PP— Grieg, Tchaïkovski, Nielsen – Järvi, Dueñas —29-30/09/22

JEUDI 29 ET VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2022 – 20H
Grande salle Pierre Boulez, Phiharmonie de Paris

Edvard Grieg — Peer Gynt : Prélude (Acte I) ; Suite n° 1

Piotr Ilitch Tchaïkovski — Concerto pour violon

Carl Nielsen — Symphonie n° 2 « Les Quatre Tempéraments »

Paavo Järvi, direction
María Dueñas, violon
Orchestre de Paris
Michelle Ross, violon solo (invitée)

Diffusion sur Radio Classique le dimanche 9 octobre à 21 heures.

● et SAMEDI 1er OCTOBRE 2022 — 20H30
Nef du musée d'Orsay

Grieg : prélude et suite de Peer Gynt ; Nielsen : Symphonie n° 2


J'imagine que plusieurs d'entre vous iront ? Il y a Nielsen et aussi cette jeune violoniste espagnole qui a l'air d'avoir un sacré tempérament.

Nielsen 2. Järvi. Où veux-tu que nous soyons ?

À ce soir.

Nielsen 2, enfin !

Le caractère mélodique des basses et la concentration de lignes continues dans les médiums rend toujours Nielsen un peu opaque, mais quel plaisir d'entendre ce bijou – en particulier la reprise-climax de l'Andante malinconico ! Ravi de voir les camarades, dont beaucoup n'avaient jamais entendu de Nielsen en salle, aussi séduits !

On retrouve l'Orchestre de Paris à son meilleur dans Peer Gynt : Järvi y imprime le mordant qui fait sa marque, et parvient à faire sonner la mort d'Åse avec la clarté voilée d'un orchestre nordique, à la fois très intensément incarnée et légère comme un voile.

Ils étaient manifestement plus prudents dans Nielsen 2 (dans son intégrale aussi, Järvi est meilleur dans les trois dernières), qui est écrit de façon très inhabituelle.

Quant au concerto : entendu trop de fois récemment, par de trop grands – Shaham, Kavakos ! J'évite en général de l'entendre en concert pour ne pas être lassé de cette merveille, lorsque je l'entends inévitablement au fil des couplages. Trois fois en deux ans, j'aurais voulu éviter.
Chez María Dueñas, j'ai admiré le son très brillant (mais étrangement intermittent, depuis ma – très bonne – place), avec un suraigu surnaturellement beau, timbré comme un merle. J'ai peiné en revanche avec la conception : style très loin du ton slave (de l'extérieur, les portamenti semblent répartis aléatoirement dans les phrasés, ni là où les met la tradition, ni là où ils me paraissent logiques), et qui met plus en valeur les traits que les thèmes, tel que je l'ai perçu.

Mais je paie très volontiers le tribut d'un concerto pour violon dont je suis un peu repu si cela permet d'entendre les trois premières de Nielsen ! (ou même les autres, au point où l'on en est )

Pour les curieux, les solistes de ce soir : Michelle Ross, Gaugué, Vigreux, Prats, Moraguès, Trenel, Mellardi, et Cazalet qui a vraiment joué à la hauteur de sa qualité d'être humain.
(Il a émis des pets toute la soirée.)

J'ai également ressenti sur ce que tu dis sur les traits et les thèmes, ainsi que plus globalement sur le style. C'était un peu étrange à vrai dire, alors qu'à côté l'orchestre m'a semblé impeccable de ce point de vue là. J'ai également eu l'impression qu'au début elle était très nerveuse.
En revanche, j'ai trouvé sa projection réellement formidable : enfin un violon qui s'impose et s'entend (souvenir douloureux du violon susurrant d'Isabelle Faust dans le concerto de Brahms, complètement étouffé par le même orchestre avec Makela) ! Et techniquement elle ose vraiment tout, quitte à en rajouter, et cela a un fort côté réjouissant (en effet superbes aigus), même si là encore on peut estimer que ça peut nuire à la cohérence stylistique de l'ensemble.

Magnifique concert à tous points de vue : programme, chef, orchestre, soliste... Ça faisait quelques temps que je n'étais pas sorti totalement enthousiaste d'une salle, en ayant tout apprécié.

Grieg : Peer Gynt est un tube, on le connaît tous par cœur, mais finalement, on ne l'entend pas si souvent en salle, ou en tous cas, pas dans les concerts que j'ai l'habitude de fréquenter. Ouverture par le prélude, bien moins connu, et pourtant délicieux, avec des solos d'alto, grinçant à la limite de la justesse. PJ qui tape du pied, façon danse folklorique, mais toujours avec ce mélange de classe et de décontraction qui le caractérise. Puis, la première suite, juxtaposition de tubes. La salle a frémis deux fois, avec "Au matin" et "Dans l'antre du roi de la montagne". Beaucoup trop de tousseurs pour vraiment apprécier les ppp de "La mort d'Aase". Final particulièrement jouissif : peut-on résister à ça ? Beau travail sur les contrastes. Voilà qui donne envie de retourner écouter le disque que Paavo Järvi a consacré à l'intégrale de Peer Gynt.

Tchaïkovski : j'adore ce concerto, découvert pendant le confinement, puis entendu déjà deux fois (comme David, Shaham à la PP et Kavakos à RF). Très surpris par la violoniste, dont je n'avais jamais entendu parler, sauf ici quelques minutes avant le concert ("sacré tempérament" selon Mickt). Frêle jeune fille, avec une robe de mariée blanche. Décomplexée par la virtuosité du morceau, elle avale les notes dans un tempo relativement rapide. Version très typée, assurément pas consensuelle, j'ai eu le sentiment d'assister à une interprétation très libre, livrée avec un grain de folie qui m'a fait beaucoup de bien. Rien de corseté, rien d'académique, tout dans l'expression, avec des idées nouvelles dans le chant des thèmes (jamais rien entendu d'aussi libre au disque). Avis de Mailman partagé sur la forte projection sonore. Quelques pains ici ou là, apparemment liés à un archet qui a passé la soirée à s'effilocher, qui sont autant d'occasion de se rappeler que l'essentiel de l'émotion n'est pas dans le respect des notes. Magnifique accompagnement de Järvi, dont je craignais, je ne saurais dire pourquoi, qu'il se relâche pour ce morceau. Au contraire, il a marqué les reprises de thèmes, notamment du premier mouvement, avec de grands élans d'orchestre jouissifs. Tempo qu'il semblait tirer subrepticement vers la rapidité. Belle connivence entre le chef et la soliste. Beau moment.

Rappel : non identifié, ça sonnait comme une ballade vénitienne passée par la moulinette musique savante. Si certains ont la référence, ça m'intéresse !

Nielsen : symphonie sans introduction, qui ne se fait pas attendre pour commencer ! On est directement projetés dans le thème principal, qui tourne un peu en rond dans le premier mouvement, et revient, entêtant, dans le quatrième. Interprétation saisissante, durant laquelle on ne s'ennuie pas une seconde. Järvi est partout, avec sa décontraction sans hâte. Connexion évidente avec son ancien orchestre. Musiciens heureux d'être là et de jouer : quand ils s'en donnent la peine, quand ça le fait, c'est un des plus beaux orchestres du monde ! Que faudrait-il pour qu'ils soient tous les soirs comme ça ? Évidemment, on devrait jouer plus de Nielsen (souvenirs amoureux d'un Aladdin par l'ONCT et Sokhiev, à la PP, il y a déjà une éternité). Je rêve de retrouver les mêmes pour écouter la 4ème... Consolation avec le disque pour m'endormir...

C'était, pour l'instant, le plus beau concert de la saison ! Si je n'étais pas pris au TCE ce soir, j'y retournerais bien.

Pas grand-chose à rajouter, concert réjouissant. La violoniste m'a un peu dérouté, un jeu très vibré qui prend parfois beaucoup de risques, avec des petites approximations mais pour notre plus grand plaisir. Aigus assez jouissifs. La vision d'ensemble m'a échappé, c'était clairement moins abouti que Shaham ou Hilary Hahn.

En bis les Recuerdos de la Alhambra de Tárrega, arrangés pour violon par Ruggiero Ricci. Dueñas vient de signer chez Deutsche Grammophon. Premier disque en 2023 avec Manfred Honeck.

Nielsen vraiment formidable, on en redemande. La "la reprise-climax de l'Andante malinconico" fait son effet !

DavidLeMarrec a écrit:

Pour les curieux, les solistes de ce soir : Michelle Ross, Gaugué, Vigreux, Prats, Moraguès, Trenel,  Mellardi, et Cazalet

Et au hautbois Sébastien Giot du Philharmonique de Strasbourg. À l'alto Hervé Blandinières, tuttiste qui est monté à la première chaise pour ce programme. Le poste d'Ana Bela Chaves est toujours à prendre, concours prochainement !

Au pupitre de violons on remarquait le retour de Serge Pataud, 2e solo qu'on n'avait pas vu depuis un moment et qui joue maintenant dans le rang.

Voilà vous savez tout.

Merci encore une fois, Mickt, pour ces informations !

mickt a écrit:

En bis les Recuerdos de la Alhambra de Tárrega, arrangés pour violon par Ruggiero Ricci.

Ah, ce sont donc les arpèges de guitare qui procurent cet effet d'arpèges planants qui faisaient très américain-fin XXe.

Citation :

À l'alto Hervé Blandinières, tuttiste qui est monté à la première chaise pour ce programme.

Ah, je me disais bien que son visage était familier dans cet orchestre, mais pas à ce poste ! Il était totalement en feu, et pas seulement dans ses solos, heureux de jouer. (Ce n'est pas toujours évident dans cet orchestre, donc autant le souligner.)

J'ai un peu tardé à parler de ce concert (j'y étais le jeudi).
J'ai été moins enthousiasmé que vous par la symphonie de Nielsen : une oeuvre souvent contrapuntique (et ça, ça me plaît) à l'orchestration assez épaisse et touffue, fort originale, j'en conviens,
mais qui m'a surtout frappé par la banalité de ses thèmes. Une belle oeuvre malgré tout, agréable à écouter, surtout dirigée de cette façon.

J'étais très content de retrouver Paavo Järvi, un des très bons chefs que l'Orchestre de Paris n'a pas su retenir : une direction parfois un peu sèche, mais qui emmène son orchestre au plus haut niveau.
Rien à rajouter sur Peer Gynt, sinon un réel plaisir à écouter cette oeuvre si connue mais pas si jouée que cela en concert.

Je n'étais pas vraiment ravi de réécouter le concerto de Tchaikovsky, tellement rabâché, et en plus loin d'être une de ses meilleures oeuvres à mon goüt.
La violoniste a une technique prodigieuse, un jeu très sonore, mais à l'écouter, j'ai été mal à l'aise, du fait de son style. Je suis incapable de dire pourquoi, mais ça n'allait pas à Tchaikovski.
Et puis elle vibre trop, surtout dans le premier mouvement. Très beau bis qui nous a confirmé son très grand talent. A suivre !

En retard aussi et pas grand chose à ajouter. Super concert même si j'étais surtout venu pour Nielsen.
Le concerto j'ai du mal à rester concentré tout du long, l'oeuvre ne me parlant pas plus que ça. Par contre, comme tout le monde j'ai trouvé les aigus de la soliste vraiment magnifiques.

Très belle suite de Peer Gynt, vraiment là où l'orchestre a été le plus beau dans les détails et les contrastes de l'oeuvre.

J'ai siffloté la deuxième de Nielsen sur tout mon trajet de retour, vraiment une belle oeuvre dont le troisième mouvement est magique.