La Chartreuse de Parme : 12/02/2012
Opéra de Marseille
Clélia Conti : Nathalie Manfrino
Gina, duchesse de Sanseverina : Marie-Ange Todorovitch
Théodolinde : Sophie Pondjiclis
Une voix : Anaïs Constans
Fabrice del Dongo : Sébastien Guèze
Comte Mosca della Rovere : Nicolas Cavallier
Général Fabio Conti : Jean-Philippe Lafont
Ludovic / une voix de ténor : Éric Huchet
Barbone : Jacques Calatayud
Le Maréchal des logis / Un gendarme : Antoine Garcin
Un gendarme / une voix de ténor : Bruno Comparetti
Un geôlier / une voix : Frédéric Leroy
Choeur et Orchestre de l'Opéra de Marseille
Direction musicale : Lawrence Foster
Mise en scène : Renée Auphan
Grand retour de la Chartreuse de Parme sur scène... De l’œuvre on ne peut entendre qu'un enregistrement de 58 qui ne rend pas totalement justice à l'orchestre de Sauget.
L’œuvre en elle même est particulièrement évolutive. En effet, elle commence doucement par un quiproquo sur le mode d'opéra-comique assez moderne. Si cette ambiance continue dans le deuxième tableau, le romantisme de la partition se développe doucement et l'orchestre tout comme la ligne vocale se développe et prend de l'épaisseur tout en gagnant en drame. Alors que le début est assez aride, le suite devient de plus en plus prenant et fort pour culminer sur différents passages comme les adieux de Gina, la duo du jardin et bien sûr le sermon final qui ne peut laisser indifférent par la beauté de la composition mais aussi par la puissance émotionnelle qu'il dégage.
La mise en scène proposée par Renée Auphan reste très sobre, avec d'assez bonnes idées pour gérer l'espace en élevant certains personnages dans des tours ou des fenêtres élevées. Simple et très lisible, elle donne un beau cadre à l'histoire.
Mais le plus important restait quand même la partie musicale. L'orchestre commence doucement, mais tous cuivres dehors... cuivres qui connaissent quelques soucis à certains moments. Lawrence Foster va doucement discipliner les musiciens et le fondu va gagner en beauté pour nous proposer au cours de l’œuvre un accompagnement à la fois délicat et coloré, rendant enfin justice aux qualités de timbre que Sauget peut dispenser dans sa partition.
Le chœur a peu de travail dans cet ouvrage, mais va tout de même se montrer très émouvant là encore dans le final qui lui donne une large part.
Pour la distribution, on notera de très bons petits rôles, et des interprètes principaux de très haut rang. Sophie Pondjiclis impressionne par une belle voix et une certaine sensualité dans le timbre. En Général Conti, Jean-Philippe Lafont montre sa voix habituelle maintenant, à savoir un timbre sec et assez violent, ainsi qu'un vibrato désagréable. Pour un père violent et ridicule comme Conti, cela ne choque pas, mais ses interventions sont plutôt hachées et laides. Dans le même registre, Nicolas Cavallier par contre est d'une grande tenue. Pour un rôle au final assez secondaire, engager un tel chanteur est un luxe. Avec sa voix noble et claire, il compose un Mosca qui possède à la fois la noblesse et la jeunesse de cet amoureux éconduit. Marie-Ange Todorovitch fait une entrée assez délicate avec des registres totalement dessoudés et un manque de volume. Mais dès le deuxième tableau, la voix gagne en rondeur et en assurance. Du coup, cette Gina prend de la noblesse et de la féminité. Tout en gardant un peu de l'âge du personnage, la femme reste assez jeune. Elle est même bouleversante à certains égards et se hisse à la hauteur des deux personnages principaux.
Dans le couple de jeunes amoureux, on trouve deux voix qui montent sur la scène lyrique. Sébastien Guèze ne possède pas forcément la voix la plus suave et jeune qu'on a entendu. Elle se fait souvent métallique et manque de soutient. Mais à côté de cela, il y a cet engagement de tous les instants montrant bien la fébrilité du personnage, la jeunesse et la fougue sont là. L'amoureux se montre tout à fait convaincant et la passion est palpable tout comme la foi finale. Alors bien sûr, certains moments manquent de grâce et de délicatesse. Mais cela est racheté par les qualités nommées ci-dessus ainsi que par la diction très claire.
Nathalie Manfrino en Clelia impressionne tout au long de l'opéra. La diction est très bonne et la qualité vocale magnifique. La soprano possède toujours quelques petits soucis avec un vibrato qui peut devenir un peu envahissant à certains moments, mais on est loin de ce qu'on a peu entendre chez elle à certains moments. Le rôle semble taillé pour elle puisqu'au final, peu de notes sont très aigus et celle qui conclut le duo du jardin est enlevée avec panache (avec juste un léger accro dans l'attaque). Tout au long de l’œuvre, la voix va se déployer avec aisance sur la mélodie de la jeune fille, mais aussi va créer un superbe personnage, fragile et sensible.
Et comble du bonheur, les deux chanteurs sont très liés et montrent une belle complémentarité. Scéniquement ils sont tout à fait crédibles. Et vocalement, leurs voix se mélangent bien tout en gardant leur singularité. Elle propose un tapis doux et soyeux alors que lui montre un instrument plus sec et puissant. En gros, les voix sont très différentes mais se mélangent parfaitement.
Au final, une grande découverte en salle. Alors que la première écoute de l'enregistrement de 58 m'avait intéressé mais pas passionné, j'ai été ici progressivement happé par l'histoire ainsi que par la musique qui se développe.
La diffusion sur France-Musique sera à n'en pas douter un moyen de populariser l’œuvre à travers un enregistrement de grande tenue.
Une remarque par contre... Il semble que les passages non chantés ne passionnent en rien le public puisque à chaque interlude ou prélude les spectateurs remuent, bavardes et se moquent comme de leur première chemise de la musique, pourtant très belle et faisant un lien parfaitement clair entre les différents moments de l'opéra.
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Les Carnets d'Erik, le retour!