Votre dernier film visionné

Emeryck a écrit:

Pas encore vu ce Garrel, ç'a l'air marrant

Oui, c'est assez marrant!

Emeryck a écrit:

je connais simplement le segment où Carax se trimballe son scénar hyper épais.

Et surtout la façon dont, à la fin, Carax se balade les mains dans les poches avec Garrel à la traine, le scénar sur les bras, qui continue à poser ses questions à rallonge... Je me demande vraiment s'il y a là-dedans un projet burlesque conscient (comme une allusion à ces vieux slapsticks où un héros lunaire passait son temps à se faire bolosser), une allégorie à la noix (du genre «c'est le cinéphile qui doit porter le poids du désir-de-film pour que l'artiste-démiurge-albatros soit libre de prendre son envol») ou un simple aléa de tournage («Bon, OK, je veux bien qu'on la fasse cette séquence où on marche, mais je vais pas non plus me coltiner ce truc-là tout du long») - ou peut-être les trois?

Psycho

Je vais faire un peu de pub pour un réalisateur qui je n'ai jamais vu passer dans ce fil (sauf erreur de ma part) : Radu Jude, réalisateur roumain, né en 1977. Le ton de ses films est souvent celui d'une ironie mordante. Il tourne souvent au ridicule l'intolérance, les croyances non interrogées et les manipulations de l'histoire par les dominants. Sur la forme, il est clair que ce réalisateur est très cultivé : on suppose qu'il connait bien l'histoire du cinéma car les clins d'oeil sont nombreux ... et il est clair qu'il a lu un certain nombre d'historiens, de philosophes ... Le tout est utilisé de façon assez naturelle. Il n'a pas l'air d'apprécier la cinéma trop léché : l'image est volontier granuleuse, pas de volonté d'esthétiser pour esthétiser ... et puis il découpe volontier le récit ... pas non plus de volonté de prendre par la main le spectateur.
Il a reçu pas mal de récompenses finalement, mais j'ai pas l'impression qu'il soit connu pour autant : il a reçu entre autres un ours d'argent pour Aferim! (2015) et un ours d'or pour Bad Luck Banging or Loony Porn (2021).

Aferim! (2015) : que dire d'un film aussi improbable ... ne ressemblant à rien de connu En Roumanie au XIX° siècle, un policier et son fils sont à la recherche d'un esclave gitan accusé d'avoir séduit la femme du seigneur local. Une belle fresque historique en noir et blanc oscillant entre comédie, western et monstration par l'absurde des idées reçues (réactionnaires) à travers le protagoniste principal.

"Peu m'importe si l'histoire nous considère comme des barbares" (2018) : Un jeune metteuse en scène veut donner un spectacle montrant un épisode peu reluisant de l'histoire roumaine : le massacre de 20000 Juifs à Odessa par l'armée roumaine avec le général Antonescu à sa tête. Le film est l'occasion de découvrir ce pan de l'histoire de la II° Guerre mondiale, dont, pour ma part, j'ignorais tout. Le film interroge sur la possibilité de monter un tel spectacle et l'ambiguité des autorités roumaines contemporaines ... et plus généralement sur les relations entre un pays et ses démons du passé.

Bad Luck banging or Loony Porn (2021) : Une prof d'histoire (décidément l'histoire ne quitte jamais les films de Jude) tourne en vidéo ses ébats sexuels avec son mari ... Destiné à un site pour adultes, la vidéo se retrouve disponible sur la toile facilement. Tout le monde est indigné, la prof menacée de perdre son emploi.
Le sujet du film n'est évidemment pas la pornographie ou l'érotisme, ni même leur circulation sur la toile ... mais l'interrogation sur une époque complètement folle qui s'indigne pour rien ... tout en se taisant sur ce qui est véritablement indécent. Cela donne une comédie complètement dingue sur la forme avec une II° partie en forme de dictionnaire

 j'ai plusieurs films de ce réalisateur mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'y jeter un œil ; en tout cas, merci pour en avoir parlé !

Miranda July : Me and you and everyone we know        2005

 /   +
Ce film est le premier long métrage de Miranda July et c'est à mon avis sans doute mon préféré (avec Kajillionaire qu'il faudrait que je revoie). Comme dans la plupart des films de July, celle-ci occupe l'un des rôles principaux : elle joue le rôle d'une femme qui travaille dans une compagnie de transport de personnes âgées (et semblant avoir un penchant pour la vidéo) ; en accompagnant une de ces personnes dans un magasin de chaussures, elle rencontre un vendeur, fraîchement divorcé et père de deux enfants ; par la suite, on va suivre leurs aventures sur un chat internet mais également les aventures de deux adolescentes rencontrant un vieux pervers et par un concours de circonstances improbable, elles vont rencontrer l'un des deux frères. J'ai beaucoup aimé l'atmosphère du film, il est très agréable à suivre : c'est vraiment un film qui fait du bien, je trouve (les films de July sont toujours un peu comme ça) ; il y a quelque chose d'assez fascinant dans le fait que July arrive rapidement a nous mettre dans le bain alors que l'histoire est assez bizarre mais elle utilise justement cette bizarrerie comme une positivité et en utilisant la singularité de la convention (il y a par exemple tout ce qui tourne autour du "))<>((" pour le chat vidéo ou autour de "macaroni" - lorsqu'elle soumet son projet de vidéo à un musée, elle dit vers la fin au spectateur de l'appeler à un numéro qu'elle donne et de lui dire "macaroni", ce que fait la gérante de la galerie), elle arrive à rendre compte de liens assez forts entre les personnages ; j'ai trouvé que ça marchait extrêmement bien et que ça complétait bien la démarche générale des films de July qui consiste à mettre à nu les personnages : ça donne quelque chose de très sincère et effectif. En plus, j'ai trouvé que l'aspect assez formaliste (dans la manière de lier les personnages, ici) du film le rendait encore plus agréable car il est assez ludique et il est satisfaisant dans le sens où il boucle la boucle puisque tous les personnages sont in fine liés les uns aux autres ; sinon, techniquement, c'est bien aussi mais peut-être moins notable que ce dont j'ai parlé au-dessus qui me semble vraiment propre à Miranda July, hâte de voir le prochain.

Alien



Le moment le plus flippant:

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

je connais simplement le segment où Carax se trimballe son scénar hyper épais.

Et surtout la façon dont, à la fin, Carax se balade les mains dans les poches avec Garrel à la traine, le scénar sur les bras, qui continue à poser ses questions à rallonge... Je me demande vraiment s'il y a là-dedans un projet burlesque conscient (comme une allusion à ces vieux slapsticks où un héros lunaire passait son temps à se faire bolosser), une allégorie à la noix (du genre «c'est le cinéphile qui doit porter le poids du désir-de-film pour que l'artiste-démiurge-albatros soit libre de prendre son envol») ou un simple aléa de tournage («Bon, OK, je veux bien qu'on la fasse cette séquence où on marche, mais je vais pas non plus me coltiner ce truc-là tout du long») - ou peut-être les trois?

Je doute que ce soit consciemment burlesque/drôle, ce n'est pas le genre de Garrel - je pencherais pour la deuxième option.

Emmanuel Mouret : Changement d'adresse        2006


Bizarrement, je n'avais pas encore vu ce film (alors que j'avais vu tous les longs qui le précédaient et celui qui le suivait) et c'est à mon avis à partir de ce film que Mouret devient supportable : je dois dire que j'ai même trouvé le film pas déplaisant et assez ludique - bon, par contre, le début, ç'a été un peu difficile parce que les personnages sont insupportables mais bizarrement, la première demi-heure passée, ça se calme. Pour être plus exact, il y a un moment que j'ai bien aimé dans le début du film, c'est la longue scène dans laquelle le personnage de Mouret entretient sciemment le quiproquo euphonique entre "corps" et "cor" (le personnage de Mouret est corniste) ; il me semble aussi assez éloquent par rapport au cinéma de Mouret : le quiproquo est éventé quasiment depuis le début (aussi bien auprès du spectateur que du personnage interprété par Frédérique Bel) mais il le fait perdurer ; je trouve que c'est une démarche que l'on retrouve dans plusieurs de ses autres films : par exemple, cela passe par le recours à l'extrême explicitation dans Un baiser s'il vous plaît. Sinon, dans ce film, j'ai aimé l'aspect "chaises musicales" avec les appartements (comme s'il fallait un lieu pour réaliser un lien affectif) et surtout, l'utilisation assez plaisante de la musique qui réussit à ne pas tourner au catalogue - ce qui n'était pas donné car on n'en est jamais loin. C'est agréable à suivre mais pas non plis extrêmement stimulant, peut-être parce que la réalisation est quelconque et à mon avis surtout parce que la distribution n'est pas terrible : Frédérique  Bel et Mouret sont bien dans les rôles principaux et leur tandem fonctionne bien, j'ai aimé Ariane Ascaride en petit rôle mais par contre, Dany Brillant (!) c'est vraiment pas possible.

Polanski, Répulsion

Lucía Puenzo : XXY        2007

 + / 
Ce film est le premier long métrage de la réalisatrice argentine Lucía Puenzo, il met en scène Alex, un jeune homme intersexe dont la famille a dû quitter Buenos-Aires pour s'installer sur la côte uruguayenne dans une petite maison isolée ; un jour, ils reçoivent une autre famille dont on apprend plus tard qu'elle est venue parce que le père de celle-ci est un célèbre chirurgien et que le père d'Alex voudrait qu'il opère Alex pour le faire devenir une femme - en dépit de la volonté d'Alex de rester tel qu'il est comme en témoigne son arrêt de prise de corticoïdes. Cependant, au milieu du film, il change son fusil d'épaule et se dit que finalement, son fils est assez vieux pour prendre la décision lui-même et consulte un homme qui avait été interviewé par plusieurs journaux parce qu'il était trans. En fait, de manière générale, le film est assez maladroit voire problématique : tout d'abord, on ne sait quasiment rien sur Alex qui est défini par son intersexualité et tout le film tourne autour de ce sujet (et des problèmes qui en découlent - qui sont effectivement réels) et Alex semble n'avoir aucune vie : on ne sait pas ce qu'il aime faire, on ne sait pas ses aspirations, etc. Ce n'est pas le seul problème de ce film : il nous montre aussi une scène d'agression sexuelle (où des hommes ôtent (contre sa volonté) les vêtements d'Alex) et puis bon, pourquoi mettre tant l'accent sur l'expérience sexuelle ? D'autant plus que d'une part, Alex n'a que quinze ans et d'autre part, la logique du film est vraiment axée sur le pénis d'Alex et je pense à cette scène qui me semble assez éloquente sur ce travers : le fils du célèbre chirurgien a une relation sexuelle avec Alex qui le sodomise, c'est alors qu'il découvre que cela lui plaît ; ce n'est pas ça le problème mais c'est la logique qui articule cette scène : comme si le personnage d'Alex était obligatoirement obligé de faire un truc qui utilisait son pénis alors qu'il y avait bien sûr plein d'autres choses à faire ; pour moi, ça rejoint le premier problème que j'évoquais. C'est dommage car peu de films mettent en scène des personnages intersexe dont on force souvent l'assignation arbitraire à un sexe (sans consentement de l'enfant, bien sûr) qui est d'ailleurs carrément considéré comme un cas d'urgence, une anomalie alors que ce n'est anormal qu'en regard de la dichotomie sexuelle - assez arbitraire, donc ; dont on dit pourtant qu'elle évident - ; au-delà de la potentielle répercussion sur la manière dont l'enfant se sent, il y a également d'autres conséquences comme bien souvent la stérilité.

Cristi Puiu
La Mort de Dante Lazarescu

Christophe Honoré : La belle personne        2008

 +
Je me souviens, il y a six ou sept ans, on arrêtait pas de voir des images de ce film sur certaines pages un peu emo-d@rk (notamment de Louis Garrel - d'ailleurs, du coup, avant de voir le film, j'ai toujours cru qu'il jouait le rôle d'un étudiant) ; bref. Du coup, il s'agit d'une libre adaptation de La princesse de Clèves, dans une époque contemporaine, dans un lycée parisien du seizième arrondissement ; la transposition semble assez fidèle mais j'ai trouvé ça vraiment hermétique (je ne sais pas si cette froideur était déjà présente dans le livre puisque je ne l'ai pas (encore) lu)) et j'avoue que je ne suis pas vraiment entré dans le film : toutes ces histoires de lycéens et de crush sur les profs, là... je m'en fous pas mal, moi ; ça produit du coup un résultat assez étrange : une sorte de teen movie dévitalisé - d'ailleurs, la gestion des lieux renforce cette impression puisque qu'il n'y en a pas énormément, ils semblent disjoints les uns des autres, presque comme si l'histoire n'avait aucune réalité physique. Malgré tout, j'ai un peu aimé la fin du film (qui semble extrêmement soudaine, du coup) et, comme souvent chez Honoré, j'ai aimé la bande originale du film (Bach, Nick Drake, entre autres) - sauf la chanson composée pour le film que j'ai trouvée vraiment nulle ; expérience pas extrêmement concluante, en somme.

Simone le voyage du siècle : un très beau film sur Simone Veill mais dur ; notamment les scènes dans les camps de concentration

Axelle Ropert : La famille Wolberg        2009


Il s'agit du premier long-métrage de l'écrivaine/réalisatrice/scénaristes Axelle Ropert et sans surprise (bah oui, c'est la scénariste des films de Serge Bozon), c'est assez curieux - mais de manière beaucoup moins visible qu'un film de Bozon. Ici, on suit le maire d'une petite ville mais sa famille et la vie dans sa famille ; les zones de recoupement sont très nombreuses, si bien qu'on a l'impression qu'il suit une seule et même logique. Le film installe progressivement une violence d'une surdité assez hallucinante, presque visuellement transparente et c'est sans doute ce qui nous réveille un peu car j'avoue ne pas vraiment avoir compris où voulait aller le film ; il y a parfois des thèmes commencés (les traditions dans une famille juive, le départ des enfants, l'abus relationnel) mais je n'ai pas trouvé que l'un d'entre eux aboutissait véritablement ; on a quand même le droit à un François Damiens à contre-emploi - et ce sera sans doute ce qui donnera à Bozon l'idée de le mettre dans son Tip top.

80 heures soit plus que mon record sans alcool... on commençait à s’inquiéter.

Luc Moullet : Toujours moins        2010

 + / 
Comme son nom l'indique, ce court-métrage répond à celui que Moullet avait réalisé seize ans auparavant (Toujours plus) où il parlait de l'apparition des grandes galeries commerciales et des hypermarchés. Le mouvement semble ici inverse puisqu'il ne s'agit plus de s'étendre sur des milliers de mètres carrés, de prendre des tas d'employé(e)s mais il s'agit de retirer tous les employé(e)s pour les remplacer par des machines et de tout regrouper sur un même lieu (on trouve un distributeur de DVD à une station de lavage pour voitures) ; je pense qu'il s'agit plutôt du parachèvement d'une même logique - par exemple, Toujours plus montrait déjà des employé(e)s équipé(e)s de rollers pour aller plus vite. J'ai assez aimé ce court-métrage (ça reste quand même assez drôle - par exemple quand Moullet dit que les automates dans les banques "évitent les discussions entre les clients et employés" ou "le buffet de breakfast invite le client à être plus actif : la surconsommation possible est compensée par la peur d'abuser de cette largesse et par la baisse des frais de personnel") mais je dois reconnaître que c'est par contre assez uniforme : Moullet aligne les exemples les uns après les autres et ne part pas dans des embardées délirantes comme le "petit traité de caddiologie" de Toujours plus.

lulu a écrit:

80 heures soit plus que mon record sans alcool... on commençait à s’inquiéter.

Ça, c'est à cause des travaux sur la ligne pour aller à Leipzig...

Youri Bykov : Vivre        2010

 +
Ce film est le premier long métrage du réalisateur russe Youri Bykov - c'est par ailleurs par ce film que je le découvre. Le film est assez efficace et arrive à communiquer une tension assez rapidement avec une mise en scène pas des plus originales mais qui fait le job - c'est à mon avis surtout l'efficacité du scénario qui prime ici - : un chasseur repère un homme traqué par trois autres, il décide alors de l'aider et se retrouvent alors tous les deux en fuite complètement improvisée, avec le chien du chasseur pour couronner le tout. La dramaturgie du film repose principalement sur des dualismes : d'une part (et surtout), entre les deux personnages en jeu (que ce soit du point de vue de l'apparence physique - l'un est massif, l'autre est plutôt frêle - mais également dans la manière dont ils nous sont introduits - l'un chasse (littéralement) tandis que l'autre est chassé) ; d'autre part, et c'est à mon avis ce qui constitue la prise dramatique du film sur le/la spectateurice : il y a une migration de ses dualismes, surtout pour le personnage du chasseur. Du coup, je n'ai pas trouvé ça complètement fascinant mais j'ai aimé le film (comme je le disais, pour son efficacité) mais également parce qu'il offre quand même son lot de scènes fortes - la scène du cri. J'ai l'impression que les autres films de Bykov sont davantage étoffés - et sans doute avec plus de budget.

Bouli Lanners : Les géants        2011

 + / 
Bouli Lanners est sans doute habituellement plus connu comme acteur mais c'est aussi le réalisateur de cinq long métrages à l'heure actuelle (l'un d'eux étant d'ailleurs sorti assez récemment) ; c'est le premier d'entre eux que je vois et c'est assez curieux : ça semble être un teen movie assez balisé et pourtant, il y a beaucoup de bizarreries et de singularités. Tout d'abord, le film fait complètement confiance aux jeunes adolescents : ils occupent toute la place du film et ne sont pas définis par simple complémentarité (ici, ce sont presque les adultes qui sont définis de cette manière) ; j'ai également bien aimé la manière dont le film met l'accent sur l'aspect expérimental/empirique de la vie des jeunes adolescents : toute la première partie est comme une cartographie des possibles, comme s'il s'agissait de reprendre des choses (la voiture du grand-père - puis sa maison - puis l'un des personnages qui dit avoir appris à conduire seul) ; à chaque fois, la limite se fait voir et force un virage : c'est la rencontre des policiers sur la route qui finit dans le champ de maïs, c'est l'expulsion de la maison, c'est la chute de la cabane en bois. Le film prend alors une allure globale assez curieux : il est si schématique qu'il prend presque des allures d'hybridation entre un récit d'exploration et d'un conte ; sur cet aspect, j'avoue que le film me séduit moins mais globalement, c'est tout de même de bonne tenue, les acteurices sont très bien dirigé(e)s et surtout - c'est à mon avis ce qui marque d'emblée - la photographie de Jean-Paul de Zaetijd est vraiment assez jolie, même si on pourrait lui reprocher de n'être pas extrêmement inventive.

Benoît Delépine & Gustave Kervern : Le grand soir        2012

 + / 
Ce film est le cinquième film réalisé par Delépine et Kervern et comme souvent avec ce duo, c'est un peu boomer mais ici, ce n'est pas confiné au stade de l'évidence absolue (dans un sens péjoratif) comme dans Effacer l'historique mais ça arrive à raconter un petit quelque chose en étant même épisodiquement drôle. Le film raconte l'histoire de deux demi-frères dont les parents possèdent un restaurant spécialisé dans les plats autour de la pomme de terre, ils sont assez opposés : l'un d'entre eux (interprété par Benoît Poelvoorde) est assez marginal (il revendique être le "plus vieux punk à chien d'Europe") et l'autre (interprété par Albert Dupontel) est un commercial hyper rangé (angle alpha nul) sauf qu'un jour, il se fait renvoyer et il en a ras le bol et décide d'entamer une sorte de road trip avec son demi-frère ; ici, déjà, le film évite un peu le "ah bah vous avez vu, le punk, là... il est bizarre mais en fait, il est gentil" puisqu'il montre (un peu) la dynamique de refus derrière - bon, même si c'est quand même encore un peu court. Une fois que le film passe dans sa phase road-trip, ça devient assez bordélique et la logique qui règne est celle de l'assemblage bout-à-bout et ça devient assez inégal (logique qui pourra toujours être justifiée par un "oui mais c'est un film d'anar...") et si certaines scènes sont amusantes (la scène du magasin de literie - bon, ok, elle est au début du film), d'autres sont amusantes mais un peu cringe (la scène avec Depardieu en voyant) et d'autres sont un peu revigorantes (la scène d'annonce au supermarché vers la fin) mais je crains qu'il n'y ait pas non plus des tonnes de choses intéressantes qui restent durablement en tête longtemps après le visionnage (malgré tout globalement assez plaisant) du film - à part peut-être Poelvoorde en punk à chien et la présence de Brigitte Fontaine au casting.

Debra Granik
Winter's Bone

ça donne envie de poursuivre sur la filmographie de cette réalisatrice, ce qui devrait être rondement mené, à raison d'un film tous les huit ans

J'avais vu Leave no trace à sa sortie, j'avais trouvé ça pas mauvais mais j'avoue que je n'en ai pas gardé un très très grand souvenir.

Chan-wook Park : Stoker        2013

 + / 
Ce film est un peu spécial dans la filmographie du réalisateur sud-coréen puisqu'il s'agit du seul long métrage tourné aux États-Unis et surtout, le seul pour lequel il ne contribuera pas à l'écriture du scénario et ça se ressent très fort : on n'est pas aux antipodes des films de Chan-wook Park mais le film est vraiment très américain, ne serait-ce que par sa distribution mais aussi sa musique et sa propreté de manière générale. Ce film est assez frustrant car d'un point de vue technique, il est vraiment de très haute volée : il y a beaucoup d'idées (ne serait-ce qu'en terme de montage et d'enchaînements - même si parfois, ce n'est pas extrêmement subtil...) et la photographie est vraiment léchée mais j'ai trouvé que pour tout ce que ça mobilisait (y compris les nombreuses références hitchcockiennes), ça ne racontait pas grand-chose : comme semble l'indiquer le titre, il y a un lien avec les vampires et le film est relativement discret sur ce point : la logique implacable qui distribue les meurtres dans le film semble venir semble partager avec le vampire cette logique de transfert et cela pourrait sans doute être étendu à un ordre méta-cinématographique dans la manière dont le film croise les références : on pense bien sûr (évidemment) à l'oncle peu clair de Shadow of a doubt de Hitchcock mais je trouve qu'on pense également (un peu) au personnage de Carrie dans le film éponyme de de Palma (ne serait-ce que pour la scène de la douche, à quelques translations près) : sachant que de Palma était un grand hitchcockien (jusqu'à la saturation), c'est une nouvelle occurrence de ce transfert mais sur un autre plan. Malgré tout, je trouve que ça ne suffit pas pour rendre le film intéressant à tout instant - d'autant plus que c'est un diesel : une éternité à l'allumage - et parfois, j'ai un peu ressenti le même sentiment d'irritation que lorsque j'avais regardé Duelles de Masset-Depasse (hitchcockien à l'outrance et si caricatural - mais sans la technique de ce film), qui est d'ailleurs renforcé par la musique (que je trouve vraiment nulle). Pour moi, c'est nettement le moins bon film de Chan-wook Park dont j'aime par ailleurs tous les films que j'ai vus.

Emeryck a écrit:

J'avais vu Leave no trace à sa sortie, j'avais trouvé ça pas mauvais mais j'avoue que je n'en ai pas gardé un très très grand souvenir.

Me serais-je laissé emballer par Jennifer Lawrence dans Winter's Bone (qui y est excellente) ? Pas que en tout cas, beaucoup de qualités dans ce film, et un ton personnel, je trouve. J'en saurai bientôt plus sur Leave no trace. A suivre

Possessor

xoph a écrit:

Emeryck a écrit:

J'avais vu Leave no trace à sa sortie, j'avais trouvé ça pas mauvais mais j'avoue que je n'en ai pas gardé un très très grand souvenir.

Me serais-je laissé emballer par Jennifer Lawrence dans Winter's Bone (qui y est excellente) ? Pas que en tout cas, beaucoup de qualités dans ce film, et un ton personnel, je trouve. J'en saurai bientôt plus sur Leave no trace. A suivre

Je ne sais pas, il faut dire que j'ai vu quelques films après celui-ci.

Riad Sattouf : Jacky au royaume des filles        2014


Il s'agit du deuxième film réalisé par le dessinateur Riad Sattouf (et toujours le dernier en date, d'ailleurs) ; on retrouve à nouveau Vincent Lacoste dans le rôle principal (d'ailleurs, il me semble que je l'avais entendu dire quelque part que son rôle dans le film était conditionnée à l'obtention de son bac - ça peut sembler bizarre car Lacoste est de 93 mais Sattouf a commencé à écrire le film des 2009 et l'a fait lire à Lacoste dès 2011) mais le film est beaucoup moins classique que Les beaux gosses. Le film imagine un pays appelé "République populaire et démocratique de Bubunne" où le patriarcat serait remplacé par une domination systémique dont les femmes seraient les figures dominantes (on peut discuter de la pertinence d'un tel choix - qui n'est bien sûr clairement pas là pour dire "vous avez vu, les hommes aussi sont des victimes !!" - qui donne à la fois de la visibilité aux processus de domination masculine pour ceux du fond qui ne suivraient pas (mais bon, en vrai, je ne suis pas sûr que ce soit très effectif - mais je sais pas ce qu'il en était en 2014) mais à la fois, ça prend ces mécanisme de domination de manière un peu isolée. Bref, je crois que ce n'est pas ce qui m'a dérangé dans le film : ce qui y est bien cringe, c'est le fait que les hommes portent des voiles et que ce soit un des éléments de la soumission (je ne sais pas ce qu'en pensait Sattouf mais ça me semble au mieux assez maladroit). Sinon, de manière générale, le film ne m'a pas tellement parlé, j'ai trouvé ça ponctuellement drôle mais sans plus, d'autant plus que ce n'est pas la mise en scène ni la qualité de la photographie qui vont nous réveiller - heureusement que ça ne dure qu'un peu moins d'une heure trente. L'aspect le plus notable de ce film, c'est sans doute sa distribution qui est assez dingue (pas forcément en terme d'acteurices que j'apprécie - même si un peu pour certain(e)s d'entre elleux - mais en terme de diversité des gens du cinéma : Vincent Lacoste, Charlotte Gainsbourg, Anémone, Emmanuelle Devos, Didier Bourdon, Michel Hazanavicius, William Lebghil, Noémie Lvovsky, India Hair, Riad Sattouf, Anamaria Vartolomei, Nicolas Maury ; c'est quand même bien divers.

Éloïse Lang & Noémie Saglio : Connasse, princesse des cœurs        2015


Ce film est la continuité (ou l'adaptation cinématographique) de la série Connasse écrite par les deux réalisatrices et diffusée sur Canal+ et sur Youtube entre 2013 et 2015 ; dans cette série, Camille Cottin interprétait une parisienne cliché et insupportable et était filmée en caméra cachée dans des contextes assez divers. Le film remet en marche exactement la même chose, sauf qu'il va falloir faire tenir ça sur un peu plus d'une heure vingt, ce qui n'est un peu périlleux. Il y a certes une histoire filée (le personnage de Cottin croit que le prince Harry veut l'épouser et se rend donc au Royaume-Uni pour le rencontrer et l'épouser) mais ça devient assez vite monotone : le film n'arrive pas à faire émerger quelque chose de cette multitude de saynètes (qui sont tout de même parfois drôles mais ça s'arrête là). La différence à mon avis la plus notable, c'est que le tournage a été beaucoup mouvementé puisque Camille Cottin a été interpelée deux fois au Royaume-Uni et a dû prétexter faire un enterrement de vie de jeune-fille pour que le tournage du film ne soit pas arrêté.

Au nom de la loi - Pietro Germi - 1949

François Ruffin : Merci patron !        2016

 +
Ce film est le premier long métrage réalisé par le journaliste et député François Ruffin ; je n'avais pour l'instant vu que l'un des deux films qu'il avait réalisé avec Gilles Perret, celui sur les gilets jaunes ; ici, le ton est assez différent (Ruffin parle d'ailleurs de "comédie documentaire" et c'est très juste), beaucoup plus ouvertement comique. Je crois que je préfère ce ton et j'ai d'ailleurs beaucoup ri devant ce film : Ruffin y déploie une ironie pince-sans-rire assez amusante et j'ai trouvé que ce film avait un certain pouvoir cathartique : dans le film, Ruffin suit une famille qui se retrouve à ne plus pouvoir de chauffer, à ne pas manger tous les jours parce qu'ils étaient employés dans une usine du groupe LVMH qui a été délocalisée ; à la suite de l'annonce de la saisie de leur maison suite à un accident dont ils ne peuvent payer les réparations, Ruffin les pousse alors à écrire au groupe LVMH pour obtenir de quoi rembourser ça et une petite avance ; LVMH leur envoie alors un gars ne va pas clore cette possibilité mais va essayer de les intimider et surtout de leur faire du chantage (en disant "vous ne comprenez bien qu'on ne peut pas céder au chantage" !) notamment sur le fait qu'ils ne doivent absolument rien dire (sinon, bien sûr, tous les galeux du village vont venir réclamer de l'argent à Bernard !!) et LVMH leur fait carrément signer un contrat et tout et en fait, en passant par un député annexe (qui va vendre la mèche), ils vont réussir à passer outre le contrat ; il y a vraiment quelque chose de cathartique dans la nique qu'ils font à LVMH. Je trouve que le film réussit un équilibre entre montrer l'aspect très tortueux (cela amène en plus un peu un aspect thriller social un peu loufoque - avec ce running gag de vouloir faire acheter une action LVMH pour être présent(e) à l'assemblée des actionnaires ; bien sûr, lors de la fameuse assemblée, les petits actionnaires ont tou(te)s été mis(es) dans une petite salle avec une retransmission du pitch de Bernard Arnault sur un écran de télévision - faudrait pas qu'il les contamine, quand même !) pour faire un tant soit peu la nique à LVMH ("pour aller jusqu'à toi, quel drôle de chemin il m'a fallu prendre") mais à la fois, ça montre que, oui, on peut faire des petits trucs.

Le plus marrant c'est je trouve la peur de "Faaakiiir". Le mec est un sbire d'Arnaud qui possèdent je ne sais combien de gros médias ... et il a peur de ... Fakir .

Complètement irrationnel ... et c'est précisément pour ça que dans la salle où j'étais on était mort de rire.
C'est une sorte d'inversion du stigmate : l'irrationnel, le dominant aux pieds d'argiles ... c'est Arnaud.

joli timing quand il vient littéralement de dire merci à un PDG.

Cololi a écrit:

Le plus marrant c'est je trouve la peur de "Faaakiiir". Le mec est un sbire d'Arnaud qui possèdent je ne sais combien de gros médias ... et il a peur de ... Fakir .

C'est vrai que j'ai oublié de mentionner ce passage mais c'est vrai que c'est excellent.

C'est marrant, je viens de le voir aussi hier soir.

Je suis innocent votre honneur.

Raymond Depardon : 12 jours        2017

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Je ne connais pas du tout la filmographie du photographe Raymond Depardon, il s'agit de son dernier film en date. Le film est un documentaire qui s'intéresse à l'introduction non consentie en hôpital psychiatrique (d'où le titre puisque depuis une dizaine d'années tout personne amené en hôpital psychiatrique sans son consentement doit passer devant un juge dans un délai de douze jours) ; comme on peut alors le deviner, le film ne se focalise pas sur cette structure dans sa globalité (comme a pu le faire un documentaire comme Titicut follies de Wiseman) mais plutôt sur cette interface entre l'hôpital psychiatrique et le dehors puisque ne seront filmées que les rencontres entre les patient(e)s et le/la juge (à quelques exceptions près : on y trouve aussi des plans périphériques, de couloirs vides la plupart du temps - avec d'ailleurs une scène un peu étrange/douteuse où Depardon filme un couloir vide et on entend "Nuit de folie" en fond - ; je trouve d'ailleurs que ces scènes ne sont pas extrêmement utiles). Le film ne présente toutefois pas cette institution comme une sorte de lieu hermétique puisqu'au contraire, il met l'accent sur l'hétérogénéité des expériences des individus - qui semblent d'ailleurs (au moins en partie) les avoir conduit(e)s jusqu'ici  - et parle également bien sûr de l'inadéquation thérapeutique de ce système : le juge est là pour "veiller à la régularité du dossier", servant toujours plus ou moins les mêmes questions (et sur la questions du consentement, c'est assez délicat et on arrive à des absurdités manifestes : le/la juge demande si le/la patient(e) est d'accord pour prolonger le séjour en clinique et se fout finalement pas mal de la réponse - non pas qu'iels en aient rien à faire mais la loi sans doute que oui). J'ai été déçu que le film n'aborde pas plus de choses - quitte à peut-être plus se focaliser sur les séquences avec le/la juge. Enfin bon, ça reste quand même assez intéressant.

Tenet (Christopher Nolan)


De deux choses l'une, soit :

1- Le scénario est confus et/ou mal ficelé
2- J'ai très peu de receptivité

Emeryck a écrit:

]Je ne connais pas du tout la filmographie du photographe Raymond Depardon, il s'agit de son dernier film en date.

Je ne connais pas très bien sa filmographie, mais il y a quelques films de lui que j'aime bien (à commencer par 1974, une partie de campagne, qui est un reportage sur la campagne présidentielle victorieuse de VGE - qui a longtemps empêché la sortie du film.)

arnaud bellemontagne a écrit:

Tenet (Christopher Nolan)

De deux choses l'une, soit :

1- Le scénario est confus et/ou mal ficelé
2- J'ai très peu de receptivité

Je n'ai pas vu celui-là, mais Inception m'a fait exactement le même effet.

Alex Lutz : Guy        2018


C'est le premier film d'Alex Lutz que je vois et c'est amusant car je me souviens très exactement la manière dont j'en ai eu connaissance : j'attendais un jeudi après-midi à l'UGC Gobelins pour faire faire ma carte UGC Illimité (non, je n'ai pas été payé par UGC pour caser ça là), ce film y était montré et il y avait tout un groupe de personnes qui en discutaient ; moi, je l'avais vu dans quelques films et ça s'arrêtait là ; bref, du coup, je me rappelle tout ça en lançant le film. Ce film est un mockumentaire dans lequel on suit Guy Jamet (!), un chanteur français des années 70-80 un peu tombé dans l'oubli (à la Hervé Vilard ou des gens comme ça, comme il y en a eu tant) puis revenant sur le devant de la scène avec un best-of ; derrière la caméra, c'est Gauthier, un fils illégitime de Guy Jamet (il l'a appris dans une lettre que sa mère lui a adressé mais pas envoyé). J'ai trouvé le film assez drôle (la ringardise du personnage est quand même très drôle, ne serait-ce que par tous les jeux de mots autour de son nom, mais il y a aussi bien d'autres passages drôles comme celui de la répétition pour le concert) et j'ai trouvé qu'il y avait parfois un véritable sens du détail (le passage où Guy dit qu'il était agacé par Claude François, sa collaboration à la fin avec Julien Clerc et Dani ou même certaines répliques - parfois un peu facile mais assez justes, je trouve et je trouve ça bien vu car le film ne veut pas nous les asséner avec gravité et sérieux). Ce qui m'a frappé aussi, c'est la performance d'Alex Lutz (qui interprète le rôle de Guy Jamet) qui a 39 ou 40 ans lors du tournage et qui en paraît véritablement 70 grâce au maquillage - je trouve d'ailleurs que cette composante trouve un écho dans la construction même du film : la première partie est vraiment une partie où l'on met l'accent sur les scènes de (re)préparation (que ce soit les scènes de promotion, de maquillage, etc.) comme si on ressortait Jamet du placard : il y a vraiment un parallélisme entre la construction du film et la (re)construction de Jamet (avec ce décalage du (re) qui donne toute la drôlerie du film) et cet effet de décalage est à mon avis amplifié par le fait que Lutz soit maquillé en gars de 70 ans. J'ai trouvé ce film très agréable, les acteurices sont très bien, c'est assez drôle, j'ai toutefois trouvé un peu dommage que cette piste du fils illégitime soit introduite car elle ne sert finalement un peu à rien - on sent bien que Gauthier essaie parfois de mettre un coup de clé pour lancer le truc mais ça ne démarre jamais et du coup, on ne comprend pas tellement pourquoi c'est introduit.

Vous n'avez rien à déclarer?

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Michel Leclerc : La lutte des classes        2019

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De Michel Leclerc, je n'avais vu que La vie très privée de Monsieur Sim où Bacri interprétait un gars un peu surmené et dépassé envoyé aux quatre coins de la France avec pour seul compagnon son GPS et sa douce voix - blow-up avait avec pertinence qualifié ce film d'une "ode au pas de côté", j'avais beaucoup aimé cet aspect assez berçant genre film de fin d'après-midi en automne-hiver et la musique de Vincent Delerm (purement instrumentale, avec son son de piano très étouffé) servait très bien cet aspect - ; il y avait déjà un côté boomer mais ça allait car d'une part, c'était discret et d'autre part, c'était pertinent avec le personnage de Bacri ; en somme, ça avait une consistance discursive. Vous l'aurez compris, La lutte des classes m'a déçu (de l'importance des italiques) et notamment parce qu'il est extrêmement boomer : il arrive à être boomer jusque dans la musique qu'il utilise, c'est dire le niveau ! Dans ce film, on suit un couple formé d'une avocate (interprétée par Leila Bekhti) et d'un chanteur punk en fin de route (interprété par Édouard Baer), ils ont un fils dont tous les ami(e)s sont partis en école privée ; ses parents refusent parce que l'école privé, ce n'est pas publique - bon, au cours du film, ils changent leur fusil d'épaule, sans grand succès. Bref, le film va mettre l'accent sur cette absurdité (la pureté idéelle, etc.) mais sans jamais rien dire d'intéressant et va accumuler une série de clichés et d'évidence en tous genres et au final, on ne sait pas vraiment ce que le film essaie de nous raconter parce qu'il est le cul entre deux chaises : à la fois, il veut critiquer ses personnages (à raison, encore faudrait-il en dire quelque chose d'intéressant...) mais à la fois, il veut pas passer pour un film de droite ; du coup, fatalement, le film de boomer était une issue possible, que le film a d'ailleurs admirablement saisi : avec conviction. Au-delà de cet aspect, j'ai trouvé que le personnage d'Édouard Baer bénéficiait de beaucoup plus d'attention (et est beaucoup plus truculent - ne serait-ce que quand il arrive dans une école privée, que le directeur découvre qu'il avait un groupe de musique punk appelé Wolfgang 77 (un truc comme ça) et trouvé une vidéo live de leur titre "j'encule le pape") que le personnage de Leila Bekhti qui, en plus d'être défini par complémentarité, est assez lisse et pas hyper intéressant - mais les acteurices sont bien. Au passage, comment ne pas dire un mot de la fin qui est vraiment un sommet d'improbabilité - c'est vraiment le crash final contre la barrière après une série de dérapages incontrôlés. C'est dommage car je me suis dit que ç'aurait pu être un film agréable et drôle, même si ce n'était pas un sommet d'analyse et de finesse.

Emeryck a écrit:

La lutte des classes m'a déçu (de l'importance des italiques)

Emeryck a écrit:

il arrive à être boomer jusque dans la musique qu'il utilise, c'est dire le niveau !

Qu'est-ce que tu entends par là?
Parce que, à proprement parler, la musique des boomers (de l'époque où ils étaient jeunes djeun's), c'est le rock des années 60-70 - et je pense que tu n'aurais pas râlé si la BO avait été une compil' Dylan, Beatles, Who, Beach Boys, Velvet Underground, Hendrix, Led Zepplin, Joplin, Doors, etc.

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

il arrive à être boomer jusque dans la musique qu'il utilise, c'est dire le niveau !

Qu'est-ce que tu entends par là?
Parce que, à proprement parler, la musique des boomers (de l'époque où ils étaient jeunes djeun's), c'est le rock des années 60-70 - et je pense que tu n'aurais pas râlé si la BO avait été une compil' Dylan, Beatles, Who, Beach Boys, Velvet Underground, Hendrix, Led Zepplin, Joplin, Doors, etc.

Tu me parles des boomers un peu internationaux/internationalisés, là... ici, c'est un film français et c'est ça qui est encore plus fort : il me semble que c'est une musique composée pour le film et c'est un peu un truc genre variet' un peu grandiloquent mais hyper daté à la Sardou.

Sang-soo Hong : La femme qui s'est enfuie        2020

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Bon, je ne vais répéter une énième fois que je ne suis en général pas fan de ce réalisateur, ce qui m'a d'ailleurs conduit à ne pas élever au rang de priorités ses derniers films en date - la désastreuse expérience de Grass m'ayant nettement refroidi - ; jusqu'à celui-ci, deux ans se sont écoulés (c'est-à-dire, pour Hong Sang-soo, quatre ou cinq films sortis - en fait, non car après Grass et avant celui-ci, il a juste réalisé Hotel by the river). En tout cas, avec ce film, j'ai l'impression qu'il a vraiment tenté autre chose : la focalisation sur "l'alcool comme révélateur", le jeu sur la variation (et la dissonance qui peut en résulter, comme c'est souvent le cas chez lui) et tout ce qui tourne autour de l'Artiste (important la majuscule !) - qui est toutefois présent ici, mais en fond - ; la nouveauté qui frappe (outre la nouvelle coupe de Kim Min-hee - je me demande s'il y a un lien, ça serait cohérent tant elle est liée au cinéma du réalisateur sud-coréen mais ça serait cringe), c'est l'utilisation du zoom avant ostensible qui est assez étonnante quand on pense au geste cinématographique de Hong Sang-soo ; en tout cas, je trouve que ça change et que ça marche assez bien - parfois, ça amène même des scènes très drôles comme celle du chat errant où un voisin vient dire qu'il ne faut pas nourrir les chats errants car ils reviennent et l'amie du personnage de Min-hee lui répond "ah oui, c'est vrai, c'est vrai, mais bon, les chats ont aussi le droit à leur bouffe" avec un ton d'une ironie assez drôle genre "oui oui, je m'en fous pas mal, en fait, de ce que tu me racontes" et à un moment, il y a un zoom avant sur le chat. J'ai également trouvé les conversations plus intéressantes qu'à l'accoutumée, plus variées, ça contribue au dynamisme global du film. Bref, ça donne de l'espoir, il faudrait que je voie Hotel by the river et tous ceux qui suivent.

Emeryck a écrit:

Tu me parles des boomers un peu internatonaux/intertionalisés, là...

Il y a des jeux de mots (que je n'ai pas captés), ou c'est juste une double coquille?

Éléonore Weber : Il n'y aura plus de nuit        2021

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Ce film est le premier long métrage de la réalisatrice Éléonore Weber, il n'est quasi-exclusivement composé d'images d'archive militaires (dont le film nous indique que la destruction est interdite - j'ignore comment la réalisatrice s'est procuré de telles images) accompagnées d'un commentaire lu par la merveilleuse voix - dont l'écho markerien est troublant - de Nathalie Richard. Ce qui m'a attiré vers ce film, c'est son titre (que je trouve très beau, et la séquence du film où il est cité est assez belle) et le film est assez intéressant et (re)pose finalement une question de cinéma assez classique qui est celle du rapport de vérité de la caméra mais le film va à mon avis plus loin que ça : il nous raconte que les caméras ne s'arrêtent jamais de filmer, que les images pourront être retenues comme justification de l'aspect bienfondé de l'attaque et que si le doute persistait malgré les images, on pourrait de toute façon invoquer la légitime défense ; par ailleurs, le film nous montre bien qu'il est finalement impossible de distinguer les personnes hostiles (enfin, celleux qu'ils considèrent comme hostiles...) des personnes lambda et nous montre même des cas où des civils arbitraires ont été abattu(e)s par erreur - je crois que le film dit à un moment quelque chose comme "plus les soldats voient, moins ils voient" (le premier étant pris comme aptitude technique et le second au sens de la reconnaissance) ; je trouve que cette phrase résume bien les deux directions antagonistes que met en lumière (sans mauvais jeu de mots) le film : la volonté de créer un espace de visibilité partout homogène (les images de fin sont assez impressionnantes : elles sont filmées en pleine nuit et on croirait que c'est en plein jour, sans aucun effet en post-production), panoptique où tout serait de toute façon déjà donné d'avance et cet espace de visibilité ne serait qu'un espace formel de légitimation. J'ai également aimé la simplicité du film (il n'y a que les images d'archive et la voix-off) et la beauté du commentaire mais malgré tout cela, j'ai trouvé que le film faisait un peu du sur-place : on tourne vraiment en rond autour du même thème (original et pertinemment abordé, certes) et l'écho markerien (évident, que ce soit dans la voix ou le commentaire lui-même) n'est pas très bénéfique au film ; heureusement que le film ne dure qu'un peu plus d'une heure dix ; je suis en tout cas curieux de voir ce que vont donner ses films à venir.

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Tu me parles des boomers un peu internatonaux/intertionalisés, là...

Il y a des jeux de mots (que je n'ai pas captés), ou c'est juste une double coquille?

...c'est une double coquille...

Emeryck a écrit:

Michel Leclerc : La lutte des classes        2019

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De Michel Leclerc, je n'avais vu que La vie très privée de Monsieur Sim où Bacri interprétait un gars un peu surmené et dépassé envoyé aux quatre coins de la France avec pour seul compagnon son GPS et sa douce voix - blow-up avait avec pertinence qualifié ce film d'une "ode au pas de côté", j'avais beaucoup aimé cet aspect assez berçant genre film de fin d'après-midi en automne-hiver et la musique de Vincent Delerm (purement instrumentale, avec son son de piano très étouffé) servait très bien cet aspect - ; il y avait déjà un côté boomer mais ça allait car d'une part, c'était discret et d'autre part, c'était pertinent avec le personnage de Bacri ; en somme, ça avait une consistance discursive. Vous l'aurez compris, La lutte des classes m'a déçu (de l'importance des italiques) et notamment parce qu'il est extrêmement boomer : il arrive à être boomer jusque dans la musique qu'il utilise, c'est dire le niveau ! Dans ce film, on suit un couple formé d'une avocate (interprétée par Leila Bekhti) et d'un chanteur punk en fin de route (interprété par Édouard Baer), ils ont un fils dont tous les ami(e)s sont partis en école privée ; ses parents refusent parce que l'école privé, ce n'est pas publique - bon, au cours du film, ils changent leur fusil d'épaule, sans grand succès. Bref, le film va mettre l'accent sur cette absurdité (la pureté idéelle, etc.) mais sans jamais rien dire d'intéressant et va accumuler une série de clichés et d'évidence en tous genres et au final, on ne sait pas vraiment ce que le film essaie de nous raconter parce qu'il est le cul entre deux chaises : à la fois, il veut critiquer ses personnages (à raison, encore faudrait-il en dire quelque chose d'intéressant...) mais à la fois, il veut pas passer pour un film de droite ; du coup, fatalement, le film de boomer était une issue possible, que le film a d'ailleurs admirablement saisi : avec conviction. Au-delà de cet aspect, j'ai trouvé que le personnage d'Édouard Baer bénéficiait de beaucoup plus d'attention (et est beaucoup plus truculent - ne serait-ce que quand il arrive dans une école privée, que le directeur découvre qu'il avait un groupe de musique punk appelé Wolfgang 77 (un truc comme ça) et trouvé une vidéo live de leur titre "j'encule le pape") que le personnage de Leila Bekhti qui, en plus d'être défini par complémentarité, est assez lisse et pas hyper intéressant - mais les acteurices sont bien. Au passage, comment ne pas dire un mot de la fin qui est vraiment un sommet d'improbabilité - c'est vraiment le crash final contre la barrière après une série de dérapages incontrôlés. C'est dommage car je me suis dit que ç'aurait pu être un film agréable et drôle, même si ce n'était pas un sommet d'analyse et de finesse.

Pour ma part j'ai beaucoup aimé, mais sinon je connais quasiment tous les films du duo Leclerc/Kasmi et je te conseille en particulier "Le Nom des gens" et "Je suis à vous tout de suite".

Benedictus a écrit:

arnaud bellemontagne a écrit:

Tenet (Christopher Nolan)

De deux choses l'une, soit :

1- Le scénario est confus et/ou mal ficelé
2- J'ai très peu de receptivité

Je n'ai pas vu celui-là, mais Inception m'a fait exactement le même effet.

Je dois dire que j'ai trouvé Inception plus lisible et plus prenant.

Xavier a écrit:

Emeryck a écrit:

Michel Leclerc : La lutte des classes        2019
 +
De Michel Leclerc, je n'avais vu que La vie très privée de Monsieur Sim où Bacri interprétait un gars un peu surmené et dépassé envoyé aux quatre coins de la France avec pour seul compagnon son GPS et sa douce voix - blow-up avait avec pertinence qualifié ce film d'une "ode au pas de côté", j'avais beaucoup aimé cet aspect assez berçant genre film de fin d'après-midi en automne-hiver et la musique de Vincent Delerm (purement instrumentale, avec son son de piano très étouffé) servait très bien cet aspect - ; il y avait déjà un côté boomer mais ça allait car d'une part, c'était discret et d'autre part, c'était pertinent avec le personnage de Bacri ; en somme, ça avait une consistance discursive. Vous l'aurez compris, La lutte des classes m'a déçu (de l'importance des italiques) et notamment parce qu'il est extrêmement boomer : il arrive à être boomer jusque dans la musique qu'il utilise, c'est dire le niveau ! Dans ce film, on suit un couple formé d'une avocate (interprétée par Leila Bekhti) et d'un chanteur punk en fin de route (interprété par Édouard Baer), ils ont un fils dont tous les ami(e)s sont partis en école privée ; ses parents refusent parce que l'école privé, ce n'est pas publique - bon, au cours du film, ils changent leur fusil d'épaule, sans grand succès. Bref, le film va mettre l'accent sur cette absurdité (la pureté idéelle, etc.) mais sans jamais rien dire d'intéressant et va accumuler une série de clichés et d'évidence en tous genres et au final, on ne sait pas vraiment ce que le film essaie de nous raconter parce qu'il est le cul entre deux chaises : à la fois, il veut critiquer ses personnages (à raison, encore faudrait-il en dire quelque chose d'intéressant...) mais à la fois, il veut pas passer pour un film de droite ; du coup, fatalement, le film de boomer était une issue possible, que le film a d'ailleurs admirablement saisi : avec conviction. Au-delà de cet aspect, j'ai trouvé que le personnage d'Édouard Baer bénéficiait de beaucoup plus d'attention (et est beaucoup plus truculent - ne serait-ce que quand il arrive dans une école privée, que le directeur découvre qu'il avait un groupe de musique punk appelé Wolfgang 77 (un truc comme ça) et trouvé une vidéo live de leur titre "j'encule le pape") que le personnage de Leila Bekhti qui, en plus d'être défini par complémentarité, est assez lisse et pas hyper intéressant - mais les acteurices sont bien. Au passage, comment ne pas dire un mot de la fin qui est vraiment un sommet d'improbabilité - c'est vraiment le crash final contre la barrière après une série de dérapages incontrôlés. C'est dommage car je me suis dit que ç'aurait pu être un film agréable et drôle, même si ce n'était pas un sommet d'analyse et de finesse.

Pour ma part j'ai beaucoup aimé, mais sinon je connais quasiment tous les films du duo Leclerc/Kasmi et je te conseille en particulier "Le Nom des gens" et "Je suis à vous tout de suite".

Merci ! Je ne connais pas le second ; en tout cas, ils viendront tous, à un moment ou à un autre.