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Henri-Georges Clouzot : Manon        1949

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C'est au prime abord un film qui est assez différent des films précédents de Clouzot, ne serait-ce qu'en terme de décors: on sort de Paris, entre un bateau et le désert puis Paris entrecoupés par Paris ; mais en fait, les préoccupations du réalisateur, notamment sa propre façon de peindre l'hypocrisie et l'insubordination qu'il a sont ici à nouveau au rendez-vous. J'ai bien aimé ce film, les scènes de flash-back ont des dialogues tout de même très bien écrits - il y a notamment ce vieil homme riche mais un peu graveleux, qui inspire le dégoût (joué par Raymond Souplex, je crois)  qui dit "Toutes les femmes se couchent... il suffit d'avoir le matelas" en désignant son portefeuille ; il y a également une démystification de la France prétendue moralement irréprochable : tout le monde vit de trafics en tous genres, ou alors la scène dans le village libéré, animé par une sorte de ressentiment ; il y a vraiment un primat total de l'argent autour duquel tout tourne dans ce film. Il y a également de belles choses, dans ce film, notamment la fin avec le capitaine du bateau - comme une preuve de la toute-puissance du récit et de sa capacité à émouvoir - et il y a également la scène finale très contrastée pour Desgrieux déchiré entre satisfaction éternelle de ses élans de jalousie et tristesse de la perte ; c'est d'ailleurs en passant un beau film sur la jalousie. Par contre, j'ai l'impression que l'histoire n'intéressait que très peu Clouzot - le coup de foudre immédiat est quand même vraiment improbable -, qui était beaucoup plus intéressé par la peinture sombre de la société de la libération.

Emeryck a écrit:

des dialogues tout de même très bien écrits - il y a notamment ce vieil homme riche mais un peu graveleux, qui inspire le dégoût (joué par Raymond Souplex, je crois)  qui dit "Toutes les femmes se couchent... il suffit d'avoir le matelas" en désignant son portefeuille

Ah, tu trouves ça «bien écrit»? C'est précisément ce genre de «mots d'auteurs» qui m'ont toujours gêné dans ce cinéma-là (ça vaudrait aussi bien pour Claude Autant-Lara ou Bertrand Blier): l'espèce de duplicité qu'il y a à dénoncer les dégueulasses et les salauds sans se refuser les clins d'œil de connivence avec ce genre de vision du monde cynique et misogyne.

Emeryck a écrit:

une démystification de la France prétendue moralement irréprochable : tout le monde vit de trafics en tous genres, ou alors la scène dans le village libéré, animé par une sorte de ressentiment ; il y a vraiment un primat total de l'argent autour duquel tout tourne dans ce film. (...) la peinture sombre de la société de la libération.

C'est un peu un malaise du même ordre: je pourrais sans doute apprécier avec moins de gêne cette «peinture sombre de la société de la libération» de la part d'un cinéaste qui, à défaut d'avoir été résistant, n'aurait du moins pas travaillé pour la Continental-Films sous l'occupation.

Après, je dis juste que ça m'empêche d'adhérer totalement à la vision du monde du Clouzot, pas que ça fait de lui un réalisateur médiocre, hein.

Benedictus a écrit:

Ah, tu trouves ça «bien écrit»? C'est précisément ce genre de «mots d'auteurs» qui m'ont toujours gêné dans ce cinéma-là (ça vaudrait aussi bien pour Claude Autant-Lara ou Bertrand Blier): l'espèce de duplicité qu'il y a à dénoncer les dégueulasses et les salauds sans se refuser les clins d'œil de connivence avec ce genre de vision du monde cynique et misogyne.

Oui, plutôt ; même si ce n'est pas un sommet de subtilité, bien sûr. Je ne connais pas le cas d'Autant-Lara mais chez Blier, ça me semble très différent : il n'y a pas cette volonté de dénoncer les dégueulasses et les salauds, et effectivement, moi aussi, je suis assez partagé sur les films de ce dernier, un exemple-type se trouve dans Calmos (/watch?v=p4a4xY4dJFQ) où Marielle sort de son cabinet et éclate lorsqu'une femme lui demande où se trouve la rue Gustave Flaubert et je trouve ce moment assez génial mais après la légitimation de la violence, c'est vraiment... 

Benedictus a écrit:

C'est un peu un malaise du même ordre: je pourrais sans doute apprécier avec moins de gêne cette «peinture sombre de la société de la libération» de la part d'un cinéaste qui, à défaut d'avoir été résistant, n'aurait du moins pas travaillé pour la Continental-Films sous l'occupation.

Après, je dis juste que ça m'empêche d'adhérer totalement à la vision du monde du Clouzot, pas que ça fait de lui un réalisateur médiocre, hein.

Je n'ai pas dit que j'y adhérais ; en fait, je trouve sa noirceur parfois un peu systématique même si ça aboutit à de belles choses. Je ne connais pas bien la biographie de Clouzot.

Un éléphant, ça trompe énormément

Simon !
Vous dérangez pas pour moi les enfants, jouez, jouez.

Yannick Bellon & Chris Marker : Le souvenir d'un avenir        2001

Il s'agit d'un documentaire très centré sur la première moitié du vingtième siècle, gravitant systématiquement autour de la photographe Denise Bellon, mère de Yannick Bellon. Le texte parlé est extrêmement beau, comme toujours chez Marker, je crois que Yannick Bellon a fait le montage du film, les photos sont de sa mère. Ce film parle de beaucoup de choses : les surréalistes (avec qui Denise Bellon était très liée), le cinéma français des années trente, rapidement, la guerre, la colonisation ; le ton est donc assez politique. C'est à découvrir !

Très bon doc sur Tarantino, sur Arte: https://www.youtube.com/watch?v=S8KYWxlj0wQ

Code inconnu

Xavier a écrit:

Code inconnu

Ah tiens, je crois que je n'avais même pas pu tenir jusqu'à la fin.

Ah c'est particulier comme cinéma, c'est sûr… moi j'y suis sensible dans l'ensemble.

Xavier a écrit:

Ah c'est particulier comme cinéma, c'est sûr… moi j'y suis sensible dans l'ensemble.

Moi aussi, plutôt - surtout après 2000 - mais je n'ai jamais réussi à être enthousiasmé par celui-ci et Le temps du loup.

Il me reste justement le Temps du loup à voir. (ainsi que le Ruban blanc et Funny games US)
Il faudrait que je revoie Caché, j'étais passé à côté à l'époque.

Xavier a écrit:

Il me reste justement le Temps du loup à voir. (ainsi que le Ruban blanc et Funny games US)
Il faudrait que je revoie Caché, j'étais passé à côté à l'époque.

Le ruban blanc, c'est très bien ! Je n'ai pas vu Funny games US mais bon, j'ai l'impression que c'est juste une édulcoration de l'original.

Emeryck a écrit:

Xavier a écrit:

Il me reste justement le Temps du loup à voir. (ainsi que le Ruban blanc et Funny games US)
Il faudrait que je revoie Caché, j'étais passé à côté à l'époque.

Le ruban blanc, c'est très bien ! Je n'ai pas vu Funny games US mais bon, j'ai l'impression que c'est juste une édulcoration de l'original.

+1 Le ruban blanc, vu il y a quelques jours (sans doute encore dispo en replay).

Yannick Bellon : Les enfants du désordre        1989

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C'est le premier long-métrage de Bellon que je vois ; j'avais pourtant été intrigué par la bande-annonce de Quelque part, quelqu'un. Le film a une tonalité extrêmement sociale, c'est d'ailleurs clairement sa raison d'être : on suit une jeune femme fraîchement sortie de prison et qui va se réinsérer dans une sorte de foyer où l'on pratique assidûment le théâtre - sous la direction de Robert Hossein. Ce que j'ai le plus apprécié dans ce film, c'est la force incroyable - que ce soit dans le personnage lui-même ou dans l'interprétation d'Emmanuelle Béart - du personnage principal ; ce que j'ai également aimé, c'est que le film n'est jamais caricatural : il n'est pas en mode "incroyable, le théâtre va sauver tous les sorti(e)s de prison" dans un optimiste socialement négationniste. En fait, je trouve que c'est un film globalement discret : la relation entre le personnage principal et Pierre est belle justement par sa discrétion. C'est un film que j'ai bien apprécié ; j'aimerais beaucoup voir les autres longs métrages de la réalisatrice mais ils ne semblent pas si faciles à trouver.

Howard Hawks : Scarface        1932

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J'ai beaucoup aimé. Le remake de de Palma est finalement assez proche du point de vue de l'histoire et des trajectoires des personnages - il y a même des scènes presque identiques. En dépit de cette apparente ressemblance, les deux films sont très différents et même rythmiquement contraires : le film de Hawks est extrêmement rapide, spectaculaire - notamment dans les courses-poursuite, absolument impressionnantes - et on assiste à l'explosion du personnage principal (et d'ailleurs, le film est assez offensif puisqu'il interpelle dès les deux premiers plans le gouvernement américain et le spectateur !) ; chez de Palma, le rythme est lent, la caméra moins tendue, et on assiste plutôt à la montée d'un personnage, à son triomphe puis à son érosion ; le film de de Palma est d'ailleurs beaucoup moins intemporel tant il suinte les années 70/80. Je trouve que chez de Palma, l'aspect de folie mégalomaniaque est plus développé alors que chez Hawks, le personnage de Tony apparaît comme une force pure, une sorte de métonymie de l'explosion. C'est amusant de voir que le temps a passé entre les deux films : Hawks a été censuré (entre autres) sur sa fin, la censure n'a pas voulu que Tony se fasse tuer par une bande rivale - c'est ce qui arrivera chez de Palma. Par rapport au film de de Palma, j'ai aussi trouvé le personnage de la sœur plus intéressant et plus fort. Sinon, la photographie est vraiment superbe, il y a notamment un usage des ombres particulièrement accentué (le premier meurtre, et l'exécution groupée) ; j'ai d'ailleurs remarqué quelque chose d'assez curieux (c'est particulièrement manifeste dans la scène d'exécution groupée), il y a toujours des croix avant les meurtres ; peut-être est-ce un écho à la cicatrice faciale de Tony.

Mouai … moi ça ne m'a pas marqué franchement.

Arnaud des Pallières : Orpheline        2016


Je ne connaissais absolument rien de des Pallières hormis son nom ; ç'a l'air d'être un cinéaste assez particulier, c'est en tout cas dans ce sentiment que m'a conforté ce film dont je ne sais pas tellement quoi penser. L'installation de l'ambiance assez étrange, étouffante, parfois gênante est assez réussie mais il y a un côté également un peu captivant. Ce que j'ai trouvé le plus intéressant et le plus développé : cette sorte de ricochet permanent de l'abandon (qui a d'ailleurs son écho exact lorsque l'homme assez âgé lui dit qu'il veut adopter une fille) découlant de la permanence de la fuite (la scène d'enfance est d'ailleurs assez glauque). Ce film est d'ailleurs un film sur l'identité bien sûr - ou plutôt les identités - : le personnage principal (interprété par quatre actrices différentes (toutes remarquables, même si Haenel n'a pas un rôle génial) portant à chaque fois des noms différents ; on ne sait absolument rien d'elle, on découvre tout par fragments. La scène finale est assez curieuse, peut-être tente-t-elle d'expliquer le statut d'orpheline du personnage principal ; j'avoue que globalement, je ne vois pas trop où le film veut en venir mais je l'ai apprécié et il m'a intrigué.

Trop belle pour toi

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Bernard Dubois : Les lolos de Lola        1976

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Bienvenue dans les tréfonds de la filmographie de Jean-Pierre Léaud, qualité vieille cassette toute passée de mise, ici ! Il s'agit de la première collaboration entre Léaud et le réalisateur (ils se retrouveront quelques années plus tard pour Parano, à peine moins délirant). J'avoue n'avoir pas compris grand-chose à ce film, à part que Léaud jouait l'alter-ego du réalisateur à l'écran ; le scénario est totalement imprévisible - si imprévisible que ça en devient drôle -, le montage totalement aléatoire, avec son lot de faux ou mauvais raccords ; il n'y a pas véritablement d'histoire, à part les déambulations folles de Léaud dans Paris ; mais j'avoue que ça colle plutôt à son jeu. Il y a également une sorte d'aspect contestataire/libertaire dans la lignée de Lethem, on dirait. Il y a quand même quelques scènes assez insupportables en terme de misogynie - bah oui, qu'est-ce qu'on se marre !

Jacques Deray : Trois hommes à abattre        1980

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Je crois que l'affiche résume assez bien la parti-pris de ce film : presque un seul nom, énorme "Delon", un seul personnage sur la photo du film : Delon ; et je vous laisse deviner qui a produit le film... oui oui, toujours lui. Les autres personnages du film sont parfaitement inexistants, interchangeables et lisses - mention spéciale à la femme du personnage interprété par Delon dont on dirait qu'elle n'a pour fonction que de le suivre partout et de suivre ses ordres... voilà, parce que les affaires, c'est un truc de mec... Et bien sûr, Delon est à l'écran pendant les neuf dixièmes du film. Sinon, le film est un peu mieux que certains films du réalisateur (notamment Le gang), arrive à installer parfois un peu de tension mais rien n'est développé, Deray (Delon ?) se contente de ressasser son quiproquo tout au long du film, ce qui inscrit le film dans un propos politique - très développé, lui aussi : tous corrompus ; c'est quand même assez faible, d'autant plus qu'il y a des gens qui font (de manière plus intéressante) du cinéma politique de ce genre en France depuis quelques années, je pense notamment à Yves Boisset. Le film se suit cependant sans tellement de déplaisir, c'est juste globalement plat.

Ah oui, pauvre Manchette, là, en plus...

Cela dit, sur une même créneau (Alain Delon tout seul face aux barbouzes et aux barons du gaullisme immobilier), je garde en revanche un bien meilleur souvenir de Mort d'un pourri de Lautner. Je pense que ça tient largement au fait que Lautner et Audiard, à la différence de Deray, aimaient les seconds rôles (on a ici toute une galerie de personnages plus typés que stéréotypés, et qui donnent à chaque fois l'occasion de formidables numéros d'acteurs - Ronet, Aumont, Bouise, Ceccaldi, Guiomar, Chaumette, Virlojeux... - et même Klaus Kinski) et les actrices (même si, dans l'écriture, ça reste des rôles de faire-valoir féminins, les actrices elles-mêmes - Ornella Muti, Stéphane Audran et Mireille Darc - sont quand même autrement mises en valeur que la pauvre Dalila Di Lazzaro.) En plus, il me semble que le propos «idéologique» lui-même, s'il n'est pas forcément beaucoup plus sympathique sur le fond, est tout de même beaucoup moins monolithique, beaucoup plus ambigu (ne serait-ce que parce que le héros-Delon est déjà dans ce milieu-là, ce n'est pas le chevalier blanc qui tombe par hasard sur un sale coup du SAC.) Et puis il y a la musique de Sarde avec Stan Getz...

(C'est d'ailleurs assez étonnant, l'attirance de Delon pour ce genre de scénarios, quand on sait ses accointances personnelles avec les milieux qui y sont décrits.)

Oui, j'ai beaucoup aimé Mort d'un pourri !

Je découvre, avec bonheur, Billy Wilder

Benedictus a écrit:

Ah oui, pauvre Manchette, là, en plus...

Cela dit, sur une même créneau (Alain Delon tout seul face aux barbouzes et aux barons du gaullisme immobilier), je garde en revanche un bien meilleur souvenir de Mort d'un pourri de Lautner. Je pense que ça tient largement au fait que Lautner et Audiard, à la différence de Deray, aimaient les seconds rôles (on a ici toute une galerie de personnages plus typés que stéréotypés, et qui donnent à chaque fois l'occasion de formidables numéros d'acteurs - Ronet, Aumont, Bouise, Ceccaldi, Guiomar, Chaumette, Virlojeux... - et même Klaus Kinski) et les actrices (même si, dans l'écriture, ça reste des rôles de faire-valoir féminins, les actrices elles-mêmes - Ornella Muti, Stéphane Audran et Mireille Darc - sont quand même autrement mises en valeur que la pauvre Dalila Di Lazzaro.) En plus, il me semble que le propos «idéologique» lui-même, s'il n'est pas forcément beaucoup plus sympathique sur le fond, est tout de même beaucoup moins monolithique, beaucoup plus ambigu (ne serait-ce que parce que le héros-Delon est déjà dans ce milieu-là, ce n'est pas le chevalier blanc qui tombe par hasard sur un sale coup du SAC.) Et puis il y a la musique de Sarde avec Stan Getz...

(C'est d'ailleurs assez étonnant, l'attirance de Delon pour ce genre de scénarios, quand on sait ses accointances personnelles avec les milieux qui y sont décrits.)

Je n'ai encore rien vu de Lautner, il y a beaucoup de bons films dans sa filmographie ?

Ce qui m'étonne toujours c'est que quand on l'écoute dans les interviews, il vend Deray comme un réalisateur absolument génial alors qu'il a quand même tourné avec de sacrés noms... d'un tout autre tonneau que Deray.

Cololi a écrit:

Je découvre, avec bonheur, Billy Wilder

Bah oui, c'est immense, Wilder !

Emeryck a écrit:

Jacques Deray : Trois hommes à abattre        1980

 +
Je crois que l'affiche résume assez bien la parti-pris de ce film : presque un seul nom, énorme "Delon", un seul personnage sur la photo du film : Delon ; et je vous laisse deviner qui a produit le film... oui oui, toujours lui.

/watch?v=kpVnkCa9Ov4 (a 6min10)

Cololi a écrit:

Je découvre, avec bonheur, Billy Wilder

Lequel, lequel?

La Garçonnière.

Mais ça m'a donné envie d'en voir beaucoup d'autres.

Ah tu as commencé par l'un des plus beau!
D'une manière général tout ses films avec Jack Lemmon sont a voir!

Cololi a écrit:

La Garçonnière.

Mais ça m'a donné envie d'en voir beaucoup d'autres.

Je crois que c'est celui que je préfère aussi. Peut-être que tu aimerais Sunset boulevard ou Ace in the hole.

Emeryck a écrit:

Je n'ai encore rien vu de Lautner, il y a beaucoup de bons films dans sa filmographie ?

Non, il y a même une bonne majorité de nanards... (Notamment tous les Bébel des années 80.)
Cela dit, il y a quand même, évidemment, les géniaux Tontons flingueurs, Mort d'un pourri dont je viens de parler, et un autre polar assez atypique dont je garde un bon souvenir, La Route de Salina (avec une distrib essentiellement américaine.)
Sinon, plusieurs comédies policières parfois assez loufoques, très datés années 70 (des trucs très français, voire franchouillards avec dialogues d'Audiard et numéros d'acteurs), qui n'ont pas de grandes ambitions, mais que j'aime beaucoup (comme Ne nous fâchons pas ou Laisse aller, c'est une valse.) Dans un genre un peu plus vieillot, j'aime bien la série de films d'espionnage parodiques du Monocle, dans les années 60 (avec le délicieux Paul Meurisse.)

Quand même !

Les Barbouzes, Le 7° juré …

Bon … pour les Bebel … je vais aggraver mon cas, mais Le Professionnel et Flic ou voyou, j'aime beaucoup.

Benedictus a écrit:

Emeryck a écrit:

Je n'ai encore rien vu de Lautner, il y a beaucoup de bons films dans sa filmographie ?

Non, il y a même une bonne majorité de nanards... (Notamment tous les Bébel des années 80.)
Cela dit, il y a quand même, évidemment, les géniaux Tontons flingueurs, Mort d'un pourri dont je viens de parler, et un autre polar assez atypique dont je garde un bon souvenir, La Route de Salina (avec une distrib essentiellement américaine.)
Sinon, plusieurs comédies policières parfois assez loufoques, très datés années 70 (des trucs très français, voire franchouillards avec dialogues d'Audiard et numéros d'acteurs), qui n'ont pas de grandes ambitions, mais que j'aime beaucoup (comme Ne nous fâchons pas ou Laisse aller, c'est une valse.) Dans un genre un peu plus vieillot, j'aime bien la série de films d'espionnage parodiques du Monocle, dans les années 60 (avec le délicieux Paul Meurisse.)

Mince, je m'en étais procuré pas mal ; bon, on verra. 

Cololi a écrit:

Quand même !

Les Barbouzes, Le 7° juré …

Je ne les ai pas tous vus, cela dit.
Mais Les Barbouzes, j'ai revu il n'y a pas très longtemps, et ça m'avait déçu: il reste de savoureux numéros d'acteurs, mais c'est très, très en-deçà des Tontons. Je n'ai pas vu Le Septième Juré.

Enfin, tant que tu ne défends pas Le Cowboy (Aldo Maccione vs. la mafia chinoise du XIIIᵉ - du très lourd, comme on s'en doute) ou La Cage aux folles 3...

Cololi a écrit:

Bon … pour les Bebel … je vais aggraver mon cas, mais Le Professionnel et Flic ou voyou, j'aime beaucoup.

Ah ouais, quand même... Le Professionnel, c'est bien celui avec cette musique d'Ennio Morricone: /watch?v=UVAksnZ4xNo ?

Le 7° juré, à voir, vraiment.

Pour Le Professionnel … ce n'est ni de la faute de Lautner ni de celle de Morricone si la musique a été utilisée pour cette pub (et que toutes les personnes de notre génération ont été matraqué avec cette pub)

Emeryck a écrit:

Mince, je m'en étais procuré pas mal ; bon, on verra. 

Non, mais il y en a pas mal qui, sans être des chefs-d'œuvre sont au total de sympathiques divertissements (d'autres titres qui me reviennent: La Grande Sauterelle, Pas de panique!, Est-ce bien raisonnable?, Quelques messieurs trop tranquilles, Des pissenlits par la racine...)

Cololi a écrit:

Le 7° juré, à voir, vraiment.

Noté!

Cololi a écrit:

Pour Le Professionnel … ce n'est ni de la faute de Lautner ni de celle de Morricone si la musique a été utilisée pour cette pub  (et que toutes les personnes de notre génération ont été matraqué avec cette pub)

Sans oublier la parodie de Les Nuls: /watch?v=Wmbla-2MkFY

Moi j'aime beaucoup Les Barbouzes, rationnellement je vois bien en quoi Les Tontons flingueurs peuvent considérer comme supérieur, l'ensemble est plus équilibré, les cabotinages plus contrôlés tout en étant bien jouissif, les dialogues sont du meilleurs Audiard, mais Les Barbouzes c'est un film que j'ai vu tout gamin avec mes parents et mes grands parents bien avant les Tontons flingueurset j'ai toujours pris énormément de plaisir a le revoir depuis c'est peut être moins maitrisés avec un humour un peu plus complaisant mais du coup il y a un délire qui va grandissant dans la loufoquerie que je trouve assez jouissif.

(j'adore Les Tontons Flingueurs quand même!)

Parsifal a écrit:

Ah tu as commencé par l'un des plus beaux!

Oui !!
Shirley McLaine y est très émouvante.

Pier Paolo Pasolini : Porcile        1969

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Tout en gardant quand même des préoccupations assez personnelles, j'ai l'impression que ce film est particulièrement influencé par Godard et notamment par La chinoise : bien sûr, il y a le couple Léaud/Wiazemsky et les cadres assez frontaux en gros plan bien centrés sont beaucoup utilisés dans les deux films, on retrouve ici également l'aspect extrêmement politique du film de Godard. Le film est composé de deux parties montées en parallèle : l'une nous montre Pierre Clementi en cannibale sur l'Etna et l'autre nous fait suivre l'histoire du coup Léaud/Wiazemsky, non sans détours. J'ai beaucoup plus été sensible aux séquences tournées sur l'Etna qui sont d'une beauté assez sidérante, d'autant plus qu'il y règne un silence totale, Pasolini filme les scènes parfois de très loin et le paysage volcanique donne un sentiment de totale post-apocalypse, comme s'il s'agissait d'un monde au-delà ; l'autre partie est majoritairement composée de discussion autour de l'Allemagne nazie, entre autres - qui, je l'avoue, m'ont un peu ennuyé même s'il y a parfois quelques pointes d'humour, notamment dans la séquence finale. Ce qui est intéressant dans ce film, c'est la confrontation des deux histoires (enfin, ce n'est pas tant directement une confrontation) : nous sommes bien sûr immédiatement interloqués par le personnage interprété par Clementi et les personnages apparaissant dans l'autre histoires nous paraissent familier alors qu'ils sont sans doute plus mortifères.

Elle et lui (1957)

Pierre Clémenti : Visa de censure n°X        1967

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Je n'ai jamais vu de film pareil : on dirait une hybridation de certains films de Kenneth Anger (surtout), de L'homme à la caméra de Dziga Vertov et dans une moindre mesure de La cicatrice intérieure de Philippe Garrel. J'ai beaucoup aimé, il s'agit d'ailleurs du premier film de Clémenti, réalisé sur huit ans, de 1967 à 1975 ; j'ai trouvé ça tout à fait étonnant à plusieurs points de vue. Premièrement, ce film est un film rebelle (le titre en témoigne) et les revendications hippie sont particulièrement explicites (le style psychédélique, le texte du genre "les mains peuvent servir à s'unir" ou alors "liberté", "love", etc.) et il est hippie jusque dans la manière dont il rompt avec le cinéma : il détruit, mais par addition, par saturation, comme s'il voulait l'implosion de la pellicule. L'autre point qui m'a frappé, c'est le rapport au temps dans ce film : d'une part, à la pellicule, dans ce qu'il représente, le réalisateur semble aspirer à une certaine intemporalité, un temps lisse, indiscernable mais à la fois, il note des dates très précises dans le film, que ce soit la date au générique ou les dates de réalisation à la fin. Sinon, pour parler de ce que l'on voit à l'écran, c'est assez incroyable de faire ça avec de la pellicule seize millimètres, parce que les images ont quand même une progression dramatique locale qui fonctionne notamment sur une véritable cinétique de l'image : le temps global du film ordinairement narratif est ici devenu un temps local, pensé dans une logique de l'instant. C'est vraiment un film à voir.

Suite aux discussions de l'autre jour, j'ai revu:


• Georges LAUTNER: Mort d’un pourri
Avec Alain Delon, Stéphane Audran, Michel Aumont, Jean Bouise, Daniel Ceccaldi, François Chaumette, Mireille Darc, Xavier Depraz, Julien Guiomar, Klaus Kinski, Ornella Muti, Maurice Ronet…
1977

Rien à retrancher à ce que j'en ai dit un peu plus haut: c’est effectivement un très bon film. Les seconds rôles sont vraiment tous excellents (sauf peut-être Kinski, trop caricatural, texte et jeu.)

Ce dont je ne me souvenais plus, c’est à quel point la photographie de ce film était réussie (Henri Decaë), en particulier la façon de saisir le «grain» des paysages de Paris et de sa banlieue de cette époque (notamment dans des éclairages nocturnes ou d’entre chien et loup.)


Et puisqu’il était question de Deray, j'ai aussi regardé:


• Jacques DERAY: On ne meurt que deux fois
Avec Michel Serrault, Charlotte Rampling, Xavier Deluc, Elisabeth Depardieu, Julie Jézéquel, Gérard Darmon, Jean-Pierre Bacri…
1985

Je crois bien que Deray pourrait en effet un cinéaste très, très, très moyen (pour être gentil.)

Scénario de film noir très mal ficelé, très paresseux, farci d’invraisemblances et de fils narratifs qui finissent en eau de boudin, accumulant les poncifs (tout tourne autour du thème archi-éculé de la «femme fatale») mais pas dénué de prétentions, et plombé par les temps morts… Je crois que c’est le dernier film d’Audiard dialoguiste, et même à ce niveau-là, ça déçoit beaucoup, on dirait une mauvaise caricature: des «mots d’auteur» plaqués, des dialogues qui tournent à vide et accumulent les clichés, le tout dans un genre désabusé et cynique qui manque vraiment de mordant.

En plus, et c’est très frappant, on a l’impression qu’à cette paresse du scénario répond une absence totale de direction d’acteurs. Une fois de plus, Serrault cabotine en roue libre (mais sans que ça bascule jamais dans une espèce de folie, jubilatoire comme chez Mocky, ou inquiétante comme dans Mortelle randonnée - d’ailleurs, par bien des aspects, on a le sentiment que ce film cherche à recycler certains trucs du film de Miller), et Charlotte Rampling semble s’auto-parodier involontairement dans le genre sulfureux et glacé (ça vous a un côté «m’as-tu vu dans Portier de nuit?») Mais même les seconds rôles semblent être un peu livrés à eux-même et chacun y va de son numéro habituel, aussi bien les femmes (toutes dans le pur stéréotype: Elisabeth Depardieu c’est «la femme abandonnée et dépressive», Julie Jézéquel c’est «la post-ado butée») que les «vieux de la vieille» (Roussillon et Barrier tous les deux assez savoureux dans une certaine veine populo) et les petits jeunes (étonnante collection de vedettes de maintenant: Darmon, Bacri, Darroussin - et ce qui est amusant, c’est de voir qu’il y a trente-cinq ans, ils avaient déjà exactement les mêmes tics de jeu qui m’exaspèrent aujourd’hui.) Le seul qui y échappe, c’est Xavier Deluc qui, tout simplement, joue mal - ce qui tendrait à confirmer l’absence de direction d’acteurs.

Le seul élément qui sauve un peu le film, c’est la photographie - là aussi, le «grain» des extérieurs, Paris et banlieue, est vraiment réussi. (En revanche, les intérieurs - appartements, pub - font très «décor de studio», alors qu’ils ne semblent pourtant pas chercher la stylisation.)

Bon, et puis la musique... La victime est un grand pianiste classique, ce qui nous vaut quelques trucs un peu rigolos (on répète que le gars «tutoyait Beethoven», et à un moment Rampling ou Deluc, je ne sais plus, qui reconnaît la 1ᵉ Symphonie de Beethoven, et on sent que c’est supposé la ou le poser en connaisseur ultra-pointu auprès du public); mais la B.O., c'est surtout Claude Bolling qui fait du jazz-de-film-noir (c’est sympa, mais quand on sort de Stan Getz dans Mort d’un pourri...)

Benedictus a écrit:

Je crois bien que Deray pourrait en effet un cinéaste très, très, très moyen (pour être gentil.)

Oui, ça, c'est clair ; je n'ai vu aucun film convaincant de Deray à part Un papillon sur l'épaule qui me semble être très à part dans sa filmographie ; je ne comprends d'ailleurs pas l’engouement général (?) autour de La piscine. Je vais quand même continuer à explorer un peu sa filmographie, à dose homéopathique, des fois qu'il y ait des autres belles choses. Et puis, on est en droit de se demander : qui a pu faire tourner Delon avec une coupe aussi légendaire que sa moumoute dans Le gang ?

Emeryck a écrit:

Benedictus a écrit:

Je crois bien que Deray pourrait en effet un cinéaste très, très, très moyen (pour être gentil.)

Oui, ça, c'est clair ; je n'ai vu aucun film convaincant de Deray à part Un papillon sur l'épaule 

Claude Berri : Le vieil homme et l'enfant        1967

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C'est une histoire d'après les souvenirs du réalisateur - l'enfant porte d'ailleurs son nom de famille. Sans être d'une complexité absolue, ce film nous plonge dans une famille française durant l'année 1944 ; ils vont héberger (sans le savoir) un enfant juif, les personnages sont des personnages génériques comme en témoigne leur nom ("pépé", "mémé") : l'un est franco-français, antisémite, nationaliste ; l'autre est très pieuse. Le film se focalisera surtout sur la relation entre pépé et l'enfant, qu'a priori tout semble opposer ; mais on réalise vite que les "convictions" du personnage de pépé sont avant tout un corollaire d'une idéologie pétainiste ; le personnage est d'ailleurs à de nombreuses reprises exposées à la contradiction explicite et une relation très touchante naît entre pépé et l'enfant. Là encore - est-ce nécessaire de le rappeler -, Michel Simon est incroyable, si immédiat, drôle ("Les bolcheviques, ceux qui mangent des enfants ? Oui, c'est ça") et touchant. J'avoue que ce sont ces scènes que j'ai préférées car le reste paraît moins humain, moins incorporé. J'ai bien aimé ce film, le premier de Berri que je vois.

Très bon opus

Ah, moi, je me souviens avoir été plutôt déçu - même si ça reste un bon film, hein. (Peut-être est-ce aussi le fait d'œillères idéologiques de ma part.)

La personne aux deux personnes

Shock Corridor

Benedictus a écrit:

Ah, moi, je me souviens avoir été plutôt déçu - même si ça reste un bon film, hein. (Peut-être est-ce aussi le fait d'œillères idéologiques de ma part.)

Je pense surtout que le propos historique n'est pas extrêmement subtil - enfin, je crois : ça montre que la France pétainiste a eu une influence sur l'idéologie de (certains) français à cette époque mais ça écarte un peu l'objet des déterminations individuelles. Bon, après, je ne pense pas que ce soit l'objet du film ; en tout cas, moi, j'ai trouvé mon compte dans le jeu de Michel Simon.