Aci, Galatea e Polifemo : 19/10/2013
Théâtre des Champs Elysées, Paris
Aci : Lydia Teuscher
Galatea : Delphine Galou
Polifemo : Laurent Naouri
Le Concert d'Astrée
Direction : Emmanuelle Haïm
Cantate pour trois voix composée par Haendel alors qu'il était à Rome et avait 23 ans, cette oeuvre me ferait plus penser au final à une sorte de récital à plusieurs légèrement dramatisé... Car tout au long de l'oeuvre, les airs s'enchaînent de manière implacable entre les trois solistes, juste légèrement entrecoupés de quelques récitatifs qui font avancer l'action. Quelques duos ou trios oui... mais ce sont véritablement les airs qui forment la plus grande et intéressante partie de la soirée. Les airs justement sont variés, depuis la fureur jusqu'à la déploration, accompagnés par l'orchestre au grande complet, par des solos de flûtes ou de violon... ou même seulement avec les deux clavecins. Toute la palette orchestrale est utilisée et chacun des personnages aura droit à ses airs variés.
Musicalement très agréable à l'écoute, ce n'est pas le drame qui retient l'attention mais plutôt les mélodies ou les ambiances que savent rendre les chanteurs et l'orchestre.
L'orchestre justement est très beau, varié et coloré. Mené avec fermeté mais aussi délicatesse par Emmanuelle Haïm, cherchant bien à mettre en valeur les différents soli instrumentaux. Le seule reproche qu'on pourrait faire à la direction est un manque de délicatesse dans les airs les plus intimes. Là ou les chanteurs se font immatériels ou d'une grande douceur, l'orchestre conserve un peu trop d'épaisseur.
Delphine Galou me semblait passionnante sur le papier vu les rôles qu'elle chante... et je dois dire que j'ai été légèrement déçu. La voix est belle, la technique solide et l'interprète impliquée et musicienne. Alors quoi ? Déjà, la voix manque pour moi de rondeur : trop claire et manquant d'harmonique, elle me fait un peu le même effet que certains contre-ténors... c'est assez blanc. Et puis surtout la volume est vraiment trop confidentiel ! Dès que l'orchestre dépasse le mezzo-forte, la voix se noie. Dès qu'elle chante en duo, la voix disparaît... Dommage parce que ce qu'elle fait est beau et soigné... mais difficile d'en profiter !
Lydia Teuscher remplaçait Sonya Yoncheva initialement prévue. On peut comprendre ce replacement pour deux raisons : déjà la partition est très haute et demande beaucoup d'allègement dans l'aigu alors que la voix de Yoncheva s'est élargi. Mais en plus de cela, la puissance aurait totalement couvert la voix de Delphine Galou ! Lydia Teuscher possède un timbre très frais et léger. Son berger est très soigné, avec une facilité et une beauté de voix qui force l'admiration. Jamais en difficulté malgré les embuches qui sèment la partition, la voix s'élève et virevolte... tout comme elle peut nous toucher lors de la mort d'Acis. Une superbe prestation, touchante et musicale.
Enfin Laurent Naouri... Je dois dire que j'étais assez sceptique au début et ce n'est pas son entrée qui était pour me rassurer. Avec un chant haché, des registres disjoints, son grand air d'entrée avec trompettes fait craindre le pire tant le chant et violent, poussé et sans aucun légato. Géant oui par le volume, mais pas par la façon de chanter. Et puis au fur et à mesure que son chant se fait plus calme, la voix regagne plus de logique. On reste avec trois voix assez distinctes (le grave extrême caverneux, la voix de basse claire qu'est la sienne, et l'aigu puissant d'un baryton) mais qui réussissent à plutôt bien cohabiter. Touchant et impressionnant, ce géant sonne fortement et la stature est là. Donc malgré le manque de cohésion de la voix, sa prestation impressionne malgré quelques petits savonnages et utilisations de voix de tête pour atteindre les notes plus hautes à certains moments.
Une soirée assez bonne donc, pour une oeuvre qui n'a rien d’inoubliable mais qui est fort agréable à écouter, surtout quand la qualité est au rendez-vous pour l’interprétation.