Programme :
Bach : Prélude (Fantasia) BWV 921
Haydn : Sonata N°48, Ho. 16/35 (Allegro-Adagio-Finale)
Schubert : Klavierstück N°2 D.946 - Serenade (transcription : Liszt)
Liszt : Czardas obstiné (arrangement : C. Katsaris)
Chopin : Valse Op. 64,2 - Fantaisie-Impromptu Op. 66 - Polonaise "Héroïque"
Saint-Saëns : Le Carnaval des animaux (transcription : Lucien Garban/Cyprien Katsaris) - L'assassinat du Duc de Guise opus 128 (transcription C. Katsaris ; diffusion du film)
De retour Salle Gaveau, où je n'avais pas mis les pieds depuis 2018 (récital d'Ivo Pogorelich, qui, pour l'anecdote, fut mon premier compte rendu ici). Remplissage honteux : nous étions une demi-douzaine au second balcon, une vingtaine au premier et une centaine au parterre... Pas de politique de replacement, et d'ailleurs pas d'ouvreuse aux balcons. Programme payant constitué d'une feuille A4 pliée en deux, avec le nom des morceaux et une photo couleur du pianiste.
Pendant ces quelques années, l'architecture de la salle a souffert : les peintures s'écaillent partout, les fenêtres ne tiennent plus, les wc ne sont plus éclairés, les moquettes pèlent et les strapontins sont défoncés... C'est une salle qui semble aller très mal : ça me rend triste et c'est dommage, parce qu'elle a de grandes qualités acoustiques et permet de créer une belle proximité avec les musiciens. Le programme de la saison suivante fait une belle part aux conférences : Gaveau deviendrait-elle une salle polyvalente ?
Digression : sait-on si l'orgue fonctionne ? Il trône en majesté en fond de scène, mais je n'ai jamais eu l'occasion de l'entendre. J'espère qu'il ne s'agit pas d'un simple élément de décoration, comme au TCE.
Jamais eu l'occasion de voir Katsaris en concert. J'ai souvenir d'un flyer distribué devant la Salle Pleyel (pas récent donc) où était annoncé un programme qui m'enthousiasmait... mais précédé d'une conférence sur la scientologie... Au disque, c'est un défricheur de programmes incroyables. Souvent, ses programmes sont étiquetés "premier enregistrement mondial".
Au micro, Katsaris commence par un discours contre la guerre en Ukraine... L'occasion de débuter le récital par un "bis" (c'est original !) : une improvisation sur des thèmes croisés de deux Serge célèbres : Serge Rachmaninov (le russe donc) et Serge Bortkiewicz (l'ukrainien, mais peut-on parler d'Ukraine pour cette époque-là ?). Bref, c'était très jouissif : on y a reconnu les thèmes du Rach 3, quelques notes de la Vocalise, pas mal de mélodies de Bortkiewicz (concerto pour piano n°2, extraits de miniatures du recueil Im 3/4 Takt ou des impromptus...). C'était bien amené, même si Katsaris fait énormément de broderies pour mettre en avant sa virtuosité (et il se perd un peu dans des traits inutilement difficiles). C'était surtout l'occasion d'entendre un peu de Bortkiewicz, dont je n'espérais pas entendre un jour des compositions en concert à Paris !
Programme Bach / Haydn / Schubert / Liszt / Chopin : très classique, faisant penser à un programme de prof de piano en spectacle de fin d'année. Néanmoins, parfaitement joué. J'ai même trouvé de l'intérêt à la pièce de Bach, morceau printanier de Haydn plein de broderies mignonnes, du Schubert sous perfusion de Liszt (transcription très typée). Le programme décolle avec Chopin, où j'ai retrouvé les morceaux qui m'ont fait vibrer dans et depuis l'enfance. Je ne les écoute plus beaucoup, mais ils font partie de moi. Moment très agréable.
Une dame toute de rose vêtue est arrivée avec un bon quart d'heure de retard, s'est bien fait remarquer au second balcon... Entre chaque morceau, nous avions droit à ses hurlements "Bravooooo Cyprien... Braviiiissimo... et alleeez !" Toute en discrétion et retenue donc... Ambiance !
Saint-Saëns : visiblement, les gens qui ont passé l'entracte à la buvette située sous la salle (horrible salle à colonnes où tout résonne, acoustique atroce où je n'ai pas pu rester plus de deux minutes tellement c'était bruyant de bavardages) n'ont pas été prévenus que le concert reprenait. Pendant la moitié du Carnaval, nous avons eu droit au retour des buveurs, dans une salle où le moindre froissement de tissu s'entend. Défaut d'organisation assez coupable entre le régisseur et la buvette.
La "folle en rose" s'est assise théâtralement au premier rang, et n'a cessé de se faire remarquer en discutant avec des gens du deuxième rang. Elle a passé toute la seconde partie les bras coincés entre les fauteuils, pour donner ses mains à ses voisins de derrière... J'aurais dû faire des photos.
Version pour piano seul du Carnaval très originale ! On y perd parfois dans quelques ornementations, mais tout y est ou presque. Katsaris est partout, c'est une belle épreuve dont il se sort tout sourire, avec malice. L'aquarium et le cygne furent spécialement mouillés. Les pianistes ont beaucoup fait rire dans la salle. Tortues prises tellement rapidement qu'elles n'ont plus rien de tortues ; mais surtout, le thème d'Offenbach ressortait presque à son tempo habituel, de sorte que l'effet ne fonctionnait plus.
Plat de résistance du concert : le ciné-concert de l'Assassinat du Duc de Guise. L'occasion de voir ce fameux film, mis en musique par Saint-Saëns, qui fut à cette occasion le premier compositeur de musique de film. Le film est assez court, l'intrigue particulièrement synthétique. Qualité d'image conforme à ce que l'on peut attendre d'une bobine de 1908, de même que le jeu des acteurs ou la mise en scène. C'est adorablement désuet !
Je ne connaissais pas bien la musique, de sorte que je fus surpris d'y retrouver un large extrait du troisième mouvement de la symphonie Urbs Roma du même Saint-Saëns, qui se cite lui-même, ou plutôt qui recase un de ses thèmes, considérant qu'il n'avait pas retenu cette symphonie pour figurer à son répertoire (symphonie non numérotée, comme celle en la majeur).
Katsaris jouait avec un petit écran sur le coin du clavier, pour être parfaitement synchro avec le film. Moment original et délicieux !
Rappels : visiblement, une de ses spécialités. Je vais avoir du mal à me souvenir de tout ce qu'il a joué ! Une danse des îles grecques, de Yannis Kinstantinidis (Constantinidis ?). Un morceau de Michel Sogny, qui a créé la fondation SOS talents qui aide des pianistes en difficulté dans les pays de l'Est notamment. Une transcription/improvisation sur un thème espagnol, par Karol Penson (si j'ai bien entendu). Une improvisation sur un morceau d'une jeune compositrice, Mélissa Arnaud (?)... qui n'était autre que la "folle en rose" (qui s'est levée, a fait semblant de pleurer, s'est vu offrir un bouquet de roses, et tralala...) : pièce assez sympa, je dois bien l'avouer, avec une mélodie facile et entêtante. Improvisation aussi sur Vangelis, musique du film 1492... J'en oublie sûrement !
Soirée à la fois classique et originale, que je suis ravi d'avoir vécue !