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| Consort Musicke | |
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Auteur | Message |
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antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 26 Aoû 2009 - 11:54 | |
| Je croyais que c'était un madrigal ! Je ne comprenais pas l'oubli du texte sous les parties. Aucune différence d'écriture pour la voix ou la viole en effet. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 26 Aoû 2009 - 12:50 | |
| Pour illustrer la problématique de l'interprétation, vous avez là un petit comparatif de deux versions d'un extrait de Christ rising again, l'une des consort anthems de Byrd les plus populaires en son temps : http://www.4shared.com/file/127837032/b71b7f4b/Christ_rising_again_comparatif.html D'abord Hilliard ensemble et London Baroque (1987), puis Red Byrd et le Rose Consort (1992). |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 26 Aoû 2009 - 13:04 | |
| J'ai beaucoup de mal à choisir entre les deux versions, tout le contrepoint se dégage bien mieux de la première même si c'est un peu mou, mais ça reste bien rythmé, les syncopes bien chaloupées. Un peu rapide pour la deuxième, ça va vers la danse mais le fugato des voix entrave cet effet.
Tu préfères laquelle ? |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 26 Aoû 2009 - 13:12 | |
| Largement la deuxième. Je ne peux pas blairer les timbres des Hilliard là-dedans, ils chuchotent ça comme du Dunstable. C'est vrai que la lenteur exhale un peu plus le contrepoint, mais dans ce type de passages ce n'est pas ce que je recherche, c'est plutôt l'embrasement collectif. On n'est pas dans une musique statique et planante où le jeu des motifs est primordial, mais dans quelque chose d'urgent et vindicatif. Chez Red Byrd, les voyelles prennent une autre consistance, les passages harmoniques ont une vraie couleur et une vraie vibration. C'est autrement plus passionné ; la différence est criante dans l'Amen final. Enfin, c'est ma perception personnelle. |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 26 Aoû 2009 - 13:24 | |
| On dirait presque de l'italien, voire même du français. En même temps je n'ai aucune idée du texte. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 27 Aoû 2009 - 13:29 | |
| Le texte de l'extrait se résume à :
For as in Adam all men do die, So by Christ all men shall be restored to life. Amen.
Les textes anglais sont beaucoup moins coquins que ceux des Italiens (question de thermomètre, je pense). Beaucoup de consort anthems étaient écrits pour les dévotions privées de la famille royale ou de gens aisés. Même dans le cas des consort songs empruntant des épisodes mythologiques, il me semble que le ton est souvent moraliste, pas question de s'arracher les cheveux et de se rouler par terre. L'engouement pour le madrigal italien (la mode des fa-la-las par exemple) a sûrement un peu bousculé cette tempérance angloise et apporté un ton plus léger, mais je doute franchement qu'on soit allé aussi loin qu'eux dans la sensualité. |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 27 Aoû 2009 - 13:37 | |
| Ah oui ! Quand même, le texte n'est pas neutre, inéluctabilité de la mort, résurrection... Le contraste est difficile à interpréter, un mix' des deux versions peut-être ? En fonction de ça je reste finalement peu convaincu par chacune des deux versions, trop lénifiante pour la première et trop primesautière pour la suivante. On attendrait bien les italiens dans ce répertoire, à voir, si Alessandrini voulait bien s'y intéresser... à moins qu'il ne l'ait déjà fait. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 27 Aoû 2009 - 13:59 | |
| Non c'est impossible, je serais tombé dessus en scrutant la discographie.
Le rapport au texte est illustré avec moins d'acuité chez les anglais que chez les italiens, c'est un fait communément admis. On trouve bien sûr des figuralismes, mais ça reste assez limité. Par exemple, les cascades de O down on us dans le Gibbons de la page précédente. De même, ce Byrd-ci commence par une belle ascension progressive sur les mots Christ rising. Mais je n'ai pas connaissance d'illustrations appuyées comme par exemple les vocalises de Adio Florida bella ou les harmonies déchirantes sur les dolorosi etc... Par exemple, Byrd élabore un jeu de rebonds sur all men do die - on dirait des toudoum de Gospel - dans un contexte harmonique tout sauf tragique, c'est franchement désinvolte par rapport à l'inéluctabilité de la mort que tu soulignes.
De plus, je crois que ce texte est assez joyeux, finalement, l'accent a l'air d'être mis sur le triomphe pascal. La polyphonie inclut des répétitions de motifs, des échos rapides entre les deux solistes, des sortes de hoquets : ce n'est pas vraiment un style d'écriture où les voix s'entremêlent délicatement en faisant miroiter des changements couleurs, ça appelle plutôt une certaine vigueur à mon sens.
La partition est ici, au cas où. Pour moi, une des plus belles consort anthems. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 27 Aoû 2009 - 14:42 | |
| Les ancêtres. Thomas Tallis (v1505 - 1585)A peu participé au développement de la musique pour consort, malgré une longévité qui lui a permis d'en connaître l'émergence. On le connaît surtout pour son Spem in alium à 40 voix, et ses magnifiques Lamentations. Son style est encore très proche des franco-flamands, avec des valeurs longues et l'utilisation presque systématique du cantus firmus. Pour les violes, il écrit deux In Nomine a 4 et un Libera nos, salva nos. On joue aussi parfois des transcriptions d'oeuvres pour clavier (une Fantasy). Ces oeuvres ne présentent, pour ce que j'en sais, aucun trait proprement violistique mais sont tout à fait belles. Christopher Tye (1505-1572)Plus impliqué que le précédent dans la composition pour les violes. Il écrit 24 In Nomine dont certains présentent des caractéristiques nettement instrumentales. Un certain goût pour l'expérimentation également, puisqu'on trouve une pièce à 5/4, et l'énigmatique Sit fast, où les décalages rythmiques sont tellement surprenants qu'il prévient les interprètes : Suivez la partition et ne vous inquiétez pas ; faites-moi confiance, n'ayez crainte. Malgré cela, l'utilisation du cantus firmus est encore au centre de la plupart des compositions, et il n'écrit qu'une pseudo- Fantasia sur les notes sol-mi-ut. - Spoiler:
Exemple : l' In Nomine n°12 de Tye, sous-titré Crye. L'emploi des notes répétées relève d'une écriture spécifiquement destinée aux violes, et distingue l'oeuvre d'une composition abstraite ou d'une adaptation de pièce vocale. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 27 Aoû 2009 - 15:55 | |
| In NomineUne forme spécifique à la musique anglaise pour consort. L'histoire est un peu incongrue : dans les premières décennies du XVIe siècle, le polyphoniste anglais John Taverner (v1490-1545) met en musique, dans le Benedictus de sa messe Gloria tibi trinitas, un cantus firmus issu du plain-chant sur les paroles In Nomine Domini : - Spoiler:
La polyphonie entourant le cantus firmus est moins complexe que le reste de la messe, et présente également une certaine sobriété par rapport aux standards de l'époque. Cette section acquiert une grande notoriété, dont attestent les nombreuses copies qui en sont réalisées en tant que pièce séparée, parfois sous la forme d'adaptations pour luth ou pour clavier. Peu à peu, d'autres compositeurs s'essayent à l'exercice : ils reprennent le même cantus firmus et brodent de nouvelles imitations autour, s'écartant de plus en plus du modèle pour proposer leur version personnelle et exercer leur ingéniosité. La mode se maintient pendant toute l'histoire du consort, on trouve ainsi plus de 150 versions de Tallis à Purcell. L'effectif peut aller de 3 à 40 voix, bien que ce dernier cas soit sujet à caution car la partition n'a jamais été retrouvée. Chacun élabore ses propres imitations plus ou moins hardies, sa propre structure pouvant inclure d'importants changements d'ambiance, ou essaye de changer les règles du jeu comme Ferrabosco II dans son In Nomine Through all Parts. Concrètement, il y a toujours une partie qui entonne le cantus firmus en valeurs longues au milieu d'un contrepoint plus ou moins complexe et coloré. La simplicité de la mélodie permet de nombreux éclairages harmoniques différents, ce qui n'est perceptible qu'en gardant une oreille sur la mélodie lente et en écoutant ce qui lui arrive. A jouer, les In Nomine procurent une sensation spéciale puisqu'un instrumentiste joue une mélodie rudimentaire beaucoup moins vite que les autres, ce qui n'est pas si facile à bien réaliser. Ce décalage donne une impression de survol majestueux. Une drôle de forme, une bizarrerie nationale dont on peut chercher l'équivalent dans la mode des ricercari sur l'hexacorde ou les fantaisies chromatiques qui fleurissent un peu partout à l'époque. Entre les In Nomine de Tallis et ceux de Purcell, l'évolution du langage est flagrante et peut servir de jalon historique pour apprécier le passage d'un certain archaïsme aux formes les plus sophistiquées de l'écriture Renaissance. Les In Nomine de Purcell sont bien sûr très beaux, j'ai aussi un faible pour l' In Nomine a 6 en mi mineur de Jenkins.
Dernière édition par jerome le Ven 28 Aoû 2009 - 10:17, édité 1 fois |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Ven 28 Aoû 2009 - 5:25 | |
| Je n'ai pas saisi si le In nomine reposait toujours sur le même cantus firmus ou si chaque pièces recélait à chaque fois un thème mélodique original. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Ven 28 Aoû 2009 - 10:18 | |
| Tu fais bien de le faire remarquer, ce n'était pas explicite : on garde toujours le même cantus firmus. Beaucoup le tortillent un peu pour les besoins de leur mise en musique, mais dans le fond le point de départ reste celui-ci : - Spoiler:
Je trouve qu'on reconnaît nettement la patte de Mendelssohn
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| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Ven 28 Aoû 2009 - 13:03 | |
| C'est une très jolie mélodie. En écoutant d'autres In nomine j'avais entendu quelques altérations en effet comparé à l'extrait que tu avais posté.
On dirait plutôt la musique de la pub pour le fromage Chaussée-aux-moines. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Ven 28 Aoû 2009 - 13:04 | |
| Point du tout, on ne trouve nulle part le segment mélodique propre à l'antienne que tu évoques, qui ferait fa-mi-do-ré-ré. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Ven 28 Aoû 2009 - 14:33 | |
| La dynastie Ferrabosco (1)
Beaucoup de musiciens italiens sont employés à la cour d'Angleterre à partir du règne d'Henry VIII. Les charges étant héréditaires, ces émigrés constituent parfois de véritables petites dynasties (Ferrabosco, Lupo, Bassani) qui s'implantent dans le paysage musical anglais et y jouissent d'une grande influence.
Domenico Ferrabosco (Bologne 1513, Bologne 1574) : le grand-père.
Chanteur et compositeur, il travaille un temps à Rome aux côtés de Palestrina. Il publie un livre de madrigaux (Venise, 1542) qui acquiert une certaine notoriétré à travers l'Europe. On décrit sa musique comme gracieuse et agréable, moins profonde que celle de De Rore. Je n'ai jamais entendu ces madrigaux, mais le personnage a son importance pour l'Angleterre car il transmet sa technique musicale à ses fils.
Alfonso Ferrabosco I (Bologne 1543, Bologne 1588) : the Elder, il Padre.
Personnage capital pour la connexion musicale entre l'Angleterre et le continent. Il passe sa vie à voyager : enfant, il séjourne à Rome puis forme avec ses deux frères un trio de chanteurs au service du Cardinal de Guise à Paris. La reine Elizabeth l'engage à partir de 1562 comme musicien de cour. Il devient l'ami de William Byrd ; les deux musiciens échangent leur savoir-faire et se lancent des défis de composition (80 canons sur le Miserere, aujourd'hui perdus). Ferrabosco apporte avec lui sa maîtrise du contrepoint limpide alla Palestrina, alors que la technique anglaise était jusque-là relativement heurtée. Il connaît également en profondeur les oeuvres du jeune Lassus. Ferrabosco produit de belles Lamentations dans le style polyphonique traditionnel (cf. le disque Huelgas), des motets, et des madrigaux de style léger que les violistes transcrivent et jouent comme des pièces pour consort : par exemple un Solo e pensoso (disque Rose Consort) – rien à voir avec celui de Marenzio.
Dans le domaine instrumental il laisse l'un des premiers exemples de fantasy anglaise pour consort (a 4, connue seulement par son arrangement pour clavier), une pavane, trois In Nomine a 5. Il a donc un rôle de pionnier et est surtout intéressant à cet égard. Musicalement, on peut très bien faire l'impasse sur ses oeuvres instrumentales et se tourner directement vers celles de son génial collègue.
Ses fréquents voyages dans les milieux diplomatiques le mettent dans une position délicate ; à cause de ses liens avec Elisabeth, l'Inquisition en fait sa bête noire et il est emprisonné lors d'un voyage à Rome. Le Pape reçoit alors un courrier de Catherine de Médicis intercédant en sa faveur, sur la demande d'Elisabeth... On ne sait pas trop pour qui il roulait exactement, mais nul doute qu'il ait été un peu espion sur les bords. Plusieurs pays se l'arrachent jalousement, et il quitte définitivement l'Angleterre en 1578.
De retour en Italie, il poursuit son activité de madrigaliste, publie deux livres de Mardigali a cinque (1587) et collabore avec Luzzaschi et Marenzio au recueil L'Amoroso Ero l'année suivante. Malgré cette proximité avec les grands novateurs, il garde un style relativement traditionnel et n'adopte pas la tendance ultra-expressive et chromatique que développe Marenzio. On trouve malgré tout des modulations assez audacieuses dans certaines oeuvres, mais il les amène avec discrétion et sans emphase.
Il laisse en Angleterre son fiston Ferrabosco II, violiste et compositeur, qui fera beaucoup parler de lui au tournant du siècle... |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Lun 31 Aoû 2009 - 0:54 | |
| Quelques termes utiles pour la musique de consort, avant de passer à Master William. Anthem : Oeuvre chorale en langue anglaise sur un texte d'inspiration anglicane. Le terme n'apparaît que dans le courant du XVIIe siècle. Les compositeurs Elisabéthains ne l'ont donc jamais employé eux-mêmes, mais on l'utilise malgré tout pour qualifier certaines de leurs oeuvres. Broken Consort : Ensemble hétérogène d'instruments. Thomas Morley est le principal instigateur et l'un des premiers théoriciens de cette tendance, lointain ancêtre de l'orchestration. Cantus firmus : Mélodie, en principe issue du plain-chant, à partir de laquelle le compositeur élabore une mise en musique polyphonique. Par extension, n'importe quel élément mélodique énoncé lentement au sein d'une écriture plus complexe peut être considéré comme un cantus firmus : le terme désigne donc aussi cette technique de composition. Consort : Ensemble d'instruments. Déformation probable de l'italien "concerto" ou du français "concert". On l'emploie généralement pour désigner un ensemble homogène : consort de violes, de flûtes, etc... Consort anthem : Anthem faisant alterner un ou plusieurs solistes ( verse) avec le choeur complet ( chorus), l'ensemble étant soutenu par un consort de violes. Il semble qu'à l'origine les choeurs ait été assurés par les violistes eux-mêmes, chacun doublant à la voix sa partie instrumentale. Consort song : Oeuvre généralement écrite pour une voix soliste accompagnée d'un consort de violes (4 violes étant le standard). La partie soliste ( The first singing part ) n'est pas doublée aux violes, l'écriture des consort songs est donc généralement à 5 parties. Fantasia : Pièce instrumentale libre où le compositeur combine et fait alterner autant de thèmes mélodiques qu'il lui plaît. D'abord strictement contrapuntique, cette forme présente ensuite une grande variété de mélanges entre les tendances polyphonique et homophonique. Galliard : danse ternaire vigoureuse, habituellement constituée de trois phrases principales avec reprises. En Angleterre, fait traditionnellement suite à la Pavan. Ground : Segment mélodique plus ou moins court, généralement situé à la basse, dont la répétition obstinée sert de support à une série de variations. Par extension, le terme s'applique aux pièces qui font usage de ce procédé, souvent augmenté d'une dédicace. (Byrd : My Ladye Nevels Grownde). Motet : Oeuvre chorale sur un texte catholique - mais non liturgique - en latin. L'écriture est au moins partiellement contrapuntique. Part-song : Oeuvre chorale homophonique et populaire sur un texte anglais. Ricercar : Pièce contrapuntique où le compositeur traite de manière savante un ou plusieurs thèmes musicaux, généralement suffisamment simples pour permettre un traitement varié. Revêt souvent un caractère pédagogique. Song : A l'époque élisabéthaine, peut désigner tout type d'oeuvre vocale sur un texte anglais. Verse anthem : Anthem faisant alterner un ou plusieurs solistes ( verse) avec le choeur complet ( chorus). Implique donc un accompagnement pour les parties solistes, réalisé dans ce cas-ci à l'orgue. La tendance anglaise à répéter avec emphase le dernier vers d'une strophe serait à l'origine de cette forme. Ces définitions n'engagent que moi et ne représentent que ma propre compréhension des termes ; si vous voulez du solide je vous conseille de consulter des dictionnaires. N'hésitez pas à pointer du doigt les imprécisions et les erreurs que j'ai pu commettre. Si vous voyez d'autres termes utiles, dites-moi. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mar 1 Sep 2009 - 13:50 | |
| William Byrd (1539/43 – 1623) C'est l'un des compositeurs les plus importants de l'histoire de la musique anglaise, toutes époques confondues. On peut le considérer à la fois comme un des derniers grands polyphonistes de la Renaissance, et un pionnier dont les recherches musicales ouvrent la voix aux compositeurs de l'Age d'Or. Bien qu'il ait vécu suffisamment vieux pour la connaître entièrement, il s'est peu impliqué dans la vogue italienne qui anime l'Angleterre au tournant du siècle. Déjà un vieil homme vénérable à cette époque, il s'installe à la campagne et consacre son énergie à la composition pour le rite catholique dans le style ancien : au moment où les petits jeunes prennent sa suite dans la recherche de formes nouvelles, Byrd, lui, semble faire marche arrière vers la polyphonie Renaissance. Il laisse une oeuvre abondante et diverse, caractérisée par une grande maîtrise technique et architecturale, un sens mélodique inimitable et une profondeur de sentiment qui va souvent jusqu'à la gravité. Dans le domaine instrumental, il crée pour ainsi dire l'école du clavier anglais, la consort song et la fantasy pour consort, mais délaisse en revanche complètement le luth et le broken consort. Peu de traces écrites éclairent le bonhomme sur le plan personnel, ses habitudes de vies, son caractère. On peut bien sûr tenter quelques déductions, mais le portrait reste moins coloré que celui d'un Monteverdi, pourtant contemporain à peu de choses près. Les vingt années qui les séparent ont-elles suffi à faire progresser à ce point la notion de témoignage écrit ? Les Italiens sont-ils plus bavards par nature ? Ou peut-être les cercles sociaux dans lesquels évoluait Monteverdi étaient-ils simplement plus propices à la chronique quotidienne. Première période.Enfance et éducation (1539/43 – 1563) Byrd passe vraisemblablement son enfance en plein Londres. A en juger par son expression aisée en anglais comme en latin, il reçut une excellente éducation académique. Sur le plan musical, le biographe John Harley suppose qu'il fut remarqué jeune pour ses aptitudes et reçut un enseignement musical en conséquence, dès l'âge de sept ans. Il est probable qu'il ait participé au choeur de garçons de la Chapel Royal. En plus du chant, les membres de ce Boys Choir jouaient de la viole et donnaient des représentations théâtrales à la cour. Sans doute fut-il l'élève de Tallis : les deux hommes sont liés par des rapports musicaux étroits, se font des dédicaces chaleureuses, et Tallis sera le parrain du premier enfant de Byrd, Thomas. Lincoln (1563 – 1572) La cathédrale de Lincoln l'engage comme Master of the Choristers et Player or Pulsator at the organs. Pour une jeune musicien d'une vingtaine d'années, c'est un poste plutôt pas mal... L'ambiance n'est toutefois pas très favorable. Certains puritains anglicans sont partisans d'une restriction sévère de la musique à l'église, allant jusqu'à réclamer la suppression des orgues. Plusieurs instruments sont démantelés ; heureusement, celui de Byrd est épargné. Mais sa dextérité sur le clavier est diversement appréciée : en 70, suite à un conflit probable avec les puritains, on suspend son salaire pendant plusieurs mois. Son poste est finalement maintenu mais on lui recommande de s'en tenir à donner leurs notes aux chanteurs avant le plain-chant, et de se joindre au choeur pour les anthems au lieu de les accompagner à l'orgue. Certaines de ses Fancies pour clavier datent de cette époque... il a dû un peu trop prendre son pied à la tribune aux oreilles des puritains, amateurs d'une musique discrète et purement fonctionnelle. En 71 il recopie ses compositions, dans le but probable de présenter sa candidature à la Chapel Royal ; il y est engagé le 22 février 1572. Oeuvres de jeunesse (enfance, Lincoln) Les premières oeuvres qui nous sont parvenues dénotent un enseignement fondé sur les techniques du cantus firmus et du canon. Les pièces pour consort portent donc des titres latins, et l'écriture est relativement archaïque, plutôt abstraite, les valeurs rythmiques varient peu. Byrd retravaille plusieurs fois les mêmes cantus firmus, cherchant manifestement à améliorer sa technique, à découvrir de nouvelles possibilités. [Pour nuancer un peu cette impression de pure recherche intellectuelle, souvenons-nous que le plain-chant était une musique très vivante à l'époque de Byrd, et le fait de l'avoir pratiquée dès l'enfance devait conférer à ces mises en musique une charge émotive qu'il est plus difficile de saisir aujourd'hui.] Dans de nombreux cas, et particulièrement dans les In Nomine, il reprend des motifs déjà utilisés par d'autres compositeurs et tente de les développer différemment ou de les améliorer. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mar 1 Sep 2009 - 23:17 | |
| Ce sont les solutions de Ferrabosco I qu'il “corrige” dans ses In Nomine a 5 n° 3 et 4. Puis il compose le n°5, aboutissement de ses jeunes travaux sur le cantus firmus. Le découpage en cinq sections est particulièrement intéressant, il annonce ses futures recherches formelles dans le domaine de la Fantasia. In Nomine a 5 n°5 (Fretwork) - http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/william%20byrd%20in%20nomine%20no.%205 The firste twelve bars* : - Spoiler:
1) Quand on connaît les versions antérieures, le premier thème paraît particulièrement lyrique. La courbe est conjointe, descendante, à part un joli saut de sixte mineure qui accentue la plainte ; on pense aux sanglots de Flow my teares – le contour est presque identique. Donc, Byrd s'échappe de l'exercice de composition et commence à mettre de l'émotion dans le contrepoint. Plusieurs fausses relations viennent pimenter l'harmonie. Elles me semblent typiques de Byrd, et de la musique de consort en général. Rappelons que les anciennes règles d'écriture interdisaient les chromatismes au sein d'une même voix mais toléraient tout à fait les fausses relations (c'est exactement l'inverse dans la musique tonale). Ici le frottement est d'autant plus fort que les notes concernées se chevauchent brièvement. Le grincement se perçoit aisément à l'écoute. 2) [0'32] La deuxième section est dans le même esprit legato, mais un nouveau thème prend le relai, plus bref. 3) [0'59] Les trois notes répétées du nouveau thème évoquent furtivement le départ d'une section dansante. Ce ne sera pas le cas ici, puisque le contrepoint repart de plus belle, mais la rupture est tout de même notable. Dans les oeuvres ultérieures, l'idée d'une telle rupture est reprise et largement développée. 4) [1'25] Fort contraste : le quatrième thème est un arpège assez vif. Jeux d'échos entre le dessus et la basse ; je ne peux pas m'empêcher d'y entendre des “ byrd singings”. Byrd a fait plusieurs jeux de mots écrits sur son nom, et de nombreux passages de son oeuvre présentent de courts motifs sautillants et gracieux – c'est peut-être volontaire. 5) [1'50] Le début de la dernière section est un jeu d'imitations rapides entre le dessus et les trois voix graves. Là aussi, prémisse des futures fantaisies, et peut-être une allusion aux chants d'oiseaux. Il y a dans ces quelques notes un je-ne-sais-quoi de so Byrdish, ce ton de candeur généreuse qui fait le charme de ce compositeur. * Attention Xavier, c'est un ton plus bas, maux de tête possibles. |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 1:10 | |
| - jerome a écrit:
- On peut bien sûr tenter quelques déductions, mais le portrait reste moins coloré que celui d'un Monteverdi, pourtant contemporain à peu de choses près. Les vingt années qui les séparent ont-elles suffi à faire progresser à ce point la notion de témoignage écrit ? Les Italiens sont-ils plus bavards par nature ? Ou peut-être les cercles sociaux dans lesquels évoluait Monteverdi étaient-ils simplement plus propices à la chronique quotidienne.
Plusieurs raisons à cela sans doute. Monteverdi est un homme qui écrit beaucoup de spectacles de cours: opéras, ballets, divertissements, qui sont pour l'époque des superproductions et la croisée de plusieurs arts, il se doit alors de communiquer avec les librettistes et les poètes, les intendants, les autres musiciens avec lesquels il partage le travail. On conserve des quantités considérables de courriers de ce genre, très intéressants parce que Monteverdi y débat longuement de ses conceptions du théâtre en musique, des avancées de ses expérimentations pour le madrigal. Une autre raison, c'est qu'il a une telle renommée qu'il travaille pour plusieurs cours du nord de l'Italie de façon simultanée, les échanges épistolaires sont alors envoyés à des cadences dignes de msn. Monteverdi est un homme qui tisse de forts liens d'amitié qu'il entretient au long cours comme Striggio ou Schütz et qui dépassent le seul cadre professionnel. Il entretient une riche correspondance avec des Romains, son père, ses fils. C'est un homme de contact et très chaleureux. Est-ce que Byrd a ce charisme ? L'expérience du travail international ? A-t-il besoin comme Monteverdi d'autres artistes pour monter ses opéras et ses ballets ? Les bibliothèques du nord de l'Italie sont peut-être plus respectueuses de leurs archives. Les musiciens ont une place en Italie (et Monteverdi en particulier) sans doute plus admirée et respectée qu'en Angleterre ? Comme je me permets d'interrompre ce fil, j'en profite pour dire merci pour tout ça. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 1:23 | |
| Merci Monsieur Ça m'a l'air très pertinent tout ce que tu expliques. On peut aussi rajouter la situation délicate de Byrd en tant que catholique dans un pays anglican : ça a sûrement limité ses relations. Il était surtout lié avec des familles nobles qui avaient gardé la foi catho, et je crois qu'il squattait souvent chez eux, pas besoin de lettres. Effectivement, l'activité de compositeur de Byrd paraît essentiellement solitaire, ce sont les oeuvres d'un seul homme, et de plus en plus retiré du monde. A suivre. Une question : dans l'In Nomine, je n'ai pas réussi à trouver le mot adéquat pour le jeu d'imitations soprano-basse (5e section). Comment on qualifie exactement ce type d'échanges ? Responsorial ? Antiphonique ? |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 1:55 | |
| Il y a dans cet In nomine n°5 (dans la dernière partie) un jeu rythmique syncopé répétitif, mais qui ne vas pas pour autant jusqu'à la danse, qui fait très swing, qui surprend par son côté destructuré les violes ont l'air de se perdre. Pour les frottements entre voix c'est encore timide et maladroit sans doute. Les arpèges puis les "chants d'oiseaux" et enfin le swing, tout va vers une perte apparente de la sévérité du contrepoint du début. C'est sympa comme idée.
[Excusez-moi il est tard] |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 2:08 | |
| Oui la danse n'est pas encore là, comme tu le sais déjà elle apparaît bien plus explicitement dans certaines fantaisies plus tardives. Je vois là une ébauche, la naissance de l'idée, mais pas encore concrétisée. Mais entendons-nous bien, ça reste "un certain type" de danse. Pour les frottements : "timide", je suis d'accord : il n'y a que ces deux passages. De toutes façons Byrd est peu chromatique dans toute sa carrière, ce n'est pas chez lui qu'on trouvera du e fere aspre e selvagge. Pour "maladroit", si tu veux, mais ça apparaît tel quel aux quatre coins de la musique anglaise de cette période. C'est abrupt, surprenant - surtout au milieu d'une harmonie très consonante - , mais c'est comme ça. On peut y voir un conflit entre gammes mineures ascendante et descendante. Pour ma part je m'en délecte de cette fausse relation |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 2:18 | |
| Pour la danse à l'occasion si tu pouvais nous parler un peu ? Les termes Galliard et Pavan semblent d'origine française. Les échanges trans-manche sont notables ? |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 2:23 | |
| Ah ça malheureusement, je ne sais pas. Je ne peux pas te répondre à l'heure actuelle. EDIT : après un bref coup d'oeil dans un dico, les deux semblent venir d'Italie, où elles apparaissent au début du XVIe. Rien n'est dit sur les raisons de cette circulation européenne. Mais ce genre de notions, c'est assez compliqué en général, ça implique tellement de données historiques... Si je tombe sur une info, je te dis. |
| | | antrav Papa pingouin
Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 2:36 | |
| Je me doute bien que c'est très marginal comme intérêt, la musique anglaise n'est pas spécialement connue pour ses danses. Mais ici comme sans doute en France, la danse n'est pas d'origine populaire, elle doit visiblement circuler sous forme écrite. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 12:46 | |
| - Citation :
- la musique anglaise n'est pas spécialement connue pour ses danses
La gigue (jig) est d'origine écossaise, quand même. - Citation :
- la danse n'est pas d'origine populaire,
Oui, ce sont des danses de cour. En plus, les compositeurs en ont vite fait des mises en musique assez riches, on parle pour les Elisabéthains de "danses abstraites", en particulier pour les Pavans développées. J'utilise donc ici le mot "danse" pour qualifier un mouvement rythmique entraînant, plus qu'en allusion à une vraie pratique chorégraphique. Voici ce que dit le Grove : L'origine italienne des deux danses est confirmée. La Pavan est plus ancienne (sous forme écrite en tous cas). D'abord appelée Padoane (donc, de la ville de Padoue, Italie du nord). Premiers sous-titres : " alla Venetiana, alla Ferrarese". Versions pour luth dès 1508, pour clavier vers 1530. A l'origine elle est plutôt couplée avec le saltarello. Le style est d'abord simple et homophonique, mais au moment où elle s'essouffle en tant que danse les anglais lui donnent une seconde vie en tant que forme instrumentale plus travaillée. Une des premières pavans anglaises est la Kyng Harry the VIIIth Pavyn, arrangement clavier d'un consort a 4. La Galliard est appelée gagliarda en Italie du nord, où on l'enseigne dans les écoles de danse au tournant du XVIe siècle. Les premières versions publiées sont par contre pratiquement contemporaines dans les deux pays : Italie 1546 pour luth, 1551 pour clavier, Angleterre v1540 (réductions clavier de pièces pour consort). |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 13:58 | |
| [oeuvres de jeunesse – suite]
Dès son embauche à Lincoln, Byrd abandonne la technique du cantus firmus dans sa musique instrumentale. Il continuera en revanche à l'utiliser dans sa musique vocale. Abandonner le cantus firmus, c'est s'émanciper d'un guide bien commode sur le plan structurel : la longue mélodie fournit un fil conducteur, un point de départ en béton. La Fantasia, c'est la liberté : on y met exactement ce qu'on veut. Mais cette liberté a un revers, c'est la nécessité d'inventer une structure organique qui donne un équilibre à la pièce. Les premières Fantasias pour clavier semblent marquées par la pratique de l'improvisation de contrechants sur un cantus firmus, pratique qui faisait certainement partie de l'entraînement du jeune Byrd. Dans certains cas on repère des “points de montage”, comme si plusieurs pièces différentes avaient été assemblées pour n'en former qu'une seule. Sur le plan de la forme, c'est encore du bricolage.
La première Fantasy pour consort est décevante. Il s'agit de la Fantasy a 6 in F. Je ne l'ai jamais entendue aux violes, les consorts l'excluent visiblement de leur répertoire pour sa trop grande monotonie. Mais Byrd l'adapte en motet et la publie en 75 sous le titre Laudate Domine. La structure est très symétrique : dans chaque section un thème circule sagement à travers chacune des voix, puis l'ensemble est ré-exposé sans bouleversement notable. On répète ensuite la procédure avec un nouveau thème, sans que l'atmosphère et le débit varient vraiment. Je connais deux versions : la vidéo de la Royal Wind Music dont nous parlions il y a peu avec Crapio, et la version chorale Laudate Domine dirigée par Andrew McKay. Je ne vous recommande pas plus que ça de consacrer du temps à ces écoutes, c'est à mon avis d'un intérêt strictement documentaire. Mieux vaut s'intéresser à la suite.
EDIT : j'ai trouvé une charmante version MIDI de cette fantasy, réalisée par John Sankey.
Dernière édition par jerome le Jeu 3 Sep 2009 - 0:34, édité 2 fois |
| | | Jules Biron Noctambule
Nombre de messages : 12381 Age : 32 Date d'inscription : 23/02/2007
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 14:04 | |
| - natrav a écrit:
- Pour la danse à l'occasion si tu pouvais nous parler un peu ? Les termes Galliard et Pavan semblent d'origine française. Les échanges trans-manche sont notables ?
Est ce que ce ne sont pas des mots restés de la "colonie normande qui a mal tourné" tout simplement ? (autrement dit de l'arrivée de Guillaume le Conquérant en 1066) Ou bien peut être est-ce tout de même trop tôt ? |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 14:15 | |
| Pour l'étymologie des termes français :
Pavane apparaît en 1529 sous la forme pavenne. Dérivé de l'Italien. Là, pas de doute. Gaillarde est plus complexe : le mot gaillard dérive du gallo-romain ("force") et apparaît dès 1080. Mais gaillarde dans le sens qui nous intéresse n'est attesté qu'à partir de 1548 en français. Ça m'étonnerait qu'il y ait un vrai emprunt au français de la part des Italiens (et à plus forte raison des anglais), car vue l'origine de la racine ils n'ont pas dû avoir besoin de venir la chercher chez nous. |
| | | Mehdi Okr Mélomaniaque
Nombre de messages : 1703 Date d'inscription : 04/02/2009
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 15:37 | |
| - jerome a écrit:
- Pour l'étymologie des termes français :
Pavane apparaît en 1529 sous la forme pavenne. Dérivé de l'Italien. Là, pas de doute. Quoique certains suggèrent une influence du paon. http://www.etymonline.com/index.php?search=pavan&searchmode=none - jerome a écrit:
- Gaillarde est plus complexe : le mot gaillard dérive du gallo-romain ("force") et apparaît dès 1080. Mais gaillarde dans le sens qui nous intéresse n'est attesté qu'à partir de 1548 en français. Ça m'étonnerait qu'il y ait un vrai emprunt au français de la part des Italiens (et à plus forte raison des anglais), car vue l'origine de la racine ils n'ont pas dû avoir besoin de venir la chercher chez nous.
Probablement pas d'emprunt pour le nom de la danse. Par contre, est-ce que le nom italien "gagliardo" et "gagliarda" est relevé aussi tôt en Italie que le nom "gaillard" en France ? http://www.etimo.it/?term=gagliardo http://www.cnrtl.fr/definition/gaillarde |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 15:49 | |
| - machinade a écrit:
- Quoique certains suggèrent une influence du paon.
http://www.etymonline.com/index.php?search=pavan&searchmode=none Oui, ma source indiquait les probabilités dans l'ordre inverse, donc j'ai privilégié Padoue. - Citation :
- Probablement pas d'emprunt pour le nom de la danse. Par contre, est-ce que le nom italien "gagliardo" et "gagliarda" est relevé aussi tôt en Italie que le nom "gaillard" en France ?
http://www.etimo.it/?term=gagliardo http://www.cnrtl.fr/definition/gaillarde Ton lien italien ne donne pas de date, donc on ne sait pas. Etant donné que la racine est gallo-romaine, je suppose qu'on ne peut pas vraiment parler d'appropriation même si le terme français est apparu avant ? Pour l'aspect musical des choses, la question semble résolue, les deux danses viennent d'Italie, et même si le mot Gaillard était plus ancien en français, les anglais ont certainement adapté le terme italien en important la danse. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 17:05 | |
| [oeuvres de jeunesse – suite et fin]A Lincoln, Byrd commence également à composer des Grounds : Grounds en Sol, sol mineur, Do, the Second Ground (clavier) et pour le consort le Preludium and Ground a 5 “the Queenes Goodnight”. Ce dernier utilise l'air populaire Good night, good rest, que d'autres compositeurs ont traité à cette époque. Là encore, l'oeuvre n'est pas renversante à mon avis. Le thème mélodique n'a pas une grande personnalité, et c'est peut-être pour cette raison qu'il l'a choisi : se résumant à une montée sur le pentacorde, il permet toutes sortes d'imitations sans trop se casser la tête. On observe malgré tout une certaine ambition dans la construction : les variations se succèdent en accélérant peu à peu le débit. Les fausses relations Englyshe Stylee sont toujours présentes, et même parfois simultanées : fa contre fa# attaquées ensemble, sans scrupule. Plusieurs sections utilisent en alternance les quatre voix aigües et les quatre voix graves ; un très léger signe de parenté avec le madrigal ? En tous cas, Byrd cherche à varier la texture du contrepoint. Autre technique notable : l'apparition des triolets comme point culminant du raccourcissement des valeurs rythmiques. La mesure reste binaire, mais se transforme en quelque sorte en 12/8, truffé de siciliennes rapides à toutes les voix. A part ça, encore une oeuvre dont on peut se passer (désolé ) et d'ailleurs la plupart des interprètes la boudent. Par contre, les Grounds au clavier sont sympas. |
| | | Mehdi Okr Mélomaniaque
Nombre de messages : 1703 Date d'inscription : 04/02/2009
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 23:11 | |
| - jerome a écrit:
Ton lien italien ne donne pas de date, donc on ne sait pas. Etant donné que la racine est gallo-romaine, je suppose qu'on ne peut pas vraiment parler d'appropriation même si le terme français est apparu avant ? Le Vocabulario Etimologico do Italiano, de Prati, publié chez Garzanti, date le mot italien du XIIe siècle seulement, et le fait venir soit du français soit du provençal. - jerome a écrit:
- Pour l'aspect musical des choses, la question semble résolue, les deux danses viennent d'Italie, et même si le mot Gaillard était plus ancien en français, les anglais ont certainement adapté le terme italien en important la danse.
Le Oxford Etymological Dictionary dérive le nom anglais de la danse du français. Mais ce n'est pas parole d'Évangile. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 23:20 | |
| - machinade a écrit:
- Le Oxford Etymological Dictionary dérive le nom anglais de la danse du français. Mais ce n'est pas parole d'Évangile.
Mais comment se peut-il que la danse vienne d'Italie et son nom du français ? |
| | | Mehdi Okr Mélomaniaque
Nombre de messages : 1703 Date d'inscription : 04/02/2009
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 2 Sep 2009 - 23:24 | |
| - jerome a écrit:
- machinade a écrit:
- Le Oxford Etymological Dictionary dérive le nom anglais de la danse du français. Mais ce n'est pas parole d'Évangile.
Mais comment se peut-il que la danse vienne d'Italie et son nom du français ? Je ne sais pas. Il faudrait voir exactement les conditions de son introduction en Angleterre. Même si elle vient d'Italie, peut-être a-t-elle été néanmoins importée au travers ou avec l'aide de Français, ou peut-être les Italiens qui l'ont importée en Angleterre préféraient -ils parler français qui était LA langue internationale de l'époque? Il y a de grande chances que nous ne connaîtrons jamais le fin mot de cette affaire. |
| | | Cello Chtchello
Nombre de messages : 5766 Date d'inscription : 03/01/2007
| Sujet: Re: Consort Musicke Mar 22 Sep 2009 - 15:23 | |
| - jerome a écrit:
- ... la musique anglaise connaît au tournant du siècle un pic de créativité que l'on considère aujourd'hui comme un Age d'Or, qu'on peut situer entre 1593 et 1622...
Pas seulement la musique. C'est un vrai Age d'Or pour toute la culture anglaise. Au théâtre, il y a Shakespeare bien sûr mais aussi Christopher Marlowe (un peu antérieur, mais bon) et Ben Jonson. Et le poète John Donne. Une telle éclosion de génies sur une si courte période (fruit des boulversements du XVIème siècle?)... C'est vraiment une des époques les plus passionnantes de l'Angleterre. Sinon, je connais un peu les consorts de Byrd et Dowland dont j'avais parlé il y a un an. J'en raffole. Je ne ressens aucune lassitude, je me plonge là-dedans et je suis entrainé. Et Purcell est un peu l'aboutissement du genre, non? Il en a aussi écrit au début de sa carrière. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mar 22 Sep 2009 - 15:30 | |
| Purcell comme aboutissement, c'est à la fois vrai et faux, c'est ambigu... Historiquement, il est le dernier. Ses pièces sont déjà anachroniques car le consort de violes est alors complètement désuet. Harmoniquement, il reprend le goût pour les bizarreries de ses prédécesseurs, adaptées à sa personnalité baroque. Beaucoup d'accords augmentés, en particulier. Il prend d'insolentes libertés, on sent le jeune prodige en pleine recherche. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ce n'est pas le coeur du répertoire ; ça sonne vraiment différemment, c'est à part. Le parfum baroque est perceptible même s'il est masqué dans une écriture encore contrapuntique (sans basse continue). |
| | | Cello Chtchello
Nombre de messages : 5766 Date d'inscription : 03/01/2007
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 23 Sep 2009 - 15:58 | |
| Je viens d'écouter ça: J'aime beaucoup. Une chouette sélection d'oeuvres finalement assez contrastées quand on y prête attention: tour à tour entraînantes ou languissantes. L'ennui ne guette pas d'autant que la musique elle-même est vraiment séduisante. Je ne connaissais aucun des noms (beaucoup d'anonymes, cela dit) mais j'ai eu l'oreille particulièrement attirée par les 2-3 pièces de Woodcock qui contiennent des frottements aussi inattendus et soudains que délicieux. Où tous ces compositeurs se placent-ils dans le tableau d'ensemble? |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Mer 23 Sep 2009 - 16:04 | |
| Eu égard aux dates indiquées et aux maigres souvenirs que je garde de ce disque, c'est assez vieux : White, Parsons et Taverner sont des papys. Woodcock, je connais très peu de choses de lui, et à vrai dire n'avais pas vraiment tilté sur les frottements dont tu parles. Il y a des chances qu'il s'agisse de la traditionnelle fausse relation entre la sensible et son homonyme abaissé. Je crois que ce répertoire est encore peu affecté par la vogue italienne et les innovations purement violistiques. |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 15:27 | |
| Mais, mais C'est que j'ai déjà écouté du Consort Musicke sans m'en rendre compte ! Le fameux Dowland (Lachrimae, Fancy etc.), c'était ça ! Très joli, mais à la longue, ça lasse. Et surtout, ça endort. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 15:38 | |
| - Spoiler:
tu apprécieras, j'espère, l'angélisme de cette réponse... et l'absence totale de référence à Verdi
Chez Dowland il y a beaucoup de Songs accompagnées au luth, sûrement une piste sympa pour toi |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 15:51 | |
| - jerome a écrit:
- Spoiler:
tu apprécieras, j'espère, l'angélisme de cette réponse... et l'absence totale de référence à Verdi
De toute façon, tu lui as déjà précédemment taillé un costard pour l'hiver au sieur Verdi. En fait, ça fait un peu comme le clavecin, le piano tout seul... à la fin, ça me lasse, il n'y a pas tellement de variété. L'orgue par exemple me satisfait nettement plus car les sonorités sont autrement plus variées. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 15:59 | |
| Si les violes sont bien jouées, on peut aisément imaginer un choeur à la place. Au-delà de l'aspect sonore un peu terne, il y a autant d'intentions expressives que si c'était chanté. Pour les lachrimae, il faut connaître la chanson flow my teares, chacune des sept "larmes" en est une variation. |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 16:01 | |
| Ce n'était uniquement que du luth... alors bon... ça fait quand même vache maigre face à un choeur. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 16:04 | |
| Alors si c'était au luth (plus une voix, j'imagine), c'était la chanson Flow my teares en elle-même. Les Lachrimae à proprement parler sont sept pavanes pour consort à 5, construites sur ce thème, avec d'infimes variations de climat. C'est LE tube de la musique pour Consort, et certainement le plus grand succès de Dowland. On y retrouve l'essence de son tempérament dépressif. EDIT : ah pardon, il existe effectivement une version pour luth seul, ce qui n'est pas étonnant. Egalement d'innombrables reprises par d'autres compositeurs.
Dernière édition par jerome le Jeu 24 Sep 2009 - 16:07, édité 1 fois |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 16:05 | |
| Ah...
Le CD en question, c'est Luth Music de Rooley. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 16:13 | |
| So try this : http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/flow%20my%20tears http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/lachrimae%20fretwork%20pavan Flow, my tears, fall from your springs! Exiled for ever, let me mourn; Where night's black bird her sad infamy sings, There let me live forlorn.
Down vain lights, shine you no more! No nights are dark enough for those That in despair their lost fortunes deplore. Light doth but shame disclose.
Never may my woes be relieved, Since pity is fled; And tears and sighs and groans my weary days Of all joys have deprived.
From the highest spire of contentment My fortune is thrown; And fear and grief and pain for my deserts Are my hopes, since hope is gone.
Hark! you shadows that in darkness dwell, Learn to contemn light Happy, happy they that in hell Feel not the world's despite. |
| | | Pison Futé patate power
Nombre de messages : 27496 Age : 33 Localisation : CAEN, la meilleure ville de toute la Normandie. Date d'inscription : 23/03/2008
| Sujet: Re: Consort Musicke Jeu 24 Sep 2009 - 16:24 | |
| Ok, merci. Je me demande si je n'ai pas eu, en concert, des "songs" de Dowland, à Caen. Là, ça me va très bien. Question sonorité, c'est plus étoffé à mon goût. Et c'est très, très beau. D'une beauté déchirante même. |
| | | Cello Chtchello
Nombre de messages : 5766 Date d'inscription : 03/01/2007
| Sujet: Re: Consort Musicke Lun 29 Mar 2010 - 10:25 | |
| Je découvre Jenkins avec des Fantasias, In Nomines et Pavans à six voix. C'est très inspiré d'un point de vue mélodique et vraiment varié. Excellent.
Lawes: Consort Sets In Five & Six Parts.
Pour le coup, là je sens bien une nette différence avec les compositeurs précédents. La musique se fait brillante, extravertie, presque concertante. Il me semble que la mélodie prend ici le dessus sur le contrepoint, avec des voix qui se détachent pour prendre l'ascendant alors que dans les oeuvres de ses prédécesseurs on avait un tout plus organique, plus équilibré, plus intime. Ca en fait peut-être une bonne porte d'entrée pour le genre. C'est davantage familier comme language en tout cas: le baroque est juste là derrière.
Je vais refaire un tour du côté de Byrd, Dowland et Prucell pour mieux cerner les différences de style.
Dernière édition par Cello le Mer 31 Mar 2010 - 15:15, édité 1 fois |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
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