Programme :
Couperin : Vingt-et-unième Ordre du Quatrième Livre
Debussy : Suite Bergamasque
Ravel : Miroirs
Satie : Gnossiennes n° 1-3.
Fazil Say : piano.
Un récital de Fazil Say, c'est toujours une fête ! J'ai de merveilleux souvenirs avec ce pianiste exceptionnel. En m'asseyant au TCE hier soir, je me suis rendu compte que, tout d'abord, je n'allais quasiment plus assister à des récitals de piano, m'étant déporté vers les programmes symphoniques sans m'en apercevoir (alors que j'allais principalement voir du piano en arrivant à Paris), et ensuite, que le confort de la PP ou de RF n'étaient vraiment plus si anecdotique pour moi, assis hier soir sur mon demi-strapontin pourri...
Travail de relooking sur Fazil Say : celui que l'on avait vu avant le confinement avec des tenues presque débraillées, les cheveux en bataille et plutôt rond, s'est présenté hier soir maquillé, coiffé, aminci, avec un très bel ensemble noir impeccable ! J'ai vu qu'il s'était remarié en 2019 (peut-être un rapport ?).
Couperin : morceaux que je ne connaissais pas du tout. Joués de façon très lisible par Fazil Say, ça sonne clavecin, c'est rond et tranchant à la fois, très réussi, même si ce n'est pas de la musique susceptible de me transporter.
Debussy : la grande réussite de la soirée, à mon goût. Une suite bergamasque comme je ne l'ai jamais entendue. Généreuse, mélodieuse, très imagée. Fazil Say, avec son grain de folie, sa façon de jouer du piano comme on dirigerait un orchestre, ses gestes, sa mine bougonne, donne l'impression qu'il discute avec des amis et qu'il tente d'argumenter, de convaincre. On dirait un orateur qui s'exprime par son piano. C'est à la fois théâtral, un peu décalé, souvent excessif. Il discute avec la musique, il embrasse le son qui sort de l'instrument, il tape des pieds, il fredonne (moins hier que d'habitude, tant mieux). Et en même temps, il joue avec une grande subtilité, faisant entendre des choses que l'on ne soupçonnaient pas dans ces morceaux. Même s'il lui arrive d'en mettre un peu à côté parfois, ce n'est pas grave, tant il apporte lecture vraiment personnelle et inédite, c'est tout ce que j'attends d'un interprète ! C'est un artiste !
Ravel : peut-être le passage le moins réussi de la soirée, à mon goût. J'ai même parfois décroché, mon voisin, qui lui s'ennuyait depuis le début, s'est carrément endormi, et tant mieux, lui qui soupirait comme une cafetière. Say a accentué les dissonances, le côté aride de la partition. Alborada del gracioso percutant et grinçant, très intéressant !
Satie : morceaux quasiment obligés pour tout jeune pianiste, ce sont des morceaux que je connais au-delà du par cœur. Magnifiés dans leur simplicité, Say les transforme en bonbons délicieux, et y découvre une ironie (2ème notamment) que je n'y connaissais pas. J'ai regretté qu'il ne pousse pas jusqu'à la 6ème gnossienne.
Rappel : son éternel rappel, Black earth, qu'il donne à chaque concert. Le public l'a longuement rappelé, mais pas d'autre rappel, dommage.
Un pianiste brillant et original, que j'aimerais voir plus souvent à Paris ! On pourrait lui proposer une résidence à RF par exemple !