( cycle Ukraine #83 )#ConcertSurSol n°30(Saint-Germain-des-Prés)
Hulak-Artemovskyi, Dankevych, Lysenko… airs d’opéras et mélodies ukrainiennes
Solistes de l’Opéra d’Odessa : Alina Vorokh (soprano), Yulia Teschuchuk (soprano), Vladislav Goray (ténor), Vitaliy Bilyy (baryton); Igor Parada (piano)
À l’occasion du festival
Un week-end à l’Est, consacré cette année à Odessa, plusieurs concerts (dont une reprise du programme passionnant de chansons populaires merveilleusement chantées par Igor Mostovoï, ce dimanche).
Mais alors que j’avais été passionné par le concert de Mostovoï au Châtelet, et bouleversé par l’atmosphère recueillie et douloureuse du concert des solistes du Théâtre Académique National d’Opérette de Kyiv (et quels chanteurs extraordinaires :
https://classik.forumactif.com/t9863-cite-hommage-a-l-ukraine-berezovsky-bortniansky-kyiv-so / https://twitter.com/carnetsol/status/1577705186218450953 ), j’ai été très peu touché cette fois.
L’occasion de m’interroger sur ce qui fait que l’on peut ne pas adhérer à un joli concert.
1) L’acoustique gothique avec nef étroite et élevée est toujours un mauvais pari pour l’acoustique : même à quelques mètres seulement (entre les 4 rangs réservés et les resquilleurs, bien qu’arrivé avec une heure d’avance, j’étais au septième ou huitième rang, soit pas si loin…), les voix se perdaient en grande partie dans en s’éparpillant de tous côtés, et le piano, rencontrant la résonance de ses accords précédents (malgré sa parcimonie pédalière !) paraissait sans cesse sonner faux.
2) Les portes de l’église étaient ouvertes pendant le concert : il ne faisait pas froid, mais l’humidité de l’extérieur pénétrait et saisissait un peu.
3) L’absence de texte rendait les airs et duos un peu abstraits – et même les chansons. Et encore, je devais être l’un des rares de l’assistance, je suppose, à être capable d’identifier les personnages dans
Le Zaporogue au-delà du Danube ! On enfilait toutes ces jolies choses sans en rendre nécessairement le sens, la saveur, les contrastes : pourquoi ces œuvres ? Quel était le sens de ce programme ? (Mais ce sont probablement mes réflexes de notuleur qui parlent : le reste du public, manifestement peu habitué – en extase dès qu’il y avait un aigu –, n’a pas semblé le moins du monde frustré.)
4) Les voix, bien faites, étaient assez homogènes, pas très séduisantes de timbre, très égales : le résultat était, malgré l’efficacité de leur construction vocale, un peu terne. La gestuelle des duos, sorties de mises en scène très
tradi, renforçait aussi cette impression de province (pourtant Bilyy a chanté à Bastille !), l’impression de retourner écouter de l’opéra à Bordeaux au début des années 2000.
J’ai tout de même apprécié le ténor, un peu nasal et strident, manifestement très studieusement occupé d’émettre de bons aigus, qui semblait avoir pour modèle Lemeshev, et en imiter le timbre plutôt adroitement.
Pour autant, une des rares occasions d’entendre des extraits des opéras de Dankevych (compositeur important pour l’opéra ukrainien traditionnel du XXe siècle, né à Odessa et mort à Kyiv, le prochain de la série : https://twitter.com/carnetsol/status/1572109231607939072 ) et Hulak-Artemovskyi (http://carnetsol.fr/css/index.php?2022/05/08/3269-panorama-de-la-musique-ukrainienne-iii-les-compositeurs-2-l-opera-en-ukrainien-a), le premier grand compositeur d’opéra ukrainien. Sans surprise, ce sont les airs des
Zaporogues du même Hulak qui, dans leur lyrisme simple mais persuasif, sorte d’archétype de la tradition slave dans son versant absolument pas tourné vers l’innovation – on y entend passer les standards de l’opéra italien de la génération précédente, l’Élixir d’amour, la Cenerentola, et le coup de canon de la Calomnie du Barbier – me séduisent le plus… Belle mélodie de Lysenko également («
Où se trouve l’entente dans la famille »).
C’était donc passionnant, mais j’ai été étonné de ne pas être très ému par l’atmosphère : vraiment l’impression d’entendre un concert du dimanche après-midi dans une église de quartier (indépendamment de la valeur réelle des interprètes !).