Est-ce que c'est, comme le souligne l'article, parce qu'elle a peu chanté en France, que le décès de Stella Doufexis, la semaine passée, n'a pas été plus relayée (ceci dit, on ne peut pas dire que celui d'Aafje Jeynis ait suscité beaucoup plus de commentaires) ?
La mezzo allemande est donc décédée à Berlin : http://www.forumopera.com/breve/deces-de-la-mezzo-stella-doufexis .
Un hommage plus complet, ici, en allemand mais qui balaie large sa carrière et ses rôles : http://klassiker.welt.de/2015/12/16/stella-doufexis-ist-tot-eine-meisterlich-vielseite-mezzosopranistin/ .
Alors qu'elle a fait une belle carrière sur scène (personnellement, j'ai le souvenir d'une Muse/Nicklausse très enveloppante, pas nécessairement d'une vocalité bouillonnante mais parfaitement phrasée, prononcée avec le juste poids et sublime, au final de la production de Py à Genève), c'est la récitaliste qui a été la mieux documentée au disque ; j'excepte sa Meg Page de Falstaff avec Abbado.
Au disque, donc, une belle brassée de mélodies avec une sensible (dans tous les sens du terme) prédilection pour les Français : Berlioz, Chausson (un très beau, très probe Poème de l'amour et de la mer, sans épate particulière mais avec une conscience rare du développé, comme une séquence de Muybridge), Fauré, Debussy...
Si, comme toute Allemande, elle n'a pas "échappé" à Schumann, à Schubert aussi, elle a aussi investi des pans plus originaux, moins courus de répertoire avec, toujours, cette acuité du timbre, ce tranché/tranchant du mot qui est outil et fin à la fois ; phrase(s) en mouvement(s) toujours :
Jusqu'au vertige parfois, y compris par "absence", si j'ose dire ; par retrait de l'artiste face à l'oeuvre considérée comme condition essentielle.
Weinen (un peu),
klagen (si besoin),
sorgen (toujours),
zagen (j'imagine, comme tout artiste conscient/consciencieux), je dirais ; et j'ajouterais, "dienen" : ce sens du service. En même temps, quand on a été l'élève de Fischer-Dieskau, on adosse son art au mot, comme on porterait le viatique...
Pour finir, il faut l'entendre prendre congé, en confiance, dans la
Messe en si de Bach avec Rilling ; "soprano II", ça n'est pas honteux, du moment qu'on sait honorer sa place...