Jazz-Classique :interactions

Derrière ce titre de sujet se cache l'éternel débat sur les influences réciproques entre jazz et classique. Je ne doute pas que certains trouveront opportun de me rappeler que le jazz est issu non seulement de la source rythmes africains-worksong-gospel-blues mais aussi des nombreux emprunts à la musique européenne (dite classique). Soit, ce qui est curieux, c'est de constater que par la suite, certains compositeurs classique iront piocher dans les apports du jazz pour enrichir leur propre discours.
Toutefois, rares sont les musiciens à ma connaissance qui ont joué sur les 2 tableaux en enregistrant dans les 2 styles en parrallèle. A titre d'exemple, je citerai Nigel Kennedy, Keith Jarrett (dont je trouve malheureusement ses enregistrements de Bach quelque peu ratés)...

Je crois qu'il y a aussi Friedrich Gulda qui a joué sur les deux terrains

pianissimo a écrit:

Je crois qu'il y a aussi Friedrich Gulda qui a joué sur les deux terrains

Vrai, je l'évoquais d'ailleurs dans mon message du sujet Miles Davis. La liste est longue. Coté vocalistes, la frontière est souvent si ténue que nombreux sont ceux qui ont joué sur les 2 terrains (cf Barbara hendricks, Jessye Norman). Nous pourrions nous livrer à un inventaire à la Prévert alimenté par nos nombreux postmen/women.

Herbie Hancock a enregistré l'adagio du concerto en sol de Ravel sur un album récent. Keith Jarret et Chick Corea ont fait quelques concerts Mozart à deux pianos et orchestre. En général, je trouve que l'intérêt est faible.
Dans l'autre sens, j'ai par exemple entendu un blues enregistré par Anne Akiko Meyers,... aïe aïe aïe, aucun swing, vraiment n'importe quoi.

Ce que je trouve intéressant en revanche, c'est l'évolution parallèle des deux langages au cours du XXe, mais ça demanderait sûrement un bouquin entier tant la question est vaste.
Ravel, par exemple : soi-disant influencé par le jazz, mais en retour une vraie bible harmonique pour tous les jazzmen postérieurs.

Savez-vous quel type de "jazz" a été présenté lors de la fameuse exposition universelle qui a tant intéressé les compositeurs français au tournant du XXe ?

jerome a écrit:

Ravel, par exemple : soi-disant influencé par le jazz, mais en retour une vraie bible harmonique pour tous les jazzmen postérieurs.

J'ai en effet l'impression que la musique classique a beaucoup plus influencé le jazz que l'inverse, les musiciens de jazz étudiant beaucoup plus Ravel et Bartok que les apprentis compositeurs des classes de composition n'étudient le jazz, ou alors seulement de manière sommaire. Ce qui ne veut aucunement dire qu'un amateur de Ravel ou de Bartok trouvera satisfaction à écouter du jazz, la conception formelle étant très différente, puisque fondée sur l'improvisation, sans parler de la pulsation régulièrement marquée mais beaucoup plus subtile à l'intérieur des temps. Pour un musicien classique jouer du jazz c'est très difficile rythmiquement mais très familier harmoniquement.

Je n'ai jamais vraiment rencontré de mariage intéressant entre les deux, sauf Sketches of Spain, que je trouve toujours splendide. Ce qu'a fait Keith Jarrett me parait peu intéressant, par exemple.

Il y a quand même ausii les tentatives de Ornette Coleman, que je trouve assez pertinentes (il y a un fil sur ça quelque part), et aussi mon chouchou, Anthony Braxton, qui a même écrit un opéra, Trillium :

Anthony Braxton
«Trillium R: Shala Fears For The Poor»
Composition No. 162 for 9 Singers, 9 Instrumentalists and Orchestra

Dedicated to South African President Nelson Mandela
"The secret password for this opera: 'If you know what I mean.'" -Anthony Braxton

Mais bon, j'attends toujours de pouvoir l'écouter.

Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ça, mais ça doit être intéressant. Quelqu'un connaît ?

Gérard Badini Super Swing Machine : Scriabin's Groove.
(Guirlandes Op.73 ,N°1, Nuances, Op.73 N°1, Prélude, Op. 11 N°2, Caresse Dansée, Op. 57 N°2, Feuillet D'Album, Op. 45 N°1, Flammes Sombres, Op. 73 N°2, arrangements pour big band)

Harmoniquement, l'héritage de Scriabine est visiblement très présent dans l'harmonie jazz de base (onzième augmentée, dispositions d'accords en quartes).

jerome a écrit:

Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ça, mais ça doit être intéressant. Quelqu'un connaît ?

Gérard Badini Super Swing Machine : Scriabin's Groove.
(Guirlandes Op.73 ,N°1, Nuances, Op.73 N°1, Prélude, Op. 11 N°2, Caresse Dansée, Op. 57 N°2, Feuillet D'Album, Op. 45 N°1, Flammes Sombres, Op. 73 N°2, arrangements pour big band)

Dis, le 1er avril c'est terminé, non? (si je coince les types qui ont fait ça... )

C'est trop fort !!!

Wynton Marsalis excelle dans les deux (cf ses disques de concertos). Ainsi que Michel Portal ou Louis Sclavis par exemple.
N'oublions pas qu'aujourd'hui il est très difficile de différencier musique contemporaine et free jazz tendance musiques improvisées.
D'ailleurs, le Triton (Les Lilas - 93) a déjà organisé deux rencontres entre 3 jazzmen et 3 musiciens de l'Intercontemporain autour des musiques improvisées.

Pour ce qui est des réappropriations :
Uri Caine a proposé des approches sympathiques de divers compositeurs, mais j'ai surtout apprécié son disque consacré à Mahler. Jacques Loussier s'est emparé de Bach avec un touché fabuleux, et le trio Humair-Celea-Coutourier a sorti l'an dernier un disque de réinterprétations de pièces classiques.

EDIT : Scriabin's Groove est sur Deezer...

Suis en train d'écouter sur Deezer j'aime beaucoup

Salut a tous,

Je debute dans le classique mais j'ecoute beaucoup de jazz. En attendant d'etoffer ma discotheque avec les chefs d'oeuvres classiques que je compte bien denicher dans les pages de ce forum, j'explore les passerelles entre ces 2 genres.

Si vous avez des titres a proposer

Pour ma part, je vous propose les disques suivants que j'emmenerais volontiers sur une ile deserte:

Jacques Louissier: Plays Bach


Jacques Loussier: Allegretto from Symphony No. 7, Theme and Variations


Antoine Herve: Mozart, La nuit


Claude Bolling: Suite for Flute & Jazz Piano Trio avec JP Rampal


Hubert Laws: The Rite Of Spring


Hubert Laws: In the beginning


Belmondo: Hymne au soleil


Emmanuel Pahud: into the blue


Bernard Struber: Parfum de Recidive (Celui la, il est au carrefour de tous les genres...)



Un autre que je ne sais pas trop classer et que j'adore (plus baroque qu'autre chose je pense):

Rolf Lislevand: Nuove Musiche



Bref...
Si vous avez dans la meme veine, je suis preneur

Cela peut etre du jazz interprete de facon classique ou du classique interprete de facon jazz...

Merci!
Z.

Il existe (ou a existé ?) un courant appelé "Third Stream" et qui proposait une sorte de synthèse entre le Jazz et le Classique, dans les années 50. Mais il semblerait que la mayonnaise n' ait jamais vraiment pris.
Charles Mingus, qui possédait une véritable formation classique, s' y est essayé (au moins une fois, dans un morceau appelé Half-Mast Inhibition). Bof bof... pas ce qu' il a fait de mieux.
Le principale représentant de ce courant s' appelle Gunther Schuller.


C' est tout ce que je sais sur le sujet.

Bien vu "Hein ?"

Le Third Stream à été un courant important du jazz des années 50, représenté par la figure tutélaire de Gunther Schuller.
Circonscrit dans les encyclopédies à une experimentation ponctuelle des années 50, il n'en a pas moins profondément irrigué le jazz jusqu'a nos jours.
Parmi les artistes que l'on peut rattacher de près ou de loin à ce courant, citons: Bill Russo, John Carisi, Lennie Tristano, voire même le Miles de Birth of the Cool et de ses collaborations avec Gil Evans, George Russell, certaines dimensions de la musique de Duke Ellington, Stan Kenton, André Hodeir , l'Ornette Coleman de Skies of America, l'Eric Dolphy collaborant avec Schuller (à noter que son referentiel Out to Lunch a des touches Third Stream), certaines aspects de la musique de Charles Mingus, voire même certaines choses chez Leonard Bernstein ou Gershwin...la liste n'est evidemment pas close(on peut même ajouter l'Ebony Concerto de Stravinski).

Je garde pour la fin le plus imposante figure de l'interaction classique(dans son cas contemporain)/jazz: sa majesté Anthony Braxton.
Sa production aussi foisonnante que pléthorique a poussé jusqu'a ses derniers extremités la fusion de la musique moderne et du Jazz.

En fait c'est quoi le Third Stream ?

Canoniquement, une tentative de mêler la pratique et la sonorité de l'improvisation Jazz aux techniques d'ecriture et d'arrangement du classique(fugue, contrepoint, recours a des instruments comme le cor ou le basson...). Ce qui induit, selon le dosage du mélange entre les deux occurences, une très large palette d'expressions esthétiques...entre l'Out to Lunch d'Eric Dolphy et l'Ebony Concerto de Stravinski, il y a un monde et pourtant on est en droit de classer les deux dans le courant Third Stream...

Je ne connais pas ce style à fond, notamment le versant Jazz West-Coast, donc si quelqu'un veut enrichir la discussion il est le bienvenu.

J' aime beaucoup Out to Lunch de Dolphy, ainsi que son presque jumeau Iron-man. C' est effectivement assez sophistiqué pour être classé en "Third stream", je pense.
Sinon, il y a une excellente formation, "The Kenny Clarke & Fancy Boland Big Band" qui, dans un autre genre, offre aussi des compositions, des arrangements... très clean, très élaborés et parfois sans craindre les dissonances. Je suppose qu' on peut considéré ça, au moins en partie, comme "Third stream" ? En tout cas, c' est excellent.
J' aime pas trop le West-Coast. C' est pas assez "Black" pour moi et ça sent pas assez le fond de cave enfumé. Je ne peux pas t' aider là-dessus. Brubeck, Getz... c' est pas trop ma tasse de Bourbon.( ) Chet Baker, oui parfois mais rarement.

Et Anthony Braxton il est pas assez "black" pour toi?
Il est pourtant très influencé par le jazz West-Coast de Giuffre par exemple...

Mais je vois ce que tu veux dire, les sonorités des saxophonistes blancs sont souvent moins altérées, ils utilisent moins le vibrato (Konitz,Getz...),ils sonnent moins hard bop/bluesy/churchy.
Bien sûr, on pourrait trouver des contre-exemples mais je crois que ça correspond à une authentique tendance esthétique.

pas d'interaction mais une anecdote racontée par René Urtreger, pianiste jazz qui avait accompagné Miles Davis sur la BO d'Ascenseur pour l'échafaud... Un soir en tournée, il lui joua la fantaisie Op. 49 de chopin... A la fin, Miles Davis, au bord des larmes, lui dit qu'il échangerait bien tout ce qu'il avait fait jusque là contre le fait d'être le créateur de cette oeuvre.
Ce qui prouve une fois de plus qu'il avait sacrément bon goût hein.

sinon, pour revenir aux interactions, j'ai découvert il y a peu cette adaptation de la moonlight sonata de beethoven par marcus miller, mais là j'ai beau être fan du bonhomme, je ne suis vraiment pas convaicu.

https://www.youtube.com/watch?v=bhbi8GSsqrU

Miles pleurer?

On veut des preuves!!!

oleo a écrit:

... une anecdote racontée par René Urtreger, pianiste jazz qui avait accompagné Miles Davis sur la BO d'Ascenseur pour l'échafaud... Un soir en tournée, il lui joua la fantaisie Op. 49 de chopin... A la fin, Miles Davis, au bord des larmes, lui dit qu'il échangerait bien tout ce qu'il avait fait jusque là contre le fait d'être le créateur de cette oeuvre.

Si Miles versait quelques larmes, ça devait être plutôt en songeant à son avis d'imposition. Car on peut espérer qu'un musicien de cette trempe avait déjà entendu du Chopin et sa fantaisie op. 49 en particulier. De plus, je le vois assez mal s'extasiant devant cette oeuvre...

arnaud bellemontagne a écrit:

Miles pleurer?

Quint est très méchant.

Pardon.

J'ai pas compris.

DavidLeMarrec a écrit:

arnaud bellemontagne a écrit:

Miles pleurer?

Quint est très méchant.

Pardon.

arnaud bellemontagne a écrit:

J'ai pas compris.

David a plus d'un tour d'écrou dans son sac.

Ah, c'est une reference à l'opéra de Britten...
Fallait le trouver!

Effectivement

zorglub a écrit:

Hubert Laws: The Rite Of Spring

Ce disque est intéressant car ça va bien au delà du jazz. C'est plus contemporain que jazzy en fait comme lecture.
Des extraits sur mon blog:

http://alain70.unblog.fr/

Ornette Coleman : Forms and sounds pour trompette et quintette à vents, Saints and soldiers pour quatuor à cordes (1967).
Des pièces écrites d'Ornette, interprétées par un ensemble classique tout ce qu'il y a de plus respectable (et inspiré) et le compositeur à la trompette sur le premier titre (il tire de très belles inflexions de son instrument). C'est de l'atonal certes un peu pataud et uniforme, mais loin d'être ridicule. Il varie les textures et les dynamiques avec une lenteur usante, c'est trop long à mon goût. La première pièce, organisée comme un dialogue entre le soliste et le quintette, est plus divertissante et intéressante à suivre.