29 & 30 septembre 2022
Farrenc : Ouverture n°1
Beethoven : Concerto pour piano n°2
En bis : la dernière composition pour piano de Lucas
DebargueFarrenc : Symphonie n°2
En bis : un très large extrait de l'Ouverture n°2 de
Farrenc.
Lucas Debargue, sur un Érard de 1892.
Insula Orchestra, sur instruments d'époque.
Laurence Équilbey.
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Après avoir enregistré les Symphonies 1 & 3 de Farrenc, Insula Orchestra enregistrait ce week-end la fin de l'intégrale symphonique de Louise Farrenc, avec les œuvres présentes lors de ce concert.
La salle, vite acide avec les orchestres modernes, parfois un peu absorbante pour la musique baroque, se prête vraiment bien au grand orchestre sur instruments anciens – ça tombe bien, puisqu'il s'agit de l'orchestre en résidence !
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Le Concerto de Beethoven, que je voyais contre mon gré (très souvent programmé, ce n'est pas pour le réentendre que je mobilise ma soirée !), avait l'avantage d'être joué sur un Érard de 1892… choix étrange (pas vraiment
d'époque !), sans doute pour des questions d'équilibre sonore et de puissance (d'acceptation du pianiste aussi, c'est vraiment un équilibre très différent, sur un Hammerflügel ou un Graf d'époque beethovenienne !).
Le résultat s'avère décevant, assez sec, peu d'assise, sans la contrepartie des couleurs. Dommage.
J'entendais pour la première fois Debargue en salle – j'aime bien ce qu'il fait au disque, et ne fais donc partie ni de ses admirateurs zélés ni de ses juges implacables. Honnêtement, sur l'instrument qui bridait les choix interprétatifs, il n'y a pas grand'chose à en dire, beau lyrisme, grand soin, je n'ai rien perçu de particulièrement distinctif par rapport à d'autres pianistes moins cotés ou moins controversés.
Sa pièce, en bis, très traditionnelle, sent vraiment la composition de pianiste-concertiste : une sorte de grotesque (plus ou moins de forme ABA) dans l'esprit du Carnaval de Schumann, des croisements de main en écho comme dans les premières sonates de Beethoven… C'est très agréable pour un bis, sans laisser entrevoir de génie supérieur – et c'est vraiment mieux que de rerererejouer le Nocturne opus posthume en ut dièse de Chopin ou La Fille aux cheveux de lin de Debussy, compositions peut-être plus profondes.
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La Deuxième Symphonie de Farrenc, ainsi jouée, avec l'entrain et les couleurs chaudes (et inhabituellement sombres pour un orchestre sur instruments anciens) d'Insula Orchestra, révèle à nouveau des qualités insoupçonnées dans les précédents enregistrements de l'œuvre de Farrenc.
On y entend toute l'influence de la Deuxième de Beethoven, des parentés avec la Deuxième de Schumann, ou même avec les ouvertures Weber. Quelques belles surprises, comme le frottement de seconde mineure des violons dans le I, l'étrange entrée contrebasses + timbales au début de l'Andante (alors qu'il s'agit ensuite d'un mouvement à variations très traditionnel), l'explosion beethovenienne après le début étrangement gracieux du Scherzo, et surtout le contrepoint débridé qui ouvre le final !
Il (me) manque cependant, comme presque toujours chez Farrenc (à part peut-être son Trio avec clarinette ?), le petit quelque chose en plus qui rende l'expérience puissamment singulière, qui fasse que l'on souhaite y revenir, comparer les versions, etc.
J'ai néanmoins écouté pas mal de fois le précédent disque, qui était d'une fougue assez irrésistible : je crois en tout cas qu'on pourra difficilement mieux servir cette œuvre que telle que donnée ce vendredi !
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J'ai été frappé par le renouvellement des instrumentistes : plus d'Alexis Kossenko (on l'imagine certes occupé avec son ensemble-double), d'Anna Besson, de Roberto Fernandes de Larrinoa… je ne reconnais plus grand monde, même dans les rangs.
Pour autant l'identité sonore reste identique, ainsi que le très haut niveau individuel et collectif. Il manque peut-être un supplément de fougue quelquefois, un moment où tout le monde fende l'armure, mais je trouve déjà exceptionnel, vu le peu d'indications données par Équilbey, que ce puisse produire un résultat aussi précis stylistiquement et engagé musicalement.
On aura beau dire tout le mal qu'on voudra d'elle comme musicienne, elle a tout de même formé des ensembles qui sont les fleurons de leur temps… elle sait au minimum s'entourer des meilleurs, ce qui est déjà une énorme part du travail de chef. (Par ailleurs, j'avais été vraiment convaincu par son travail avec Rouen, qu'elle n'avait pourtant pas recruté elle-même !)
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Particularité de la salle (et de l'horaire) : public essentiellement local, pas toujours mélomane, qui vient voir du classique près de chez soi (puisque le 92 est – délibérément – un peu enclavé en transports). Salle très raisonnablement remplie : plutôt bien rempli partout, sauf l'arrière-scène, fermée ; pour une double date avec du Farrenc, franchement, c'est très bien par les temps (post-?) covid… !
Beaucoup de jeune public aussi, comme souvent (et l'horaire de 19h30 un vendredi soir a dû inciter des parents à tenter l'aventure). Programme un peu abstrait pour les très jeunes, mais soyez préparés, ils sont nombreux. Cela dit il reste toujours des places et le replacement est toujours possible en demandant la permission, ouvreurs très arrangeants. (Et la configuration de la salle rend particulièrement facile de procéder à la sauvage, si vous avez votre pudeur à demander ou la crainte d'être refusé.)
Mon conseil est donc : ne paniquez pas si vous voyez des très jeunes arriver, mais comme ils sont rarement rompus au concert dans cette salle (dans les concerts de lancement de disques d'artistes interlopes, même les enfants de 5 ans savent écouter un concert
), n'hésitez pas à vous déplacer tout de suite.