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| Marina Rebeka | |
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Auteur | Message |
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Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91585 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 26 Avr 2020 - 21:27 | |
| Débat déjà fait une centaine de fois. (pour moi le débat n'existe même pas, c'est une évidence) |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 26 Avr 2020 - 22:41 | |
| Oui, on est bien d'accord (d'où l'ironie de ma phrase en italiques...)
Mais ce serait quand même intéressant d'avoir de savoir si, pour Bizet, Gounod ou pour Massenet, on disposait d'informations précises, comme celles qu'on peut avoir sur Pelléas, à cause du (ou grâce au) clash Maeterlinck / Debussy. |
| | | Otello Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7308 Age : 58 Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 26 Avr 2020 - 22:43 | |
| - Benedictus a écrit:
- pour déterminer la «voix du rôle», Otello se réfère souvent, comme un peu plus haut, aux interprètes des créations; mais a-t-on la certitude que les compositeurs eux-mêmes considéraient ceux-ci comme les meilleurs interprètes possibles de leurs œuvres?
Je n'ai pas du tout l'intention de reprendre un débat longuement et multiplement abordé qui d'ailleurs n'a jamais abouti à un quelconque consensus (ce qui n'a aucune importance à vrai dire!). Ma réponse, qui pourrait faire des pages et des pages, sera donc courte et unique: pour une proportion écrasante des répertoires et notamment, entre autres, le répertoire baroque, le répertoire mozartien, la quasi totalité des répertoires italiens, français, allemand, ... du XIXème siècle et début du XXème, les compositeurs, sauf exceptions rares, ont composé leurs œuvres POUR des chanteurs et chanteuses spécifiques avec des particularités vocales toutes spécifiques et dont nous savons, en grande partie grâce aux abondantes correspondances des uns et des autres (compositeurs, librettistes, chanteurs, ...) qu'ils/elles réunissaient, encore une fois sauf exceptions rares, les critères recherchés par eux. Comme nous n'avons pas de témoignages sonores de cette époque, il faut donc se fier à la péréquation, subtile mais suffisamment informée pour être fiable, opérée par les différents travaux de la musicologie qui s'appuie sur les partitions, les écrits des compositeurs, les correspondances sus-citées, les carrières des artistes, les témoignages de l'époque (divers et variés), ... Par conséquent, on peut avoir une idée assez claire et précise (j'ai bien dit "assez" car la musicologie n'en finit pas d'approfondir ses sujets de travail) de ce qui convient et de ce qui ne convient pas comme voix pour tel ou tel rôle. D'aucuns ne partagent pas cette position qui entrave beaucoup, de leur point de vue, leurs goûts personnels, ce qui est faux puisque chacun aime évidemment ce qu'il veut (encore heureux d'ailleurs!) mais visiblement cette précision ne leur suffit pas... ça n'est pas bien grave ... |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 26 Avr 2020 - 22:55 | |
| - Benedictus a écrit:
- Oui, on est bien d'accord (d'où l'ironie de ma phrase en italiques...)
Mais ce serait quand même intéressant d'avoir de savoir si, pour Bizet, Gounod ou pour Massenet, on disposait d'informations précises, comme celles qu'on peut avoir sur Pelléas, à cause du (ou grâce au) clash Maeterlinck / Debussy. On en a, mais c'est vraiment variable selon les compositeurs et même les opéras… Debussy a clairement composé Mélisande dans l'absolu (en revanche certaines spécificités de l'espèce de ténor court du rôle de Pelléas est dû à Jean Périer, son créateur baryton-Martin pour qui Debussy a adopté quelques changements). Gounod et Bizet, ça dépendait de la maison qui les accueillait… Il y avait des typologies vocales quand on écrivait du grand opéra (liées aussi aux titulaires), des requêtes des directeurs (comme la valse de Mireille ajoutée pour Mme Carvalho, de qui n'avait pas beaucoup amusé Gounod)… Il faut vraiment faire au cas par cas, et voir à quel moment le compositeur avait connaissance de l'interprète, s'il en avait tenu compte de bon gré… Après cela se pose toujours la question qu'il est difficile d'extrapoler un profil vocal d'une description verbale : les modes d'émission et ce qu'on appelle large ou sombre, par exemple, on profondément changé de sens au fil des décennies. |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mar 28 Avr 2020 - 10:37 | |
| Je trouve quand même amusant que l'on parle de tout ça dans un sujet consacré à Rebeka, parangon de l'émission internationale, sans école, produisant tout de la même façon: opaque, grassement épaissie et entièrement organisée en arrière. J'ai d'ailleurs visionné sa Norma toulousaine la semaine dernière dont je n'ai pas trouvé grand' chose de bon à tirer, et qui signe l'evolution prévisible de ce genre de chanteuses. Je l'avais déjà entendue sur le vif en Mathilde et Anna Erisso dans le temps, et je dois dire que mon oracle était juste. C'est d'ailleurs assez malheureux tant l'instrument est beau. En tout cas, Il est vain, je pense, d'invoquer les premiers interprètes pour justifier le profil de pareils chanteurs, dont on peut raisonnablement penser qu'ils se rattachent d'avantage à notre époque qu'à une autre. - DavidleMarrec a écrit:
- Après cela se pose toujours la question qu'il est difficile d'extrapoler un profil vocal d'une description verbale : les modes d'émission et ce qu'on appelle large ou sombre, par exemple, on profondément changé de sens au fil des décennies.
Et par ce simple mot, tu ouvres la boîte de Pandore... (Pour rester dans le gras et la fin des Écoles, il faut dire que je ressors virtuellement et presque indemne de la Meuuuhdeuuuheuuu de Berlin, qui est tout à fait "symptomatique" du mal, si j'ose dire ) |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mar 28 Avr 2020 - 11:44 | |
| - Colbran a écrit:
- parangon de l'émission internationale, sans école, produisant tout de la même façon: opaque, grassement épaissie et entièrement organisée en arrière.
De ce point de vue-là, ce disque a tout de même été une bonne surprise: je craignais quelque chose de beaucoup plus opaque et volapuck, or, si c'est effectivement très en arrière et techniquement assez international, c'est très intelligible (pour être tout à fait honnête: sur la durée du disque, plus des trois quarts le sont parfaitement) et très juste linguistiquement (sur tous les paramètres.) Alors si en plus de ça, l'expertise historico-musicologique m'assure que c'est plus proche de la vérité historique que mes chouchoutes Renée Doria ou Martha Angelici, who am I to object? |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mar 28 Avr 2020 - 18:11 | |
| - Benedictus a écrit:
- Colbran a écrit:
- parangon de l'émission internationale, sans école, produisant tout de la même façon: opaque, grassement épaissie et entièrement organisée en arrière.
De ce point de vue-là, ce disque a tout de même été une bonne surprise: je craignais quelque chose de beaucoup plus opaque et volapuck, or, si c'est effectivement très en arrière et techniquement assez international, c'est très intelligible (pour être tout à fait honnête: sur la durée du disque, plus des trois quarts le sont parfaitement) et très juste linguistiquement (sur tous les paramètres.)
Alors si en plus de ça, l'expertise historico-musicologique m'assure que c'est plus proche de la vérité historique que mes chouchoutes Renée Doria ou Martha Angelici, who am I to object? Meanwhile in Russia. /watch?v=8Fa8DYNjn8M Pas encore écouté ce Elle, mais, plus généralement, ce qui étonne avec elle, c'est le décalage frappant entre ses studios, du moins les derniers ( Spirito, même si je déteste ça vocalement, n'était pas dénué d'accentuations intéressantes), généralement plus ambitieux dans l'expression , tant interprétative que strictement vocale (diction, dynamiques...), et l'épreuve de la scène où son inertie ferait presque regretter Anderson. J'ai encore le souvenir de son Anna Erisso, où, semblant pétrifiée par le rôle et la crainte de faire mal, elle débitait (mal) raide comme un piquet sa Grande scène finale. Forcément, chantée comme cela, ça ressemblait plus à un exercice de petite étudiante ... Sa Mathilde se la jouant grande dame sonnait plus toc qu'impérieuse femme de condition. Si contrainte. J'ai toujours l'impression d'entendre et de voir une chanteuse effrayée de la sortie de route en fait, l'émission bouchée et la lourde couverture n'aidant pas, bien sûr. En tout cas, je suis étonné de cette pluie d'éloges venant de David, qui, dans mon souvenir, était partisan de l'émission française nasillarde et ouverte partout, même où ce n'est pas demandé. |
| | | Otello Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7308 Age : 58 Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mer 29 Avr 2020 - 0:22 | |
| Ce n'est qu'un ressenti négatif tout à fait personnel et fondé sur rien de factuel! Elle n'était scéniquement dans Maometto II et elle n'est dans quoi que ce soit ni inerte, ni pétrifiée, ni craintive de faire mal, ni raide, ni contrainte ni effrayée d'une sortie de route qui n'en est jamais une! Et il n'y a rien dans cette voix qui soit opaque, grassement épaissi, et à l'émission bouchée! N'importe quoi !!! |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mer 29 Avr 2020 - 19:59 | |
| - Colbran a écrit:
- Meanwhile in Russia.
/watch?v=8Fa8DYNjn8M (Donc La Vestale.) Le français est problématique ici, oui, mais si on écoute sans regarder les poses (effectivement, elle fait de grands sourires à son public entre deux exclamations dramatiques, elle se recoiffe légèrement, se touche l'épaule tout en chantant…), on y trouve tout de même beaucoup d'intensité et d'expression ! - Citation :
- où son inertie ferait presque regretter Anderson.
Non. À côté de l'expressivité d'Anderson, Sutherland ressemble à Callas chantant La Madelon. J'ai trouvé Rebeka excellente dans les retransmissions aussi (Marguerite chez Gounod, à Vilnius je crois !). - Citation :
- En tout cas, je suis étonné de cette pluie d'éloges venant de David, qui, dans mon souvenir, était partisan de l'émission française nasillarde et ouverte partout, même où ce n'est pas demandé.
Ah ben oui, mon modèle c'est davantage Doria / Mesplé / Delunsch que Rebeka, dans ce répertoire… Pour autant, je suis capable de saluer et de prendre du plaisir à une voix bien faite et une incarnation prenante, même lorsqu'elle est à rebours de mes canons. Par ailleurs, ce type de timbre saturé (un peu dans les joues, comme Kurzak !) m'est vraiment agréable, ça change des voix détimbrées tout en gorge qui ont souvent la préférence des décideurs et du public – alors qu'elles sont inefficaces en projection et dangereuses pour la santé de long terme chanteurs. La Salomé (d'Hérodiade) qu'elle propose dans ce disque est d'une ampleur et d'une liberté assez sidérantes ! |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Mer 29 Avr 2020 - 20:26 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- un peu dans les joues
Oui, ça m'avait frappé. Je pensais que c'était quelque chose qui était devenu mal vu ou démodé. Quelqu'un aurait des pistes à ce sujet - d'où ça vient, à quoi ça sert, où et quand ça a été à la mode ou censuré, pourquoi...? |
| | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4116 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 10:19 | |
| C'est un reproche que les puristes faisaient déjà à Callas, je crois ? En tout cas, une chose est certaine, dans les années 90 puis 2000, on le reprochait systématiquement avec virulence (c'était toujours ce qui revenait à propos de Jennifer Larmore, par exemple) |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 11:09 | |
| - Benedictus a écrit:
- DavidLeMarrec a écrit:
- un peu dans les joues
Oui, ça m'avait frappé. Je pensais que c'était quelque chose qui était devenu mal vu ou démodé. Quelqu'un aurait des pistes à ce sujet - d'où ça vient, à quoi ça sert, où et quand ça a été à la mode ou censuré, pourquoi...? Je n'ai jamais lu d'explication allant au-delà de l'anathème (« Callas est tellement géniale, malgré son timbre laid et son chant dans les joues », « mon Dieu, Larmore chante dans les joues »). Mais je peux proposer une hypothèse. Si on prend le principe du chant à l'italienne, pour se faire entendre, le chanteur d'opéra doit faire résonner les fosses nasales et les os de la face (le « masque »). C'est en effet très efficace, si vous chantez bien dans le pif, je peux vous assurer qu'on vous entend immédiatement. De là, à l'époque de Callas, le chant « dans les joues » (qui ne résonne pas dans les joues évidemment, mais un peu plus bas dans le nez, peut-être un peu plus en bouche aussi) était assez différent de l'esthétique majoritaire, et peut-être un peu moins sonore (ce serait à vérifier, parce que Kurzak et Larmore font partie des voix les plus facilement sonores que j'aies entendues dans une salle d'opéra…). Comme c'est un son très facile à identifier, je crois que les critiques des périodes plus récents se sont fait plaisir en essayant de jouer au savant… Mais comme la majorité des chanteurs chante avec le pharynx et la bouche, désormais, reprocher un « chant dans les joues » (dont plus en avant et plus sonore) est faire grief d'une qualité, ça n'a pas beaucoup de sens. En tout cas, ça procure des moirures assez jolies et oblige à sortir le chant de la gorge, moi je suis plutôt client. |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 15:12 | |
| - Otello a écrit:
Ce n'est qu'un ressenti négatif tout à fait personnel et fondé sur rien de factuel! Elle n'était scéniquement dans Maometto II et elle n'est dans quoi que ce soit ni inerte, ni pétrifiée, ni craintive de faire mal, ni raide, ni contrainte ni effrayée d'une sortie de route qui n'en est jamais une! Et il n'y a rien dans cette voix qui soit opaque, grassement épaissi, et à l'émission bouchée! N'importe quoi !!! Pourtant, je ne suis jamais avare en précautions oratoires. Mais je tâcherai désormais de régler mon ressenti sur le tien pour ne pas raconter n'importe quoi et rester dans le factuellement correct... - DavidleMarrec a écrit:
- Pour autant, je suis capable de saluer et de prendre du plaisir à une voix bien faite et une incarnation prenante, même lorsqu'elle est à rebours de mes canons
Je plaisantais, et c'est tout à ton honneur. S'il y a un ayatollah ici, c'est bien moi. - Benedictus a écrit:
- Oui, ça m'avait frappé. Je pensais que c'était quelque chose qui était devenu mal vu ou démodé.
Quelqu'un aurait des pistes à ce sujet - d'où ça vient, à quoi ça sert, où et quand ça a été à la mode ou censuré, pourquoi...? Ah, vaste sujet! Je vais tenter quelque chose en essayant d'être bref et pas trop abscons. Je ne parlerais pas de son dans les joues, en ce qui me concerne. Simplement d'une émission qui prend une position basse et élargie pour différentes raisons: - Simuler un son rond et corpulent dans les zones de la voix naturellement plus complexes à gérer fermement chez le soprano (en particulier chez les lyriques et légers, l'essentiel de ce qu'on a sur le marché aujourd'hui), grave et médium, donc. - Construire artificiellement sur la zone cette fameuse couleur sombre et dense associée, dans l'imaginaire vocal actuel, à la voix dramatique. - Par des effets de couverture lourde associés (absolument inutiles à ce degré au centre ou en bas), anéantir les voyelles afin d'assurer une supposée homogénéité au son. - Mais plus généralement: les voix féminines contemporaines sont généralement sous-développées en zones centrale et grave, elles sont construites essentiellement sur l'octave supérieure. Il y a une incapacité chronique à assurer l'équilibre et la coordination des registres de poitrine et de tête , et une panique à l'idée du passage. C'est un problème de préparation, de travail, car c'est ce qui demande le plus d'effort dans la pratique du chant, et cela, les grand auteurs de traités italien du XVIII ème le disaient déjà. Ainsi, tout est émis sur un même mode, et la position basse est supposée palier cette absence de fermeté en s'épargnant de solliciter le registre de poitrine, pourtant nécessaire à la production des tons médians et graves, tout en donnant une fausse impression de consistance. Problème: plus ça descend et qu'on approche du passage, plus ça s'entend! Le son se tasse, s'opacifie, se vide, contraint et piégé dans sa position incommode. Excellent exemple chez Rebeka ici: /watch?v=6p7zl1qoZ3M. Au contraire, pour une voix librement produite, "en avant", fluide, sans contrainte, aux registres bien développés, affermis, et cordonnés le son, à toutes ses hauteurs demeure égal, clair et sonore. Dans la même pièce: Deutekom. Pourtant loin d'être ma Norma idéale et ici tardive (mais j'ai fait exprès de prendre une chanteuse plutôt récente et pas d'école italienne), ici: /watch?v=RA1lulm1HJo. Dés l'attaque, la comparaison avec Rebeka est implacable. Plus on remonte dans le temps, plus on note ce changement de "civilisation vocale" opéré depuis. Il fut un temps où même les soprani lyriques-léger et légers possédaient tous leurs registres cultivés, la voix montant et descendant dans un mouvement limpide, égal et " naturel". On m'accusera peut-être de faire de l'idéologie italocentrée, mais non, écoute de grandes wagnériennes ou des françaises début de siècle (ou Deutekom ). Il y a des styles, des esthétiques, qui varient (quoique Onegin, Leider, Lehmann ...) mais la construction est finalement assez équivalente et a un seul et même but: une voix claire, limpide, sonore, également placée, ductile et flexible, bien dans le ton et articulée sur le mot. Sinon, pour les raisons "historiques" ayant poussé à cet engouement, à mon sens: - le développement du studio et le bouleversement des habitudes d'écoute. - Le micro - Le surtitrage. Je m'explique. Ce type de manoeuvre sur l'emission a mécaniquement un effet néfaste sur la clarté de l'articulation et de la diction. ce qui aurait été intolérable plus en avant dans le temps. D'ailleurs, c'est toujours incroyable d'entendre des personnes défendre la technique supposément italienne de chanteurs difficilement intelligibles, à l'émission internationale. C'est vite oublié que TOUS les traités d'hérédité belcantiste sont clairs là-dessus. Voire intransigeants. Mancini, par exemple. Et c'est là que l'immense difficulté de la préparation italienne réside: parvenir à l'homogéneité du son tout en restant clair et équilibré sur toute l'extension, ni nasal, ni engorgé, limpide mais morbido et en étant toujours raisonnablement articulé. Le dit chiaroscuro, l'équilibre délicat du vertical et de l'horizontal pour reprendre la jolie expression d'une fameux maître de chant. - L'influence de Callas. Et dans une moindre mesure, Sutherland. Pour l'une comme pour l'autre il y a une incompréhension. On dit souvent que Callas chantait "dans les joues", c'est très vite dit. Ou du moins, pas tout le temps et pas à toutes les époques. Ça reste une chanteuse d'hier sur bien des aspects , sachant parfaitement tenir une ligne centrale en position haute avec un timbre clair, capable de descendre en vraie poitrine (quit à en faire trop), avec une diction excellente ainsi qu'une vraie ductilité sur l'extension et une agilité exceptionnelle à ses débuts. Mais il est vrai qu'elle a pu sombrer/gonfler, parcimonieusement au début dans un objectif de contrastes colorostiques, et ensuite plus généralement, quand la voix déclina.Pour Sutherland, c'est plus complexe, et dans son cas, il n'y a rien "dans les joues". C'est juste qu'elle a contribué dans le répertoire italien à populariser dans le médium un son extrêmement rond, opaque, informe, duveteux, et sur- couvert fondé sur le son intervocalique, et compris à tort comme de la morbidezza. En revanche, je ne suis pas du tout sûr que ce type d'émission soit démodé, au contraire. C'est même plutôt la norme et ce que la majorité du public attend dans les emplois dramatiques, voire lyriques. Des chanteuses comme Netrebko ou Yoncheva, pas vraiment des seconds couteaux pour théâtres de province, en sont aussi d'éminentes représentantes (avec des façons qui peuvent varier) . Et, généralement, ces choix deviennent de plus en plus évidents quand il y a un alourdissement du répertoire, ce n'est pas un hasard. - Francesco a écrit:
- C'est un reproche que les puristes faisaient déjà à Callas, je crois ?
En tout cas, une chose est certaine, dans les années 90 puis 2000, on le reprochait systématiquement avec virulence (c'était toujours ce qui revenait à propos de Jennifer Larmore, par exemple) Pour moi, Larmore, c'est encore différent, c'est engorgé. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 17:09 | |
| Merci! C'est très clair, et passionnant! Juste deux ou trois petites réactions. - Colbran a écrit:
- Il fut un temps où même les soprani lyriques-léger et légers possédaient tous leurs registres cultivés, la voix montant et descendant dans un mouvement limpide, égal et " naturel". On m'accusera peut-être de faire de l'idéologie italocentrée, mais non, écoute de grandes wagnériennes ou des françaises début de siècle (ou Deutekom ). Il y a des styles, des esthétiques, qui varient (quoique Onegin, Leider, Lehmann ...) mais la construction est finalement assez équivalente et a un seul et même but: une voix claire, limpide, sonore, également placée, ductile et flexible, bien dans le ton et articulée sur le mot.
Je ne me hasarderai pas sur le chant italien, mais quand tu parles de chanteuses wagnériennes ou de françaises début de siècle (ou plutôt «première moitié du XXᵉ siècle», vu les noms que tu cites), je serais loin d'être aussi catégorique, en tout cas pour ce qui est de la voix «claire, limpide [...] et articulée sur le mot.» Dans ces deux domaines-là (wagnérien et français), j'ai l'impression que cette description correspond bien aux sopranos des années 50, mais pas vraiment à celles des années 30: par rapport à (disons) Martha Mödl ou Martha Angelici en effet limpides et très articulées, il me semble que Frida Leider ou Ninon Vallin sonnent de façon plutôt opaque et d'une intelligibilité toute relative (la pire étant probablement la wagnérienne française Germaine Lubin, pourtant portée aux nues par ses contemporains, et pas seulement les plus compromettants d'entre eux.) - Colbran a écrit:
- On dit souvent que Callas chantait "dans les joues", c'est très vite dit. Ou du moins, pas tout le temps et pas à toutes les époques. Ça reste une chanteuse d'hier sur bien des aspects , sachant parfaitement tenir une ligne centrale en position haute avec un timbre clair, capable de descendre en vraie poitrine (quit à en faire trop), avec une diction excellente ainsi qu'une vraie ductilité sur l'extension et une agilité exceptionnelle à ses débuts. Mais il est vrai qu'elle a pu sombrer/gonfler, parcimonieusement au début dans un objectif de contrastes colorostiques, et ensuite plus généralement, quand la voix déclina.
Voilà, dans ce que j'ai entendu de Maria Callas, j'ai l'impression que le «chant dans les joues» correspond plutôt à une posture parmi d'autres qu'elle emploie à certains moments bien précis pour des objectifs expressifs déterminés (j'ai l'impression que c'est souvent lié à l'expression d'une indignation ou d'une colère qui peine à se contenir) - quitte, comme tu le dis de ses poitrinés, à en faire trop: chez elle, l'effet est vraiment très audible, mais probablement parce que ça correspond justement à une visée expressive (et qu'on ne saurait guère lui reprocher des excès de sobriété dans ce domaine.) - Colbran a écrit:
- En revanche, je ne suis pas du tout sûr que ce type d'émission soit démodé, au contraire.
Encore une fois, je ne suis pas assez féru d'opéra italien pour m'en rendre compte, mais, à l'instar de Francesco, je me souviens que, quand je lisais la presse musicale à la fin des années 80 et dans les années 90, c'était, dans le discours des critiques, un élément qui était toujours retenu à charge contre les chanteuses qui y recouraient, et manifestement considéré comme une mauvaise manière, quelque chose qui ne se fait pas. Aujourd'hui, je n'en sais rien (je ne lis pas du tout la presse opératique.) Par ailleurs, je ne sais pas trop si c'est susceptible de cadrer avec ton développement, exclusivement centré sur le chant lyrique, mais j'avais été aussi frappé par l'usage très audible qu'en faisait, dans un tout autre genre, la chanteuse Barbara - pourtant dans un répertoire où la question du passage ne se pose pas, a priori. Je me demande jusqu'à quel point, ça ne correspond pas, comme chez Callas à un emploi expressif de cette posture vocale. (Au demeurant, c'est amusant, parce que, parmi les gens que je connais, ce sont souvent les mêmes qui idolâtrent l'une et l'autre - d'ailleurs tous sans exception des garçons sensibles, pour reprendre l'expression de Francesco¹.) ¹ auquel je me permets du coup de suggérer un beau sujet de thèse: Chant dans les joues et icônicité de genre. |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 19:15 | |
| - Benedictus a écrit:
- Je ne me hasarderai pas sur le chant italien, mais quand tu parles de chanteuses wagnériennes ou de françaises début de siècle (ou plutôt «première moitié du XXᵉ siècle», vu les noms que tu cites), je serais loin d'être aussi catégorique, en tout cas pour ce qui est de la voix «claire, limpide [...] et articulée sur le mot.» Dans ces deux domaines-là (wagnérien et français), j'ai l'impression que cette description correspond bien aux sopranos des années 50, mais pas vraiment à celles des années 30: par rapport à (disons) Martha Mödl ou Martha Angelici en effet limpides et très articulées, il me semble que Frida Leider ou Ninon Vallin sonnent de façon plutôt opaque et d'une intelligibilité toute relative (la pire étant probablement la wagnérienne française Germaine Lubin, pourtant portée aux nues par ses contemporains, et pas seulement les plus compromettants d'entre eux.)
Ça ne m'étonne pas que tu aies relevé Leider, en fait... D'où le petit aparté entre parenthèses sur les transfuges de style et d'esthétique. Moi, j'aime beaucoup ça. Car j'y trouve justement cet équilibre très italien entre verticalité et horizontalité, ce chiaroscuro, que j'explicitais plus bas. Il y a de ces inflexions qu'on retrouve même jusque dans les reste de Patti, d'Albani voire...Moreschi. C'est troublant. D'ailleurs, elle disait elle-même que l'école italienne avait libéré sa voix. Quelque chose de clair et antérieur (le vertical) mais assis sur un fondu morbido (l'horizontal), avec un travail magnifique sur l'homogénéité et l'équilibre des registres, quasi parfait chez elle. C'est un instrument conséquent et très opulent, cela joue aussi. Onegin, c'est un peu pareil, mais encore plus beau, voire divin, pour moi. Tu ne dois pas aimer ça, car c'est excessivement italien comme technique pour le coup. Alors oui, forcément ça n'a pas la clarté perçante de l'émission tout à fait nasale (donc pas du tout italienne) alla Angelici. Quant à l'articulation, bien entendu, avec une telle technique, on ne peut obtenir une voyelle parfaitement ouverte, c'est physiologiquement impossible, un équilibrage est nécessaire. Chez Leider, il est vrai aussi qu'il y a parfois un certain maniérisme d'époque propre à ces années (repérable chez les italiennes aussi), et poussant à l'hédonisme, avec une finition des phrasés un peu lâche . Mais globalement, je trouve ça admirablement organisé, vraiment pas du tout opaque ni arrière. Je ne me suis jamais remis de son air de Donna Anna. Quel slancio, quelle liberté sur toute l'extension, mon dieu! Ses Trovatore en allemand sont vraiment exotiques pour la langue, mais incroyables. Ils n'ont rien à envier aux italiennes! Et pour Lubin, je suis beaucoup moins client, mais joli gosier et école italienne, aussi! Formée par Litvinne (élève de Viardot) voix sublime, mais déjà peu soucieuse de l' articulation et ... Lehmann. - Benedictus a écrit:
- Par ailleurs, je ne sais pas trop si c'est susceptible de cadrer avec ton développement, exclusivement centré sur le chant lyrique, mais j'avais été aussi frappé par l'usage très audible qu'en faisait, dans un tout autre genre, la chanteuse Barbara - pourtant dans un répertoire où la question du passage ne se pose pas, a priori. Je me demande jusqu'à quel point, ça ne correspond pas, comme chez Callas à un emploi expressif de cette posture vocale. (Au demeurant, c'est amusant, parce que, parmi les gens que je connais, ce sont souvent les mêmes qui idolâtrent l'une et l'autre - d'ailleurs tous sans exception des garçons sensibles, pour reprendre l'expression de Francesco¹.)
Je ne dois pas être assez sensible, je ne saurais te répondre. Je ne connais pas assez Barbara pour me prononcer! Laissons cela à Francesco, donc. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 20:52 | |
| - Colbran a écrit:
- - Mais plus généralement: les voix féminines contemporaines sont généralement sous-développées en zones centrale et grave, elles sont construites essentiellement sur l'octave supérieure. Il y a une incapacité chronique à assurer l'équilibre et la coordination des registres de poitrine et de tête , et une panique à l'idée du passage. C'est un problème de préparation, de travail, car c'est ce qui demande le plus d'effort dans la pratique du chant, et cela, les grand auteurs de traités italien du XVIII ème le disaient déjà. Ainsi, tout est émis sur un même mode, et la position basse est supposée palier cette absence de fermeté en s'épargnant de solliciter le registre de poitrine, pourtant nécessaire à la production des tons médians et graves, tout en donnant une fausse impression de consistance. Problème: plus ça descend et qu'on approche du passage, plus ça s'entend! Le son se tasse, s'opacifie, se vide, contraint et piégé dans sa position incommode. Excellent exemple chez Rebeka ici: /watch?v=6p7zl1qoZ3M.
Au contraire, pour une voix librement produite, "en avant", fluide, sans contrainte, aux registres bien développés, affermis, et cordonnés le son, à toutes ses hauteurs demeure égal, clair et sonore. Dans la même pièce: Deutekom. Pourtant loin d'être ma Norma idéale et ici tardive (mais j'ai fait exprès de prendre une chanteuse plutôt récente et pas d'école italienne), ici: /watch?v=RA1lulm1HJo. Dés l'attaque, la comparaison avec Rebeka est implacable. Oui, ce n'est plus vraiment la question des joues, ça. Le chant 'dans les joues' n'a jamais été une posture majoritaire. - Citation :
- En revanche, je ne suis pas du tout sûr que ce type d'émission soit démodé, au contraire. C'est même plutôt la norme et ce que la majorité du public attend dans les emplois dramatiques, voire lyriques. Des chanteuses comme Netrebko ou Yoncheva, pas vraiment des seconds couteaux pour théâtres de province, en sont aussi d'éminentes représentantes (avec des façons qui peuvent varier) .
Yoncheva, parfois oui, Netrebko, ça me paraît beaucoup moins évident. Tout est arrondi et assez en arrière, mais pas beaucoup 'dans les joues', en tout cas ça ne m'a jamais frappé. - Citation :
- Pour moi, Larmore, c'est encore différent, c'est engorgé.
Pourtant, on entend très bien ce son spécifique (en avant mais en bas), type Callas-Souliotis-Aliberti… Je ne crois pas que Larmore soit engorgée : on l'entend très bien en salle, avec un impact direct que n'ont pas les voix en arrière, même les plus sonores (Netrebko par exemple). |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 21:02 | |
| Vous soulevez des choses importantes en effet : la fluctuation extrême des écoles en peu d'années (les années 30, quelle bouillie de voyelles chez les Italiens, par contraste avec la quasi-dureté de l'école des années 50…), en dix ans on passe de Boué à Doria… ; et aussi la dilution du sens de « chant italien ». Aujourd'hui la quasi-totalité des professeurs de chant, de toutes nations, s'en revendiquent (certes, c'est la base culturelle de l'opéra), mais on n'entend pas du tout cela dans le résultat de leurs élèves…
D'ailleurs, dans les exemples proposés par Colbran, difficile de parler d'une seule technique italienne entre, disons, Onegin et Simionato.
(Je n'ai pas trop compris non plus le sens respectif d'horizontal et vertical : la logique voudrait qu'horizontal soit avant / arrière et vertical nez / bouche, mais j'ai l'impression que ça ne correspond pas aux exemples que tu donnes. Un petit éclairage ?)
Sinon : j'aime beaucoup Leider (la clarté, la fluidité du lyrisme pour des rôles de hochdramatisch !), mais Lubin, non, vraiment pas possible pour moi. Voix totalement opaque et expression absente, indépendamment même du texte incompréhensible à un degré rarement atteint (Sutherland est trois étages au-dessus, niveau diction, et pourtant elle est déjà au sous-sol). |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 30 Avr 2020 - 23:15 | |
| - DavidleMarrec a écrit:
- Yoncheva, parfois oui, Netrebko, ça me paraît beaucoup moins évident. Tout est arrondi et assez en arrière, mais pas beaucoup 'dans les joues', en tout cas ça ne m'a jamais frappé
Ah mais, comme je disais, le son dans les joues, je n'y crois pas moi, je mets tout ça dans le même sac des positions basses et élargies. Pour Larmore, je ne sais pas, toute la première octave est très en fond de gorge pour moi, ça sonne comme du Bartoli en plus sonore. - DavidleMarrec a écrit:
- Je n'ai pas trop compris non plus le sens respectif d'horizontal et vertical : la logique voudrait qu'horizontal soit avant / arrière et vertical nez / bouche, mais j'ai l'impression que ça ne correspond pas aux exemples que tu donnes. Un petit éclairage ?)
Pardon, ce n'était pas clair, car le détail entre parenthèses était maladroitement interverti. Cette théorie n'est pas de moi, bien sûr, mais je la trouve personnellement très évocatrice et convaincante. Elle se base sur des considérations laconiques de Mancini ensuite développées par des exégèses. Pour produire "la voix claire et harmonieuse", celui-ci parlait du nécessaire accord/équilibre de l'espace buccal en bonne position (horizontale-"sourire" ) - apportant la composante brillante, haute et claire du son- et la gorge, la composante verticale, donc, celle de l'espace de résonance pharyngé bien ouvert et nécessaire pour procurer sa morbidesse. Une maximisation de toutes les cavités de résonance disponibles, donc, pour éviter soit " l'affondo" (position basse ou engorgée) ou la poussée de force étroite en avant (comme le font les baroqueux, par exemple, ou les émissions nasales). Ça rejoint un peu ce que disait encore laconiquement Tosi quand il formulait que la voix, claire et limpide, ne devait ni se noyer en gorge , ou passer dans le nez. Un nécessaire point d'équilibre, donc. Quand j'écoute Onegin, par exemple, c'est ce que j'entends. Après où plaçait-elle réellement le son, je n'en sais rien. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Ven 1 Mai 2020 - 6:53 | |
| - Colbran a écrit:
- Ah mais, comme je disais, le son dans les joues, je n'y crois pas moi, je mets tout ça dans le même sac des positions basses et élargies.
De toute façon, oui, faire résonner le son dans de la peau, ça marche pas. (ça décrit l'impression de l'auditeur, mais je ne sais pas trop ce qui se passe réellement) Position basse, oui (j'ai l'impression qu'il s'agit d'une façon de sombrer, par la bouche) mais les cas que je connais, on reste en général sur un son antérieur et assez bien focalisé, ce n'est pas du gros écrasement outrancier. (Kurzak ) - Citation :
- Pour Larmore, je ne sais pas, toute la première octave est très en fond de gorge pour moi, ça sonne comme du Bartoli en plus sonore.
Ça paraît gonflé, oui, mais elle a beaucoup progressé techniquement, et ce qu'elle fait depuis vingt ans est beaucoup plus franc – d'ailleurs elle renforce vraiment ses graves de mixtes de poitrine qui passent très bien la rampe ! En tout cas, ça sonne vraiment trop bien dans l'espace pour être du son de gorge, il y a une base de recette plus frontale qu'il n'y paraît (justement habillé de façon plus sombre / basse / élargie par l'effet « dans les joues », qui constitue plus une coquetterie que la véritable structure de la voix). - Citation :
- Elle se base sur des considérations laconiques de Mancini ensuite développées par des exégèses. Pour produire "la voix claire et harmonieuse", celui-ci parlait du nécessaire accord/équilibre de l'espace buccal en bonne position (horizontale-"sourire" ) - apportant la composante brillante, haute et claire du son- et la gorge, la composante verticale, donc, celle de l'espace de résonance pharyngé bien ouvert et nécessaire pour procurer sa morbidesse.
Merci, c'est clair maintenant ! (Je me figurais une horizontalité à angle droit de celle-là – pharynx-lèvres.) - Citation :
- ou la poussée de force étroite en avant (comme le font les baroqueux, par exemple, ou les émissions nasales).
- Citation :
- Ça rejoint un peu ce que disait encore laconiquement Tosi quand il formulait que la voix, claire et limpide, ne devait ni se noyer en gorge , ou passer dans le nez. Un nécessaire point d'équilibre, donc.
C'est le plus difficile dans le chant, oui : il n'existe pas d'absolu, on est toujours obligé de transiger entre les paramètres – on ne peut pas produire de voyelles absolument naturelles, mais on ne veut pas non plus de son intervocalique unique inidentifiable, on ne veut pas sonner nasal mais on est structurellement obligé d'utiliser les fosses nasales (sinon, on place le son en bouche et on ne passe plus l'orchestre…). Tout ça est un grand art. - Citation :
- Quand j'écoute Onegin, par exemple, c'est ce que j'entends. Après où plaçait-elle réellement le son, je n'en sais rien.
Il faudrait que je réécoute (je n'ai jamais aimé sa voix ni son esthétique). Un conseil sur quelque chose de vraiment vertigineux ? |
| | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4116 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Marina Rebeka Ven 1 Mai 2020 - 14:12 | |
| A côté du sujet : je ne suis fan ni de Barbara ni de Callas. Ma sensibilité me porte plutôt du côté de Zarah Leander, ce qui est pire. - Spoiler:
Homophobes !
Je résume ce que j'ai compris. Le son dans les joues est un mythe. C'est davantage un ressenti de l'auditeur et ça s'explique par une posture vocal (visant à dramatiser le son) qui provient en fait de la difficulté à émettre naturellement ou plutôt correctement techniquement des sonorités perçues comme dramatiques dans le grave et le medium. Du coup j'ai oublié si Rebeka chantait dans les (fausses) joues ou pas …. Et je m'interroge aussi sur le fait que tout le monde semble associer le peu de clarté dans l'articulation et ce type d'émission. Pourtant Callas, bla, bla, bla … |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Sam 2 Mai 2020 - 14:40 | |
| - Francesco a écrit:
- Ma sensibilité me porte plutôt du côté de Zarah Leander, ce qui est pire.
Ce qui est mieux. - Citation :
- Du coup j'ai oublié si Rebeka chantait dans les (fausses) joues ou pas ….
Oui. - Citation :
- Et je m'interroge aussi sur le fait que tout le monde semble associer le peu de clarté dans l'articulation et ce type d'émission. Pourtant Callas, bla, bla, bla …
Ah non, chanter dans les joues ne gêne pas du tout l'articulation, parce que c'est un placement plutôt à l'avant (bas au lieu d'être haut, mais avant et non arrière), ça ne gêne pas du tout. C'est le reste de la technique qui détermine si on est plutôt net comme Larmore ou Rebeka ou plutôt flou comme Kurzak. |
| | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4116 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Marina Rebeka Sam 2 Mai 2020 - 21:11 | |
| Je suis en train de tester de chanter bas au lieu de haut et en avant mais pas en arrière (enfin chanter …) : mes joues résonnent ! Ca y est je peux imiter Callas Je me demande ce que serait le chant dans les bajoues, maintenant … un truc de contralto sans doute. |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Sam 2 Mai 2020 - 22:49 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Ça paraît gonflé, oui, mais elle a beaucoup progressé techniquement, et ce qu'elle fait depuis vingt ans est beaucoup plus franc – d'ailleurs elle renforce vraiment ses graves de mixtes de poitrine qui passent très bien la rampe !
En tout cas, ça sonne vraiment trop bien dans l'espace pour être du son de gorge, il y a une base de recette plus frontale qu'il n'y paraît (justement habillé de façon plus sombre / basse / élargie par l'effet « dans les joues », qui constitue plus une coquetterie que la véritable structure de la voix). Vraiment? Bon, quand bien même nous nous n'accordions pas là-dessus, l'organisation que tu décris paraît assez anarchique pour une chanteuse dont le belcanto fut un cheval de bataille. - Citation :
- ou la poussée de force étroite en avant (comme le font les baroqueux, par exemple, ou les émissions nasales).
- DavidLeMarrec a écrit:
-
Je précise qu'à défaut, j'ai toujours tendance à nettement préférer une émission un tantinet déséquilibrée vers l'avant que le contraire, tant que ce n'est pas "tiré". Au moins, ça permet d'exploiter tous les registres de façon beaucoup plus effective et de mieux varier les dynamiques .Voilà pourquoi je préfère Deutekom à Rebeka, ou Horne (quand ça ne couine pas trop) à Larmore, par exemple. En revanche, l'émission fixe de Mater Kirkby et ses nombreux épigones, pour moi, c'est non. - DavidLeMarrec a écrit:
- C'est le plus difficile dans le chant, oui : il n'existe pas d'absolu, on est toujours obligé de transiger entre les paramètres – on ne peut pas produire de voyelles absolument naturelles, mais on ne veut pas non plus de son intervocalique unique inidentifiable, on ne veut pas sonner nasal mais on est structurellement obligé d'utiliser les fosses nasales (sinon, on place le son en bouche et on ne passe plus l'orchestre…). Tout ça est un grand art.
. C'est pour cela que l'on parle beaucoup, mais qu'il est difficile de conclure! - DavidLeMarrec a écrit:
- Il faudrait que je réécoute (je n'ai jamais aimé sa voix ni son esthétique). Un conseil sur quelque chose de vraiment vertigineux ?
Si tu n'aimes ni l'instrument, ni l'esthétique, difficile de te convaincre! Et comme je doute que nous ayons les mêmes paramètres pour définir le vertigineux en matière de chant . Pour moi, c'est un peu un rêve, cette voix. Qui coche à peu près toutes les cases. Un exemple unique d'homogénéité et de coordination réellement parfaites sur trois octaves. Un son pur et immatériel qui semble naître de partout et de nulle part, avec une morbidesse incroyable, mais qui n'entrave en rien la netteté des attaques et de la ligne, ainsi que la clarté de l'ensemble. Un souffle et un legato inépuisables, des nuances infinies, une totale flexibilité , et tout cela avec cette nonchalance, ce " non è difficile" en coin, alors que c'est infiniment complexe et raffiné techniquement ( sprezzatura?). Et un grand mystère, aussi. Pour avoir amplement échangé avec des gens bien plus savants que moi, on a jamais totalement compris ce qu'elle faisait pour obtenir cette qualité et cette égalité sur une si vaste extension. Mais déjà, je pense que cette organisation est bâtie sur l'instrument tel qu'il est, sans volonté de le travestir par des procédés artificiels, et c'est déjà beaucoup. C'est un contralto sonnant plus clair et léger d'émission que la plupart de nos lyriques-légers actuelles (je ne parle même pas des autres), déjà un bon indice. Mais effectivement, pas wagnerienne pour un sous, je pense. Difficile aussi de juger l'expression sur les vieux enregistrements, comme je l'avais déjà dit ici. Et Onegin, dans ses gravures, semble nous dire avant tout "écoutez ma technique incroyable" sans se soucier trop du reste, elle peut se permettre ! J'admets quand même fondre pour certaines de ses coquetteries, comme ses rubati, exquis. /watch?v=ZQvZlzsnp_M. (Tu n'aimeras pas, je le sais, mais tu l'as bien cherché!) - Francesco a écrit:
- Je résume ce que j'ai compris. Le son dans les joues est un mythe. Very Happy C'est davantage un ressenti de l'auditeur et ça s'explique par une posture vocal (visant à dramatiser le son) qui provient en fait de la difficulté à émettre naturellement ou plutôt correctement techniquement des sonorités perçues comme dramatiques dans le grave et le medium.
Oui. Mais fais attention en société quand même. Je doute que cette théorie soit vraiment dans l'air du temps. - Francesco a écrit:
- Et je m'interroge aussi sur le fait que tout le monde semble associer le peu de clarté dans l'articulation et ce type d'émission. Pourtant Callas, bla, bla, bla …
En ce qui me concerne, relis ma tirade plus haut, j'ai bien dit que je ne mettais pas la "bonne" Callas dans le groupe de chanteurs dont je dénonçais le vice (position basse - élargie- opaque - 'en arrière", joue ou pas, m'en fiche). Je ne vois que peu de rapport entre ça /watch?v=Ec3ZCgbkzSE (pourtant en 55, déclin amorcé) et la même chose dans le gosier de Rebeka, dans l'extrait que j'ai posté plus haut. Une voix avec la position que je dénonce ne parviendrait pas à cette fermeté et cette ductilité dans et entre les tons centraux, du bas-médium ou graves. Et la capacité dynamique et d'accentuation qui va avec. Il y a juste à écouter l'attaque, impitoyable pour les voix mal faites (ou non faites) en poitrine, et la messe est dite. Quoique l'ensemble de la pièce, horriblement incommode pour la chanteuse, soit une excellente jauge de ce point de vue. Si Callas sombre certaines voyelles pour signifier sa fureur (on peut trouver ça facile ou grossier), rien à voir avec l'émission invariablement tassée de Rebeka quand ça cherche dans la première octave. Sinon, en lisant David, je crains que tu ne doives encore choisir ton camp, mon pauvre Francesco. Même si ce qui compte pour toi, hein, tu sais bien que c'est ailleurs. Et ça te donnera encore l'occasion de ricaner en coin de ces circonvolutions qui n'en finissent pas avec ton petit air ingénu (mauvais garçon, sensible du coup) . Mais c'est ce qui fait le sel de l'histoire de chant. Il y en a bien qui parlent politique ou dissertent sur les mérites de Bartoli, après tout. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 3 Mai 2020 - 7:02 | |
| - Colbran a écrit:
- Je précise qu'à défaut, j'ai toujours tendance à nettement préférer une émission un tantinet déséquilibrée vers l'avant que le contraire, tant que ce n'est pas "tiré". Au moins, ça permet d'exploiter tous les registres de façon beaucoup plus effective et de mieux varier les dynamiques .Voilà pourquoi je préfère Deutekom à Rebeka, ou Horne (quand ça ne couine pas trop) à Larmore, par exemple. En revanche, l'émission fixe de Mater Kirkby et ses nombreux épigones, pour moi, c'est non.
Kirkby ne peut pas chanter Bellini (même pour moi qui y mettrais volontiers Mesplé ou Gillet), clairement, les dynamiques sont trop limitées. Mais avec le temps, j'ai appris à apprécier sa sobriété… (Il y a bien sûr beaucoup plus exaltant que Kirkby dans ce même genre de voix antérieure et étroite, même dans celles limitées en volume.) - Citation :
- C'est un contralto sonnant plus clair et léger d'émission que la plupart de nos lyriques-légers actuelles (je ne parle même pas des autres), déjà un bon indice.
/watch?v=ZQvZlzsnp_M. (Tu n'aimeras pas, je le sais, mais tu l'as bien cherché!) Ça rejoint mes souvenirs en effet, sur l'absence d'expression – et je n'aime décidément pas ces attaques gommées, ça amollit vraiment la ligne. Quant à l'aigu aigrelet final qui perd en substance (effet esthétique voulu, je sais), je ne suis pas inconditionnel non plus. Un peu trop liquide pour moi. En revanche, je suis admiratif, oui, du naturel d'émission, tout cela est fait avec beaucoup de sobriété et de facilité, une détente maximale – ma principale réserve étant que, précisément, on entend un peu trop que c'est détendu… ça n'a pas beaucoup d'enjeu dramatique, même pour du chant d'église on est très en deçà de l'expression requise. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Dim 3 Mai 2020 - 7:06 | |
| En réécoutant, quand on entend la tronche des hautbois (on dirait un harmonium !), je me dis que la voix devait avoir une ampleur et une majesté qui échappe aux micros… |
| | | Colbran Mélomane averti
Nombre de messages : 234 Date d'inscription : 07/09/2014
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 7 Mai 2020 - 18:26 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- ]Kirkby ne peut pas chanter Bellini
Pas plus que Hasse ou Haendel. - Citation :
- En réécoutant, quand on entend la tronche des hautbois (on dirait un harmonium !), je me dis que la voix devait avoir une ampleur et une majesté qui échappe aux micros…
C'était bien le cas, si l'on en croit la chronique. De même que pour son expressivité et la variété de son style, très favorablement jugés. Laissons-nous/lui le bénéfice du doute! Même si avec une telle voix, elle pourrait me chanter un programme de campagne que je ne m'ennuierais pas... Je laisse le fil aux admirateurs de cette brave Rebeka, maintenant. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97901 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Marina Rebeka Jeu 7 Mai 2020 - 23:37 | |
| - Colbran a écrit:
- Pas plus que Hasse ou Haendel.
Ce n'est pas complètement un drame pour moi. Je l'écoute dans Purcell et Couperin. - Citation :
- Même si avec une telle voix, elle pourrait me chanter un programme de campagne que je ne m'ennuierais pas...
(soupir) Ah, La Madelon par Georges Thill… |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
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| Sujet: Re: Marina Rebeka | |
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| | | | Marina Rebeka | |
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