Yves NAT
Pianiste et compositeur français, né à Béziers le 29 décembre 1890 et mort à Paris le 31 août 1956.
Repères biographiques
• Jeune pianiste-compositeur prodige parrainé par Fauré, Saint-Saëns et Debussy, premier prix du Conservatoire en 1907, il mène de 1909 à 1935 une carrière de concertiste international, seulement mise en sommeil par la Première Guerre mondiale. De ses années de virtuose, témoignent deux enregistrements de 1929, la 2e Rhapsodie hongroise de Liszt et la Danse russe de Pétrouchka.
• Rejetant peu à peu cette conception spectaculaire du pianisme (rejet qu’il résumera plus tard dans une devise assez bien frappée: «Tout pour la musique, rien pour le piano»), il se consacre de plus en plus à la musique de chambre (en duo avec Ysaÿe, Enesco, Thibaud ou Poulet) et à la composition. Puis, en 1935, il met fin à sa carrière publique.
• De 1935 à sa mort en 1956, il se consacrera exclusivement à la composition et, surtout, l’enseignement du piano au Conservatoire de Paris, où il aura entre autres comme élèves Geneviève Joy, Jörg Demus, Jean Martin, Marie-Claire Alain et Jean-Bernard Pommier. Il ne sortira de cette retraite que le 17 mars 1953, pour un unique concert de bienfaisance au Théâtre des Champs-Elysées (Appassionata, 2e Sonate de Chopin, Kinderszenen et Fantaisie de Schumann).
• De 1950 à 1956, il grave pour les Discophiles Français l’essentiel de son legs discographique. A savoir: d’une part, deux grands massifs: les 32 Sonates de Beethoven et la plus grande partie de l’œuvre pour piano seul de Schumann; d’autre part, des pages substantielles de Schubert (Moments musicaux), Chopin (2e Sonate, Fantaisie, Barcarolle) et Brahms (Rhapsodies op. 79, Variations Haendel, Intermezzi op. 117).
Notations sur l’interprète
• Le style d’Yves Nat (comme d’ailleurs son répertoire) le mettent assez nettement en marge de l’école française. Ce qui caractérise le plus nettement sa sonorité est son vaste ambitus dynamique et la variété des touchers et des coloris: ce qui, personnellement, me frappe le plus chez lui, c’est une façon de faire sentir dans les pianissimi les plus murmurés une puissance tellurique en réserve, et une capacité à déployer de grands martèlements assourdis (ce qui, au jeu des comparaisons, le rapprocherait plutôt de Richter).
• Si l’on passe sur les quelques pains (beaucoup plus rares que chez Cortot, au demeurant, et qui s’expliquent plus par les conditions techniques d’enregistrement - prises moins nombreuses et plus longues - et les standards digitaux de l’époque que par un art réellement approximatif), le style de Nat est marqué par une grande rigueur structurelle, le refus des séductions faciles et un engagement au premier degré vis-à-vis du texte, sans posture recréatrice.
• Son Beethoven l’apparente clairement aux grands pianistes «à pogne» (Schnabel, Arrau, Backhaus), avec comme particularité un sens remarquable de la continuité et de l’impact immédiat du son, et en plus quelque chose de sanguin et un ton de générosité farouche qui n’est qu’à lui. Son Schumann est assez différent, avec un souffle tout aussi ample, mais aussi quelque chose de plus voilé, de plus nocturne et chantant, et une sorte d’inquiétude diffuse - qualités que l’on retrouve aussi bien dans ses Brahms et ses Schubert. Autant de pages où ses enregistrements m’apparaissent personnellement s’inscrire tout en haut de la discographie (on peut imaginer Beethoven ou Schumann autrement - les Russes! - mais difficilement mieux).
• Son Chopin est atypique: plus vigoureux, plus coloré et plus dense en sonorité que ce qu’on a l’habitude d’y entendre; mais personnellement, sa 2e Sonate est celle qui me séduit le plus, par son engagment et son refus des afféteries.
(On n’oubliera pas non plus ses enregistrements concertants plus anciens, Concerto de Schumann des années 30 et Variations symphoniques de Franck des années 40 où, malgré une prise de son caverneuse, l’impression de grande cavalcade maîtrisée captive.)
Marginalia
A l’époque de ses enregistrements et de son dernier concert, Yves Nat et sa seconde épouse habitaient à Paris au rez-de-chaussée de la villa de la photographe Laure Albin-Guillot. On doit à cette dernière de très beaux portraits d’Yves Nat dont celui qui illustre le programme du récital de 1953.
Discographie:
Le coffret Yves Nat. Ses enregistrements, 1930-1956, Coffret du 50e anniversaire (15 CD) publié par EMI Classics en 2006 regroupe la totalité des enregistrements du pianiste. Non officiellement réédité sous label Warner, il semble toujours largement disponible auprès des divers sites de vente par correspondance.
Quelques sources
- L’habituelle page Wikipedia, pas fautive mais assez pauvre;
- Un documentaire audio sur le site de l’INA;
- Le programme du dernier récital d’Yves Nat en 1953 dans les archives du Théâtre des Champs-Élysées;
- Plusieurs ouvrages parus autour du cinquentenaire de la mort du pianiste: Claude Jouanna, Yves Nat, du pianiste compositeur au poète pédagogue, L’Harmattan, 2005; Mouna Reverchon, Yves Nat, un musicien de légende, Le Bord de l’Eau, 2006; Yves Nat, Notes et carnets, Alban, 2006.