Erik Satie : "Socrate"

J’écoute actuellement un disque de Satie comprenant Socrate, Relâche, Trois musiques d’ameublement et Le piège de Méduse, par Jean-Paul Fouchécourt et l’ensemble Erwartung sous la direction de Bernard Desgraupes.

Socrate - drame symphonique - est un chef-d’oeuvre absolu. Le compositeur y met en musique trois textes de Platon relatant trois moments clefs de la vie de son maître. Le résultat est bouleversant - écoutez donc "La mort de Socrate" - et dévoile un Satie parfaitement sérieux et recueillit (oui !)

La première fois que j’ai entendu Socrate, c’était à la radio et je me suis demandé ce que ça pouvait bien être. Du Ravel ? Pas possible, je connais tout Ravel... Du Delage ? Non, je crois bien que je connais tout aussi... Etc. Jamais je n’aurais pensé à Satie, que l’on considère souvent comme un aimable amateur incapable de manier les formes "nobles" (sic) de la musique. Or, tout est ici parfaitement maîtrisé : prosodie, harmonie et instrumentation - l’écriture pour petit ensemble est si réussie qu’elle est citée par Koechlin comme exemple dans son traité d’orchestration... Le résultat donne une oeuvre d’une grande transparence, extrêmement dépouillée et où l’émotion est palpable.

Je dois dire que j’ai eu du mal à trouver ce disque, mais quel bonheur ! Jean-Paul Fouchécourt et l’ensemble Erwartung font des miracles, sans pose ni excès. Je ne peux malheureusement pas en dire autant pour les quelques autres versions que j’ai pu entendre, mais quoi qu’il en soit, j’invite tout le monde à découvrir Socrate au plus vite...

Citation :

l’ensemble Erwartung

Ca me dit quelque chose, ils n'ont pas enregistrés des disques de Ravel ou de Debussy? Je ne parviens pas à me souvenir pourquoi je les connais

c'est un aspect de Satie que j'ignore totalement pour le moment... ? (sauf "Relâche" que je connais par contre)

Bezout a écrit:

Ca me dit quelque chose

C'est parce qu'en fait, c'est le titre d'une pièce de Schoenberg.

Non, sérieusement, il me semble qu'ils ont enregistré un disque de musique française (Delage, Jaubert, etc.) avec Felicity Lott.

christian a écrit:

c'est un aspect de Satie que j'ignore totalement pour le moment... (sauf "Relâche" que je connais par contre)

Rien à voir avec Relâche. Il faut absolument que tu écoutes ça.

Oui en fait c'est peut être Schoenberg qui m'a fait penser à ça..

La honte

La preuve que je ne connais pas assez Satie. (à part la musique de piano)

J'ai un vague souvenir de cette oeuvre, mais ça mérite certainement que je réécoute.

Je l'écoute en ce moment même.

Voici ce qu'en dit Paul Landormy dans "La musique française après Debussy":

"Singulière composition que ce Socrate !

Erik Satie prend quelques pages des Dialogues de Platon traduits par Victor Cousin et il les met en musique. Cela fait quelques petits morceaux dont il intitule l'ensemble : drame.

Dénomination bien injustifiée. II n'y a aucun drame dans ces conversations si calmes, si sereines, si détachées des soucis de ce monde, - et qui se prêtent si mal à la musique.

Je suis bien éloigné, pour ma part, de faire de ce Socrate un chef d'œuvre. Et puisqu'il est temps de m'arrêter à une conclusion où s'affirme mon appréciation personnelle, je dirai que le meilleur ouvrage de Satie (a-t-on dit) ne me semble point d'un ordre de beauté tel qu'il vaille à son auteur, comme l'ont voulu certains, le rang d'un des grands maîtres de l'art musical. Il y a dans Socrate de la grâce, du charme, une certaine noblesse, mais aussi de la monotonie et de la pauvreté."

C'est tout à fait mon avis.
C'est bien écrit, c'est agréable, c'est précieux, mais c'est pas bien passionnant.

Xavier a écrit:

C'est bien écrit, c'est agréable, c'est précieux, mais c'est pas bien passionnant.

La monotonie est ici voulue et nécessaire. Moi, ça me passionne...

Achille a écrit:

La monotonie est ici voulue et nécessaire. Moi, ça me passionne...

c'est un peu comme Kurtag en fait, moi ça me prend aux tripes parce que je me reconnais dans sa musique très névrosée et énigmatique alors que ça emmerde plein de monde parce qu'ils trouvent qu'il ne se passe rien...

la subjectivité continue donc avec Satie ;-) en tout cas, ça ne laisse pas indifférent...

Il existait avant cette version un enregistrement célèbre par Yves Cuenod, avec piano, encore plus austère.

gaston a écrit:

Il existait avant cette version un enregistrement célèbre par Yves Cuenod, avec piano, encore plus austère.

Je ne connais pas, mais comme j'aime beaucoup Cuenod (toute une époque), ça me plairait sûremement. Par contre, je crois bien que pour l'entendre dans sa version orchestrale, l'enregistrement de Fouchécourt était le seul.

La dernière partie de "Socrate", magnifique était l'une des préférées de John Cage... Ce tempo invariablement lent est fascinant... Je crois que c'est sur ce morceaux de Satie, avec les "Vexations" que ce sont fondées les bases de la Musique Répétitive Américaine...

J'ai du mal avec cette oeuvre qui touche beaucoup de monde.
C'est de bon goût et délicat mais c'est rétréci aussi, la mélodie est une déclamation un peu monocorde, l'harmonie simple. Le ton me paraît mièvre alors que la lecture de la mort de Socrate m'émeut chez Platon. L'aspect dramatique du texte antique est évacué au profit d'une poésie qui me semble affadie.

Assez d'accord, ça me semble sans rapport avec le texte en fait.

Régulièrement, je tente de le réécouter, en me disant que ce doit être moi, et que ce doit être trop profond, m'échapper par quelque part. J'ai varié les versions, aussi.

J'en arrive au bout de pas mal d'années à la conclusion que c'est juste d'une fadeur décourageante - juste raté.

Je préfère de loin les derniers jours de Sénèque aux accents Debussyste d'Éric Tanguy…

Je n'ai jamais suggéré qu'on ne pouvait pas se passer des deux.

DavidLeMarrec a écrit:

Je n'ai jamais suggéré qu'on ne pouvait pas se passer des deux.

En effet, c'est d'ailleur ce que je fais très bien…

Je mettais le nez dans la partition hier (en pensant qu'en le jouant ou le chantant, ce pourrait être possible de se l'approprier).

Rien qu'à la lecture, je comprends mieux ce qui se passe.

1) Satie a mis en musique, comme dit plus haut, des pages entières du Phédon, donc il reste beaucoup de parlote philosophique... pas très propice à la mise en musique.

2) La ligne vocale ne différencie absolument rien de ce qui se passe.

3) L'harmonie, comme toujours chez Satie, est soignée, mais en réalité... c'est la même, une fois la trouvaille faite, qui tourne en boucle pendant dix minutes...
Typique de Satie, en fin de compte : de vraies trouvailles, mais jamais d'évolution.


Je n'ai même pas essayé de le jouer, du coup. [size=7]Je n'en avais le temps non plus. [/i]

Crapio ne s'est pas exprimé sur le truc d'ailleurs...
Crapio ? Où es-tu ?

Hop.

Là.

Avez-vous d'autres exemples de musiciens qui s'inspirent de philosophie ou de science pour créer de la musique.

récemment le Socrate était paru avec La mort de Sénèque, d'Eric Tanguy (texte épouvantablement raté musique moyenne).
Il y a bien le Nietzsche Requiem de Vagn Hölmboe, mais ce n'est pas une des pièces les plus réussies, A Mass of life de Delius s'inpire aussi des textes de Nietzche, évidemment les poème symphoniques de Strauss, la sérénade de Bernstein, d'après Le banquet de Platon, La notte di Platon de Victor de Sabata, et on doit pouvoir multiplier les exemples.

Pour les scientifiques, Galileo Galilei de Philip Glass, Le Galilée de Jarrel, Einstein de Dessau, Dr Atomic: là encore la liste doit être longue.

Philip Glass a aussi composé assez récemment un opéra sur le scientifique Kepler. Il y a aussi celui de Hindemith : l'Harmonie du Monde, qui met également en scène le scientifique. Ça ne m'avait pas laissé un très bon souvenir par contre. Three Tales de Steve Reich traite également de la science, en particulier la dernière partie Dolly, qui parle du clonage.

Glass a bu la ciguë répété un si aigu ?

JM a écrit:

Philip Glass a aussi composé assez récemment un opéra sur le scientifique Kepler. Il y a aussi celui de Hindemith : l'Harmonie du Monde, qui met également en scène le scientifique. Ça ne m'avait pas laissé un très bon souvenir par contre. Three Tales de Steve Reich traite également de la science, en particulier la dernière partie Dolly, qui parle du clonage.

Et puis il y a Le Fou de Landowski