PP – Chostakovitch, Nikodijević – Currentzis 04/12/2021

Samedi 4 décembre 2021
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Marko Nikodijević — parting of the waters into heavens and seas / secundus dies (toccata pour orchestre) – création française
Dmitri Chostakovitch — Symphonie n° 4

musicAeterna
Teodor Currentzis, direction


Concert d'anthologie à la Philharmonie ce week-end : Chostakovitch servi par un orchestre d'un engagement, d'une cohérence, d'une précision bluffantes, mené de bout en bout par un chef qui ménage des contrastes d'une violence saissante, mais sans jamais perdre de vue la grande arche de cette folle symphonie. Soirée par une standing ovation.

En ouverture une œuvre du Serbe Marko Nikodijević, ami de Currentzis et très en vue ces derniers temps : orchestre presque aussi fourni que celui de Chosta, sept minutes censées évoquer le deuxième jour de la Création. Pièce courte et frappante, comme l'annonce le programme, très sonore, à l'ambiance ludique et assez frénétique, dans laquelle des cellules mélodiques circulent entre instruments. Intéressant.

Puis l'œuvre-monstre, Chosta 4. À l'exception des violoncelles, tout le monde joue debout, certains vents s'assoient entre leurs interventions, mais les nombreuses cordes (17-15-14-12-8, si j'ai bien compté) restent debout tout le long, leur engagement en semble comme décuplé. Cette symphonie doit faire partie des plus puissantes en termes de volume sonore, ce qu'on comprend dès les premières notes, et on monte à des niveaux quasi-insoutenables. Néanmoins tout reste maîtrisé, dans l'exécution individuelle : fugue du premier mouvement exceptionnelle, un premier violon qui danse quasiment sur scène et joue merveilleusement, des bois d'une grande richesse de couleurs (basson, piccolo, tous) ; et dans la vision d'ensemble : tous les épisodes sont caractérisés, lisibles. Sarcasme, terreur, mystère, tout y est. Les progressions du troisième mouvement m'ont noué la gorge.

Chapeau à Currentzis (qui lui aussi danse et tape bruyamment du pied) et à son orchestre.

Photos : https://www.instagram.com/p/CXFCJCqIK0W/
Très courtes vidéos pour l'ambiance : https://www.instagram.com/p/CXFD0ngDmfM/

Le lendemain, l'orchestre dans une formation plus réduite et quelques solistes du chœur de la formation, qui n'a pas pu se déplacer, donnaient un programme "surprise", qui paraissait fort beau (Takemitsu, Scelsi, Dowland, Pärt, Retinsky, Xenakis, Murail, Leclair), sous la direction de Fedor Lednev et dans une salle hélas très peu remplie.

Impressions très similaires.
Subjugué par l'intensité et la précision de l'orchestre et de Currentzis.
Ils sont à bloc, engagés à 100%, mais ça ne se voit pas plus que ça.

Première fois que j'apprécie autant cette oeuvre que je trouvais jusque-là toujours un peu bizarre, un peu décousue. (même par Rozdestvensky à Pleyel il y a un peu moins de 10 ans, mais le 2è balcon de Pleyel, ce n'est pas la même expérience que le 1e balcon latéral de la Philharmonie au 1er rang!)

J'y étais avec de la famille qui découvrait l'oeuvre et a été aussi enthousiaste.

Public beaucoup moins tousseur que d'habitude!

Bon ok, ça y est, je regrette de ne pas y avoir été...

Des petites vidéos que Mickt a transmises, ça ressemble à un gros bordel quand même !

Tu imagines bien que le son capté par un téléphone ne correspond que de loin à ce qu'on entend en salle!

Mais oui, on est souvent très près d'un truc chaotique et monstrueux où il devient difficile de tout distinguer, c'est vrai.

Currentzis allait-il jouer Chostakovitch 4 comme son Sacre impavide ?

Non, c'était plutôt comme sa Sixième de Mahler ! Luxe infini de détails, tension jamais en défaut, et des timbres peu bigarrés, mais irisés comme des diamants !

Les grands climax de saturation parviennent à faire saturer l'orchestration mais pas la salle, c'est assez fort techniquement.

J'ai beaucoup aimé la création de Nikodijević : au lieu de s'arc-bouter sur une création longue et pénible, une œuvre concise, atmosphérique mais ne négligeant pas la mélodie – et un compositeur qui annonce humblement que, non, son œuvre ne peut pas compléter l'autre pièce du programme, pas à un chef-d'œuvre comme Chosta 4.

(Rep a sa Sto.)

Par ailleurs, comme le disait Mickt, le fait de jouer debout ne semble pas un gadget : il faut les voir danser ! Ils semblent gagner en tonicité en étant ainsi postés !

Currentzis fait, contre toute attente, saluer quasiment chaque musicien, même un geste complice au joueur de célesta en sortant…

Je rejoins tout à fait les commentaires ci-dessus. Une première pour moi à la Philarmonie en plus, avec un programme de rêve.

Cette symphonie est vraiment devenue une de mes oeuvres fétiches au cours de cette année.
Impressionné par la prestation artistique des musiciens, surtout avec les tempos de folie pris par le chef à certains moments un peu comme Chung dans son enregistrement, et pourtant, tout était en place et d’une précision incroyable.

Oui, c’est vrai que j’ai été aussi interloqué par la proportion d’instrumentistes debout mais finalement, vu l’élan d’une telle œuvre et ce que Currentzis en a fait, ça se justifiait. J’ai l’impression qu’ils se sont vraiment tous éclatés (au sens propre et figuré ) à jouer ça ce soir-là.
Impressionné voire terrifié aussi par la puissance sonore à laquelle ils sont parvenus dans le tant attendu climax du premier mouvement, je me suis pris une de ces claques, je n’y croyais pas mes oreilles.
J’ai remarqué aussi ces salutations à chaque musicien à la fin et à celui derrière le célesta…(excellent tempo j’ai trouvé pour terminer l’œuvre d’ailleurs) qui a vraiment une importance capitale pour faire de cette coda le moment glaçant que l’on sait.

Et la création de Nikodijevic, j’ai beaucoup aimé. Effets maîtrisés, efficaces, on ne s’y ennuie pas une seconde. Ambiance très intéressante.

Magnifique concert, vraiment.

Ps : je ne résiste jamais non plus à ce thème dansant du basson, qui revient plusieurs fois de suite dans le troisième mouvement de Chosta. Je trouve ça juste excellent.
Quelle œuvre quand même !

(Re)Salut tout le monde !

Même si Currentzis est trop mégalomane pour moi, je regrette d'avoir manqué une opportunité d'entendre la 4ème de Chostakovitch en concert. Mais j'étais pris par le choeur de Radio France.

Pour ma part, je ne m'intéresse qu'au résultat, sinon on ne s'en sort pas: si on doit éviter les mégalomanes, c'est les 3/4 des compositeurs et pareil chez les chefs, si ce n'est plus...

TragicSymph a écrit:

Une première pour moi à la Philarmonie en plus, avec un programme de rêve.

On peut difficilement imaginer meilleur baptême.

Xavier a écrit:

Public beaucoup moins tousseur que d'habitude!

C'est plus difficile de tousser quand on a la tête dans un réacteur d'avion de ligne.


● Des critiques : Diapason https://www.diapasonmag.fr/critiques/a-la-philharmonie-de-paris-le-tour-de-force-de-teodor-currentzis-14757.html
— Bachtrack : https://bachtrack.com/fr_FR/critique-chostakovitch-currentzis-musicaeterna-philharmonie-paris-decembre-2021 (si on ne donne pas cinq étoiles là, franchement, on ne les donne jamais.)