Heinz Winbeck (1946–2019)le dernier symphoniste

« Je ne fais littéralement que mettre par écrit quelque chose qui me ferait exploser si je ne le faisais pas ! »Heinz Winbeck (1946–2019)

Il y a longtemps que je voulais faire un sujet ,sur ce dernier grand symphoniste qu'était Heinz Winbeck (1946–2019), mais toujours retardé par la peur de n'être pas à la hauteur d'un tel sujet.Pas toujours facile de parler de musique ,quand on est pas soi-même musicien, sans dire de bêtises ou de choses erronées.Même si comme d'habitude ,je m'appuie aussi beaucoup sur ce que d'autres, plus connaisseurs ont déjà dit.



"Intenses, passionnants et sans compromis, ces mots décrivent bien l’œuvre orchestrale du grand compositeur symphonique Heinz Winbeck (1946-2019), un compositeur qui a fait revivre l’ancienne forme de la symphonie avec une vérité intérieure, une urgence existentielle et un savoir-faire magistral. Les symphonies de Winbeck ont été comparées aux symphonies de Mahler. En lui donnant des titres, il a réfléchi à des sujets tels que les guerres et la cruauté, la génération de ses parents, l’écologie, la solitude humaine et les expériences de mort imminente. Cette édition intégrale est la première publication des cinq symphonies en un seul volume interprétées par des solistes, des chefs d’orchestre, des chœurs et des orchestres de renom, permettant pour la première fois à un large public de les entendre et de les découvrir sur album."Présentation du coffret des 5 Symphonies.

Pour démarrer cette présentation des oeuvres de Winbeck, je voudrais faire écouter ce magnifique morceau intitulé « Entgegengesang » für Orchester (1973) « Counter-chant » pour orchestre (1973) dont j'avais déjà parlé en Playlist et qui pour moi , déjà résume toute l'oeuvre symphonique future de ce grand compositeur . Il arrive avec ce morceau à nous transporter dans un monde nouveau et singulier.Ce morceau date de 1973 et prouve déjà une maîtrise extraordinaire de l'orchestre.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/Rad14ENFVHE?si=do4Q34BXuL9ShXpR
Städtisches Orchester Solingen (Orchestre de la ville de Solingen, aujourd’hui Bergische Symphoniker), dirigé par Bernhard Lang
enregistré à Solingen, Stadthalle (1er septembre 1984)

Heinz Winbeck (1946-2019) : Symphonie n° 1 « Tu solus » (1983, rév. 1985)Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks (Orchestre symphonique de la Radio bavaroise) avec Bruce Weinberger (saxophone), sous la direction de Muhai Tang
création de la version révisée (Munich, Herkulessaal der Residenz, 19 avril 1985)



"Après la Seconde Guerre mondiale, le genre de la symphonie a perdu en popularité parmi les compositeurs d’avant-garde. Heinz Winbeck a décidé de faire revivre la forme, poussé par le besoin d’expression existentielle. Entre 1983 et 2011, il a écrit cinq symphonies de grande envergure, d’une ampleur comparable à celles de Mahler, qu’il admirait beaucoup. Elles ont été décrites comme « intenses, excitantes et sans compromis ». C’est la première fois que les cinq sont réunis dans un même projet d’enregistrement, interprété par des solistes, des chefs d’orchestre, des chœurs et des orchestres de renommée internationale. Les enregistrements couvrent une période de trente-deux ans, de 1985 à 2017.

La plus ancienne symphonie date de 1983-1985 et porte le titre Tu solus (Tu es seul), commande de la société de radiodiffusion Südwestfunk. L’œuvre révèle l’admiration du compositeur pour Mahler, en particulier pour les Troisième et Dixième symphonies, qui apparaissent dans l’œuvre sous forme de citations. La Symphonie se compose de trois mouvements. L’ouverture est mordante et sardonique et acerbe. Winbeck donne aux percussions un rôle dominant. Vient ensuite un mouvement central aux allures de scherzo où les glissades chromatiques et les cascades font avancer le mouvement. La finale est tranquille et entourée de mystère, offrant un baume apaisant. Vers la fin, des éclats perçants évoquent un paysage arctique, menant à une fin cataclysmique." Stephen Greenbank
https://musicweb-international.com/classrev/2019/Dec/Winbeck_sys_TXA17091.htm

Pour l'écouter/ https://youtu.be/2rv0CGLWJr4?si=RhhZy4xU5hxqHEQL

Heinz Winbeck (1946-2019) : Denk ich an Haydn (1982)
Denk ich an Haydn. Drei Fragmente für Orchester (1982)
Je pense à Haydn. Trois fragments pour orchestre (1982)
1. Ruhig fließend (Calme) 0 :00 2. Presto possibile 11 :00 3. Tempo di marcia funebre 17 :13 Brooklyn Philharmonic Orchestra, dirigé par Dennis Russell Davies
enregistré à la Brooklyn Academy of Music (28 octobre 1988)


Le titre de cette œuvre fait allusion à l’ouvrage de Heinrich Heine « Denk ich an Deutschland in der Nacht, / so bin ich um den Schlaf gebracht » : « Penser à l’Allemagne la nuit / met en fuite tout mon espoir de sommeil ». Ici, c’est l’hymne allemand, respectivement le compositeur de la mélodie qui l’a utilisé, Joseph Haydn, qui hante l’imagination de Heinz Winbeck.
Thorsten Gubatz / YT/Merci à lui.

Pour l'écouter/ https://youtu.be/x5vRjVNC1jM?si=Yb0CpNpT9qI5w0rd

gluckhand a écrit:

il a réfléchi à des sujets tels que les guerres et la cruauté, la génération de ses parents, l’écologie, la solitude humaine et les expériences de mort imminente.

Et bah, on va encore s'éclater tiens.

Bon je n'ai pas trop entendu le lien avec Mahler dans la deuxième mais je suppose que la comparaison se fait par rapport à l'aspect monumental de l'oeuvre et à l'apparition de polyphonies et de petites mélodies. On est sur quelque chose de plus opaque et dramatique, plus gris aussi. On entend effectivement une influence très tonale XIXème mais c'est fait avec des effets modernes et des grands tutti fracassants. Beaucoup de caisse claire également.
J'ai bien aimé, le second mouvement surtout, je suis plus réservé sur le troisième, beaucoup plus calme et apaisé, avec des grands aplats mélancoliques. Je pense que je vais essayer d'écouter tout le corpus. Merci pour le sujet.

Prosopopus a écrit:

gluckhand a écrit:

il a réfléchi à des sujets tels que les guerres et la cruauté, la génération de ses parents, l’écologie, la solitude humaine et les expériences de mort imminente.

Et bah, on va encore s'éclater tiens.

Bon je n'ai pas trop entendu le lien avec Mahler dans la deuxième mais je suppose que la comparaison se fait par rapport à l'aspect monumental de l'oeuvre et à l'apparition de polyphonies et de petites mélodies. On est sur quelque chose de plus opaque et dramatique, plus gris aussi. On entend effectivement une influence très tonale XIXème mais c'est fait avec des effets modernes et des grands tutti fracassants. Beaucoup de caisse claire également.
J'ai bien aimé, le second mouvement surtout, je suis plus réservé sur le troisième, beaucoup plus calme et apaisé, avec des grands aplats mélancoliques. Je pense que je vais essayer d'écouter tout le corpus. Merci pour le sujet.

J'ai oublié de préciser que La Première est dédiée à la mémoire de Sophie Scholl, exécutée en 1943 alors qu’elle était membre du groupe de résistance antinazi « Weiße Rose », et est clairement d'après son programme ,une « symphonie de guerre » imprégnée de protestations furieuses,comme il est précisé dans la présentation de l'oeuvre.
Je crois que le rapport avec Mahler est d'abord dans l'esprit et bien sûr dans la forme et quelques citations vont apparaître dans d'autres symphonies.Celle-ci est la plus légère ,si l'on peut dire.

gluckhand a écrit:

J'ai oublié de préciser que La Première est dédiée à la mémoire de Sophie Scholl, exécutée en 1943 alors qu’elle était membre du groupe de résistance antinazi « Weiße Rose », et est clairement d'après son programme ,une « symphonie de guerre » imprégnée de protestations furieuses,comme il est précisé dans la présentation  de l'oeuvre.
Je crois que le rapport avec Mahler est d'abord dans l'esprit et bien sûr dans la forme et quelques  citations vont apparaître dans d'autres symphonies.Celle-ci est la plus légère ,si l'on peut dire.

Pour info:
Udo Zimmermann a d'ailleurs écrit une oeuvre sur ce sujet (intitulée Weiße Rose) pour soprano, baryton (Hans et Sophie Scholl) et ensemble...j'en ai deux versions.
C'est très prenant.

gluckhand a écrit:

J'ai oublié de préciser que La Première est dédiée à la mémoire de Sophie Scholl, exécutée en 1943 alors qu’elle était membre du groupe de résistance antinazi « Weiße Rose », et est clairement d'après son programme ,une « symphonie de guerre » imprégnée de protestations furieuses,comme il est précisé dans la présentation  de l'oeuvre.
Je crois que le rapport avec Mahler est d'abord dans l'esprit et bien sûr dans la forme et quelques  citations vont apparaître dans d'autres symphonies.Celle-ci est la plus légère ,si l'on peut dire.

C'est la deuxième que j'ai écoutée. Bizarrement en streaming sur deezer, l'album de l'intégrale ne présente pas la première, il y a d'ailleurs une modification du titre en sinfonien 2 bis 5. A cela s'ajoute un mauvais référencement des titres où les premiers mouvements de toutes les symphonies s'enchainent, puis les seconds mouvements, et ainsi de suite. C'est fréquent sur deezer et ça n'aide pas trop à l'écoute.

J'ai commencé la troisième et les liens avec Mahler sont plus clairs, déjà ça chante. Je n'ai pas encore bien compris l'oeuvre, c'est massif et le texte est très présent, la poésie de Georg Trakl donc pas forcément facile à suivre sans traduction pour un non germanophone. Je vais retenter plus sérieusement mais j'ai tout de même du mal à cerner le discours de Winbeck.

Symphonie n° 3 (Grodek) <1987–1988> pour Solo alto et  Narrateur (amplifié) En un mvt.
Source du texte : Poésie de Georg Trakl.

"Entre 1987 et 1988, Winbeck écrit sa Troisième Symphonie et, pour la première fois, ajoute des éléments vocaux au mixage sous la forme d’un alto et d’un haut-parleur. L’œuvre est construite autour des vers lyriques du poète autrichien Georg Trakl (1887-1914). Le poème en question est Grodek, sa plus belle œuvre et probablement sa dernière. Il dépeint les horreurs de la guerre. Trakl a servi comme médecin militaire sur le front de l’Est pendant la Première Guerre mondiale et, à la suite de l’agonie qu’il a rencontrée, a commencé à souffrir de graves épisodes de dépression, entraînant une overdose de cocaïne à l’âge de 27 ans dont il est mort. La Symphonie est en un seul mouvement, bien qu’elle soit enregistrée en quatre sections sur le disque. Un orchestre élargi est nécessaire, comprenant six percussionnistes, deux timbales, un saxophone et un orgue électrique. L’alto et l’orateur racontent le poème tout au long de la pièce. Winbeck fait preuve d’une grande habileté à intégrer tous les éléments dans un ensemble convaincant. La riche voix d’alto de Christel Brorchers contribue grandement au succès de l’interprétation." Stephen Greenbank
https://musicweb-international.com/classrev/2019/Dec/Winbeck_sys_TXA17091.htm

Sûrement l'une des symphonies les plus touchantes de Winbeck et sans doute la plus mahlerienne.Difficile de ne pas résister à son emprise.

Symphonie n° 3 « Grodek » Christel Borchers :Contralto
Orchestre : Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Chef d’orchestre : Mathias Husmann

Pour l'écouter/ https://youtu.be/LaATvVo23y8?si=otqxUI5ucKbgqIPJ

gluckhand a écrit:

Difficile de ne pas résister à son emprise.

Et toi tu as réussi ?

Golisande a écrit:

gluckhand a écrit:

Difficile de ne pas résister à son emprise.

Et toi tu as réussi ?

Mon cher Golisande, je ne parle,que  de ce que j'aime et je trouve les 5 symphonies de Winbeck, toutes passionnantes à des titres différents, mais aussi,comme une oeuvre qui s'est construite peu à peu.Il y a chez Winbeck la même passion et le même objectif pour la symphonie , que chez Allan Pettersson, bien qu'avec deux mondes différents

Pour toi en tout cas, il n'a donc pas été difficile de ne pas y résister !

"La Symphonie n° 4 De Profundis est coulée à grande échelle et comprend des solistes vocaux, un haut-parleur, un orgue, une bande audio, un chœur à 16 voix et un grand orchestre (dont quatre bois, huit cors et huit percussionnistes). Sa durée totale est de 81 minutes et elle est décrite dans le livret comme « semblable à un oratorio ». Son titre reflète un événement profondément intime dans la vie du compositeur, à savoir la mort de sa mère. L’œuvre est donc une expression personnelle du deuil. La mort et le salut sont réalisés dans un spectacle sonore allant des murmures orchestraux aux coruscations cataclysmiques du son." Stephen Greenbank

Sûrement ,malgré sa longueur,une des oeuvres les plus impressionnantes émotionnellement,sur un sujet très douloureux.Les grandes passions ,comme les grandes douleurs provoquent souvent de grandes oeuvres, comme c'est le cas ici.

The Symphony No. 4 "De Profundis"

0:00 I. Prolog - Requiem aeternam I & II
19:48 II. Et Lux perpetua
24:53 III. De profundis
35:51 IV. Lacrimosa
52:04 V. Dies irae
1:00:50 VI. Tuba mirum
1:07:19 VII. Epilog
Œuvre utilisée : Pandemonium – John Martin
Chef d’orchestre : Dennis Russell Davies
Orchestre : Orchestre symphonique de la Radio de Vienne

Pour l'écouter/ https://youtu.be/pRPaJjIK4V4?si=8ZgbUcLS9DL2KJ98