Bonjour à tous !
Etant donné que Nielsen est clairement un de mes compositeurs favoris, et après avoir ouvert un fil sur ses sublimes symphonies, je me disais qu’en faire un sur ses opéras serait vraiment intéressant, d’autant plus qu’il ne sont vraiment pas très connus et qu’ils mériteraient franchement à être bien plus joués car ils contiennent de magnifiques choses.
La musique de Carl Nielsen est très connue dans son pays, à savoir le Danemark mais ne jouit pas encore de la même notoriété en dehors de ce dernier, même si, ces derniers temps, les chefs l’enregistrent de plus en plus. On peut rapprocher cela de Szymanowski, à la seule différence que Nielsen était très apprécié de son temps et beaucoup joué.
Revenons-en à ses opéras. Il en a écrit deux :
Saül og David et
MaskaradeCes deux opéras sont de style radicalement différents, je ferai une présentation générale des deux opéras : description et résumé de chaque acte, musique, airs marquants...
Comme Maskarade se trouve facilement sur Musicme dans la version que je possède d’ailleurs (Schirmer), j’ai décidé de commencer par celui-ci comme ça vous pourrez l'écouter, en plus, ça tombe bien, c’est un opéra comique, donc tout à fait rafraîchissant à écouter !
Je ferai la présentation de
Saül og David dans quelques mois.
Maskarade, FS 39 (1904 -1906)Tout comme le
Roi Roger de Szymanowski,
Maskarade de Nielsen (considéré comme l’opéra national danois) est un total chef-d’œuvre et compte parmi ces grandes raretés de l’histoire de l’opéra du XX° siècle pour lesquelles les connaisseurs et les autres compositeurs ont toujours manifesté une immense estime, mais qui n’ont jamais réussi à s’imposer sur scène.
Maskarade est le deuxième et dernier opéra achevé de Nielsen et est certainement un des plus réussis de tout le répertoire danois, il est d’ailleurs fréquemment représenté en Scandinavie...mais jamais chez nous !
Le livret de cet opéra vient de Villhelm Andersen d’après un thème de Holberg qui avait beaucoup plu à Nielsen.
Dans l’acte 2 dans la scène 3, Leonard définit à merveille la pensée dominante de l’opéra : « Je ne blâme pas les mascarades en tant que mascarades mais parce qu’elles deviennent l’habitude. Amusement inutile et divertissements d’enfants sont quelques fois aussi nécessaires à certaines personnes que la nourriture et la boisson, et en plus atténuant la mélancolie du peule, les mascarades sont une invention particulière et fameuse, car elles montrent aux gens l’égalité que prévalait avant que la morgue s’installe et que certains considèrent indigne d’eux de s’associer à d’autres ; car aussi longtemps que dure la mascarade, le serviteur est aussi bon que son maître ».
En fait, la mascarade devient le forum du bonheur et de la joie de vivre, dans laquelle tout s’unit : jeunes et vieux, riches et pauvres. Durant la mascarade, les personnages révèlent des qualités qu’ils essaient en temps normal de cacher. Finalement, ils jettent le masque quand ils sont masqués...
Dans
Maskarade, la mise en évidence fine et détaillée des caractères des personnages principaux n’est pas le point fort de l’opéra, ici, Nielsen s’intéresse plus à la comédie de situation qu’au drame de caractère.
Attention, ce qui suit dévoile l'intrigue...
SynopsisMaskarade se situe à Copenhague un jour de printemps 1723.
L’ouverture est une des pièces de Nielsen les plus jouées dans le monde. Cette ouverture est vraiment très belle, virtuose, tout le style Nielsenien y est présent, on reconnaît très aisément sa patte personnelle. Je rapprocherais cette ouverture de la très belle
Symphonie n°3 « Espansiva » par ses harmonies et ses mélodies tout à fait propres à Nielsen mais également ses accents rythmiques et son orchestration. Une superbe introduction !
Les personnages seront présentés au fur et à mesure de leur apparition.
Acte 1L’opéra commence, il est cinq heures de l’après midi, Léandre et son valet Henrik se réveillent dans leur demeure. Ils ont participé à la mascarade la veille dans le théâtre situé en face.
Henrik, encore un peu endormi pense qu’il est encore temps de danser, mais se fait brutalement réveiller par Léandre qui lui donne une claque.
Etant donné que Léandre est tombé amoureux d’une jeune fille la veille et qu’ils ont échangé leurs anneaux, il ne souhaite qu’une seule chose : la retrouver lors de la mascarade, la nuit suivante. Mais Jeronimus, le père de Léandre veut faire épouser une autre jeune fille à son fils que ce dernier n’a d’ailleurs jamais vue. Henrik, signale alors à Léandre que ne pas obéir aux souhaits de mariage de son père est une chose grave et à ce moment, là, intervient une scène particulièrement drôle de travestissement où l’on voit Henrik qui montre comment Léandre va au-devant de démêlés avec son père, son futur beau-père et la fille.
Tout ceci est rapidement interrompu par Magdelone, la femme de Jeronimus qui annonce qu’elle aimerait aussi participer à la mascarade la nuit suivante en montrant aux deux garçons qu’elle sait encore chanter et danser. C’est une scène assez drôle également, car Magdelone chante et danse pendant que les deux autres se moquent d’elle dans un coin.
Soudainement, Jeronimus, en colère, arrive en demandant à tous de se taire et leur signale qu’il sait qu’ils ont l’intention d’aller à la mascarade mais leur dit qu’il est prêt à les empêcher en les enfermant dans la maison. A ce moment, Jeronimus apprend que Léandre n’est pas allé chez Leonard, le père de la jeune fille que Léandre doit épouser selon les désirs de Jeronimus, ce dernier alors s’assoit dans un fauteuil, maudit les mascarades qui ont mis toute la ville sens dessus-dessous, et dans un magnifique air il explique comment étaient les choses de son temps, avant les mascarades.
Après cela, Henrik annonce l’arrivée de Léonard, un vrai gentleman, et ce dernier va se plaindre auprès de Jeronimus à propos de sa fille qui est également tombée amoureuse d’un autre jeune homme lors de la mascarade la nuit précédente, mais bien sûr, Leonard aimerait que sa fille épouse un autre jeune homme.
Leonard et Jeronimus se rendent compte qu’ils ont exactement le même problème, et éprouvent alors une sorte de soulagement. Ils questionnent Léandre et Henrik sur leur participation à la prochaine mascarade. Dans un autre air célèbre, Henrik va défendre les mascarades car il les considère comme nécessaires dans le pays où les discriminations sociales sont nombreuses.
Maintenant, Jeronimus ordonne à son (stupide) serviteur Arv de surveiller la maison la nuit suivante pour que personne ne sorte et dicte à Léandre les excuses qu’il devra offrir à Léonard, il termine en évoquant la promesse qu’il se mariera avec sa fille le lendemain, sur ce, bien sûr, Léandre refuse violemment et dans un passage extraordinaire qui clôt le premier acte dans une grande apothéose, Léandre, Henrik, Jeronimus, Leonard et Arv se disputent au sujet de leur désir d’aller à la mascarade.
Acte 2Un magnifique prélude orchestral ouvre cet acte. Encore une fois, je trouve que l’on est assez proche de la
Symphonie n°3 « Espansiva » pour son mouvement lent. Ce petit intermède décrit Copenhague la nuit. C’est tout à fait charmant, et à nouveau, on reconnaît très facilement la patte Nielsenienne.
Tout commence par des cloches qui sonnent huit heures, et un air a capella du veilleur de nuit. Nous sommes dans la rue, entre la maison familiale et le théâtre où devra avoir lieu la mascarade. Il est huit heures du soir, et Arv, le stupide serviteur se tient devant la maison et se chante une chanson pour essayer de se rassurer car il a peur du noir ! La merveilleuse chanson qu’il fredonne vante les délices de la cuisine (il est très gourmand) et d’une fille.
A ce moment précis, Henrik fait son apparition, déguisé en fantôme menaçant, et par peur, Arv lui confesse ses pêchés. Ces derniers sont d’abord inoffensifs, il dit qu’il vole de la nourriture, des bouteilles de vin...mais à la fin, on apprend qu’Arv est blâmable car il a pris la virginité de la cuisinière...Henrik ne peut bien sûr pas contenir son rire et promet à Arv de ne rien dire si ce dernier le laisse passer ainsi que Léandre, plan machiavélique !
Tout ceci fonctionne et Arv voit maintenant passer des groupes d’étudiants et des jeunes filles vers la mascarade. Leonard qui souhaite aller à la mascarade rencontre Arv dans la rue et lui dit qu’il se rend à la maison. Deux dames masquées arrivent alors à la mascarade. Il s’agit de la fille dont Léandre s’est épris la nuit précédente, ainsi que sa servante.
Les deux amoureux se joignent pour un très beau duo, qui est suivi par la chanson de la servante pour Henrik de qui elle attend un geste de bonne manière...en effet, Henrik lui donne une bonne tape sur les fesses...
A cet instant, on est informés que Jeronimus a remarqué que les deux garçons se sont échappés de la maison et qu’il se rend avec Arv dans la boutique du marchand de masques pour pouvoir pénétrer incognito dans la mascarade.
Pendant ce temps, Magdelone, la femme de Jeronimus rencontre Leonard pour aller à la mascarade, mais comme ils sont déguisés et masqués, ils ignorent l’identité de l’autre et vont ensemble à la mascarade !
Jeronimus, déguisé en Bacchus et Arv masqué en Cupidon, se rendent à la mascarade et l’acte se termine.
Acte 3Nous sommes dans le théâtre où la magnifique et joyeuse mascarade a lieu. La musique d’ailleurs est vraiment très belle et très joyeuse, c’est la première fois que l’on entend les chœurs.
On y voit des jeunes filles qui parlent aux étudiants, un homme essaye de vendre des roses et d’autres choses et Henrik est assailli par de ravissantes jeunes filles avec lesquelles il a flirté la nuit précédente, et qui maintenant lui reprochent sa déloyauté.
Maintenant Léandre et Léonore (celle qu’il avait rencontrée la veille et dont il est amoureux) se disent leur prénom et se promettent une union éternelle dans un magnifique duo.
A leur tour également, Henrik et Pernille (la servante de Léonore) expriment leurs sentiments dans une chanson parodique d’après le duo précédant, mais dans un style italien maintenant. Mais tout ceci est interrompu par une querelle entre des officiers et des étudiants qui prennent même leur épée, et le maître de la mascarade annonce la danse des coqs, un admirable petit intermède musical tout à fait savoureux dans lequel on reconnaît toujours l’écriture Nielsenienne
. Tout le monde y participe, Léandre danse avec Léonore, Léonard avec Magdelone et Léonard demande à Magdelone plusieurs faveurs qu’elle refuse, de peur d’être reconnue.
Leur tête-à-tête est interrompu par Jeronimus qui les prend pour un autre couple, à savoir Léandre-Léonore. Henrik dit à Léandre que le Bacchus n’est autre que Jeronimus et Arv qui a reconnu Henrik est empêché de parler par les étudiants.
Henrik, avec l’aide d’autres, fait abondamment boire Jeronimus et se dernier se ridiculise.
A présent, un ballet pantomime « Mars et Vénus » est organisé et plus tard, une très jolie valse très Nielsenienne
se fait entendre à l’orchestre. Jeronimus à présent un peu ivre entre dans le cercle des étudiants et ils chantent une chanson à boire. Un autre cercle est formé par Léandre, Léonore, Henrik, Pernille, Léonard et Magdelone. Là, Jeronimus voit une ballerine dansant seule, il lui fait des avances, mais est houspillé par les étudiants, scène très comique. Puis, le maître de la mascarade avec ses deux assistants portent une grande urne à l’intérieur de laquelle où les invités doivent jeter leur masque, mettant ainsi fin à la mascarade. La musique qui accompagne la scène où les invités se démasquent est vraiment magnifique, et assez mélancolique
. Magdelone et Leonard sont embarrassés de se reconnaître et rejoignent les deux jeunes couples. Arv et Jeronimus sont les derniers à se démasquer. Jeronimus se rue violemment sur son fils mais s’arrête avec honte quand il voit sa femme et Léonard. Et quand il apprend que, finalement, Léonore est la fille de Léonard, celle qu’il destinait à Léandre, il se sent soulagé, c’est le coup de théâtre.
Enfin, le maître de la mascarade annonce la danse finale au cours de la quelle Henrik s’adresse au public et sollicite les applaudissements.
MusiqueLa musique quant à elle présente une remarquable cohérence tout au long de
Maskarade, par l’utilisation quasi permanente de rythmes de danse et de mélodies populaires simples. A ce propos, pour élargir un peu, Nielsen a écrit beaucoup de magnifiques recueils de mélodies, qui sont devenues des classiques du chant choral danois. Certaines de ces mélodies sont de vrais bijoux, je vous conseille d’y jeter une oreille !
D’autre part, Nielsen utilise aussi dans
Maskarade des motifs dominants, non dans le sens Wagnérien du leitmotiv mais plutôt comme motif-mémoire. Le plus évident est le motif en relation avec la mascarade elle-même, c’est-à-dire, la toute première idée musicale de l’ouverture. On l’entend très souvent tout au long de l’opéra.
Nielsen avoua qu’il adora travailler avec tous ces airs, et cet opéra demeure la pièce qu’il a préféré écrire.
Pour la petite anecdote, après avoir assisté à l’une des premières représentations, Edvard Grieg écrivit cette lettre à Nielsen :
« Cher Carl Nielsen ! Merci à vous pour hier soir. C’est une œuvre divertissante et spirituelle que vous avez créée-là : le premier acte je l’ai saisi immédiatement ; le second moins aisément, mais dans le troisième j’ai de nouveau saisi les grandes lignes, et pour l’ensemble je n’ai aucun doute : c’est l’œuvre d’un nouveau Maître qui dit : « je suis là ». Quel merveilleux art, plein d’humour, et quelle sage économie technique ! J’étais à bout de force à la fin de l’opéra ».
C’est une œuvre que j’admire profondément, toute la personnalité de Nielsen y est présente, j’espère que cela vous intéressera tout autant que moi et si le coeur vous en dit, je vous renvoie au fil sur ses symphonies :
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https://classik.forumactif.com/t5151-les-symphonies-de-carl-nielsenAvant de terminer, voici le CD et le DVD que je possède, vous pourrez écouter ce CD sur MusicMe, c'est une magnifique interprétation :