Joseph Calleja, Hommage à Mario Lanza : 18/01/2013
Théâtre des Champs Elysées, Paris
Edouard Lalo :
Le Roi d’Ys, Ouverture
Amilcare Ponchielli :
La Gioconda, « Cielo e mar »
Georges Bizet :
Carmen, Suite des Toéeadors
Carmen, « La fleur que tu m’avais jetée »
Giacomo Puccini :
Le Villi, La Tregenda
Tosca, « Recondita Armonia » – « E lucevan le stelle »
Giuseppe Verdi :
Les Vêpres Siciliennes, Ouverture
Rigoletto, « La donne e mobile »
Pietro Mascagni :
Cavalleria Rusticana, « Mamma, quell vino è generoso (Addio alla madre) »
Jules Massenet :
Thaïs, Méditation
Werther, « Pourquoi me réveiller »
Le Cid, « Ah! Tout est bien fini »
BIS
Puccini :
Turandot, « Nessun dorma »
Francesco Paolo Tosti :
« A Vuccella »
Nicola Brodsky :
« Be my love »
Giacomo Puccini :
Tosca, « E lucevan le stelle »
Orchestre de Navarre
Direction : Frédéric Chaslin
Ténor : Joseph Calleja
A l'origine, le programme devait comporter des chansons pour la majorité... américaines ou italiennes, elles étaient en hommage à Mario Lanza, suite à la sortie du dernier récital de Joseph Calleja.
Et puis le programme a changé ! Alors qu'il est resté très centré sur le disque paru récemment à Londres, le ténor maltais nous propose à Paris un programme qui ne comporte au final que 3 airs commun avec le disque ! Bien sûr, on retrouve dans les BIS des rappels de ce disque, mais quand même !
Passons rapidement sur les extraits orchestraux. Bien sûr, on peut saluer le choix assez intéressant. Au lieu de nous donner les éternels mêmes ouvertures et pièces de concert, le chef nous propose la magnifique ouverture du Roi d'Ys, l'ouverture des Vêpres Siciliennes, un extrait du Villi... Une bonne chose donc ! Sauf que l'orchestre n'est pas vraiment au niveau pour rendre totalement justice à ces pièces. Loin d'être indigne, il reste tout de même assez maigre, manquant de cordes par exemple souvent, avec des cuivres un peu aléatoires... et quelque chose de trop appliqué pour vraiment s'élever. Pourtant, le chef donne beaucoup de direction, mais sans arriver vraiment à s'imposer.
Et puis il faut dire que lorsque Calleja chante, l'orchestre est vraiment relégué au deuxième plan ! Dès qu'il ouvre la bouche sur le Cielo e mare, sa voix s'impose avec une aisance impressionnante et une facilité déconcertante. La salle semble presque trop petite pour un tel chanteur... Et cette aisance et insolence n'est pas seule, puisque comme toujours, le ténor va nous montrer qu'il est aussi fin musicien, sachant jouer de la dynamique, de la voix mixte, de la voix de poitrine... et de sa technique en béton !
Après le stress qui rendait un peu d'un bloc ce premier air, le ténor se lance dans l'air de Don José... comme sur le disque, il ose les R naturels... qui du coup raclent un peu ou disparaissent... et certains restent roulés à l'italienne. Mais tout de même, un réel effort de diction et de style. Et cet air resplendit de tendresse et de poésie. Magnifique d'un bout à l'autre !
Tosca ensuite, qui se trouvait sur son récital précédent... Les deux airs de Cavaradossi semblent être taillés pour lui : il a du peintre le côté artiste, colorant les mélodies et les phrases, avec cette facilité qui lui fait passer d'un aigu puissant à un aigu pianissimo sans rupture... et cette simplicité dans le chant à côté !! On notera juste un souffle un peu court... mais bon... le chant est tellement beaucoup et intelligent ! On en viendrait à espérer une Tosca intégrale avec lui... peut-être en studio uniquement avec un chef et des partenaires au diapason... mais ce serait un tel bonheur...
Avec Rigoletto, c'est souvent la démonstration avant tout... et bien sûr, le ténor s'en donne à coeur joie... mais tout en soignant aussi l'expression et les nuances. Alors qu'il sort d'une production à Munich, on sent qu'il connait son Duc, qu'il sait comment le faire sortir de sa caricature pour en montrer un portrait plus nuancé.
Cavalleria Rusticana lui permet de donner tout le lyrisme que contient sa voix. Avec toujours cette probité qui le caractérise, le ténor ne cherche pas à faire du son uniquement, mais conserve sa voix propose, sa façon de faire. Au lieu de gonfler les muscles pour se comparer avec les grands du rôle, il reste dans sa façon de faire. Et toujours avec nuances et art du chant quasi bel-cantiste.
Et puis du Massenet... Werther est un rôle qu'il semble apprécier puisqu'il chante régulièrement le Lied d'Ossian en récital. Et ce soir, il en donne encore une fois une interprétation immense. A la fois lyrique et introvertie, tendre et désespéré... On reste saisi par la poésie et l'émotion.
Pour l'air du Cid, le chant est tout aussi propre et intelligent. Par contre, on reste un peu sur sa faim question nuances. Et on sent bien que ce rôle est un peu trop héroïque pour le moment pour lui. Mais quel plaisir de l'entendre dans cet air superbe !
Bien sûr, une immense ovation... qui est couronnée de 4 bis (il dit avoir une réception demain où il devra chanter... et donc il doit conserver un peu de voix).
Turandot pour commencer pour un Nessun dorma vraiment magnifique ! La voix s'élève facilement au dessus de l'orchestre, la mélodie est ciselée et parfaitement rendue... et la coloration fait merveille. Du coup, ce n'est pas une ovation qui sonne, mais un vrai raz de marée !!
S'ensuit une petite mélodie de Tosti, chantée avec délicatesse et tendresse, une romance qui laisse rêveur...
Un hommage direct à Mario Lanza ensuite avec "Be my love". Pas forcément le répertoire que je lui préfère, mais tout de même... que c'est beau ce qu'il fait dans ce genre de chansons américaines...
Et puis pour finir, il reprend "E lucevan le stelle", encore plus beau et retenu que lors de la première partie. Tout le public en est ressorti avec l'air dans la tête pendant quelques heures je pense !
Au final, un très beau récital, mais qui frustre un peu... en effet, la partie chantée n'était pas immense (heureusement que les 4 BIS compensent un peu!) et puis on voudrait tellement pouvoir entendre ce chanteur dans un opéra entier !!
Calleja semble de plus en plus à l'aise face au public, et discute avec le public dans un français fortement chargé d'un accent à couper au couteau, mais avec une construction de phrases prouvant un bon niveau linguistique !
Mais entendre Calleja en vrai reste une expérience à vivre. La voix se développe et s'épanouit comme ne peut le rendre les enregistrements...