Je ne fais pas de biographie de cet Américain toujours vivant aujourd'hui; s'il y a quelque chose d'intéressant à dire, sud le fera beaucoup mieux que moi.
Voici ce que j'avais dit dans le fil sur les symphonistes américains de son concerto pour violon:
"le Concerto pour violon de Ned Rorem. Là encore, le langage est tout différent: très lyrique, passionné, émouvant. Je crois qu'on tient là un vrai chef d'oeuvre! L'écoute m'a bouleversé. Rorem est plus moderne que Foss dans son langage et ses effets, mais reste tonal et intelligible, sa musique est d'une grande sobriété, très pure. L'oeuvre dure 23 minutes et se divise en six mouvements portant des titres (du "crépuscule" initial à l''aube" du dernier mouvement, ce qui donne à l'oeuvre une connotation nocturnale), et alternant entre moments rapides et épisodes lents, méditatifs. Post-romantique, ça l'est sans doute, mais vraiment bien fait, pas larmoyant pour un sou, même si c'est le sentiment qui a très certainement guidé Rorem. Le mélodisme de l'oeuvre est stupéfiant, je ne pensais pas qu'un compositeur aussi peu connu puisse écrire des choses aussi accessibles, aussi évidentes. L'écriture pour le violon n'est pas du tout virtuose, puisque tout est réduit au minimum syndical, mais je pense que ça doit être difficile à jouer - le tout dégage une impression d'exigence. Exigence, oui, mais pas sérieux, ni tristesse, ni austérité: le tout n'est sûrement pas gai, mais d'une mélancolie lumineuse, simple et touchante, en quelque sorte. Je ne détaille pas les mouvements, je ne me souviens plus du détail, mais écrire sur cette oeuvre me donne envie de la réécouter. Il y a d'ailleurs de quoi: des petites merveilles comme ça, on a intérêt à en profiter!" (c'était au mois de mai je crois)
Je peux encore vous parler de ses 3 symphonies, rassemblées sur un disque Naxos et enregistrées par José Sérébrier avec Bournemouth (très belle interprétation, je ne vois pas trop ce que sud lui reproche).
Ce sont des oeuvres romantiques, écrites entre 1950 et 1958, sans rien de très expérimental; solidement ancrées dans la tonalité, elles ressemblent trait pour trait aux oeuvres de Harris, de Schuman, très américaines. Mais néanmoins personnelles, et très touchantes à mon sens: Rorem ne compose pas pour rien, il a visiblement quelque chose à dire; je ressens ici un souffle vraiment puissant, énormément de lyrisme, qui a quelque chose de troublant. L'utilisation des modes, des cuivres à la façon d'un orgue, une orchestration riche et généreuse me donnent cette impression d'une musique qui "parle", pleine de vent, de souffle, et quelque part de modernité, même si l'esthétique n'est pas du tout années 50 (plutôt début XXè siècle).
La 1ère symphonie ainsi que la 3è sont les mieux réussies: touchantes, solidement construites. La 1ère évoque l'univers harmoniques des Français début de siècle, de Fauré, de Ravel, pourquoi pas même de Dukas et de Franck. Le ton y est particulièrement élégiaque; et l'ouverture aux cuivres me donne des frissons; j'ai l'impression de pénétrer dans un monde vrai et vertigineux. La 2è symphonie me paraît plus faible, un peu longue et convenue, avec ces grands traits de violoncelles façon 3è de Harris; c'est très joli tout de même. Et la 3è, la mieux connue parce que Bernstein l'a enregistrée dès 1959, est effectivement une belle pièce, en cinq mouvements riches et variées, à la poésie lyrique ineffable, idiomatique et typique, mais tellement séduisante.