Wagner-Ring-Janowski I (Dresde)

Après deux premiers volets relativelent low-voltage, j'ai été stupéfait d'entendre un tel relief dans Siegfried. Tout est tendu, mis en exergue, enluminé ou accentué comme dans une eau-forte.

Voix masculines fortes, tendues, sans velours, au contraire taillées d'une pièce dans une cotte de mailles. Mention spéciale pour le mime hallucinant de Schreier. Toute la scène de la forge est tendue à craquer et animée d'une vie rythmique implacable.

Ca fait envie et ça doit faire un beau contraste avec le remake de 2012, dont j'ai trouvé le Siegfried mou et pas très beau.

C'est dû à la qualité de diseurs des interprètes. Mime, Alberich, le Wanderer, Fafner (Schreier, Nimsgern, Adam, Salminen) vivent le texte de façon saisissante.

Kollo chante bien, mais est plus falot, plus 'straight'.

Tu ne trouves pas que c'est aussi vrai dans Rheingold?
Où on a les mêmes ainsi que la Fricka de Minton...

J'ai moins apprécié simplement parce que car je n'ai jamais vraiment aimé le Prologue du Ring. Je ne veux pas lancer de débat là-dessus, mais pour moi Sigfried est une oeuvre très supérieure. Wagner est allé à l'essentiel avec un minimum de personnages et une distribution de ce calibre fait une grosse différence.

J'ai oublié de parler de la Brünnhilde de Jeannine Altmeyer: fraîche de timbre, elle a quasiment la vaillance requise pour le rôle. Considérant son long coma artificiel, c'est approprié d'avoir une voix légèrement fragile - en tout cas pas aussi combative que dans Walküre.

Il me reste à réécouter cette deuxième Journée en faisant abstraction du découpage lamentable des disques. Chaque acte fait moins de 80 minutes et aurait pu être contenu sur un seul disque. Or, tout y est coupé, et pas nécessairement à un endroit qui fait du sens. De toute évidence un découpage fait pour le vinyle.

La structure est en forme d'arche (trois actes, trois scènes chacun) et cette architecture dramatique est sabotée lorsque scènes et actes chevauchent 4 disques. C'est la même bêtise avec la version Böhm... C'est malheureux car avec ces deux versions on a des Siegfried très allants, et grâce à cette structure tripartite on a la possibilité de bien faire ressortir l'architecture très classique de l'oeuvre. Quand c'est bien fait, Siegfried paraît nettement plus court que les autres opéras.

julot a écrit:

Ca fait envie et ça doit faire un beau contraste avec le remake de 2012, dont j'ai trouvé le Siegfried mou et pas très beau.

Je trouve le Rheingold de Janowski-Dresde saisissant (caractères, allant, lisibilité, espace de la prise de son), mais j'entends dans Siegfried le même défaut que dans Walküre : hédonisme univoque, pas de tension dramatique, tout est transparent est beau, mais pas un pouce d'urgence.

D'autant plus étonnant que c'est le seul enregistrement, officiel ou non, où j'entends Janowski sur ce pied-là. Certains volets de son intégrale Wagner avec la Radio de Berlin manquent un peu d'élan, et sont étouffés par le mixage de PentaTone, mais rien qui ressemble à de l'indifférence à ce point.

J'ai complété l'écoute de ce Ring avec une longue pause entre Siegfried et Götterdämmerung.

Je me souviens avoir été un peu déçu par les deux premiers volets, que j'ai trouvés un peu "légers" dramatiquement. Cela me semblait un peu cursif et manquer d'emphase. J'avais peut-être tort, il faudrait que je réécoute.

Dans le cas de Siegfried et du Crépuscule, aucune réserve: c'est extrêmement dramatique et toujours très habité. Les voix sont uniformément excellentes, avec une petite réserve sur le ténor (Kollo), qui me semble manquer de poids vocal. Mais ce qu'il fait, il le fait bien. Altmeyer aussi est un peu légère, mais elle sait assombrir sa voix et conserver un très beau timbre. Alberich et Hagen sont magnifiquement joués et chantés.

Mais c'est surtout une considérable plus value technique (orchestre et prise de son) qui démarquent cet enregistrement. Cela "sonne" avec toute la puissance et la transparence que sa musique demande, en maintenant un équilibre parfait entre ces deux composantes essentielles de la palette sonore wagnérienne.