PP – Mahler 2 – Bychkov Mayer Müller OP – 22-23-24/09/21

MERCREDI 22, JEUDI 23 ET VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2021 – 20H30
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Gustav Mahler – Symphonie n°2, « Résurrection »

Orchestre de Paris
Chœur de l'Orchestre de Paris
Semyon Bychkov, direction
Hanna-Elisabeth Müller, soprano
Christa Mayer, alto
Lionel Sow, chef de chœur
Igor Youzefovitch, violon solo invité

Concert diffusé sur Radio Classique le 2 octobre


C'est cette semaine qu'a lieu le retour de Semyon Bychkov à l'Orchestre de Paris, qu'il n'a pas dirigé depuis son départ comme directeur en 1998, après un mandat de neuf ans que l'on pourra qualifier de mouvementé, pendant lequel il a traversé diverses crises et affrontements avec l'orchestre. Le Monde pouvait écrire en 1995, après un concert : « Leur union [celle de Bychkov et de l'orchestre] est l'une des tragédies les plus douloureuses que la vie musicale française a connue. C'est une histoire de peau, celle d'un couple qui s'entredéchire. Ne pouvant plus censurer le ressentiment qui les fait se haïr, ils se défient en public. ». En 1992, l'OP s'était mis en grève et avait publiquement dénoncé son directeur, qualifié d'incompétent. Certains musiciens dissidents s'étaient désolidarisés de la grève et avaient soutenu Bychkov, parmi lesquels André Cazalet et Pascal Moraguès.

Aujourd'hui la majorité des musiciens anti-Bychkov n'est plus à l'OP, tandis qu'il y conserve des amis, ainsi que plusieurs membres qu'il a recrutés, en particulier parmi les solistes. Il doit malgré tout lui avoir fallu bien de l'équanimité et de la hauteur d'âme pour accepter de revenir.

C'est la Deuxième de Mahler, qui avait à la fois inauguré et clos son mandat, qu'il a choisie pour renouer le lien.

Igor Youzefovitch, leader du BBC Symphony Orchestra, est violon solo pour l'occasion.

Seul programme triplé de la saison. Ça devrait être bien rempli.

Le programme de salle : https://medias.orchestredeparis.com/pdfs/210922-enotes.pdf

Bonjour
Je n'ai pas trouvé de rubrique correspondante.
J'ai 2 places à 20€ l'unité en 2eme balcon face à vendre pour ce soir.
Kevrad

Grosse attente sur ce concert : une de mes symphonies préférées, un très bon chef, l'orchestre maison, d'excellentes places… J'étais tellement enthousiaste que j'avais même réservé deux soirs, un avec ma moitié (hier) et vendredi.
Visiblement, mon sentiment est partagé à la fois par la PP qui mise gros sur ce concert (affichages, publicités dans le métro, concert triplé…), et par le public, les dates affichant rapidement complet. Le petit mythe autour des tensions réelles ou supposées entre l'OP et Bychkov vient auréoler ces soirées d'un peu de croustillant "people" qui ne gâche rien, au contraire.

Autant dire tout de suite que j'ai été extrêmement déçu par ce concert. Le parti pris par Bychkov, à savoir une extrême lenteur, a complètement gâché ma soirée. Dès le premier mouvement, et même dès le portail, c'était particulièrement lent et aplati. Seuls les passages fortissimo surnagent un peu et réussissent à ne pas être étalés par cette lenteur sans densité. Bychkov semblait à fond dans son jeu, particulièrement absorbé, mais quelles étaient ses intentions ? J'ai eu le sentiment qu'il voulait disséquer la partition, un peu à la façon d'un Pogorelich au piano, pour en faire ressortir toutes les coutures, quitte à les faire lâcher à force de les étirer. Chaque note était détachée de la précédente, à en devenir risible (fin du deuxième mouvement, les accords de fin pianissimo n'en finissaient plus de se faire attendre). Pour réussir cette vision, il aurait fallu miser sur la densité des cordes, la profondeur du son, creuser, et faire en sorte de compenser la lenteur par de l'engagement.

On est loin d'une "Résurrection", on est loin de la version violente et exaltante entendue à la PP début 2020 (Toulouse et Sokhiev) qui, bien que démarrée lentement, avait explosé jusqu'à friser l'hystérie.

Regards un peu désorientés entre musiciens, j'ai même surpris un violon II qui riait avec son voisin en mimant un "je m'endors" avec les yeux. Du coup, c'était tellement lent que certains démarrages n'étaient pas synchrones. Les cuivres ont donné plusieurs pains, et notamment ceux qui jouaient depuis les coulisses (comment arrivent-ils à suivre les indications du chef d'ailleurs ? aujourd'hui, ils peuvent éventuellement regarder un écran, à supposer que ce soit filmé, mais à l'époque de Mahler ? un jeu de miroirs ?).

J'ai quand même frissonné plusieurs fois dans les moments intenses, la partition est incroyablement belle et passionnée. Les percussions étaient particulièrement réussies.

Mon esprit retord me souffle que Bychkov aurait peut-être volontairement bousillé son concert, afin de démontrer 20 ans après que l'OP n'est pas un bon orchestre ?

J'ai eu beaucoup de mal à convaincre ma moitié, au retour, que "oui, Mahler, c'est bien, c'est mieux que ça d'habitude ; si, si, il faudra réessayer un autre soir, avec un autre chef…" Quel dommage !

Du coup, j'ai mis mon billet de vendredi sur la bourse aux billets, et déjà vendu. Ouf !

Je n'ai pas été très enthousiasmé non plus, mais je ne suis toujours pas un fanatique de l'oeuvre.

Je dois dire que je n'ai pas trouvé ça particulièrement lent... tu as ressenti ça dans tous les mouvements?

Expérience comparable (quoique moins intense) à la tienne : je trouve qu'à peu près tous les disques de Bychkov se classent parmi les meilleurs de chaque discographie, à part peut-être ses derniers Tchaïkovski avec la Philharmonie Tchèque… qui m'ont cependant renversé en salle !

La Deuxième est inratable de toute façon, c'est si bien écrit ; et eu d'excellentes expériences avec l'Orchestre de Paris dans ce répertoire (la 2 avec Harding, la 3 avec P. Järvi…).

J'en suis sorti un peu mitigé, étrangement peu enthousiaste. Pour plein de raisons pas seulement artistiques en réalité.

Effectivement, c'est un peu lent, mais surtout un peu mou, les accords n'étaient pas très mordants, les articulations peu urgentes… ça ne retombait pas comme les Mahler ratés, mais ça ne décollait pas complètement non plus.

À cela s'ajoutait un timbre un peu terne de cordes, assez caractéristique du son-de-rentrée de l'OP.

Quand je vois ce qu'ils ont fait dans la 3 avec Salonen (le meilleur orchestre du monde ce soir-là), clairement ils n'étaient pas au taquet. Non pas qu'ils aient eu l'air de s'ennuyer, mais quand on a l'habitude d'entendre dans cette salle les meilleurs orchestres jouer à fond, si l'on a une bonne version un peu tranquille, d'une œuvre qu'on entend très souvent, on est plus vite frustré.

J'essaie pourtant toujours très fort de ne pas laisser mon cerveau prendre la relève en anticipant et « jouant » à la place de l'orchestre la suite, ça rend prisonnier de l'instant au lieu de suivre la structure et le plaisir de l'œuvre. Mais il faisait excessivement chaud au second balcon – à tous les concerts depuis la reprise : c'est qu'on a oublié ce que c'était une salle remplie sans distanciation, ou il y a un problème de clim' depuis quelques mois ? –, je peinais à être suffisamment absorbé.

S'il avait fait un peu moins chaud ou si l'exécution avait été un peu ardente, je ne serais sans doute pas resté à l'extérieur.

C'était tout à fait bien au demeurant, mais quand on collectionne les concerts et les versions, par rapport à ce que promettait l'affiche, ça n'avait rien de particulièrement singulier ou mémorable.

Les solistes étaient, comme attendues, extraordinaire : Christa Mayer fait de la poésie avec un tel naturel (et du mixte de poitrine ), et H.-E. Müller irradie toujours avec un aigu pourtant très sombre et pharyngé (el Gretchen schumannienne, ses aigus étaient tétanisants !).

Pianissimi magiques du chœur. (Mais une entrée ratée dans le fugato Mit Flügeln n'a pas pu être rattrapée, et a un peu mis dans le décor une partie de la fin.)

Ce sera possiblement très très bien vendredi !

Je ne comprends pas la remarque sur le tempo non plus. J'ai pour ma part beaucoup aimé : c'était une interprétation très tenue, peu portée sur le spectaculaire mais énergique et bien construite, et ça me va très bien comme ça. Ayant appris l'oeuvre avec le souriant Klempi, c'est peut-être une explication... Quelques départs vaseux, effectivement, difficile de savoir qui en était responsable. Choeur excellent, solistes de bon niveau, le finale était très bien, l'apothéose vraiment exaltante.

Effectivement, j'ai eu très très très chaud, au 1er balcon, hier soir… Et effectivement, je remarque ça depuis la rentrée. Avant l'épidémie, ils mettaient souvent la clim tellement forte que j'ai pris l'habitude de prendre un petit pull, qui n'est clairement plus utile !

J'ai ressenti la lenteur dès le premier mouvement, qui s'est accentuée par la suite, notamment au deuxième, quasiment immobile. Mais, le minutage, au final, ne dépassait pas franchement la longueur habituelle… Je ne sais pas si c'est une véritable lenteur ou un manque de vigueur globale (même si je reste persuadé que c'était trop lent).

Avis partagé avec le commentaire de David : "c'est un peu lent, mais surtout un peu mou, les accords n'étaient pas très mordants, les articulations peu urgentes".

En effet, chœur très beau, chanteuses magnifiques.

Où était assis l'organiste ? Je ne le voyais pas du tout depuis mon balcon, et je ne l'ai pas vu non plus assis dans l'orgue.

Citation :

Regards un peu désorientés entre musiciens, j'ai même surpris un violon II qui riait avec son voisin en mimant un "je m'endors" avec les yeux.

Je t'aurais probablement dit que c'était une surinterprétation si je ne les connaissais un peu.

(Après, ce peut aussi être une façon amicale de montrer son adhésion profonde, on peut se tromper sur le sens des signes. Il dodelinait aussi ?)

Citation :

Les cuivres ont donné plusieurs pains,

Oui, la team Cazalet-Rouillard à son meilleur.

(Les trompettistes et trombonistes ont été excellents, soyons justes. Le mordant de ces trompettes !)

Citation :

et notamment ceux qui jouaient depuis les coulisses (comment arrivent-ils à suivre les indications du chef d'ailleurs ? aujourd'hui, ils peuvent éventuellement regarder un écran, à supposer que ce soit filmé, mais à l'époque de Mahler ? un jeu de miroirs ?).

Ils pouvaient aussi être autonomes (un peu difficile à caler avec la flûte sur scène, mais pas impossible). Je n'ai pas d'infos sur comment ça se passait d'un point de vue pratique, mais nul doute qu'en relisant Lagrange, tu trouveras tout le nécessaire.

Citation :

Mon esprit retord me souffle que Bychkov aurait peut-être volontairement bousillé son concert, afin de démontrer 20 ans après que l'OP n'est pas un bon orchestre ?

Je ne crois pas, il est loin de ça, l'orchestre a changé, il reste pas mal de monde qu'il a recruté ou qui l'a soutenu (comme Cazalet ou Moraguès, présents ce soir). Il y avait certes Prats qui le méprise, et que Bychkov a fait saluer.

C'est plutôt sa réputation à lui qui serait en jeu si on écrit que c'était mauvais. Je ne comprends pas trop pourquoi il a accepté de revenir, mais peut-être qu'il avait envie de mettre un point final plus positif, ou qu'il s'est laissé convaincre par une cour assidue. (Mais pourquoi on lui a demandé de revenir aussi ?)

Autant des musiciens qui sabotent un concert, ce peut advenir (ça advient, même), autant un chef qui reviendrait exprès pour se venger en dirigeant mal et en espérant que les musiciens ne le suivent pas, jamais entendu parler (et ça paraît un jeu dangereux, eux ne sont pas des titulaires à vie comme les musiciens).

Rocktambule a écrit:

Je ne sais pas si c'est une véritable lenteur ou un manque de vigueur globale (même si je reste persuadé que c'était trop lent).

C'était plus modéré comme tempo que les dernières interprétations entendues à Paris, mais absolument pas anormal à l'aune de la discographie. C'était surtout dans les mouvements modérés que c'était un peu plus lent, phénomène beaucoup plus sensible à cause de la tension moindre…

Citation :

Où était assis l'organiste ? Je ne le voyais pas du tout depuis mon balcon, et je ne l'ai pas vu non plus assis dans l'orgue.

Complètement côté cour, derrière les contrebasses, sous l'encorbellement du balcon pair.

Merci pour ces précisions !

Nous étions donc assis au-dessus de l'organiste. Pour ce qui est de l'interprétation, je vais essayer d'oublier, restant néanmoins curieux des commentaires des copains qui iront vendredi !

Pour le mime endormi du violon, il fermait juste les yeux en riant sous cape avec son voisin… Mais, peut-être que je surinterprète en effet. J'étais furieux hier soir !

Je suis plutôt sur la ligne de David : un beau concert, sans être tout à fait une Deuxième d'anthologie. Mais j'ai quand même pris beaucoup de plaisir, sans ennui. Tempi lents, oui, mais je m'y attendais, et j'ai trouvé la construction, les contrastes, des deux grands mouvements irréprochables (le premier climax du 5e mouvement : décollage garanti. ). Et dans l'ensemble j'ai aimé que Bychkov laisse respirer les phrases et prenne soin de les mener jusqu'à leur terme. C'est plutôt les deuxième et troisième mouvements qui ont été desservis par cette approche, étiré jusqu'à l'excès pour l'un, un chouïa terne pour l'autre. Et oui, il manquait de précision et de densité aux cordes pour que ça marche entièrement. De petites imperfections ici et là chez les vents ont aussi empêché de sublimer certains moments.

Du reste les chœurs (ah cette entrée) et les solistes m'ont semblé excellents. Et l'effet lorsque les musiciens hors-scène jouent non depuis les coulisses mais depuis les espaces intérieurs "cachés" de la salle est toujours aussi saisissant (c'est l'oracle !).

Les applaudissements ont été assez réservés, ai-je trouvé.

Il fait beaucoup trop chaud dans la salle depuis la rentrée, oui, c'est pénible (en plus avec nos masques) !

J'y retourne ce soir.

DavidLeMarrec a écrit:

Mais pourquoi on lui a demandé de revenir aussi ?

Peut-être une fausse bonne idée, en effet. Dans le magazine de l'OP c'est le délégué artistique de l'orchestre qui est présenté comme celui qui a convaincu Bychkov.

mickt a écrit:

Et l'effet lorsque les musiciens hors-scène jouent non depuis les coulisses mais depuis les espaces intérieurs "cachés" de la salle est toujours aussi saisissant (c'est l'oracle !).

Ah oui, fabuleux ça, d'autant qu'ils l'ont fait à des moments où ce n'est pas systématiquement le cas !

Citation :

Les applaudissements ont été assez réservés, ai-je trouvé.

Oui, l'impression que tout le monde faisait l'effort d'ovationner les retrouvailles, sans être en délire comme après les grandes soirées. Ce sera peut-être beaucoup plus vibrant vendredi.

Citation :

Il fait beaucoup trop chaud dans la salle depuis la rentrée, oui, c'est pénible (en plus avec nos masques) !

A mon avis c'est qu'on n'a jamais été dans cette salle à la fois avec masques et jauge pleine. Sans les masques, ça passerait très bien. Je l'ai signalé au CM, il m'a dit qu'il faisait remonter l'info.

Citation :

J'y retourne ce soir.

De mon côté, ce soir c'est Palais Hanté de Schmitt.

J'y étais mercredi, et j'ai l'impression que l'OP et Bychokov se sont réconciliés !

Il fallait y aller le vendredi soir....
J'ai passé un moment sublime, autant dans l'homogénéité de l'orchestre que de celle des voix (très bonne impression sur le choeur qui commence assis)
Les tempi (peu être un peu lent parfois, quoi que...) Ne m'ont posé aucun problème, surtout quand on ressent une progression très logique sur l'ensemble de l'oeuvre qui nous emmène progressivement vers le final. Je connais cette oeuvre par coeur mais je n'ai pu retenir mes larmes.
Côté applaudissements, ils ont dû durer autant que la moitié du premier mouvement.

C'était déjà mieux jeudi que mercredi. Cors bien meilleurs et cordes plus homogènes. Interprétation finalement très classique et lisible, qui développe de manière claire et émouvante le discours. Mais ça doit être encore plus convaincant avec les cordes bien denses et vibrées de la Philharmonie tchèque.

J'y étais jeudi et vendredi, et j'ai trouvé ça assez fabuleux. Orchestre au-dessus de tout soupçon, tous les pupitres royaux. Standing ovation méritée le vendredi soir, rarissime à la Philharmonie, surtout en l'absence de stars. Un très grand moment !

Zut, mercredi c'était vraiment pas le bon plan alors – personne n'en avait l'air ébloui.

(Mais je ne pouvais pas faire autrement.)

Je confirme, j'y suis allé mercredi et vendredi.

Mercredi, déception en effet (même s'il est difficile d'être déçu par cette partition si magistrale et extraordinaire), trop lent, trop mou, un orchestre qui ne joue pas ensemble, de nombreux ratés pour plusieurs pupitres, bref je rejoins ce qui a été dit.

Vendredi, rien à voir, un orchestre qui joue enfin ensemble, de la vivacité, de la clarté et de la structure dans la lecture de la partition.

C'est d'ailleurs surprenant autant d'écart en deux soirs d'intervalle.

Quelques critiques parues:

http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=14724

http://www.altamusica.com/concerts/document.php?action=MoreDocument&DocRef=6814&DossierRef=6256

https://www.resmusica.com/2021/09/24/semyon-bychkov-scelle-ses-retrouvailles-avec-lorchestre-de-paris/

DavidLeMarrec a écrit:

Zut, mercredi c'était vraiment pas le bon plan alors – personne n'en avait l'air ébloui.

(Mais je ne pouvais pas faire autrement.)

Je ne pouvais pas faire autrement non plus sachant que le jeudi, je ne voulais pas manquer Chosta 9 à RF. Mais aussi, symboliquement, la date DU retour était bien mercredi. Même si naturellement l'orchestre était moins rôdé, c'était cet instant là que je voulais vivre. Une des rares fois où le premier concert d'une série emporte ma préférence mais plus pour la symbolique que pour la musique.

Sinon mon avis:

Tout a déjà été dit et écrit au sujet de la Symphonie n°2 de Mahler. Elle encombre les programmes des orchestres et des salles de concert depuis des décennies. Nous nous souvenons même de la précédente exécution de l'Orchestre de Paris sous la direction de Daniel Harding en 2017. Et pourtant, on y revient constamment. Elle était au programme du premier concert de Bychkov à la tête de cet orchestre. Elle était aussi au programme de son dernier concert avec l'Orchestre de Paris et elle est maintenant le grand enjeux de leurs retrouvailles.

Le trémolo des cordes au début de la Totenfeier ne trompe pas. Nulle trace de dissensions ici, tout le monde va dans la même direction. Du caractère dans les intentions, de la précision dans les attaques et les phrasés, un pupitre de violoncelle exemplaire dans cette immense fresque faite de réminiscences de la mort, où le héros de la Symphonie Titan est porté en terre. Cette marche funèbre ouvre le concert avec alacrité. Mais comme Mahler le préconise, une longue pause jalonne la fin du premier mouvement, afin que chacun puisse reprendre ses esprits, et basculer dans la suite de cette symphonie, destinée à nous transporter dans des contrées lointaines. Peut-être la raison pour laquelle le chef abandonne sa baguette le temps de cet Andante enlevé, fait de légèreté et de douceur. Un pupitre de cordes bien lié avec beaucoup de vibrato et une cohésion remarquable dans les coups d'archet. La battue régulière imprimée à ce Ländler paisible permet d'atteindre une osmose et une unité où, le chef, en tant que facilitateur, pointe la direction et laisse jouer ses musiciens. Le Scherzo en revanche fait naître le malaise par ses dissonances, ses couleurs âpres où la petite harmonie est très prononcée, notamment la petite clarinette et le hautbois, dans une danse macabre jubilatoire. Dans Urlicht, l'alto Christa Mayer fait montre de son timbre chaud et néanmoins sombre avec des graves assurés et une intonation en allemand tout à fait saisissante. Les paroles sont chantées avec autant de clarté que si elles avaient été parlées, et enfin, sa projection impressionne dans le Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. Tout cela agrémenté du magnifique hautbois d'Alexandre Gattet, pour une des pages les plus belles de cette partition. Le Finale enfin est le lieu de toute la science de la direction de Bychkov. De l'orchestre de coulisses qui répond à celui présent sur la scène de façon claire. Mais surtout, dans la construction. Les choix de tempi, les crescendos savamment dosés. Le effets et intonations placés aux bons endroits. Le phrasé toujours précis. La délicieuse soprano, Hanna-Elisabeth Müller, qui assure ses interventions avec conviction et sert l'ensemble. Et enfin, ce chœur, qui sait chanter toutes les nuances. Lorsqu'il entre dans un premier temps assis, sur un pianissimo irréel, avant de culminer plein poumons (Bereite dich !) dans un fortissimo libérateur, debout. Un final subtilement amené, correctement dosé. A mille lieues de la grandiloquence et au contraire, au centre de la justesse. La Symphonie n°2, "Résurrection" de Gustav Mahler n'a pas encore commencé à nous lasser.

Le retour de Bychkov que nous n'attendions plus a moins été un événement musical qu'une histoire de rédemption et de réconciliation. Peu de musiciens de son époque à la tête de l'orchestre sont encore présents aujourd'hui, de sorte qu'une relation saine pour l'avenir est possible. Il serait dommage de se passer d'un si bon chef aussi francophile. Enfin, à Berlin, l'histoire du retour de Celibidache quarante ans après son départ des Berliner Philharmoniker est encore vivace. A Paris, nous parlerons encore longtemps du retour de Semyon Bychkov à la tête de l'Orchestre de Paris. Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé en ovationnant longuement et chaleureusement Semyon Bychkov.

kegue a écrit:

Il fallait y aller le vendredi soir....
J'ai passé un moment sublime, autant dans l'homogénéité de l'orchestre que de celle des voix (très bonne impression sur le choeur qui commence assis)
Les tempi (peu être un peu lent parfois, quoi que...) Ne m'ont posé aucun problème, surtout quand on ressent une progression très logique sur l'ensemble de l'oeuvre qui nous emmène progressivement vers le final. Je connais cette oeuvre par coeur mais je n'ai pu retenir mes larmes.
Côté applaudissements, ils ont dû durer autant que la moitié du premier mouvement.

A priori c'est le concert de vendredi qui sera diffusé à la radio, le meilleur donc.

(et la prochaine Résurrection près de Paris : Rouvali et le Philharmonia le 7 juin à la basilique Saint-Denis : https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/musique-chorale/mahler-ndeg2-rouvali-hors-les-murs )

J’y étais le vendredi, et j’ai trouvé ça plutôt insupportable.

A vrai dire, dès les premières minutes, j’ai compris que la soirée serait longue. C’était effectivement disséqué, très séquencé et paradoxalement cette mise en avant à l’extrême de certaines cellules musicales n’a même pas servi une approche de l’œuvre cohérente dans l’ensemble.

Surtout, car on peut reconnaître l’intention et l’intelligence du chef malgré une réalisation peu convaincante, j’ai trouvé l’OP très terne, avec des cordes mollassonnes et sans caractère. C’est une nouvelle marque de fabrique ? Car dans le Brahms #1 vu ce soir, c’était pareil : très neutre et peu incarné.

Les quelques couacs des cuivres m’ont moins dérangé que la quasi-totalité des attaques jamais nettes, avec toujours un petit demi-temps de décalage sur la nuance appropriée.

Belles solistes néanmoins, et chœur toujours aussi convaincant.

Et une chaleur à tomber, encore.

Ben,

Décidément personne n'est d'accord sur cette rentrée de l'Orchestre de Paris !

Ben. a écrit:

Et une chaleur à tomber, encore.

J'ai posé la question à leur CM, qui est revenu avec la réponse officielle : à cause des contraires sanitaires, ils limitent le renouvellement d'air de la salle (air recyclé, je suppose). D'où la chaleur. Ça ne s'améliorera donc pas dans les prochaines semaines, même si le froid extérieur devrait aider.

La chaleur plus le masque, c'est vrai que c'est parfois dur à supporter (hier pareil, pourtant à l'avant du B2 de Bastille).

DavidLeMarrec a écrit:

Ben,

Décidément personne n'est d'accord sur cette rentrée de l'Orchestre de Paris !

Ben. a écrit:

Et une chaleur à tomber, encore.

J'ai posé la question à leur CM, qui est revenu avec la réponse officielle : à cause des contraires sanitaires, ils limitent le renouvellement d'air de la salle (air recyclé, je suppose). D'où la chaleur. Ça ne s'améliorera donc pas dans les prochaines semaines, même si le froid extérieur devrait aider.

La chaleur plus le masque, c'est vrai que c'est parfois dur à supporter (hier pareil, pourtant à l'avant du B2 de Bastille).

Hier soir, j'étais au rang U du parterre latéral, la clim me soufflait sur la nuque… C'est peut-être une piste de placement pour ceux qui souffrent de la chaleur : j'étais frigorifié toute la soirée !

DavidLeMarrec a écrit:

Ben,

Décidément personne n'est d'accord sur cette rentrée de l'Orchestre de Paris !

Pour être honnête, c'était quand même bien mieux pour la Brahms #1, mais l'effectif n'était pas exactement le même (notamment la flutiste enceinte, dont j'ai oublié le nom, qui a inondé Mahler d'imprécisions).

J'étais concentré sur Bychkov et sa proposition pendant Mahler, donc j'ai fait l'effort de vraiment prêter l'oreille aux différents pupitres pendant Brams hier, plus immédiatement lisibles. J'ai trouvé à l'OP un son très uniforme, avec notamment des violoncelles et des violons qui se confondent trop à mon goût. Malgré tout, les cuivres par exemple sont d'un bien meilleur niveau qu'il y a quelques années, donc j'attends les prochains concerts avec impatience, pour voir s'il s'agit surtout d'un temps d'adaptation / remise en route?

Pendant Mahler, cet OP m'a fait penser à la Radio Bavaroise (beau choeur, mais manque de couleur...).

Ça varie énormément selon les chefs : une de leurs grandes qualités est de s'adapter à des types de son très différents, par rapport à d'autres orchestres qui conservent les mêmes équilibres d'un chef et d'un répertoire à l'autre.

En revanche, ils ont aussi leurs jours avec et sans bonne volonté, ce qui fait qu'à la rentrée, on a souvent de la grisaille opaque, en effet.

Nouvelle contribution au débat sur les mérites respectifs des concerts de Mäkelä et Bychkov : une critique comparative très intéressante sur le site du Wanderer. Qui d'une part accable un Bychkov (le critique a assisté au deuxième soir) neutre, pachydermique, enlisé, et un orchestre imprécis, comme jouant la répétition générale. Et d'autre part encense Mäkelä (qu'il a vu le deuxième soir, je me sens moins seul), qui « a gardé le haut niveau d’exigence affiché quant à la virtuosité d’ensemble » entendu dans la Cinquième de Mahler, et décèle dans son interprétation « un chant d’une force patiente comme chez Giulini, un fini laissant frémir la polyphonie sans la surligner comme chez Levine ou Abbado, une solidité rythmique préalable à  la détente générale comme chez Boulez ou Haitink, et comme chez tous les grands, un refus absolu de la vulgarité, de la pédanterie ou de la didascalie musicale ». Rien que ça.

(dans l'ensemble je suis assez d'accord. Au concert de Bychkov c'est plus la symphonie que l'interprétation (à l'ancienne ? solenelle et habitée) que j'ai aimée.)

https://wanderersite.com/2021/10/dhier-a-aujourdhui-un-mahler-lautre/