RF— Gardiner, Faust – Chabrier, Stravinski, Debussy 23/09/22

VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022 — 20H00
Auditorium de la Maison de la radio et de la musique, Paris

Emmanuel Chabrier — Suite pastorale

Igor Stravinski — Concerto pour violon et orchestre

Emmanuel Chabrier — España

Claude Debussy — Images

Isabelle Faust, violon
Orchestre philharmonique de Radio France
John Eliot Gardiner, direction


Je vais faire assez court, mais diriger aussi mal Debussy, on ne peut tout de même pas laisser passer ça !

Je découvrais la Suite pastorale de Chabrier, jolies pièces par lesquelles je me suis laissé gentiment bercer. On songe à Beethoven dans le 3e mouvement, Sous-bois.

Le concerto est plutôt ingrat, et a été joué sans grand esprit, de façon assez plate. Merveilleux bis, Passaggio Rotto de Nicola Matteis, qui permet de retrouver toutes les qualités de Faust (c'est aussi le moment qu'a choisi mon estomac pour produire quelques monstrueux gargouillis).

España : force trompettes qui s'asseyent des deux côtés du plateau et font bien saturer la salle. Dirigé sans façon par Gardiner.

Puis vint le grand vautrage : des Images auxquelles manquaient tout climat, toute gradation, tout sens des couleurs et toute intelligence de la construction. Gardiner dirige tout dans le tas, semble incapable de s'adresser à un pupitre pour indiquer une entrée ou une nuance. Rien ne semble être anticipé, il devient impossible d'articuler et de distinguer les épisodes d'Ibéria. Qui plus est l'orchestre apparaît sous un jour assez peu flatteur, avec quelques timbres vraiment moches auxquels il ne nous a pas habitués.

La catastrophe ! Mais peut-être d'autres sont-ils d'un avis tout différent ?

À écouter : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/isabelle-faust-et-l-orchestre-philharmonique-de-radio-france-diriges-par-sir-john-eliot-gardiner-1440614

mickt a écrit:

La catastrophe ! Mais peut-être d'autres sont-ils d'un avis tout différent ?

Pas trop, j'ai eu des difficultés de concentration, un énorme gargouillement venait du rang de derrière pendant tout le concert, je ne sais pas ce que c'était.

C'est étonnant dans la mesure où Gardiner a l'habitude de diriger du répertoire récent et des orchestres traditionnels, en général avec succès. (Il y a aussi quelques ratages comme son impavide War Requiem, mais ce sont plutôt des questions d'options esthétiques que d'incompétence technique.)

Dans Harold, c'était très bien la saison dernière.

Pour autant j'avoue que, bien que n'étant pas présent, ça me fait plaisir de lire du mal de Gardiner – réputé pour être tyrannique, méprisant, maltraitant avec ses musiciens –, ça le fera redescendre sur terre.

Du commentaire de mickt, en effet, je peux le rejoindre sur cette idée que tout était relativement neutre et sans grande personnalité. Je m'attendais au Chabrier pétillant et chatoyant de la Suite pastorale que Gardiner a laissé au disque avec les Wiener Philharmoniker : il n'en est rien. Nous avons eu quelque chose de plus calme, d'excessivement gentil. Mais j'adore cette musique pour la finesse de son orchestration et quelques raffinements harmoniques, alors je fus satisfait, sans grand emballement.

Le Concerto pour violon de Stravinski n'est pas l'œuvre que je préfère du compositeur – et de loin –, si bien que je la connais trop mal pour en parler. Alors je ne dirais rien d'autre qu'Isabelle Faust me semblait prendre beaucoup de plaisir à jouer cela, avec un côté espiègle qui ne m'a pas laissé indifférent. C'était encore une fois très sobre.

Espana m'a plus revigoré, toujours moins percutant que sur le disque de Gardiner, mais cette musique marche toujours très bien en concert.

Enfin, les Images m'ont semblé au contraire prise dans un ensemble un peu indifférencié, dans une "grande forme" plutôt que comme trois suites différentes... ce qui n'est pas si anodin que ça, d'un glissement d'une évocation à l'autre. Encore une fois, tout cela ne relevait d'aucun parti pris particulier ; cependant j'ai adoré leurs "Rondes de printemps", que j'ai trouvé très vivantes, allègres et toujours pleine du spleen si typique de Debussy, magnifiquement rendu par l'orchestre et le chef.

mickt a écrit:

La catastrophe ! Mais peut-être d'autres sont-ils d'un avis tout différent ?

Je suis d'un avis tout différent ! J'ai même l'impression que nous n'étions pas au même concert !!

Ca a mal commencé avec la Suite pastorale, beaucoup trop maniérée : les deux premiers mouvements trop lents,
des accentuations exagérées, un manque général de souplesse et de naturel. Beau sous-bois tout de même.
Belle mise en valeur malgré tout de toutes les magnifiques parties de bois.

Le concerto de Stravinsky m'a toujours semblé "ingrat", en effet, et même pénible à écouter.
Et là, miracle, j'ai presque aimé ! Gardiner a acentué le côté motorique et sec de la partie d'orchestre, pendant qu'Isabelle Faust mettait un certain lyrisme dans son jeu.

J'ai trouvé Espana joué souvent trop fort.

... Et j'ai adoré les Images. J'ai été très sensible à la mise en valeur des toutes les touches instrumentales, même très courtes, que Debussy multiplie dans son oeuvre. Tout était d'une absolue clarté,
Et je me disais que l'Orchestre philharmonique avait peut-être les meilleurs bois parmi les orchestres parisiens. Pas du tout la même impression que Mickt donc !
J'admets qu'on pouvait y trouver une certaine froideur, mais la beauté instrumentale y remédiait pour moi largement.

Gardiner tyrannique, méprisant et coupable de maltraitance ? J'avais aussi entendu (ou lu) qu'il prenait très cher ! Vrai ?

Fritelli a écrit:

Gardiner tyrannique, méprisant et coupable de maltraitance ? J'avais aussi entendu (ou lu) qu'il prenait très cher ! Vrai ?

Les deux ne sont pas incompatibles.

Méprisant, je ne sais pas, mais apparemment très dur avec les musiciens, n'hésitant pas à les accabler pendant les répétitions, et avec son ensemble et le droit du travail anglais, il a vraiment un droit seigneurial sur qui il embauche (à la mission), qui n'aide pas à lui tenir tête.

(Source : musicienne de son orchestre, par ailleurs ravie du travail artistique accomplie + d'autres copains qui discutent avec les musiciens, lisent la presse. Jamais constaté moi-même vu que je ne suis pas à ses répétitions, naturellement.)