (claviers). C’est statistiquement scientifique, et réjouissant.
Ensemble Stylus Phantasticus pour Reincken, au clavecin : Dirk Börner ; Les Cyclopes avec Manfredo Kraemer pour Reincken toujours, qui, lui, enregistre l’Op. 1 de Buxtehude, avec ? Dirk Börner, bien entendu ! Mis à part cette boutade, on peut par contre faire le lien entre l’approche de Dirk Börner (professeur d’improvisation à la Schola Cantorum de Bâle), qui met en avant la part d’improvisation de la musique baroque, et particulièrement du Stylus Phantasticus, et un autre interprète : le cornettiste William Dongois. Ce n’est pas un hasard si leurs noms sont si présents parmi les interprètes qui chérissent cette période.
> William Dongois – Le Concert brisé » « Le Concert Brisé regroupe des musiciens ayant une vision commune dans leur démarche musicale générale et leur rapport aux sources historiques. Cette accointance constitue un des deux piliers de référence de leurs interprétations, l'autre étant l'utilisation de techniques d'improvisation étudiées dans le répertoire du jazz et des musiques traditionnelles. »
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Jeu 15 Avr 2021 - 23:47
Reincken - Discographie
Mis à part l’album de la RêveuseBuxtehude-Reincken évoqué plus haut : peu de choses du côté de Reincken. J’en avais un peu parlé en Playlist, je complète par une ou deux choses.
Aussi rares que de qualité : deux très beaux albums Reincken pour l’Hortus Musicus.
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Les cyclopes, avec pour couverture une vanité, qui nous rappelle combien les jardins sont vivants, ou combien les ivresses s’évanouissent. Que l’ostinato nous emporte !
des figures de l'ombre:
"La Vanité, la Modération (ou la Modestie) et la Mort" - Johannes Stradanus (Jan Van Der Straet) - (Musée du Louvre)
Pas une fleur ne manque au jardin ; sans doute manquent quelques reprises par contre, pour faire tenir les six partitas en un CD, avec des tempi pourtant parfois plus alanguis que par l'ensemble Stylus Phantasticus. Cette version n’a pas seulement pour elle d’être la seule intégrale (à ma connaissance) de l’Hortus Musicus ou d’avoir l’aura de contrées inaccessibles (certains prix exorbitants circulent sur la toile pour cette version non rééditée ; attention l’écoute sur Deezer est quasi inaudible) :
Autour de Bibiane Lapointe et Thierry Maeder, fondateurs des Cyclopes, rien moins que Manfred Kraemer au violon, ou Guido Balestracci à la viole de gambe : on peut difficilement être mieux servi. Par son allant et sa vivacité, c’est une version qui met en avant le caractère fantasque de l’Hortus Musicus : la viole de gambe de Guido Balestracci y est magnifique dans ses emportements ou ses songes ; le violon de Manfred Kraemer tout de fougue et dynamique. Pourtant, ce n’est peut-être pas celle que je préfère. Les ruptures expressives du Stylus Phantasticus, les effets de contrastes sont-ils parfois trop appuyés ? les allemandes prennent-elles une gravité qui nous éloigne de ce qui peut nous ravir - le tempo de l’allemande de la partita IV semble bien lent pour un allegro ?
Superbe version ceci étant. On retrouvera Manfred Kraemer dans un très bel Op. 1 Buxtehude
Les cyclopes * Manfred(o) Kraemer, Laura Johnson, violons, Guido Balestracci, viole de gambe, Brian Feehan, théorbe et guitare, Bibiane Lapointe, clavecin, Thierry Maeder, orgue positif.
Une autre très belle version et sans doute ma préférée :
Celle de Friederike Heumann, à la viole de gambe et à la direction de l’ensemble Stylus Phantasticus. Presque l’intégrale, manquent les partitas III et V (on attend le volume II depuis 2010). J’en parle un peu plus haut à quelques reprises : une version toute de charme et intelligence, sans doute pas celle de l’ivresse, mais celle qui à coup sûr vous emmène dans sa ronde pour ne plus vous lâcher.
Quand on voit l’équipe, tout comme pour les cyclopes, l’on n’est pas autrement surpris de l’excellence du disque :
Ensemble Stylus Phantasticus Friederike Heumann, viole de gambe & direction Pablo Valetti & David Plantier, violons. Eduardo Egüez, archiluth. Dirk Börner, clavecin & orgue positif.
Je ne saurais guère mieux dire que Jean-Christophe Pucek (dans l’article dont je donnais le lien en tout début du fil) : « […] la conduite des voix et l’équilibre entre les parties sont magistraux, le discours est mené avec autant de fermeté que de subtilité, cette assise à la fois extrêmement solide et souple permettant aux affects de se déployer dans toute leur splendeur et de toucher l’auditeur. L’approche est dynamique sans être ébouriffée, très chantante, avec une palette de couleurs qui dément magnifiquement les reproches de sécheresse et d’étroitesse sonore que certains adressent, certes parfois non sans quelque raison, aux ensembles « historiquement informés ». Ici, c’est bien le cœur qui palpite sous l’impeccable construction […] »
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Sam 17 Avr 2021 - 16:34
Bach / Reincken
Jean-Sébastien Bach aura rencontré Reincken à deux périodes de sa vie : La première fois, en 1700 : cinq ans avant le fameux voyage à Lübeck (pour entendre Buxtehude), il se serait rendu à Hambourg (à pied depuis Lünebourg, où il était pensionnaire) pour rencontrer Reincken. Puis en 1720, il aurait improvisé devant Reincken à l’orgue sur le choral « An Wasserflüssen Babylon », que Reincken a lui aussi mis en musique à l’orgue. C’est à cette occasion que Reincken aurait dit : « je croyais que cet art était mort, mais je vois qu’il vit encore en vous ».
Les trois œuvres transcrites par Bach sont les suivantes : - La partita I dans son intégralité : BWV 965 ; - La sonate introductive et l’allemande de la partita III : BWV 966 ; - La fugue de la sonate introductive de la partita II : BWV 954.
Pas de partita IV, quel dommage Celle pourtant, qui vous happe dès les premières mesures de la sonate, sombre imploration, vous ravit dans les si tendres et dansantes allemande ou courante, et vous emporte dans sa gigue ébouriffante. La plus jouée aussi (y compris par l’ensemble Stravaganza dans son album joliment construit AbendMusiken*)
Mais ce qui intéresse Bach en premier lieu, c’est le laboratoire de fugues de l’Hortus Musicus. Ce qu’en dit Alberto Basso : "95 mesures pour la fugue de 50 mesures chez Reincken (BWV 954) ; 85 pour 50 pour la fugue de BWV 965 ; 97 contre 47 pour celle de BWV 966". Le compte est bon, ou pas tant ? Dans cette spirale infinie, aussi mobile qu’immobile : une mesure en plus ou en moins…
On trouve les très belles interprétations suivantes (entre autres) :
• Benjamin Alard, clavecin Philippe Humeau d'après Carl Conrad Fleischer, Hamburg 1720. BWV 965 et BWV 966
• et (son Rameau est très beau aussi, au premier survol) : Mutsuko Miwa, pour BWV 965 et BWV 954
* Ensemble Stravaganza:
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Lun 1 Nov 2021 - 15:15
La discographie des œuvres de Buxtehude pour musique de chambre a été particulièrement féconde depuis quelques temps > Opus I et II par Les Timbres (2020) > Opus I et II par Arcangelo (2021) > et réédition des trois volumes (dont opus I et II) en un coffret, initialement parus dans - Opera Omnia Buxtehude - par Koopman (2014 - réédition 2021)
Foison de très bonnes interprétions (et ce ne sont pas les seules, si on ajoute John Holloway, et celles ou ceux que je ne connais pas) ; on peut espérer que ces interprètes tourneront leur regard vers l'Hortus Musicus de Reincken, mais pas une raison pour faire la fine bouche.
J'essayerai d'y revenir.
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 6 Fév 2022 - 19:07
Buxtehude - Discographie
Largement plus documentée que Reincken (ce qui me rassure et m'attriste, mon cher Reincken…) ; pour celles que je connais, il n'y a pas de mauvaise version pour ces sonates réputées pourtant si difficiles d'exécution. Il est vrai que l'on a à faire à des ensembles de premier plan.
Intégrale ou pas et quelle intégrale ? cette musique dont on a vanté le côté fantasque, la liberté d'agencement (chez Buxtehude, moins chez Reincken : 6X5 et c'est comme ça, car ainsi va le monde), ne gagne pas à une écoute continue. Les alternances d'affects, les ruptures, les cavalcades suivies des plus songeuses divagations, la forme même de la passacaille ou chaconne (bâtie elle même sur un ressassement), à trop être répétées se dissolvent, et pourraient n'apparaître que comme procédés.
Alors?
• Le plus beau disque pour le manuscrit d'Uppsala, mais fragmentaire. L'on y trouve par ailleurs l'une des meilleures versions si ce n'est la meilleure de BuxWV 261 tirée de l'opus 1. En deux passacailles, celles de BuxWV 272 (Uppsala) et BuxWV 261 (op.1), si proches du trio des chaconnes et passacailles pour orgue (BuxWV 159-161), on se rend vite compte que par cette parenté, cette musique de "chambre" (que Buxtehude publie à compte d'auteur pour l'op.1) est d'une intensité peu commune. La Rêveuse avait dans son premier disque (Buxtehude-Reincken) réussi un disque magnifique. Elle réitère ici, avec cette même façon (que l'on retrouve aussi dans le Reincken de Stylus PhantasticusHeumann/Valetti) de vous emporter sans crier gare en ces douces ivresses tournoyantes. La Rêveuse Stéphan Dudermel : violon Florence Bolton : viole de gambe Emily Audouin : viole de gambe Benjamin Perrot : théorbe Carsten Lohff : clavecin Sébastien Wonner : orgue
• La plus fantasque et la plus libre pour l'opus 1 ; la plus improvisé aussi dans le sens baroque (et selon les inclinations des ses contributeurs Kraemer, Börner) : il suffit d'écouter le clavecin en préambule de BuxWV 254. Brûlant, vif, jamais caricatural, peut-être la meilleure introduction au corpus de ces sonates, avant d'aller chercher vers des humeurs plus envoûtantes que fantasques. Dirk Börner, clavecin Juan Manuel Quintana, viole de gambe Manfredo Kraemer, violon Dane Roberts, contrebasse
• Alors pas d'intégrale ? si, bien sûr, car quand l'on aime… mais une seule en ce cas, car c'est la seule complète. Elle comprend les deux Opus et les pièces issues du manuscrit d'Uppsala (ce qui n'est pas le cas des Timbres, par ailleurs excellents, mais je le crains trop fins pour moi). Et que Koopman, qui y alterne clavecin et orgue, Pandolfo magnifique comme toujours à la viole, sont formidables. Elle n'a en somme presque comme seul défaut que d'être une intégrale… Ton Koopman, clavecin et orgue Paolo Pandolfo, viole de gambe Catherine Manson, violon Jonathan Manson, viole de gambe Mike Fentros, luth David Rabinovich, violon Christine Sticher, contrebasse
Dernière édition par xoph le Sam 12 Fév 2022 - 12:53, édité 5 fois
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Lun 7 Fév 2022 - 7:50
2022 verra célébrer le tricentenaire de la mort de Reincken. Espérons que l'Hortus Musicus sera à l'honneur ! Les Timbres, La Rêveuse, L'Achéron, au boulot !
En attendant https://www.iremus.cnrs.fr/fr/evenements/focus-sur-j-reincken-1722-2022 et plus substantiel https://www.iremus.cnrs.fr/fr/appel-communication/focus-sur-j-reincken-1722-2022
Dernière édition par xoph le Dim 26 Juin 2022 - 13:37, édité 1 fois
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Sam 12 Fév 2022 - 12:07
Abnegor a écrit:
Reincken, Hortus Musicus - Ensemble Stylus Fantasticus Merci à xoph d'en avoir parlé, c'est une très belle découverte pour moi . Reincken, c'est pas de la petite bière.
Abnegor a réveillé en moi le reinckenien buxtehudien qui n'était que depuis trop longtemps assoupi !
Du coup retour sur un très bel album de Buxtehude, autour des sonates mais aussi de certaines pièces pour orgue (dont la lien avec les œuvres de musique de chambre est parfois manifeste), par William Dongois et le Concert Brisé. Une des plus belles introduction à ce monde des sonates de Buxtehude, par l'intelligence, la variété de construction de ce florilège, le talent imaginatif (comme Dirk Börner, l'improvisation est au cœur de son travail) de William Dongois, et les timbres de ciel changeant des cornets à bouquin et saqueboutes.
On en avait un peu parlé dans le fil Buxtehude - Œuvres vocales (où ce disque n'a pas trop sa place). Je reprends ci-après en ajoutant quelques données factuelles
Xoph a écrit:
Democrite à propos d'un autre disque Dongois/Buxtehude a écrit:
Diapason ce mois-ci a attiré ma curiosité vers ce disque du cornettiste William Dongois : Buxtehude, Cantatas & sonatas, Le Concert Brisé.
Ce doit être la prestance de William Dongois et finalement de tous les musiciens qui me fait adorer. Ils font une musique à réveiller tous les buxtehudiens endormis (que vous êtes tous). Je préfère les passages vifs, dansants, qui tourbillonnent. […]
Issu de Playlist:
Dieterich Buxtehude (1637-1707) Sonates avec cornet à bouquin, et œuvres d'orgue Le concert brisé William Dongois, cornets à bouquin (quatre sont utilisés) Stefan Legée, sacqueboute Pierre-Alain Clerc, orgue Felsber 1986 St Paul de Lausanne (dans le style d'Arp Schnittger)
En fait des transcriptions pour cornet à bouquin, mais ça marche du tonnerre
David Rolland a écrit:
@Xoph Si je me souviens bien de ce disque Buxtehude, ça doit faire du bruit, c’est motorique et souple à la fois.
Du bruit, oui: le cornet (et sacqueboute), virtuose, est plus éclatant que le violon (pour lequel ces sonates sont écrites) et apporte une couleur flamboyante, mais qui peut aussi bien basculer vers une expressivité vocale mélancolique (alliée aux contrechants de l'orgue), voire de poignants lamento. Du mouvement, bien sûr: comme souvent chez Buxtehude, maître des ivresses tournoyantes et spirales jubilatoires. Du coup, je réécoute ce disque et confirme: superbe !
Et réécoute, et contresigne.
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Lun 14 Fév 2022 - 13:04
Je n'avais pas auparavant prêté attention à l'intitulé complet de l'Hortus Musicus de Reincken, le voici
Hortus musicus recentibus aliquot Flosculis
appel à contribution aux latinistes et/ou aux poètes et poétesses ; en attendant je propose :
"Jardin de musique aux fleurs à peine écloses"*
Ah, le bonheur de ces allemandes…
* qui me semble, malgré mon incompétence en latin préférable au "Un musicien de jardin avec des fleurs fraîches" proposé par google. Et pourquoi pas des nains de jardin !
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Mar 15 Fév 2022 - 22:29
du fil Débuter avec la musique baroque
Mefistofele a écrit:
[…] img(80px,80px)]https://i.servimg.com/u/f26/20/19/90/11/rein_j10.jpg[/img] Johann Adam REINCKEN : Hortus Musicus Volume 1: Partitias I, II, IV & VI (Stylus Phantasticus, Friedericke Heumann)
Écouté distraitement ce matin sans grande conviction, mais je sentais un je-ne-sais-quoi qui m'a fait promettre de le repasser ce soir, cette fois avec attention. C'est souverainement joué, avec une grande musicalité — les touches de couleur du luth (? on dirait de la guitare) dans l'Allemande du II —, l'irrépressible envie de danser lorsque les gigues arrivent, les ostinatos à plusieurs niveaux, la variété des atmosphères — l'ouverture tragique de la sonate du IV avec le positif et les violons qui se répètent, avant l'espèce de fugue bachienne du meilleur effet. Je suis conquis !
Xoph a écrit:
Tu as bien fait de faire confiance à ce je-ne-sais-quoi (le "cœur qui palpite sous sous l’impeccable construction" selon J.C. Pucek). Reincken malgré son style fantasque (et ordonné) ne se dévoile pas si facilement. Mais dès que le charme de sa musique vous prend c'est un ravissement, dont on ne se défait plus (l'ouverture de la IV ou la VI, les allemandes de la IV, la II ou la I,… pour moi plus que les gigues pourtant savantes et aimées de Bach).
En tout cas, je suis très heureux que cette musique ai pu te plaire (pas tout à fait évident, j'avais failli te le déconseiller - 4 partitas sur un moule identique, pour une première approche et puis je me suis dit : si on va jusqu'à la quatrième, on ne peut que trouver ça magnifique)
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Mar 15 Fév 2022 - 23:06
Mefistofele a écrit:
J'ai vraiment beaucoup aimé Reincken à la réécoute, le je-ne-sais-quoi étant certainement lié aux couleurs variées (l'Allemande du II a vraiment retenu mon attention) et le rythme qui innerve les partitions. En lisant la notice, je pense que ce doit être les ostinati harmoniques, un tricotage plus coloré et vivant que celui de Bach — qui sonne souvent trop mathématique à mon goût — qui m'a frappé. Et les effets d'écho d'une pièce ou d'un mouvement à l'autre, qui aide possiblement à rentrer dans l'univers et affirmer sa singularité.
Je réécoute en ce moment l'Allemande de la IV, oui, c'est vraiment beau, les superpositions, les danses typiques (ou presque) et agiles du dessus avec effet fugué ou entrelacé, la viole par-dessous, comme une sorte de précurseur du quatuor dans le langage... Et les couleurs du luth dans la courante. Je suis vraiment touché par cette musique à un point que je n'imaginais pas.
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Mer 4 Mai 2022 - 23:44
Pour info
La seule (à ma connaissance) et très belle intégrale de l'Hortus Musicus de Reincken par Les Cyclopes, est disponible sur Youtube, sous licence (Pierre Verany), avec minutage et partition en défilement ! Le disque original n'est pas si facile à trouver, et l'audio sur deezer fort mauvais, on ne peut que se féliciter de cette initiative.
Spoiler:
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 26 Juin 2022 - 13:06
Pour prolonger de si heureuses écoutes : ouverture du fil vers Philipp Heinrich Erlebach, et la musique de chambreStylus phantasticus de façon générale. A suivre…
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 3 Juil 2022 - 16:52
Réédition du disque Erlebach de Stylus Phantasticus (quatre et seuls albums au compteur, mais quels albums, sous la direction de Friederike Heumann), chez Alpha, à prix très doux ; l'original paru en 2001 avait reçu un très bon accueil critique (diapason d'or), et était l'un des premiers enregistrements, si ce n'est le premier Erlebach. D'autres anthologies ont suivi depuis (Le Banquet Céleste/Damien Guillon ; l'Achéron/François Joubert Caillet)
J'emprunte sans vergogne à Silke Berdux et Friederike Heumann cette présentation de Philipp Heinrich Erlebach, ainsi que presque toutes les autres citations à suivre, et le corps 3 entre deux images à Alifie : "Né en 1657 à Esens (Frise orientale), il est actif dès 1679 au plus tard et jusqu’à sa mort en 1714 à la cour des comtes de Schwarzburg-Rudolstadt située dans la petite capitale thuringienne de Rudolstadt. […] D’abord musicien et valet de chambre du comte, Erlebach devient en 1681 Capelldirector et enfin Capellmeister. Il a sous sa responsabilité l’organisation de la Hofkapelle (qui comprend en 1665 quatorze chanteurs, instrumentistes et trompettistes, alors qu’il y en aura dix-neuf en 1691), l’éducation des petits chanteurs et l’entretien des instruments. Sa préoccupation principale reste cependant la composition et l’exécution de musiques pour toute occasion. Erlebach compose donc dans presque tous les genres : le concerto sacré, la cantate, l’historia (mise en musique de récits bibliques), la messe, le motet, l’aria, la cantate festive et d’hommage, la musique de scène et le ballet, ainsi que l’ouverture et la sonate dans le domaine de la musique instrumentale. " La plupart des œuvres d'Erlebach sont malheureusement perdues : "En 1735, en effet, un important incendie au château détruisit presque toutes les partitions, et parmi elles la propre collection d’Erlebach, que la cour avait acquise auprès de sa veuve après la mort du compositeur en 1714."
Le disque de Stylus Phantasticus entremêle, parmi les rares œuvres qui sont donc parvenues jusqu'à nous, airs et sonates.
Philipp Heinrich Erlebach (1657-1714) Zeichen im Himmel
Víctor Torres, baryton Stylus Phantasticus Pablo Valetti, violon, violino piccolo Friederike Heumann, viole de gambe Eduardo Egüez, Théorbe, guitare baroque Siobhán Armstrong, double harpe Dirk Börner, clavecin, orgue David Plantier, Violon Sophie Watillon, viole de gambe Brian Franklin, viole de gambe
On est pas très loin dans les sonates de Buxtehude ou Reincken, avec sans doute moins d'effervescence que chez Buxtehude, et moins de cette légèreté ensorcelante que chez Reincken, mais c'est très très beau, et comme l'on pouvait s'en douter : l'art de la respiration, des nuances, de l'équilibre des voix de Stylus Phantasticus feraient passer m'importe quel accord arpégé pour un chef-d’œuvre. Ce qui emporte tout par contre, ce sont les airs, parfois presque enjoués (Schwaches Herz), ou poignants et élégiaques (Meine Seufzer, Meine Sinnen), malgré leur apparente simplicité : Víctor Torres y est absolument formidable (et pour moi une révélation, à cette réécoute).
Et au risque de me répéter, il n'est besoin que de lire le nom des interprètes de Stylus Phantasticus, pour s'écrier avec Johann (sur un site marchand bien connu) "Alors pourquoi est-ce que j'écris : Pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup plus de cette « équipe » ? Et parce que je voulais dire que le discours de Victor Torres m'agite en larmes...", et remercier le traducteur automatique pour ce moment fort, et si sincère.
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 10 Juil 2022 - 12:49
Voilà ce que dit François Joubert-Caillet des sonates en trio d'Erlebach : "l'oxymore, ou l'accord d'idées apparemment opposées en un seul et même objet, pourrait être ce qu'Erlebach a su le mieux décrire, composant une musique essentielle, absolue autant que généreuse et emphatique. De riches conversations au sujet d'une profonde légèreté se déploient ainsi entre violon, viole et basse continue, les dialogues en imitation – traditionnellement transalpins – y sont déclinés avec une simplicité gracieuse et un bouillonnement délicat." Cela pourrait s'appliquer à Reincken, las je n'y trouve pas la magie et le charme ensorcelant de l'Hortus Musicus. Ça tient à pas grand chose : on est sur le même modèle de suite à la française, on trouve presque presque les mêmes motifs rythmiques, ou les ostinato que chez Reincken. Et pourtant dans cet oxymore, la légèreté est bien présente, mais pas d'intensité ; la délicatesse, certes, mais le bouillonnement ? Interprétation, comme à l'accoutumé chez l'Achéron, fine et avec bel étagement des plans. Mais où sont les épices qui rendraient à cette musique un peu pâle des couleurs plus nerveuses ?
Philipp Heinrich Erlebach (1657-1754) • Sonates en trio, intégrale François Joubert-Caillet, viole et direction L'Achéron
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Autrement plus séduisant est le disque suivant, même si le disque de Stylus Phantasticus avec Victor Torres (Zeichen im Himmel) m'est encore plus immédiatement proche. Là encore c'est surtout les airs qui emportent, plus que les sonates.
Philipp Heinrich Erlebach (1657-1754) • " Plaisirs harmoniques des amis musiciens " - Harmonische Freude Musicalischer Freunde | Lieder • deux sonates (quinta et seconda)
Damien Guillon, contre-ténor et direction Le Banquet Céleste
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Dim 17 Juil 2022 - 23:39
xoph a écrit:
Interprétation, comme à l'accoutumé chez l'Achéron, fine et avec bel étagement des plans. Mais où sont les épices qui rendraient à cette musique un peu pâle des couleurs plus nerveuses ?
Philipp Heinrich Erlebach (1657-1754) • Sonates en trio, intégrale François Joubert-Caillet, viole et direction L'Achéron
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Je ne sais pas, ce sont les partitions et les ambiances voulues par le compositeur qui permettent de procurer cette pâleur sans nervosité ni épices ? Je ne suis qu’au début de la sonate première, pour l’instant. C’est justement ce que je recherche ce soir, après avoir écouté un peu (ou réécouté ?) le premier disque d’Erlebach chez Alpha, avec Victor Torres et Stylus Phantasticus.
Je préfère les sonates aux arias en cette période de ma vie. La complexité amenée par des voix sur cette musique de la fin du XVIIe siècle me déstabilise un peu, les instruments portent déjà un discours éloquent et expressif qui peut me suffire pour ce soir. Les voix sont chargées de tant de ces choses humaines, qui parfois nous dépassent quotidiennement, que la nature des instruments se rapproche plus du silence et de la neutralité, tandis que la voix est le signe de la vie, de la ferveur attestée et de la possibilité d’une promesse, qui se fait parfois attendre longuement, au point de décevoir. Là, j’aurais un peu le même discours que les maîtres de chiens de compagnie qui disent et assument, mais un peu désabusés : au moins les chiens ne nous trahissent pas, ils ne nous mentent pas. La musique instrumentale a aussi cette simplificité fidèle, qui a le mérite de l’expression tout en suspendant la parole vivante des autres, certes élément principal de l’esprit, dont la pression nous sature toutefois quand la discordance domine.
D’ailleurs, plus le disque avance, plus je profite de la source qu’il m’inspire dans les lointains, qu’Erlebach semble évoquer ou rechercher. La source y est et la ressource s’y puise.
EDIT : Je suis désolé Xoph, je ne peux pas laisser passer cela, pour l’anecdote : je croyais écouter ce disque d’Erlebach, qui était à mon programme. En réalité, j’écoutais un autre compositeur, auquel je dois la substance de mon texte ci-dessus. Ça ne remet pas en cause mon goût pour la musique instrumentale et mon avis sur les airs à la voix en ce mois de juillet, mais je ne parlais donc pas en écoutant Erlebach, que j’écouterai après ou plus tard. Voici l’invité qui s’est permis d’inverser l’ordre de mon programme.
xoph Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Lun 18 Juil 2022 - 0:09
ton texte s'attache, il me semble, plus à tes réflexions sur les bienfaits de la neutralité, voire de la fadeur : le disque de l'Achéron (trop fin pour moi) peut en être un exemple. Te répondrai sans doute plus longuement, il est tard… A l'occasion, si tu connais pas : jette une oreille à Reincken/Stylus Phantasticus pour l'Hortus Musicus ()
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Lun 18 Juil 2022 - 2:02
xoph a écrit:
ton texte s'attache, il me semble, plus à tes réflexions sur les bienfaits de la neutralité, voire de la fadeur : le disque de l'Achéron (trop fin pour moi) peut en être un exemple. Te répondrai sans doute plus longuement, il est tard… A l'occasion, si tu connais pas : jette une oreille à Reincken/Stylus Phantasticus pour l'Hortus Musicus ()
Oui pour cette fois, comme d’autres fois, car je recherche souvent la musique pour ses vertus curatives, davantage que pour « l’art pour l’art ». Je ne peux pas dissocier longtemps la musique et ses effets artistiques des effets qu’elle produit sur mon mental et mon corps. C’en est même un des critères décisifs. Quand les deux sont réunis c’est merveille. Quand je peine à y trouver mon compte, c’est que je vais mal plus fondamentalement, alors la musique n’est plus réellement au premier plan de mes préoccupations, bien que j’en écoute beaucoup. Je suis dans une phase de retrouvailles avec des musiques anciennement aimées, à cultiver en poursuivant ma quête. Cette conception n’est-elle pas un peu baroque, au sens où Bach signait toutes ses partitions « Soli Deo Gloria », tout en vouant la musique à la distraction et au divertissement des humains ? J’aime assez la musique pour en avoir la nausée, assez pour ne pas éviter durablement qu’elle me réconforte et soigne mes maux. Heureusement, elle offre largement de quoi guérir bien des maladies de l’âme.
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre Sam 27 Mai 2023 - 10:15
La discographie de l'Hortus Musicus est trop chiche pour ne pas signaler ce disque
xoph in Playlist a écrit:
Mysterien Kantaten • Johann Pachelbel (1653-1706) Ciacona P 43 • Dieterich Buxtehude (1637-1707) Muß Der Tod Denn Nun Doch Trennen (Klagelied) BuxWV 76/2 Passacaglia D-moll BuxWV 161 Herr, Wenn Ich Dich Nur Habe Buxwv 38 • Nikolaus Bruhns (1665-1697) De Profundis Clamavi (Psalm 130) • Christoph Bernhard (1628-1692) Wohl Dem, Der Den Herren Fürchtet • Heinrich Scheidemann (1595-1663) Präambulum d-moll WV 34 • Johann Adam Reincken (1643-1722) Sonate Nr. 1 a-moll "Hortus Musicus"
Ensemble Les Surprises Maïlys de Villoutreys, soprano Etienne Bazola, baryton Marie Rouquié et Gabriel Ferry, violons Juliette Guignard, viole de gambe Etienne Galletier, théorbe Louis-Noël Bestion de Camboulas, direction, clavecin et orgue
« Mysterien Cantaten », inspiré du cycle de sonates sur les mystères du rosaire écrit par Heinrich Biber vers 1678, nous transporte dans une époque tourmentée de l’Empire Romain Germanique. Les compositeurs imprégnés des mystères religieux, dans un pays atteint constamment par les guerres et les épidémies, redoublent de sciences pour décrire en musique les passions et les tourments de l’Âme.
Tout à fait pour moi, un peu trop sans doute. Content de retrouver mon ami Reincken (et en si bonne compagnie), mais pour cette sonate n°1 de l'Hortus Musicus, l'interprétation par Stylus Phantasticus / Friederike Heumann*, est à mon avis largement au dessus. Pas vraiment de grande surprise, mais un disque bien foutu et de belle facture, même si on peut trouver plus intense au coup par coup.
* ce disque (magnifique) a l'air de s'évanouir doucement du flux numérique (plus que la première sonate sur Deezer… ). Moi, ça m'est bien égal, l'ai déjà
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Sujet: Re: Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre
Buxtehude, Reincken, Erlebach, ... - Musique de chambre