Dukas : Ariane et Barbe-Bleue - Pleyel 15/04/2010

Ariane et Barbe-Bleue : 15/04/2011

Salle Pleyel, Paris


Ariane : Katarina Karnéus
La Nourrice : Delphine Haidan
Barbe-Bleue : Nicolas Cavallier
Mélisande : Emmanuelle de Negri
Selysette : Andréa Hill
Bellangère : Claudine Margely
Ygraine : Karen Harnay
Un vieux paysan : Mark Pancek
Le 2ème paysan : Mathieu Cabanes
Le 3ème paysan : Philippe Eyquem

Orchestre Philharmonique de Radio France
Choeur de Radio France
Direction : Jean Deroyer


Si la distribution d'Ariane a beaucoup évolué au fil des mois (Béatrice Uria-Monzon prévue à l'origine, qui laisse sa place depuis quelques mois à Jennifer Wilson, qui elle-même laisse sa place il y a quelques jours à Katarina Karnéus...), l'intérêt de ce concert était vraiment la partition. Elle fait partie de celles qui me fascinent le plus dans l'opéra français du XXème siècle en France.
Alors qu'on avait eu droit à une version mise en scène à l'ONP, mais avec un résultat bien moyen (voir mauvais pour certains aspects!). Du coup, l'attente était forte !

Et au final, je n'ai pas été déçu malgré les quelques petits soucis notés au fur et à mesure...
L'orchestre tout d'abord... La partition orchestrale recèle des trésors de couleurs et de textures... l'écriture luxuriante donne matière à proposer des passages de toute beauté. De la beauté justement, il y en avait... mais pas autant qu'on aurait peu l'espérer. En effet, cela manquait quelque peu de soins globalement. Les cordes par exemples n'étaient pas aussi claires que souvent, et surtout les cuivres explosaient trop, manquant de retenue. Est-ce une volonté du chef ? Difficile à dire. Peut-être qu'il veut pousser cette partition vers les compositeurs plus agressifs de l'époque. Toujours est-il que ces agressions cassaient quelque peu les ambiances magiques. Dans les passages calmes par contre, le chef soigne les couleurs et si la texture n'est pas parfaite, il y a pas mal de soins. Au final donc, une direction qui montre les beautés de la partition, sans pour autant les magnifier !
Le chœur est très bon, avec une belle puissance et des couleurs superbes ! La chanson des filles d'Orlamonde par exemple montre la beauté de ce que peuvent proposer les femmes. Avec une belle puissance et une magnifique homogénéité, le résultat est très prenant !

Les paysans, artistes du chœur, remplissent leur office sans vrai panache.
Nicolas Cavalier en Barbe-Bleue possède un charisme certain et une diction parfaite. Après, ce rôle reste très épisodique.
Les 4 femmes de Barbe-Bleue sont très bien distribuées, avec une Selysette magnifique ! La Mélisande d'Emmanuelle de Négri est aussi très belle est particulièrement touchante.
Delphine Haidan a quelques soucis avec la tessiture vraiment grave de la nourrice. Elle poitrine légèrement ses graves, qui du coup sonnent bien. Ses aigus sortent bien aussi. Mais le médium est régulièrement noyé par le flot orchestral. Bien sûr il faut bien avouer que la salle ainsi que la masse orchestrale propose un mur difficile à franchir. Question diction, on est loin de ce qu'a peu proposé il y a peu une Lemieux à Amsterdam (et question voix aussi!). Le personnage est assez bien dessiné, sans pour autant vraiment ressortir.
Katarina Karnéus chante donc le rôle titre écrasant. Écrasant car très long mais aussi très tendu vocalement, demandant une très large amplitude. Les débuts de la mezzo sont très prudents, manquant de projection, avec la voix qui semblait comme étriquée. Question diction, on ne distingue vraiment pas grand chose. Mais une fois le premier acte presque terminé, on sent une évolution vocale intéressante. La voix se ibère petit à petit alors que la diction se fait plus précise. Du coup, on commence à retrouver une belle prestation qui va culminer sur un troisième acte splendide. Tout au long de la soirée, le timbre est assez beau et jeune, mais on manque par contre de puissance. Ce manque va se combler au fur et à mesure de la soirée comme indiqué ci-dessus. Le personnage reste légèrement frustre, surtout au début. Toujours sur la défensive ou du moins dans la noblesse, les passages élégiaques manquent de relâchement. Par contre, le dernier acte la trouve vraiment passionnante. Comme quoi une fois la voix revenue, le personnage se libère !


Au final, un vrai bonheur d'entendre cette œuvre une nouvelle fois. La partition est fascinante. Par contre, jouer cette œuvre dans une salle comme Pleyel en version de concert oblige les chanteurs à luter contre l'orchestre très présent. Si les chanteurs s'en sortent avec les honneurs, il manquent tout de même d'un petit quelque chose en plus pour vraiment percer et planer au dessus de ce magnifique tapis créé par Dukas.

Pour ceux qui veulent découvrir l’œuvre, le concert de ce soir était diffusé en direct sur France-Musique : http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-soir/emission.php?e_id=80000056&d_id=425000745
Et à noter aussi la prochaine ré-édition de la version dirigée par Armin Jordan !

J'ai écouté les II et III, ça avait l'air très bien, et avec la prise de son radio, pas du tout cette impression de manque de puissance pour Karneus.

Oui, j'imagine bien que à la radio, ça passe super bien! Mais tu connais Pleyel...

Je voulais écouter mais je savais que j'aurais pris l'écoute en marche. J'écouterai peut être demain. Merci pour ce compte-rendu très bien écrit et détaillé. L'une des Ariane les plus célèbres est Germaine Lubin. Le rôle a été écrit pour un soprano dramatique ou une voix dramatique en tout cas. La créatrice Georgette Leblanc-Maeterlinck était soprano d'après wikipedia. Des mezzos le chantent ou l'ont chanté évidemment. Les catégories vocales peuvent être perméables pour certains rôles.

Oui, d'accord pour le manque de "beauté", on sent le chef qui vient de la musique contemporaine, qui réussit quand il s'agit d'être précis et puissant et se casse les dents dès qu'il s'agit d'être un brin sensuel. Par contre le fossé entre l'orchestre de Parsifal hier et celui-là......... Je veux bien que les cuivres hurlent un peu quand ils le font à ce niveau et qu'on a la petite harmonie qui suit (flûte-hautbois-cor anglais superlatifs, comme d'hab). Oui, avec un chef meilleur que "bon" ca aurait été mieux, mais je ne sais pas trop ce que Salonen a filé à l'OPRF mais c'est de la bonne, parce que là ils enchainent.

J'ai trouvé le plateau vocal assez médiocre par contre. Je sauve Andrea Hill et Emmanuelle de Négri, pas mal sans plus, mais les autres... Karnéus impossible, une diction et un vibrato insupportables et Delphine Haidan très moyenne.
Enfin là on pouvait virer le chant, ca marchait pareil. Enfin c'est la semaine misogyne, entre la cantatrice impossible du concert de Saraste, Parsifal évidemment, et maintenant les brailleuses de Dukas (et je parle même pas du texte), ca commence à faire...

Il faudrait aussi que la Salle Pleyel arrête de faire des économies sur le surtitrage, parce qu'avec 4 chanteuses sur 6 presque incapables de prononcer un mot de français intelligible...

Montalte Trout a écrit:

Oui, d'accord pour le manque de "beauté", on sent le chef qui vient de la musique contemporaine, qui réussit quand il s'agit d'être précis et puissant et se casse les dents dès qu'il s'agit d'être un brin sensuel. Par contre le faussé entre l'orchestre de Parsifal hier et celui-là......... Je veux bien que les cuivres hurlent un peu quand ils le font à ce niveau et qu'on a la petite harmonie qui suit (flûte-hautbois-cor anglais superlatifs, comme d'hab). Oui, avec un chef meilleur que "bon" ca aurait été mieux, mais je ne sais pas trop ce que Salonen a filé à l'OPRF mais c'est de la bonne, parce que là ils enchainent.

J'ai relu 3 fois ces phrases et je n'arrive toujours pas à comprendre si tu as trouvé l'orchestre bon ou pas ce soir.

Je pense qu'il a préféré la direction orchestrale de cette Ariane et Barbe-Bleue à celle de Parsifal. Il me semble qu'il a trouvé l'orchestre bien malgré une légère réserve.

aurele a écrit:

L'une des Ariane les plus célèbres est Germaine Lubin.

Ah bon? Tu l'as déjà entendue dans le rôle?
Pour moi, les plus connues sont Ciesinsky et Bumbry... mais bon...

Citation :

Le rôle a été écrit pour un soprano dramatique ou une voix dramatique en tout cas. La créatrice Georgette Leblanc-Maeterlinck était soprano d'après wikipedia. Des mezzos le chantent ou l'ont chanté évidemment. Les catégories vocales peuvent être perméables pour certains rôles.

Soprano dramatique ou mezzo... la tessiture est assez large et demande à mon avis plus une mezzo avec de beaux aigus qu'une soprano avec de bons graves... le timbre se doit d'être chaud et un peu corsé quand même. Mais ce sont mes préférences bien sûr...

Concernant Bumbry, il existe me semble-t-il une captation de l'Opéra de Paris de 1976.
Tu connais beaucoup mieux l'oeuvre évidemment que moi, tu sais donc mieux quel est le profil vocal requis pour le rôle titre.

aurele a écrit:

Concernant Bumbry, il existe me semble-t-il une captation de l'Opéra de Paris de 1976.

Oui, et c'est très bien... même si un peu opaque pour Bumbry...

Citation :

Tu connais beaucoup mieux l'oeuvre évidemment que moi, tu sais donc mieux quel est le profil vocal requis pour le rôle titre.

Non, je sais mieux quel est le profil vocal qui me va le mieux!
Je sais que je n'aime pas les grosses voix stridentes par exemple (exit Polaski ou Anthony par exemple)...

Xavier a écrit:

J'ai relu 3 fois ces phrases et je n'arrive toujours pas à comprendre si tu as trouvé l'orchestre bon ou pas ce soir.

Mais oui, il est excellentissime cet orchestre.

Ah oui, ça je suis d'accord, mais parler de fossé sous-entendait que celui de Munich était catastrophique...

Précision factuelle : le rôle d'Ariane est noté mezzo-soprano sur la partition.

Le problème est de toute façon toujours le même que pour tous les autres rôles : c'est la taille du rôle qui détermine le format vocal. Le reste tient de l'opinion esthétique, mais n'est pas impératif.

Le rôle d'Ariane étant assez inhumain, tout le temps présente, tassée dans le grave ou sans cesse sur le passage, concurrencée très souvent par un orchestre très sonore... on prend ce qu'on a, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la barrière. Il me semble d'ailleurs que les Rückert-Lieder de Karnéus (qui sonne clairement soprano) n'étaient pas dans une tonalité "haute" par rapport à l'original...

Je souscris au texte de Polyeucte. La partition vaut vraiment le coup, même si on aurait pu sans doute imaginer une interprétation plus excitante. C'était du moins excellent, et on avait l'impression d'être des happy few vu l'affluence réduite. Mais few, pas n'importe qui : David, Polyeucte,...