Captivante représentation de cet opéra, un de mes préférés, dont l'intensité (certes épuisante et glaçante, perturbante même) me bouleverse profondément à chaque écoute... et musicalement c'est étourdissant ; mais là, c'était mon 1er Wozzeck "en vrai", et je n'ai pas été déçu (euphémisme).
La mise en scène, très intelligente, simple, et efficace, de Richard Brunel se montre assez "clinique", dystopique (un monde sous l'emprise des machines) ou kafkaïenne, avec un dispositif de vidéo-surveillance (caméra fixe et énorme caméra-robot articulée) qui accentue le sentiment d'oppression, la déréliction et les souffrances de Wozzeck, "confiné", manipulé comme un rat de laboratoire. Certes, dans ce décor glacial, j'ai quand même regretté l'absence de la nature, de l'étang... de la lune rouge, et les deux scènes de morts avaient du coup un côté plus allégorique. Surtout, c'était un peu gênant de voir Wozzeck se poignarder, au lieu de se noyer. Mais les décors de la maison, 2 boîtes amovibles, une cuisine et une chambre étaient particulièrement bien vues, comme des cages enfermant Marie et Wozzeck dans leur destinée tragique.
Distribution formidable !
Dans le rôle-titre, Stéphane Degout, l'enfant du pays, est admirable ! très expressif, captivant et tourmenté, et maîtrisant parfaitement ce périlleux "sprechgesang".
Ambur Braid campe une Marie (rôle ô combien difficile) tout aussi, voire plus, impressionnante : très dramatique, déchirante, incandescente même, d'une amplitude vocale impressionnante, aussi à l'aise dans les aigus que les graves.
Sans détailler, les autres personnages (Tambour-Major, Capitaine, Docteur) étaient tous également très bons, aussi bien théâtralement, tissant leur toile d'araignée autour de Wozzeck, que vocalement.
L'orchestre conduit par Daniele Rustioni est très séduisant, flamboyant même, d'un lyrisme intense (quand il le fallait), même s'il manquait parfois de tranchant et surtout de mystère et tension dramatique.
Mais au final, surtout vocalement, une magnifique représentation.