Debussy Pelléas et Mélisande - Bastille - Février-mars 2012

Si il chante les notes quand même. (enfin il les aboie)

Quand on connaît ce chanteur, on est habitué, et même, c'était plutôt pas mal par rapport à d'habitude...

Mais la voix passe assez bien dans une grande salle comme Bastille, j'imagine que c'est pour ça qu'il a été choisi.

Lundi dernier, j'avais la chance d'être au parterre, et je n'ai pas souffert de ce qu'évoque Fliegender. Donc je ne le déconseillerais pas : pour peu qu'on soit dans de bonnes conditions, ça vaut le coup : le spectacle est réellement excellent, et, comme toujours avec Wilson, d'une beauté spéciale. Avis favorable aussi sur Le Texier, qui utilise admirablement ses qualités (diction, poids vocal, stature) pour faire oublier sa rugosité. Selig pas mal en Arkel, mais j'ai l'impression qu'on n'est jamais satisfait avec ce rôle. Tous les autres sont très bien, l'orchestre au poil, Jordan impec.

J'y suis allée pour la première (la classe. )
Et je suis plutôt d'accord avec Bertram. Je rajoute que mon premier essai avec cet opéra sur scène s'est trèèèèèès mal passé.
J'ai fait plusieurs essais au disque et ça passait mieux. Et là, ça a été. Je trouve que la mise en scène allait très bien avec cette oeuvre, avec le côté métaphorique et onirique.

discobole a écrit:

Le pire étant d'imaginer que des gens découvrent l'œuvre dans cette production, je serais étonné qu'il y ait un seul néophyte qui n'en sorte pas profondément déçu et ne voie un millier de préjugés le reprendre sur Pelléas, sur les mises en scène contemporaines, etc.

Bonjour,
Néophite et amatrice d'opéra depuis peu, j'avoue que votre commentaire me rassure.
J'y suis allée aujourd'hui et malgré la splendeur de ce jeu d'ombres et de lumières, j'ai été un peu déçue... et me suis dit que si moderne = soporifique, alors je préfère les opéras classiques... Il est vrai que je découvre depuis peu et apprécie énormément Puccini et Verdi mais... est-ce incompatible ?? J'apprécie pourtant cet opéra en disque que je trouve très beau musicalement.

Sinon, j'ai trouvé que la voix de Le Texier n'avait pas une très grande portée, parfois il semblait à peine finir ses phrases... A moins que ce ne soit l'orchestre qui couvre trop les voix comme certains l'ont souligné.. ?

J'ai apprécié mais ai été déçue et me suis dit que c'était peut-être moi qui n'était pas prête à apprécier un tel chef d’œuvre...

Debussy n'est pas Puccini ou Verdi (et heureusement). Le livret de Maeterlinck ne se prête pas à leurs kitch.

Mais pour te rassurer Discobole, j'ai pu envoyer deux néophytes complets (de musique et encore plus Debussy) qui sont ressorti subjugués avant tout par la mise en scène (la musique et le texte, ils sont un peu dépassés).

Siegmund a écrit:

Debussy n'est pas Puccini ou Verdi (et heureusement). Le livret de Maeterlinck ne se prête pas à leurs kitch.

C'est vrai que c'est une toute autre sorte de kitch! un kitch soporifique!

Siegmund a écrit:

Debussy n'est pas Puccini ou Verdi (et heureusement). Le livret de Maeterlinck ne se prête pas à leurs kitch.

Mais pour te rassurer Discobole, j'ai pu envoyer deux néophytes complets (de musique et encore plus Debussy) qui sont ressorti subjugués avant tout par la mise en scène (la musique et le texte, ils sont un peu dépassés).

Merci ! Mais ça ne me rassure pas au contraire... Je dois aimer le kitsh voilà tout..

C'est un droit, c'est bien de le reconnaitre

Diotime, non je ne pense pas que ce soit le problème, surtout si tu aimes l'opéra à la base. Tu devrais peut-être tenter la mise en scène de Braunschweig à l'Opéra Comique (Gardiner) en 2010, histoire d'avoir un élément de comparaison.

Siegmund, que tes amis soient subjugués par la mise en scène, les décors, les lumières, tant mieux (visuellement oui c'est très beau), mais s'ils s'avouent dépassés par le texte et la musique, est-ce que ce n'est pas un signe que cette mise en scène n'atteint pas son but ?

Ceci étant les questions de placement déjà évoquées sont cruciales. Pelléas est une des partitions qui à mon avis passe mal à Bastille, du moins quand on n'est pas au parterre ou dans les premiers rangs au centre du premier balcon.

diotime a écrit:

Siegmund a écrit:

Debussy n'est pas Puccini ou Verdi (et heureusement). Le livret de Maeterlinck ne se prête pas à leurs kitch.

Mais pour te rassurer Discobole, j'ai pu envoyer deux néophytes complets (de musique et encore plus Debussy) qui sont ressorti subjugués avant tout par la mise en scène (la musique et le texte, ils sont un peu dépassés).

Merci ! Mais ça ne me rassure pas au contraire... Je dois aimer le kitsh voilà tout..

Siegmund a écrit:

C'est un droit, c'est bien de le reconnaitre

Siegmund, t'es p être pas obligé de sauter directement sur un débutant non ?

Excellente représentation ce jour, c'était mon premier Pelléas intégral (je connais bien les 3 premiers actes et absolument pas les deux derniers), tout était formidable (au sens étym du terme aussi...), à commencer par l'orchestre, ses textures, son mouvement d'ensemble, sa précision tant dans les plus infimes détails que dans les forte grondant au moment du meurtre de Pelléas. Ce dernier était chantée d'une voix maîtrisée par Degout, bien que je préfère une voix plus claire pour le rôle et que ses mots ne me sont pas apparus très mordants, au contraire d'un Didier Henry par exemple pour parler des mêmes tessitures. Arkel chanté par Franz Josef Selig était, costume aidant, impressionnant de présence même si on a connu des Arkel plus passionnants. Enfin, le Texier en Golaud, malgré son émission un peu fruste, est quand même assez intéressant et du moins il emporte. Pas autant certes que la Mélisande d'Elena Tsallagova, la chanteuse de la matinée, qui fait preuve d'une maîtrise confondante : une voix clair avec un timbre presque à la Dessay mais bien plus assuré, et surtout un français d'une clarté limpide, assez impressionnant même au regard des Mélisande les mieux disantes que je connaisse.

Mise en scène très wilsonnienne de Wilson : les déplacements sont hiératiques, les acteurs s'étreignent fort peu (jamais en fait, sauf au duo du IV et encore), le décor est dépouillé même si certains symboles sont intéressants et parfois même posent question (qu'est ce que c'est que ce carré rouge qu'on distingue subrepticement à la toute fin du III ?). On peut trouver ça un peu froid, pour moi cela fonctionne sur cette oeuvre, parce que les lumières et l'aura mystérieuse de chaque acteur vont dans le sens irréel donné par Debussy à la musique et dans le sens aussi du symbolisme de Maeterlinck.

L'oeuvre elle-même est bien entendu un chef d'oeuvre absolu, et j'ai trouvé le texte de ce que je connaissais pas encore aussi intéressant que celui que je connaissais déjà, avec des images magnifiques (les ténèbres bleues, l'oiseau qui n'est pas d'ici) : il serait intéressant de faire une critique thématique à la Jean-Pierre Richard de tous ces motifs qui structurent l'oeuvre : le chaud / le froid, le soleil (et la bague, comme le montre assez justement Wilson), le côté de la mer, la clarté, la forêt... etc.

Enfin côté petits rôles, on est très bien servi puisque c'est l'immense Jérôme Varnier et son impact immense qui fait le Médecin, tandis qu'Anne-So' von Otter donne de la lettre une fort bonne lecture, et que le Yniold est plus qu'honorable.

Carton plein donc, même si j'aimerais bien voir ce que d'autres metteurs en scène font de l'oeuvre.

discobole a écrit:

Siegmund, que tes amis soient subjugués par la mise en scène, les décors, les lumières, tant mieux (visuellement oui c'est très beau), mais s'ils s'avouent dépassés par le texte et la musique, est-ce que ce n'est pas un signe que cette mise en scène n'atteint pas son but ?

"Dépassé" était peut-être un peu fort. Mais loin de l'intimité que nous initiés pouvons avoir avec, et que nous avons tous d'ailleurs acquis en plusieurs temps ; hors c'est l'exemple typique de l’œuvre et de la musique qui ne se donne pas au premier regard.
Je crois au contraire cette mise en scène très adapté, car nous mettant tout de suite dans une univers et des conditions en adéquation avec cette musique et ce texte ; du moins, je l'ai moi toujours ressenti dans ce genre d'univers, avant d'avoir vu le moindre DVD. C'est une musique qui suggère, et un texte qui conceptualise / symbolise, il ne marche pas autrement à mon sens.

discobole a écrit:

Diotime, non je ne pense pas que ce soit le problème, surtout si tu aimes l'opéra à la base. Tu devrais peut-être tenter la mise en scène de Braunschweig à l'Opéra Comique (Gardiner) en 2010, histoire d'avoir un élément de comparaison.

Siegmund, que tes amis soient subjugués par la mise en scène, les décors, les lumières, tant mieux (visuellement oui c'est très beau), mais s'ils s'avouent dépassés par le texte et la musique, est-ce que ce n'est pas un signe que cette mise en scène n'atteint pas son but ?

C'est surtout qu'il est il me semble très rare de ne pas être dépassé par Pelléas à la première écoute...

Guillaume a écrit:

Arkel chanté par Franz Josef Selig était, costume aidant, impressionnant de présence même si on a connu des Arkel plus passionnants.

C'est fortiche de donner ton avis sur la discographie en n'ayant jamais écouté l'oeuvre en entier. (les actes 4 et 5 étant les seuls où Arkel intervient avec le 2è)

Entièrement d'accord avec le compte rendu de Guillaume.
Magnifique représentation hier.

La mise en scène, c'est du Wilson : quand on le connaît, elle n'a rien de surprenant ! Mais ça fonctionne très bien, les lumières sont sublimes, c'est un vrai régal. La dernière scène en particulier était magnifique, ainsi que le passage entre Golaud et Pelléas dans les souterrains.
La 1ère scène m'a tout de même surprise : Mélisande avait pendant toute la scène un sourire mystérieux (un peu le sourire énigmatique des statues grecques qu'on appelle "Koré"). Elle n'avait pas du tout l'air apeuré, on aurait presque cru une araignée qui tisse sa toile.

L'orchestre était parfait, Philippe Jordan a été très applaudi par la salle, encore plus que les chanteurs. Il met vraiment en avant la sensualité de l'oeuvre.
Tsallagova m'a vraiment impressionnée, effectivement sa diction est très bonne (au passage, c'est vraiment un rôle étonnant, qui peut être chanté avant autant de légitimité par une Pamina et par une Salomé).
Les hommes étaient très bien également. Degout n'a pas une voix très nuancée et subtile, certes, mais il a bien d'autres qualités, et il compense énormément avec une diction parfaite et un beau phrasé.

Fiordiligi a écrit:

La 1ère scène m'a tout de même surprise : Mélisande avait pendant toute la scène un sourire mystérieux (un peu le sourire énigmatique des statues grecques qu'on appelle "Koré"). Elle n'avait pas du tout l'air apeuré, on aurait presque cru une araignée qui tisse sa toile.

Ah, je ne suis pas le seul à avoir été frappé par ça!
Mais ce n'est pas que pendant la 1ère scène, c'est pendant les 3/4 de l'opéra environ!

Fiordiligi a écrit:

Les hommes étaient très bien également. Degout n'a pas une voix très nuancée et subtile, certes, mais il a bien d'autres qualités, et il compense énormément avec une diction parfaite et un beau phrasé.

Franchement, plus je réécoute les Mollet, Jansen, Maurane ou Le Roux plus je me dis que cette clarté à la française s'est quand même perdue.
Certes il y a les contraintes de la salle mais Degout fait quand même plus engorgé et plus monolithique disons que les grands Pelléas du passé...

Xavier a écrit:

Franchement, plus je réécoute les Mollet, Jansen, Maurane ou Le Roux plus je me dis que cette clarté à la française s'est quand même perdue.

discobole a écrit:

Diotime, non je ne pense pas que ce soit le problème, surtout si tu aimes l'opéra à la base. Tu devrais peut-être tenter la mise en scène de Braunschweig à l'Opéra Comique (Gardiner) en 2010, histoire d'avoir un élément de comparaison.

Merci ! Je vais tacher de me trouver cela rapidement.

Je ne connais que la version (CD) dirigée par Karajan en 1978...

Cololi a écrit:

Siegmund, t'es p être pas obligé de sauter directement sur un débutant non ?

Merci à toi aussi. Pas souci si j'aime le kitsh et que mes goûts ne sont pas à la mode, je préfère ça au snobisme. Et je n'ai pas honte d'aimer Puccini et Verdi. Mais je ne pense pas que cela soit incompatible avec d'autres choix musicaux, p-e plus "sérieux".

Fiordiligi a écrit:

L'orchestre était parfait, Philippe Jordan a été très applaudi par la salle, encore plus que les chanteurs. Il met vraiment en avant la sensualité de l'oeuvre.

Je suis parfaitement d'accord avec cela mais quand je vais voir un opéra, je vais voir aussi des chanteurs et j'ai été déçue de ne parfois presque pas les entendre et de ne pas tjs les comprendre. Quand je vais voir Carmen au Bolchoï j'accepte de ne pas comprendre ce qui est chanté mais quand je vais à Bastille, je trouve cela regrettable. Edit : je parle bien de V. Le Texier et de S. Degout, pas de Selig ni de Elena Tsallagova dont j'ai également énormément apprécié la voix.

Maintenant, je vous prie de m'excuser si je pollue votre forum avec mes propos de néophyte mais il faut bien commencer un jour et les années me feront p-e réviser mes critères.

Et j'ajouterai que malgré ces petites déceptions, j'ai passé néanmoins un moment inoubliable.

Tu ne pollues pas du tout le forum, bienvenue parmi nous

diotime a écrit:

Merci à toi aussi. Pas souci si j'aime le kitsh et que mes goûts ne sont pas à la mode, je préfère ça au snobisme.

Et moi j'aime des trucs encore plus kitch (genre Léhar ... enfin à petite dose, faut pas déconner quand même )

Citation :

Et je n'ai pas honte d'aimer Puccini et Verdi. Mais je ne pense pas que cela soit incompatible avec d'autres choix musicaux, p-e plus "sérieux".

Effectivement avoir "honte" est inutile et non constructif (et injustifié).
C'est tout à fait compatible avec des choix plus "sérieux".

diotime a écrit:

Je suis parfaitement d'accord avec cela mais quand je vais voir un opéra, je vais voir aussi des chanteurs et j'ai été déçue de ne parfois presque pas les entendre et de ne pas tjs les comprendre.

Malheureusement c'est un problème récurrent à Bastille et la faute en revient à la salle, pas aux chanteurs; il faut des voix absolument énormes pour passer la rampe.
Et ces voix énormes ont souvent un problème d'intelligibilité et de précision quant à la diction.
Les chanteurs qui arrivent à se faire entendre et à être clair dans la diction sont finalement des perles rares dans cette salle.

Xavier a écrit:

Malheureusement c'est un problème récurrent à Bastille et la faute en revient à la salle, pas aux chanteurs; il faut des voix absolument énormes pour passer la rampe.
Et ces voix énormes ont souvent un problème d'intelligibilité et de précision quant à la diction.
Les chanteurs qui arrivent à se faire entendre et à être clair dans la diction sont finalement des perles rares dans cette salle.

Merci pour ces précisions intéressantes. Je n'avais pas remarqué cela lors des précédents opéras que j'avais vus à Bastille mais ils étaient tous en italien et maîtrisant mal cette langue, je ne pouvais juger de la clarté.

Et merci pour votre accueil Mariefran, Cololi...

Flash info : On signale la présence de nombreuses caméras ce soir à Bastille... donc en plus de la diffusion sur Internet, on aura sûrement droit à un DVD de Pelleas!

oui mais par sécurité, si quelqu'un peut enregistrer ce qui sera diffusé vendredi soir, ce serait sympa
(perso je peux pas regarder car je serai justement dans la salle --> je vous ferai coucou, pour la peine)

Polyeucte a écrit:

Flash info : On signale la présence de nombreuses caméras ce soir à Bastille... donc en plus de la diffusion sur Internet, on aura sûrement droit à un DVD de Pelleas!

Et depuis 5 ans on attend le DVD Haitink/Martinoty qui a été filmé et diffusé à la télé...

Xavier a écrit:

Et depuis 5 ans on attend le DVD Haitink/Martinoty qui a été filmé et diffusé à la télé...

Ah oui! C'est la seule fois où j'ai entendu un Pelléas en entier! J'avais pas mal luté pour ne pas m'endormir...

Si c'était un simple Live puis diffusion en streaming gratuit 30 jours, de tels moyens n'aurait pas été engagée sur deux dates de suites ! Je n'étais pas à la générale pour le confirmer, mais il semble qu'un système similaire était en place en lieu et place de l'habituel unique camera.

Là on parle de 6 caméramans + 1 caméras téléguidé monopolisant de bonnes places.

Ps: Polyeucte est gentils de lifté mon alerte, car je lui signalais aussi qu'en comparaison, les Huguenots ... c'est mort

Xavier a écrit:

Polyeucte a écrit:

Flash info : On signale la présence de nombreuses caméras ce soir à Bastille... donc en plus de la diffusion sur Internet, on aura sûrement droit à un DVD de Pelleas!

Et depuis 5 ans on attend le DVD Haitink/Martinoty qui a été filmé et diffusé à la télé...

D'ailleurs la version Gardiner de 2010 à l'Opéra Comique était aussi filmée paraît-il (et reçoit des éloges dans le dernier Avant-Scène Opéra sur P&M)... et pas de parution prévue?

Il y a vraiment quelque chose de pourri dans ce système : des dizaines de versions incroyables dorment sans aucun doute dans les tiroirs de radios et maisons de disques, il y a potentiellement des milliers de personnes que ça intéresse, et qui seraient prêtes à payer (en les téléchargeant légalement, p. ex.), mais on les garde au chaud "au nom des droits d'auteur"... ou parce que ce ne serait pas assez rentable de les commercialiser en DVD ou CD... c'est assez ridicule...et rageant!

Représentation d'hier soir à Bastille : j'aime beaucoup cette mise en scène ; elle n'est pas redondante ; si elle corsette les corps, elle laisse tout latitude aux voix et à l'orchestre pour exprimer l'émotion, elle propose des images magnifiques : j'en retiens deux = la scène où Golaud tourmente Mélisande sans pouvoir la réduire (elle plie mais ne se brise pas) et l'image finale, exeunt omnes, le vent se lève et agite les rideaux, Mélisande morte se relève et s'échappe selon la diagonale (alors que l'orchestre joue ce petit air bouleversant de faux harmonium). Elena Tsallagova se fond admirablement dans cette imagerie (quelle silhouette !) ; c'est une Mélisande "brune", mystérieuse et entêtée, manquant sans doute de cette innocence qui rendrait sa mort absolument poignante (et je comprends qu'on puisse lui trouver une noirceur presque malsaine). Stéphane Degout est plutôt une déception, on aimerait plus de clarté et une meilleure articulation, il fait presque falot face à Mélisande ; c'était peut-être un soir de méforme ? ça expliquerait plusieurs lapsus... Le Golaud de Le Texier est fruste, sa violence et sa douleur sont quelque peu émoussées mais le personnage est convaincant, victime autant que tyran. Franz Josef Selig pourrait habiter un peu davantage son Arkel, la voix est puissante et puis on échappe aux chevrotements (qui gâchaient le V de Gardiner à l'opéra comique), c'est le principal... J'ai encore aimé la Geneviève ambiguë d'Anne Sofie von Otter : ses accents de femme archi résignée qui se teintent de façons d'entremetteuse à la fin du I quand elle met ensemble Mélisande et Pelléas.
L'orchestre est beau (on entend la mer, l'odeur des fleurs coupées, la bague qui sombre, les pleurs, la lumière de la lune, le renfermement d'Allemonde, etc.) mais le chef échoue amha à créer une tension, une progression dès que la scène est un peu longue (la fin du III, la mort de Pelléas...) (la salle de Bastille convient bien mieux à cette mise en scène que Garnier mais l'attention du public est bien difficile à garder : hier soir festival de toux, sonneries de portables, commentaires chuchotés pendant les interludes...)

Swarm a écrit:

D'ailleurs la version Gardiner de 2010 à l'Opéra Comique était aussi filmée paraît-il (et reçoit des éloges dans le dernier Avant-Scène Opéra sur P&M)... et pas de parution prévue?

C'est indiqué en sortie prévues sur un des deux LULLY de FraMusica!

Swarm a écrit:

Xavier a écrit:

Polyeucte a écrit:

Flash info : On signale la présence de nombreuses caméras ce soir à Bastille... donc en plus de la diffusion sur Internet, on aura sûrement droit à un DVD de Pelleas!

Et depuis 5 ans on attend le DVD Haitink/Martinoty qui a été filmé et diffusé à la télé...

D'ailleurs la version Gardiner de 2010 à l'Opéra Comique était aussi filmée paraît-il (et reçoit des éloges dans le dernier Avant-Scène Opéra sur P&M)... et pas de parution prévue?

Il y a vraiment quelque chose de pourri dans ce système : des dizaines de versions incroyables dorment sans aucun doute dans les tiroirs de radios et maisons de disques, il y a potentiellement des milliers de personnes que ça intéresse, et qui seraient prêtes à payer (en les téléchargeant légalement, p. ex.), mais on les garde au chaud "au nom des droits d'auteur"... ou parce que ce ne serait pas assez rentable de les commercialiser en DVD ou CD... c'est assez ridicule...et rageant!

Oui le Gardiner a été diffusé sur Mezzo et France 2 ou 3, mais il n'y a pas de DVD non plus...

Sans parler d'une version Prêtre je crois avec Le Roux en Golaud qui doit dater des années 90 et qui avait été diffusée... mais il n'y en a plus de trace aujourd'hui semble-t-il.

Mais Gardiner a sûrement été filmé qu'une seule fois ...

Elemer a écrit:

l'attention du public est bien difficile à garder : hier soir festival de toux, sonneries de portables, commentaires chuchotés pendant les interludes...)

Ah que c'est agaçant ! ! ! A chaque spectacle, on entend des sonneries de portables.
Et quelle énergie, quel engagement dans les toux : elles sont vigoureuses, riches et particulièrement variées dans l'intonation et dans le timbre. Toux grasses, toux maigres, quel répertoire ! c'est une vraie symphonie.

Sinon, merci pour ton beau commentaire sur le spectacle.
Au passage, je suis tout à fait d'accord avec tes appréciations sur les chanteurs.

Pour les portables, pas sûr que la concentration y soit pour quelque chose !

C'est vrai que pour la représentation de Pelléas à laquelle j'ai assisté, c'était absolument ahurissant, je n'avais jamais entendu autant de personnes souffrantes de pneumonies réunies dans la même salle, ça ne s'arrêtait jamais!
Je ne comprends pas, pour ma part ça m'arrive une fois de temps en temps d'être très pris et d'avoir un besoin irrésistible de tousser un petit coup, mais je fais ça très discrètement en mettant ma main voire ma veste devant moi pour étouffer le bruit de façon à ce que personne n'entende. Y en a, on dirait qu'ils font le maximum de bruit possible!

Curieusement, pour le Tristan du TCE dimanche, c'était beaucoup plus calme, sauf une sonnerie de portable énorme en plein pianissimo.

Les portables au Gd Théâtre à Genève c'est absolument rarissime... par contre les tuberculeux, y'en a parfois par paquets de cents... ce qui est ahurissant c'est que certains n'ont toujours pas compris le concept de "tousser dans une écharpe/le coude/un pull".

Et surtout on dirait que certains font exprès de tousser pendant les passages les plus doux, genre là c'est pas important je peux y aller, alors que c'est l'inverse, tu tousses pendant un tutti tu ne gênes à peu près personne.

Xavier a écrit:

Oui j'y étais vendredi dernier, c'est à voir et à écouter surtout pour l'orchestre, magnifique dans l'ensemble.

Les moments où Jordan couvrait l'orchestre étaient très rares contrairement à ce qui a été dit plus haut. (et puis pour des voix comme Tsallagova et Mathevet, dans cette salle, c'est absolument inévitable)
Vraiment une très belle lecture pour moi, sans excès, tout à fait en style, et avec des climats splendides.
Le Texier était égal à lui-même mais tout de même meilleur que dans d'autres rôles, Degout très bien même si décidément je ne le trouve pas passionnant en Pelléas, Tsallagova assez délicieuse et très en style, très sobre et très bien chantée, avec un effort de diction et de prononciation remarquable.
Grande Geneviève d'Otter, Selig tout à fait correct même si ce n'est pas son meilleur rôle.
La mise en scène de Wilson est très belle à voir; je ne sais plus qui a dit "Wilson on adore ou on déteste", je pense plutôt l'inverse, voilà une mise en scène qui ne devrait déranger personne aujourd'hui, sans que ça soit tout à fait génial non plus...
Ce qui m'a frappé tout de même, c'est le sourire quasiment malsain qu'arbore la Mélisande de Tsallagova durant une grande partie de l'opéra, et notamment dans la scène où elle se fait violentée par Golaud au IV... son rictus (certes visible grâce aux seules jumelles) était presque effrayant.
Ca m'intéresserait de savoir ce qu'en pensent les autres forumeurs qui iraient voir ce spectacle, au demeurant excellent dans l'ensemble, notamment grâce à Jordan et à l'orchestre.

J'y étais jeudi dernier et je n'ai rien à ajouter, mêmes impressions y compris pour ce sourire étrange de Mélisande tout au long de l'opéra. Orchestre très beau, qui couvrait un peu les voix au début, ça s'est arrangé après, mise en scène qui va très bien avec le discours (ce que ça doit être difficile à mettre en scène! La MES de Wilson s'impose comme évidente), plateau vraiment très bon avec une mention spéciale pour Mélisande très sobre et fragile, et une Geneviève de luxe avec Von Otter. Tapis de toux absolument ininterrompu, c'est un peu dommage.

j'y étais hier :

la salle était pleine à craquer et on n'a pas trop été dérangé par les tousseurs !
Tsallagova est la meilleure Mélisande que je connaisse : une voix très juste, très claire et très simple, comme le demande le rôle. J'apprécie son vibrato très discret, qui donne à sa voix beaucoup de fraîcheur. Effectivement elle a ce sourire mais j'imagine que c'est aussi lié à cette mise en scène qui fait ressembler les personnages à des fantômes, tous avec un rictus de personnes qui seraient déjà mortes (ou dont le triste destin est déjà écrit sur leurs visages). Aussi il faut noter qu'elle passe l'orchestre la plupart du temps et qu'elle ne semble pas beaucoup forcer sa voix.
J'aime moins Le Texier en Golaud, justement surtout parce que j'aurais imaginé qu'il couvrirait mieux l'orchestre. Aussi parfois je trouve qu'il écourte un peu les notes et qu'il a une voix qui sort un peu trop du nez. Par contre il a d'assez jolis graves, je trouve, pour un Golaud.
Degout n'a pas une voix assez neutre, "planante", légère ou aérée pour chanter Pélléas. Malgré tout ça se passe plutôt bien pour lui, même si il a parfois aussi un peu de mal à couvrir l'orchestre.
Selig est top selon moi, même si sa voix est peut-être presque un peu trop belle pour faire un vieillard comme Arkel. En tout cas les graves sont très jolis et il passe bien l'orchestre.

Bon, pour ce qui est de couvrir l'orchestre, on peut aussi en vouloir à Debussy qui leur donne des notes pas toujours très puissantes à chanter alors même que l'orchestre est à pleine puissance. Mais c'est vrai que ces moments sont relativement rares (et tout dépend aussi de l'orientation du chanteur sur la scène).

La mise en scène est très belle mais j'aurais préféré quelques jeux de lumières en plus pour figurer la mer, le soleil couchant à la fin ou ce genre de chose. Pour le soleil couchant, j'aurais baigné toute la salle de lumière orangée, pour faire un effet de contraste avec les lumières bleues et blanches auxquelles on a eu droit pendant presque 3 heures.

Les moments que j'ai préférés :
- l'orchestre quand il avait des parties assez conséquentes à jouer ---> direction de Jordan subtile et pas trop contemplative comme c'est le cas parfois sur ce genre de musique.
- Tsallagova dans toutes ses apparitions, surtout quand elle chante seule en haut de la tour (j'ai versé une larme, j'avoue)
- Geneviève d'Otter, surtout sur sa première apparition
- Arkel parce qu'il est bien meilleur que celui que j'ai sur le DVD Andrew Davis
- la mise en scène, surtout pour Mélisande à sa fenêtre et pour Mélisande sur son lit de mort

PS : il y avait encore 6 ou 7 caméras donc peut-être qu'il est prévu un DVD/blu ray, effectivement

OYO TOHO a écrit:

Bon, pour ce qui est de couvrir l'orchestre, on peut aussi en vouloir à Debussy qui leur donne des notes pas toujours très puissantes à chanter alors même que l'orchestre est à pleine puissance. Mais c'est vrai que ces moments sont relativement rares (et tout dépend aussi de l'orientation du chanteur sur la scène).

Mais ça c'est parce que Debussy veut se rapprocher de la voix parlée et ne pas recourir à des effets purement vocaux et donc des notes aigües. (qui sont effectivement rares)

Maintenant, si tu attends que les chanteurs couvrent l'orchestre, il ne faut pas aller à l'opéra, et surtout pas à Bastille!
Parce que c'est rigoureusement impossible... (et tant mieux, il faut qu'on entende l'orchestre, surtout dans Pelléas)
On attend surtout que l'orchestre ne les couvre pas, c'est déjà bien.

oui je me suis mal exprimé, je ne souhaite pas qu'ils couvrent l'orchestre en effet
Je voulais utiliser le passif et j'ai utilisé l'actif

On peut voir la prestation d'hier sur http://www.medici.tv...

J'en suis au toux (sic !) début et je ne suis pas sûr que cette mise en scène japonisante me parle énormément (mais bon faut voir dans la durée). La prise de son semble bien mettre les voix en avant par contre... et Golaud est pas si pire que ça, la Mélisande a l'air très bien et l'orchestre assez beau.

C'est fou comme à chaque fois que j'écoute ne serait-ce qu'un bout de cet opéra, je découvre quelque chose de nouveau. Là c'est le parallèle avec Parsifal dans l'interlude orchestral juste avant la lettre qui me frappe !

Là, dans l'instant Von Otter semble donner une des plus belles lettres que j'aie entendu depuis longtemps...

Vous avez de la chance (pour ceux qui y étaient "en vrai").

EDIT : en fait dès que Jordan se laisse un peu emballer, les voix sont couvertes...