ONP - Kurtág - Fin de partie - avril-mai 2022

Fin de partie

Opéra en un acte
D’après Samuel Beckett, Endgame

György Kurtág

Direction musicale :
Markus Stenz

Mise en scène :
Pierre Audi

Hamm : Frode Olsen
Clov : Leigh Melrose
Nell : Hilary Summers
Nagg : Leonardo Cortellazzi

J'y suis allé.

N'y allez pas.

Je vous aurai prévenus.

C'est normal, tu ne connais rien au jazz.

Le plus drôle c'est de voir les journalistes défendre l'oeuvre sur Twitter.

Mais bon quand on a sa place gratuite...

(Je résume l'opéra par Bernstein qui aurait pris de la drogue pour composer West Side Story )


Je ne suis pas un grand fan de Beckett, lu Fin de Partie et les Beaux jours pendant le confinement et relu En attendant Godot. Je ne sais pas du tout comment on peut rendre passionnant son univers. Peut-être avec de belles lumières ? l'opéra commence plutôt bien, puis tout est statique, et le changement de décor assez long fait que certaines personnes font le choix de partir.

Xavier a écrit:

J'y suis allé.

Xavier a écrit:

N'y allez pas.

Xavier a écrit:

Je vous aurai prévenus.

Ca va la fumette, Xavier ?

SherlockEdoga a écrit:

tout est statique

Voilà...

Y a pas de chant, pas de musique, pas de mise en scène...

Pendant 2 heures...

Il restait 15 minutes, le personnage disait que c'était la fin... et ça a encore duré 15 interminables minutes...

Un vrai beau moment, quand Clov dit "je pleurerai de bonheur", il y a un accord de do majeur qui illumine l'orchestre, 15 secondes de belle musique.
Mais c'est tout.

SherlockEdoga a écrit:

 

(Je résume l'opéra par Bernstein qui aurait pris de la drogue pour composer West Side Story )

Mine de rien, ce que tu dis fait drôlement envie!

Je me demandais ce qui était le pire entre Donizetti, Glass, ou ce Kurtag... et j'ai fini par me dire que c'était bien ce spectacle-là.
Peut-être le truc le plus chiant que j'ai vu/entendu de ma vie.

On se demande pourquoi il y a un si grand orchestre... il ne joue pas.

Je priais presque pour qu'ils se mettent à jouer du Verdi ou du Rameau.

Quand, pendant 10 minutes, Clov essaie de mettre son échelle sur le cabanon et de regarder par une fenêtre, puis revient, puis rééssaie à l'autre fenêtre, et que pendant ces 10 minutes il y a principalement du silence entrecoupé d'un "chdong" de pizz ou d'un "ping" de cymbalum, on se dit que la soirée va être longue, mais on ne peut pas imaginer que ça va être quasiment tout le temps comme ça pendant 2 heures.
Et pourtant si...
Il n'y a jamais de continuité dans rien.
Le Kurtag minimaliste avec plein de silence, quand c'est des pièces de 2 minutes, c'est un style; quand c'est pendant 2 heures, c'est pas possible.

Pierre Audi dit que cet opéra ne ressemble à rien d'existant dans le répertoire.
Il a raison.

Xavier a écrit:

Je me demandais ce qui était le pire entre Donizetti, Glass, ou ce Kurtag... et j'ai fini par me dire que c'était bien ce spectacle-là.
Peut-être le truc le plus chiant que j'ai vu/entendu de ma vie.

On se demande pourquoi il y a un si grand orchestre... il ne joue pas.

Je priais presque pour qu'ils se mettent à jouer du Verdi ou du Rameau.

Ca devait vraiment être mauvais pour que tu tiennes ce genre de discours là

SherlockEdoga a écrit:

le changement de décor assez long fait que certaines personnes font le choix de partir.

Tu as vu un changement de décor??

Moi j'ai vu un décor qui tournait de 45 degrés à chaque mini-entracte, c'est tout.

Oui un décor qui tournait à 45 degrés.

C'est dommage il existe une transmission intégrale de l'opéra donné en Italie sur YouTube... ça aurait pu permettre de te donner une idée avant d'y aller. Je ne sais pas si j'irais... J'ai regardé quelques bribes. Effectivement ça sonne comme un orchestre de chambre. En fait je pense que j'aimerais mieux voir la pièce. Dans l'ensemble le "chant" fait prononcer de looooongues phrases aux protagonistes, ça ne sonne pas du tout naturel, ça éloigne du signifié (le français n'est pas très bon en plus, ça rajoute une touche d'exotisme) et surtout ça rallonge la sauce inutilement. Et vu que tout est extrêmement statique... alors bon, écouter un type qui ânonne en chantonnant vaguement son texte depuis une poubelle pendant une heure trente... Une certaine expérience du silence (de l'orchestre) aussi. Certains doivent aimer ça. Mais pas sûr que ça soit le cas de la majorité...

Tout le monde n'a pas détesté, j'ai des copains qui ont beaucoup aimé (et certains, qui l'ont vue à Milan, y sont retournés à Paris)…

Mais globalement (je n'ai pas encore écouté cet opéra), Kurtág – qui est un très grand compositeur, en tout cas je lui dois la conviction que la musique contemporain avait des choses à dire et qu'il fallait s'y intéresser – excelle dans le petit format (moins de 2', voire moins de 1'), pour petit effectif.

Ses pièces de musique de chambre au delà du quatuor (où il a donné son meilleur ) sont tout de suite moins prenantes, plus formelles. Et son écriture vocale est toujours très défragmentée, pas très séduisante (et prosodiquement difficile à suivre).

Donc lui confier une œuvre longue, pour grand effectif, avec des lignes vocales supposées porter une action (enfin, une action, c'est un sujet qui est de toute façon assez ascétique…), je suis ravi qu'il ait l'occasion de l'essayer, mais je ne serais pas surpris que ça ne fonctionne pas idéalement.

J'ai quand même prévu d'y aller, parce qu'il faut soutenir la création d'un répertoire neuf si l'on ne veut pas que l'Opéra achève complètement son processus de muséification, et par intérêt pour Kurtág, dont j'ai écouté une très large part du catalogue disponible, entendu certains quatuors une demi-douzaines de fois en concert, joué des dizaines d'œuvres pour piano (certes, ça va vite ).

Mais je me doute que, n'étant pas particulièrement enthousiaste de Beckett, avec une temporalité d'opéra et les caractéristiques de l'écriture orchestrale et vocale de Kurtág, j'ai plutôt intérêt à essayer le fond de loge avec un peu de lecture sous la main…

Ça pose à nouveau la question soumise aux camarades ici présents lors du concert Schreker de jeudi dernier : est-ce qu'on ne fait pas fausse route, en France, à programmer des opéras contemporains « ambitieux » et « intellectuels » plutôt qu'à parler aux gens de ce qui les intéresse, faire des opéras sur Star Wars, The Walking Dead ou Pirates des Caraïbes ? Je ne dis pas ne faire que du soft-opéra grand public, mais d'autres nations parviennent très bien à faire cohabiter l'offre d'un théâtre musical d'avant-gardes avec des opéras dans une langue musicale beaucoup plus accessible, et qui parlent de choses plus vivantes que des biographies d'artistes ou que des chefs-d'œuvre de la littérature impossibles à transposer sur scène (le Soulier de Satin !). On peut ainsi trouver des opéras sur la conquête des sommets montagneux, sur la mort de Kennedy, sur des contes pour enfants, des remakes de Hitchcock… il existe même un opéra écrit (dans un style tristanien) en forme de lipdub sur un film de Bava (Hercules vs. Vampires) !

Et quel rayonnement cela procurerait à l'Opéra de Paris, si l'on avait, une fois par an ou tous les deux ans, cette grande production tout publics autour de One Piece ou de Squid Games ! Là, pour sûr, on renouvellerait le public autrement qu'à la marge – parce que la Philharmonie, qu'on ne se mente pas, on est passé des vieux richous du VIIIe aux jeunes intellos du XIXe, mais on touche surtout des populations déjà culturellement favorisées.

WoO a écrit:

C'est dommage il existe une transmission intégrale de l'opéra donné en Italie sur YouTube... ça aurait pu permettre de te donner une idée avant d'y aller. Je ne sais pas si j'irais... J'ai regardé quelques bribes. Effectivement ça sonne comme un orchestre de chambre. En fait je pense que j'aimerais mieux voir la pièce. Dans l'ensemble le "chant" fait prononcer de looooongues phrases aux protagonistes, ça ne sonne pas du tout naturel, ça éloigne du signifié (le français n'est pas très bon en plus, ça rajoute une touche d'exotisme) et surtout ça rallonge la sauce inutilement. Et vu que tout est extrêmement statique... alors bon, écouter un type qui ânonne en chantonnant vaguement son texte depuis une poubelle pendant une heure trente... Une certaine expérience du silence (de l'orchestre) aussi. Certains doivent aimer ça. Mais pas sûr que ça soit le cas de la majorité...

En effet, je me plonge dans la vidéo et c'est assez prenant dans son rapport à l'ascèse… mais deux heures en salle dans l'inconfort de Garnier, c'est sans doute pas évident…

Citation :

Xavier a écrit:

J'y suis allé.

Xavier a écrit:

N'y allez pas.

Xavier a écrit:

Je vous aurai prévenus.

J'y vais ce soir...

Je serai moins négatif que Xavier. J'ai trouvé l'orchestre beau et intéressant : certes, il est employé par petits groupes, mais tout le temps changeants, subtils. Les lignes vocales souffrent du même problème que dans pas mal d'oeuvres contemporaines : ce n'est évidemment pas mélodique (horresco referens), mais c'est une sorte de déclamation syllabique, au demeurant plutôt bien faite, mais peu variée et donc peu passionnante.

L'écueil principal pour moi est le livret. J'avoue ne rien connaître à Beckett. Ce qui arrive à ces quatre personnes n'arrive pas à m'intéresser, pas plus, par conséquent, que la façon dont ils le chantent. Un livret baroque à rebondissements obscurs ou une idiotie romantique mettent au moins en scène des passions qui (me) touchent. Le sort des quatre protagonistes m'est ici parfaitement indifférent, et les relations qui sont exposées (la dépendance affective, la diminution physique, que sais-je, il doit être possible de creuser et de trouver d'autres trucs plus ou moins déprimants) me laissent à distance.

Bref, les deux heures ne passent pas bien vite et la mise en scène, uniforme et grisâtre, n'aide pas à faire passer la pilule.

Aucun avis sur l'interprétation. Les chanteurs semblent à la hauteur de leur rôle, l'orchestre sonne bien, mais à part ça...

Quelqu'un a des nouvelles de Prosopopus ?

Stolzing a écrit:

L'écueil principal pour moi est le livret. J'avoue ne rien connaître à Beckett. Ce qui arrive à ces quatre personnes n'arrive pas à m'intéresser, pas plus, par conséquent, que la façon dont ils le chantent. Un livret baroque à rebondissements obscurs ou une idiotie romantique mettent au moins en scène des passions qui (me) touchent. Le sort des quatre protagonistes m'est ici parfaitement indifférent, et les relations qui sont exposées (la dépendance affective, la diminution physique, que sais-je, il doit être possible de creuser et de trouver d'autres trucs plus ou moins déprimants) me laissent à distance.

Alors clairement, le livret est très proche de Beckett (il doit même y avoir des bouts entiers, si ce ne sont pas simplement des coupes sur la pièce), et c'est comme ça… Une grande partie du public de théâtre y est sensible (moi pas beaucoup), mais il si l'on n'est pas réceptif, avec la lenteur du débit chanté, c'est la double peine.

Je trouve néanmoins, après avoir vu une bonne part de la vidéo, que ça épouse vraiment très bien l'esprit de l'œuvre littéraire, et j'y prends beaucoup de plaisir par tranches devant mon écran. (En salle pendant deux heures, je ne suis pas sûr de ne pas trouver ça long.)

DavidLeMarrec a écrit:

Quelqu'un a des nouvelles de Prosopopus ?  

Excusez-moi, je m'étais endormi sur une banquette en fond de loge, je viens juste de me réveiller.

Comment Xavier a pu ne pas vibrer aux accents wagnériens de Hamm et sa lance, ou à la prosodie debussyste de l'histoire du tailleur ?

Sans être aussi catastrophé que lui, avouons que ce n'était pas le spectacle le plus enthousiasmant de la saison. Musique clairesemée, décor terne, mise en scène statique, intrigue absente, nous étions dans une tentative de ton sur ton qui au bout d'un moment, tirait en longueur.

La musique m'a bien plu par contre, on reconnaissait bien Kurtag : des traits instrumentaux, des frémissements aux cordes et des sonorités inédites. J'ai beaucoup aimé les effets de délais aux timbales et le travail de la harpe. Mais je comprends qu'on puisse être frustré d'avoir si peu de musique avec un tel effectif (au moins quatre percussionnistes, deux accordéons, un célesta, un piano et un troisième clavier mais je ne sais pas ce que c'était). Tout est fragmentaire, avec des cellules mélodiques très courtes.
Sur les deux heures, il doit y avoir 20 minutes vraiment orchestrées où tout l'orchestre joue. Tu ne serais pas dépaysé David par rapport aux quatuors (ce que je préfère chez Kurtag) mais c'est vrai que sur une période aussi longue sans structure charpentée on perd parfois le fil de l'ensemble, chapeau d'ailleurs à l'orchestre et au chef qui ne laissaient paraître aucun flottement. Les parties de chants sont peu prenantes, particulièrement celles de Hamm, clairement pas un spectacle pour les amateurs de voix.

Le gros point noir pour moi, c'est la mise en scène, autour de ce décor tournant (difficilement vu le temps qu'il fallait à chaque fois). L'argument de la pièce impose un certain statisme mais tout m'a semblé trop simple ici, trop ancré dans ce décor monolithique et terne. Le texte perd un peu du jeu de ping pong absurde avec la diction étirée et je me suis rappelé pourquoi Beckett me touche assez peu. Une fois la l'ambiance de délabrement installée, la pièce a du mal à exister d'elle même. Il y a une vraie radicalité dans cette proposition, on comprend le caractère inédit du travail de Beckett mais personnellement il me manque des émotions ou des idées auxquelles me raccrocher.
(je me suis plus amusé à Ils nous ont oubliés aux ateliers Berthier la semaine dernière, adaptation en pièce de La platrière de Thomas Bernhard)

Le public avait l'air partagé, la salle loin d'être pleine mais il y a eu des applaudissements nourris à la fin.

Merci pour ce retour détaillé ! Ça donne une bonne vision de l'ambiance en plus de la vidéo !

Oui, merci!  Critique enthousiaste sur Forum Opéra:  https://www.forumopera.com/fin-de-partie-paris-garnier-meme-joueur-joue-encore

C'est sur qu'il faut bien aimer Beckett, qui dépeint surtout des clochards et a un culte de la lenteur (cf Roger Blin** qui raconte le montage de Godot).

Pinget** citait aussi Beckett qui lui disait: "Tiens bon ton désespoir et fais-le chanter...."

Pour le coup, j'ai regardé sur YT la 1ere demi-heure avec le texte de la piece en main: c'est très fidele, juste quelques coupures; toutes les pauses sont marquées par Beckett. Probablement, tout ca est un peu trop lent, en effet (meme Roger Blin disait qu'il ne fallait pas trop ralentir Beckett...): la piece dure 90 minutes et l'opéra 120 avec 2/3 du texte... La faute à Kurtag? Stenz? Audi?

A part ce défaut, je trouve ca tres bien fait par Kurtag et les interpretes, juste un peu trop lent. (Et a priori, je préfère quand-meme voir la piece...)

Belle initiative de l'ONP tout de meme. Ca m'a donné envie de relire Beckett....

**"Beckett Remembering Beckett"; J.et E. Knowlson, Arcade Publishing, New York

J'aime beaucoup Beckett, mais évidemment ça ne se lit pas comme un San Antonio, surtout pour ce qui n'est pas du théâtre.

Stanlea a écrit:

J'aime beaucoup Beckett, mais évidemment ça ne se lit pas comme un San Antonio, surtout pour ce qui n'est pas du théâtre.

Ah, Malone, avec sa dent taillée en croix....