DIMANCHE 13 FÉVRIER 2022 · 16H00
Salle Wagram, ParisBritta Byström –
PersuasionJean Sibelius –
Humoresques n°1, 2, 3 & 5, pour violon et orchestreWilhelm Stenhammar –
Florez och Blanzeflor, Ballade pour baryton et orchestre
Edvard Grieg –
Peer Gynt, suites d'orchestre n°1 & 2 Orchestre Colonne
Marc Korovitch, direction
Éric Lacrouts, violon
Félix Merle, baryton
Je découvrais ce dimanche la salle Wagram et le vénérable Orchestre Colonne, sans trop savoir à quoi m’attendre, prévenu par des échos défavorables sur l’acoustique, et par un concert peu concluant donné à la sortie du confinement par un autre des grands orchestres associatifs du XIXᵉ, les Lamoureux. Quel plaisir donc d’entendre un bel orchestre, dirigé avec brio et enthousiasme, dans un programme original et cohérent, et dans une acoustique très convenable.
Le concert s’ouvrait par une pièce d’une compositrice suédoise, Brita Byström, née en 1977 : j’y ai entendu avant tout une filiation avec le minimalisme américain, John Adams ou Steve Reich, dans des couleurs brillantes et froides. Le morceau est assez court et prenant. Minimalisme signifie souvent difficulté d’exécution par la rapidité des traits et aussi les changements de tempo, et l’orchestre s’en est très bien tiré.
Suivent quatre courtes pièces de Sibelius pour violon, concertantes et brillantes, légères mais qui conservent l’esprit sibélien. On les entend peu en concert, et Éric Lacrouts, second violon solo de l’ONP, chambriste, soliste, leur a bien rendu justice, dans leur caractère folklorique, et leurs accents mystérieux.
La ballade de Stenhammar,
Florez och Blanzeflor, ensuite, d’inspiration entièrement wagnérienne : elle évoque l’Enchantement du Vendredi saint de
Parsifal, et un passage plus brillant et cuivré avant la fin fait, lui, plutôt penser à
Lohengrin. Le baryton y camperait une sorte de Gurnemanz moins sentencieux que chez Wagner, incarné ici avec sensibilité par Félix Merle, du CRR et bientôt du CNSM de Paris. La ballade est écrite sur un poème d’Oscar Levertin, dont le texte était fourni dans le programme de salle (cool !), mais pas la traduction (euh je ne parle pas suédois ?) : renseignement pris on y trouve un caractère nationaliste de couleur médiévale (deux enfants royaux jouent dans un pré / un couple royal, sa mort).
Après l’entracte, les suites de Peer Gynt, dans le désordre (2 puis 1) : une série de tubes servie avec grand panache. Dès la première entrée on sent que ça a été travaillé (le programme était aussi donné, raccourci, le matin, dans une version pour enfants) et qu’on va y prendre plaisir. La variété d’humeurs, mélancolique, drôle, burlesque, endiablé, de chacun des épisodes est rendue avec générosité. Et quel plaisir de voir Korovitch diriger : un geste très plein, décomplexé (pas de fausse pudeur ici), mais aussi très au point techniquement, précis et insufflant beaucoup de dynamisme à ses troupes. Il a souvent ce petit truc
alla Mikko Franck de donner le premier temps d’un coup rapide de baguette vers le haut. Il est à la tête de plusieurs chœurs, dont bientôt celui de l’Orchestre de Paris, je le voyais ici pour la première fois, à la tête d’un orchestre donc (il vient de prendre la direction de Colonne) : et bien
il y va carrément, sans peur et sans reproche. (en voilà un qui
enfourche le tigre.)
Quant à la salle Wagram : elle est bizarrement fichue, esthétiquement très agréable, on a facilement la tête du voisin devant soi. J’étais excentré mais le son restait très correct, les percussions sonnant un peu fort dans les passages de Peer Gynt qui les sollicitent. Assis à droite de la scène, c'est les cordes graves qui étaient défavorisées. Dispositif inhabituel : un écran au-dessus de la scène diffuse en direct un plan fixe d’ensemble de l’orchestre. Et puis soudain, dans les tout derniers instants, on a droit à un montage frénétique entre ce plan large et un plan du timbalier, pour un effet assez comique. La salle devait être remplie à peu près à moitié, ce que j’ai trouvé pas mal. De nombreux proches des musiciens, des élèves de conservatoire, le reste du public d’une sociologie difficile à déterminer.
En somme : ce fut l’excellente surprise du dimanche. Allez écouter sans crainte Colonne et Korovitch, qui proposent des programmes tout à fait intéressants. Le prochain le 10 avril : le Festin de l’araignée de Roussel et la Ronde de nuit de Clémence de Grandval, ainsi que d’autre pièces françaises, sous la direction de Laurent Goosaert cette fois-ci.
http://www.orchestrecolonne.fr/index.php/concerts/saison-2021-2022