[Jazz] Playlist

Bennink, j'aime souvent beaucoup - en revanche, je n'ai jamais accroché à Bailey et Parker, selon les périodes et les partenaires, je peux beaucoup aimer ou carrément détester.

(Mais d'une manière générale, c'était surtout la conclusion générale de bambou qui résumait bien mon ressenti face à Topography: «je trouve pas trop la densité et l'intensité que j'aime dans le free en général» - et sans d'ailleurs que ces phrases très courtes atteignent non plus ce caractère d'épure aphoristique et pointilliste que j'aime chez le Giuffre de Free Fall ou dans certains solos de Cecil Taylor.)

Derek Bailey ne s'est jamais positionné comme musicien free et a obstinément creusé le même sillon tout au long de sa vie, cf. ses deux albums de standards pour Tzadik, le label de John Zorn. Son dernier album, Carpal Tunnel, où il parle abondamment de son rapport avec l'improvisation à un moment critique pour lui est assez émouvant (ou témoigne, c'est selon, de la dinguerie narcissique du personnage).

www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mZi1M0qkrQwe5n-JsZFvlfQGCrCGa8eZk (#1-8 )



www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_kaUKdOtN0cpzDYJt37JMdIy1e_q3rVyeM

Deux albums enregistrés en re-recording à quelques mois d'intervalle par Zoot Sims, le second nettement plus réussi que le premier (le 4ème de la sélection de néthou, dans la réédition de Fresh Sound Records, où il est couplé avec Zoot!, Benedictus, cf. le site en cyrillique populaire sur le forum).

EDITx2: au temps pour moi, les deux albums de cette réédition Fresh Sounds sont en fait Zoot (sans !) et Plays Alto, Tenor And Baritone, que je trouve personnellement bien moins intéressant que Plays 4 altos, avec ses ensembles à la Four Brothers... entre Zoot, Zoot! et les différentes éditions et rééditions, pas simple de s'y retrouver ! (avec un !).

Benedictus a écrit:

Bon, ce sera quand j'aurais fini d'explorer certains recoins du West Coast.

Mon pauvre, c'est pas demain la veille, alors...

En attendant, rien que la discographie des petits combos de Barney Kessel dans les années 50 devrait te plaire.

Si tu ne connais pas, essaye aussi les disques du Lighthouse All Stars (et tous ceux de Bud Shank, mais tu dois connaître déjà).

néthou a écrit:

En attendant, rien que la discographie des petits combos de Barney Kessel dans les années 50 devrait te plaire.

Oui, je suis justement en plein dedans! J'ai déjà parlé un peu plus haut du merveilleux Music to Listen to (ces bois et ces arrangements!), et là je suis en train d'écouter Carmen (et j'adore!)

Et puis je découvre Jack Montrose - pas le plus saillant des saxophonistes californiens de son époque (mais généralement, il avait le délicieux Bob Gordon dans ses ensembles, alors...) mais un compositeur et un arrangeur décidément très intéressant.

néthou a écrit:

Si tu ne connais pas, essaye aussi les disques du Lighthouse All Stars (et tous ceux de Bud Shank, mais tu dois connaître déjà).

En fait, c'est plutôt la discographie du Lighthouse All Stars que je connais déjà bien et dans celle de Bud Shank que j'ai encore des lacunes à combler. (Pour le coup, celui auquel je dois vraiment me mettre, c'est Dave Pell - je ne connais en fait que I Had the Craziest Dream.)

Sun Ra, The Solar Myth Approach Vol.1

Trouvé ça dans un vide maison à côté de chez moi. J'ai pris ça car ça avait l'air délirant et kitsch (et que ça coutait pas un rond). Je ne connaissais pas le bonhomme et je ne connais rien au Jazz : je ne savais pas trop quel style musical ça serait, j'ai pris ça vraiment au feeling

Donc pour décrire ça avec mes mots à moi qui n'y connait rien : si Stockhausen et un jazzman avaient eu ensemble un enfant autiste et hyperactif, ça ressemblerait probablement à ça

N'empêche, le but est atteint : je voulais quelque chose d'un peu délirant, trip spatial décalé mais qui en même temps y croit un peu... c'est exactement ce que j'ai eu.

Pour ceux qui voudraient découvrir, ne faites pas ça un jour de migraine.

Abnegor a écrit:

Pour ceux qui voudraient découvrir, ne faites pas ça un jour de migraine.

Assez idéal, par contre, c'est du vécu, pour arriver à circonvenir des voisins sans-gêne tapageurs !

Autre piste intéressante, à part le Metal Machine Music de Lou Reed : https://youtu.be/ccyhnJo00Y4  

Abnegor a écrit:

si Stockhausen et un jazzman avaient eu ensemble un enfant autiste et hyperactif, ça ressemblerait probablement à ça

Stockhausen a de toute façon eu un fils jazzman (Markus.)

Abnegor a écrit:

N'empêche, le but est atteint : je voulais quelque chose d'un peu délirant, trip spatial décalé mais qui en même temps y croit un peu... c'est exactement ce que j'ai eu.

Oui, c'est super, Sun Ra.



Bon, dans un tout autre genre, mes trois joyaux West Coast du jour:


Pas vraiment une découverte ni un disque méconnu (et outrepassant peut-être un peu le cadre du West Coast, puisqu’enregistré à New York, et avec des musiciens qui ne furent pas tous des west coasters, ou ne le furent qu’un temps), mais un très grand disque: Jimmy Giuffre y signe des arrangements particulièrement élaborés de standards old fashioned (qui ont tous «you» dans leur titre - d’où celui de l’album), qui s’organisent autour du contraste entre, d’une part, un Lee Konitz à la fois radicalement personnel (ces longues lignes insaisissables, avec leurs bifurcations rythmiques ou harmoniques, ce timbre en camaïeux de tons froids) et d’une incroyable beauté (peut-être son plus beau disque en termes de timbre et de lyrisme) et, de l’autre, un ensemble de six cuivres au son très dense (avec Bob Brookmeyer au trombone à piston) et une section rythmique (avec Bill Evans au piano.)



Encore une petite pépite signée Barney Kessel: huit arrangements jazz de numéros de Carmen - et c’est un enchantement d’un bout à l’autre. On n’est ici ni dans le kitsch (façon Aranjuez ou Kenton-Wagner) ni dans le gag (malgré la pochette rigolote): ce qu’on entend ici est au contraire d’une grande finesse et témoigne d’un véritable amour pour la musique de Bizet - et un amour «informé» (on a quand même à faire là à des musiciens dotés d’une vraie formation classique - à commencer par André Prévin au piano): je veux dire par là que, autant sinon plus que la verve de Carmen, les musiciens ont à cœur d’en faire ressortir les subtilités (les contrechants des bois - ici encore, on a Buddy Collette à la clarinette et à la flûte, Bill Smith à la clarinette et à la clarinette basse -, les modulations…) Alors, certes, on a bien sûr les tubes (l’Air du toréador, la Chanson bohémienne, la Habanera, la Marche du IV), repris avec un sens du swing, une inventivité, une légèreté de touche tout à fait jubilatoires, mais aussi, de façon plus inattendue, des passages d’une poésie très délicate (en particulier le duo «Parle-moi de ma mère»; mais aussi - étonnamment isolé et traité avec une grande économie celui de moyens: guitare, vibraphone et section rythmique - le «Si tu m’aime» du IV) et même la Séguedille, traitée tout en understatement. Vraiment à écouter (a fortiori si on aime Carmen.)



Comme je le disais un peu plus haut: s’il n’est pas le plus typé des saxophonistes de West Coast (à côté des Art Pepper, Bud Shank, Richie Kamuca…), Jack Montrose s’avère en revanche un compositeur (ici sur la plupart des titres), un arrangeurs (sur tous) et un leader des plus intéressants. Doté (à la manière d’un Niehaus ou d’un Holman) d’une formation classique, on l’entend ici passionné d’expérimentations (contrapuntisme poussé, polytonalité, rythmes asymétriques) mais sans que ça nuise à la qualité jazzistique de ce disque en sextet: la «complexité» ou l’«abstraction» ne se fait en fait entendre que dans les ensembles - expositions initiales, relais, codas - tandis que l’espace (généreux) accordés aux solos reste le lieu de l’expression mélodique, qui reste ici immédiate et directe. L’autre point fort de ce disque est la variété des influences et des langages qu’il brasse dans ce cadre - certes, le style cool du West Coast est bien là (en particulier dans les très beaux solos de Bob Gordon), mais aussi des tournures de musiques latines et, ce qui était plus rare en Californie dans les années 50, le balancement rythmique du blues et les figures plus heurtées du bop (notamment dans les solos de Conte Candoli) - Montrose a d’ailleurs aussi été arrangeur pour Clifford Brown. Un disque assez passionnant dans la mesure où, malgré son abord très maîtrisé, il semble en fait sans arrêt ouvrir des perspectives.

(Et bien sûr Shelly Manne à la batterie sur les deux derniers. D’ailleurs, une question que je me pose, quand je vois le nombre de disques auxquels il a collaboré: quand est-ce qu’il dormait et qu’il mangeait, dans les années 50?)

Abnegor a écrit:

Sun Ra, The Solar Myth Approach Vol.1

Trouvé ça dans un vide maison à côté de chez moi. J'ai pris ça car ça avait l'air délirant et kitsch (et que ça coutait pas un rond). Je ne connaissais pas le bonhomme et je ne connais rien au Jazz : je ne savais pas trop quel style musical ça serait, j'ai pris ça vraiment au feeling

Donc pour décrire ça avec mes mots à moi qui n'y connait rien : si Stockhausen et un jazzman avaient eu ensemble un enfant autiste et hyperactif, ça ressemblerait probablement à ça

N'empêche, le but est atteint : je voulais quelque chose d'un peu délirant, trip spatial décalé mais qui en même temps y croit un peu... c'est exactement ce que j'ai eu.

Pour ceux qui voudraient découvrir, ne faites pas ça un jour de migraine.

Ah oui tu as attaqué la montagne Sun Ra par un de ses versants les plus raides (faut enchainer avec Strange Strings!). Mais oui c'est grand; j'écoutais justement hier Strange Celestial Road, un de ses derniers grands albums, beaucoup plus structuré; derrière le folklore un des plus grands jazzman du 20e.

Merci pour vos retours, j'y reviendrais sûrement de temps à autres (plus en ligne du coup, car mon exemplaire craque quand même assez souvent)

Paracerque c'est doux à mes oreilles et que ça réchauffe mon âme.

Thelonious !

Joel Lyssarides : Stay now        2022

 + / 
Découvert complètement par hasard, j'ai trouvé ça vraiment chouette - par contre, c'est quoi la citation d'une célèbre comédie française des années 2000 dans le premier morceau ?

Joel Lyssarides : A better place        2019

 +
Par contre, là, ça m'a semblé nettement moins intéressant mais il y a tout de même quelques chouettes morceaux.

Joel Lyssarides : Dreamer        2018

 + / 

www.freshsoundrecords.com/joe-newman-albums/1747-salute-to-satch.html
www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_n24WJvozZlW8OQOyT1P__KHS9hBxguTjg

chouette album, avec de chouettes arrangements et solistes, à commencer par Joe Newman.

www.youtube.com/watch?v=1oi85GnqDQw

Spoiler:

Superbes sessions lestero-basiennes en petite formation (Joe Newman à la Harmon mute ! )

Toujours dans les joyaux méconnus du West Coast (enfin, évidemment pas d’Alifie ni de néthou), ces deux petits joyaux - qui ont en commun de faire mettre en avant des duos de saxophones de même tessiture (ténors dans le premier, comme le titre l’indique, altos dans le second - les gars pouvant aussi passer à la flûte.)


Beauties of 1918 de Charlie Mariano et Jerry Dodgion (et non Dodgian comme il est écrit sur la couverture originale) reprend de façon très ludique et souriante (un peu à la manière des petits ensembles de Barney Kessel - il faut vraiment écouter les échanges sur K-K-K-Katy ou Ja-Da)  des chansons populaires aux Etats-Unis à l’époque de la Première Guerre mondiale (et souvent directement inspirées par elle.) Facture typiquement West Coast - avec Vic Feldman aux vibes, et une section rythmique Jimmy Rowles / Monty Budwig / Shelly Manne.


Avec Tenors Head On, on est pas loin des duos Al Cohn / Zoot Sims dont parlait Alifie l’autre jour: Bill Perkins et Richie Kamuca (qui d’ailleurs étaient les deux autres Brothers! d’Al Cohn sur le fameux disque RCA) sont si proches de style et de sonorité qu’il faut vraiment tendre l’oreille pour les distinguer, et encore (ils sont vraiment indiscernables quand ils jouent ensemble; en solo, la sonorité de Perkins sonne peut-être un tout petit peu moins ouatée, les phrasés de Kamuca un peu moins longs, mais même comme ça…) - deux lestériens d’un lyrisme qui enchante d’un bout à l’autre de ce disque… Et avec une excellente section rythmique, assez subtile (Pete Jolly au piano, Red Mitchell à la contrebasse et Stan Levey à la batterie.)

Benedictus a écrit:

Avec Tenors Head On, on est pas loin des duos Al Cohn / Zoot Sims dont parlait Alifie l’autre jour: Bill Perkins et Richie Kamuca (qui d’ailleurs étaient les deux autres Brothers! d’Al Cohn sur le fameux disque RCA) sont si proches de style et de sonorité qu’il faut vraiment tendre l’oreille pour les distinguer, et encore.

J'imagine que ce quasi-mimétisme fait partie du plaisir de leurs rencontres discographiques pour ces lesteriens, dans la complicité plutôt que dans la rivalité, à la différence de leurs aînés qui aimaient plutôt se confronter dans des joutes pas systématiquement amicales.



https://en.wikipedia.org/wiki/The_Gerry_Mulligan_Songbook
https://soundcloud.com/gerry-mulligan-official/sets/songbook-hd-remastered

Alifie a écrit:

J'imagine que ce quasi-mimétisme fait partie du plaisir de leurs rencontres discographiques pour ces lesteriens, dans la complicité plutôt que dans la rivalité, à la différence de leurs aînés qui aimaient plutôt se confronter dans des joutes pas systématiquement amicales.

Oui, exactement: on sent vraiment la complicité - probablement liée au fait que tous ces gens-là (on pourrait y ajouter Pepper, Niehaus, Holman, Gordon, Cooper, Shank, Montrose...) se sont d'abord souvent côtoyés dans les sections de saxes des orchestres de Kenton ou de Woody Herman, puis au Lighthouse d'Hermosa Beach.

Marzette Watts and Company

Coltrane : A Love Supreme (65)



Difficile d'enchaîner sur autre chose après ça.

Kenny Dorham - El Matador - 1963



Kenny Dorham - trumpet
Jackie McLean - alto saxophone
Bobby Timmons - piano
Teddy Smith - bass
J.C. Moses - drums

Thelonious !  

Alifie a écrit:

Thelonious !  

Ralph Towner : Solstice (75)


Un disque au lyrisme étincelant.

Pour ce qui est du lyrisme, si tu ne connais pas déjà ce concert, c'est, comme tu peux t'en douter, du cousu main pour toi.

Pour sûr.

Avec l’arrangeur et compositeur Duane Tatro (ancien élève d’Honegger à Paris), on pourrait se croire, sur le papier, en plein Third Stream hardcore: c’est une musique fondamentalement contrapuntique (jusqu’à des combinaisons extrêmement complexes comme un triple contrepoint en miroir), qui explore des formules harmoniques assez élaborées (modalité, atonalité, polytonalité, dodécaphonisme), avec des ostinatos, des clusters… Pour autant, les musiciens qui servent ces pièces sont certes des gens qui se meuvent avec aisance dans ce genre de complexité, mais qui sont aussi capables doués d’un vrai sens du swing et de ce lyrisme cool propre au West Coast - en particulier aux saxes: Bill Holman, Lennie Niehaus, Jimmy Giuffre, Joe Maini, Bob Gordon. (Et bien sûr Shelly Manne à la batterie, une fois encore…) De sorte que ce qui en ressort est plus une impression de délicatesse ciselée et de retenue expressive que de froide cérébralité. Évidemment pas recommandé à qui voudrait du jazz direct, groovy et surchauffé, mais pour moi beaucoup plus séduisant que certaines expérimentations de Tristano ou du MJQ.

Intranquille par Bernard Lubat & Sylvain Luc

https://labeluz.bandcamp.com/album/intranquille

Benedictus a écrit:

Avec l’arrangeur et compositeur Duane Tatro (ancien élève d’Honegger à Paris), on pourrait se croire, sur le papier, en plein Third Stream hardcore: c’est une musique fondamentalement contrapuntique (jusqu’à des combinaisons extrêmement complexes comme un triple contrepoint en miroir), qui explore des formules harmoniques assez élaborées (modalité, atonalité, polytonalité, dodécaphonisme), avec des ostinatos, des clusters… Pour autant, les musiciens qui servent ces pièces sont certes des gens qui se meuvent avec aisance dans ce genre de complexité, mais qui sont aussi capables doués d’un vrai sens du swing et de ce lyrisme cool propre au West Coast - en particulier aux saxes: Bill Holman, Lennie Niehaus, Jimmy Giuffre, Joe Maini, Bob Gordon. (Et bien sûr Shelly Manne à la batterie, une fois encore…) De sorte que ce qui en ressort est plus une impression de délicatesse ciselée et de retenue expressive que de froide cérébralité. Évidemment pas recommandé à qui voudrait du jazz direct, groovy et surchauffé, mais pour moi beaucoup plus séduisant que certaines expérimentations de Tristano ou du MJQ.

Tu m'intéresses, là.

https://vk.com/video642705359_456239064

Formidable trio, dans un excellent concert, très bien enregistré de surcroît.