Trois références discographiques:Ce coffret offre un témoignage passionnant (en dehors de la période DG officielle) de ce miracle du piano né en 1930 (mort en 2005) qu'est
Lazar Berman, découvert en Occident tardivement, par hasard par un impresario américain au milieu des années 70. Elève de
Goldenweiser, sa technique et son style sont assez différents de ceux de Richter et Gilels (élèves de Neuhaus): ces derniers ont un piano assez proche, sévère, taillé à coup de hache, sans concession, bien articulé. Berman est tout le contraire: raffiné et imaginatif, donnant pleine mesure au chant et au rubato, jeu legato et virtuose d'une grande subtilité, d'une grande souplesse, toujours doté d'une belle respiration, exploitant à la manière de celui de Rachmaninov toutes les ressources du piano.
Les années de jeunesse (1950...) furent consacrées à la réalisation de l'exploit sportif, du propre aveu de Berman lorsqu'il évoque cette période: virtuosité foudroyante, à laisser sur place Cziffra et le jeune Horowitz, un maximum de notes avalées à la seconde au compteur, le tout exécuté dans un parfait
legato et
pianissimo: du jamais vu! Cela sans crânerie et sans ostentation, sans rien sacrifier au chant et au style.
Les
études transcendantes et surtout la
rapsodie espagnole sont de beaux exemples du genre. Par la suite, le jeu initialement un peu tapageur, a gagné en prodondeur et en recul.
A retenir absolument dans ce coffret (qualité sonore assez précaire en général):
- la
Sonate de Liszt (1955): son pianistique (pas technique: celui-ci assez sourd et pas très bien défini) d'une qualité inégalée, d'un raffinement sans égale dans la difficulté, traits fulgurants, chant magnifique. Avec un meilleur son et un peu plus de maturité, on aurait tenu là la référence absolue de l'oeuvre!
- les
années de pélerinage de Liszt: cheval de bataille de Berman, on ne trouve l'équivalent que chez son double (et complémentaire) lisztien Arrau
-
Scriabine: sonate n°4 et fantaisie op 28 (une des oeuvres les plus émouvantes de Scriabine). Son de l'époque, déglingué comme d'habitude mais style authentiquement scriabinien, avec une puissance d'inspiration à la Sofronitzki.
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sonate n°8 de Prokoviev: un chef d'oeuvre de ce compositeur avec la 7ème. Intéressant de comparer avec la version du créateur de l'oeuvre, Emil Gilels (1944): l'école soviétique était capable de proposer à cette époque des modèles assez différents. (Beaucoup plus que ceux produits par
l'école internationale d'aujourd'hui)
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sonate D 960 de Schubert, lente, rêveuse, un peu nonchalante, hypnotique.
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sonate Appassionata de Beethoven: une des plus belles jamais entendues. Grand style, grande classe, virtuosité...
La quintessence de l'art de Lazar Berman.
Curieusement ce Liszt là qui est du meilleur avec la Sonate, n'est pas très connu à part les
sonnets de Pétrarque et la
Vallée d'Obermann. Vision profonde, raffinement extrême, maîtrise technique supérieure sans jamais d'emportement, chant, sens des nuances, phrasés magnifiques, extraordinaire qualité du son...
Coffret indispensable pour tout amateur de musique romantique du piano.
Concertos pour piano de Liszt: panache, virtuosité maîtrisée, une référence!