Leopold Stokowski

À moins que je ne me trompe, aucun fil n'a été dédié à cette légende du podium. Je ne dis pas 'du bâton' car Stokowski a longtemps dirigé sans cet accessoire. Il commença sa carrière de chef en 1909, délaissant ainsi sa carrière d'organiste de concert.

Le nombre et la variété des premières mondiales ou américaines qu'il assura est surprenant.
Présent sur la scène discographique depuis 1917 et de façon continue pendant 60 ans, il a été présent et/ou à l'origine de plusieurs des changements de technologie qui ont vu le jour tout au long de sa vie. Son dernier enregistrement, d'oeuvres de Bizet (symphonie en do) et de Mendelssohn (symphonie italienne) témoigne de sa jeunesse incroyable: Stokowski est un de ces rares chefs qui n'ont jamais "ralenti" (tempo, phrasé) avec l'âge.

Fameux pour avoir façonné l'orchestre de Philadelphie en un instrument unique, il était apparemment à l'origine d'une technique d'archet appelée 'free bowing' par laquelle chaque instrument à cordes avait sa propre 'longueur et hauteur' de phrasé. Autrement dit, les archets montaient et descendaient sans unison, chacun à son rythme si on peut dire, ce qui produisait un son incomparablement velouté et riche.

Reconnu comme un innovateur et un non-conformiste, Stokowski après 1942 ne s'attacha plus à un orchestre permanent, se présentant avec des 'pick up' ou des orchestres établis, mais jamais à titre de Directeur musical. Il était reconnu pour sa faculté de transformer le son de n'importe quelle formation en 'His Orchestra' avec sa sonorité de cordes soyeuse et riche, ses cuivres et vents superbement intégrés et sa capacité à imprimer sa personnalité sur toutes les formations qu'il dirigeait.

'Stokie', comme Karajan ou Toscanini, a une discographie pléthorique. La plus grande partie (plus de la moitié en tout cas) date d'avant les années de la haute fidélité et, à ce titre, ne concerne que le collectionneur. Cependant, il y a bien une 50aine de disques dont la qualité sonore est telle que ces enregistrements font toujours partie du paysage discographique et des versions avec lesquelles il faut compter.

Sans aller dans les recoins les plus reculés de l'histoire discographique, on peut se faire une excellente idée - et à prix très raisonnable - de la diversité incroyable de son répertoire.

Il existe de nombreux disques, mais surtout des coffrets qui assemblent des joyaux du répertoire discographique. Des oeuvres dans lesquelles Stokowski a laissé une empreinte à la fois unique et permanente sur des oeuvres qu'on croyait très bien connaître: que ce soit Schéhérazade, l'Eroica, la première de Sibelius, des oeuvres de Wagner, Bizet, Brahms, Bartok ou Chostakovich, la 'griffe' Stokowski fait partie du paysage discographique sans lequel notre connaissance des oeuvres sera nécessairement incomplète. On ne peut en dire autant de la très grande majorité des chefs, qui apparaîtront en comparaison comme des naines blanches en comparaison de cette géante rouge qu'était Stokowski.

Voici un coffret que je possède depuis plusieurs années et avec lequel j'ai été amené à 'adapter', voire modifier totalement mon approche d'écoute de plusieurs oeuvres phares du répertoire:




Comme on peut le voir, Stokowski a été un des pionniers de la stéréo (dès 1954), un des rares exemples avant 1958-59 où les studios d'enregistrement étaient prêts à mettre à la disposition des artistes la coûteuse nouvelle technologie. Ce coffret est disponible pour moins de 20 euros (pour 14 cd). Je le recommande chaleureusement: ça ne coûte pas cher et ça fait du bien .

Je viens de réécouter les 2 premiers disques (Beethoven, Brahms, Chostakovich, Khatchaturian) et y ai (re)découvert des dizaines de détails et de caractéristiques tant d'interprétation que d'exécution ou de prise de son uniques à Stokowski.

Quand je dis 'uniques à Stokowski' je ne veux pas dire qu'il dirige mieux qu'un autre chef, ou que sa conception est simplement, disons, eccentrique. Chacune de ses interprétations est en premier lieu mise au service du compositeur, qui trouve dans ses réalisations une représentation crédible et hautement dramatique de l'oeuvre, sans jamais qu'il soit question d'exagération ou de distortion. Au contraire, ses interprétations sont étonnamment simples, comme coulant de source.

Du même coffret "The Stereo Years", un disque comprenant des extraits du peu connu ballet de Gian Carlo Menotti, Sebastian montrent à quel point l'art de Stokowski comme coloriste de l'orchetre n'était pas usurpé. Suit le très connu ballet de Prokofiev, Romeo et Juliette, dont le chef ne choisit que des extraits élégiaques, jouant sur le soyeux des cordes du NBC, ses cuivres clairs et profonds pour moirer d'ombres la lumineuse orchestration de Prokofiev. À noter que l'enregistrement est absolument splendide malgré sa date très ancienne (1954).

Disques 4 et 5 (rappel: ceci est un 'rerun', un nouveau tour de piste: j'ai probablement déjà parlé de ce coffret il y a 1 ou 2 ans)

Musique de Wagner: 'bleeding chunks' comme disent les Anglais. Je ne traduirai pas, ce serait de mauvais goût après Bruxelles. Stokowski faisait l'effort d'engager des chanteuses (dont Martina Arroyo et Shirley Verrett) dans la Chevauchée des bactéries, et de composer les passages de liaison lorsqu'il reliait entre eux des morceaux extraits d'endroits différents dans une partition. Il est à l'origine des 'synthèses symphoniques' qui ont connu un certain succès (Maazel a commis par deux fois une très jolie synthèse du Ring).

Donc rédhibitoire ou inspirant, selon le côté de la barricade où on se tient quant à ce genre de choses. Le Wagner de Stokowski n'est pas aussi dramatique et tranchant que celui de Szell, se rapprochant en fait de celui de Furtwängler dans son incroyable euphonie.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner le plus beau Prélude de Tristan III que j'aie entendu. Jamais Tristan n'a saigné avec tant d'abondance...

André a écrit:

Je m'en voudrais de ne pas mentionner le plus beau Prélude de Tristan III que j'aie entendu. Jamais Tristan n'a saigné avec tant d'abondance...

Idéalement ce que j'essayais de décrire en Playlist :

bAlexb a écrit:

son Tristan (quelle structure "verticale" du propos et, en même temps quel propos, justement, quelle cursivité), dans le même coffret !

Quelle puissance sourde des cordes graves ; organiques, comme une nécessité !

Avec les Quatre Saisons par Stokowski, le découpage orchestral fait ressortir des éléments qui passent inaperçus dans la majorité des autres versions.
L'équilibre entre l'orchestre et la partie soliste reste parfait.

Et le solo de violon est superbe (Hugh Bean), ce quiu est quand même très important !

Un topic dédié au légendaire chef d'orchestre : sa carrière, son personnage, son style interprétatif, ses concerts, ses disques, sa postérité...

Peut-on qualifier de légendaire un chef qui n'a fait que de la daube?

(je m'excuse pour cette outrance, mais sérieusement, qu'on me donne quelques références de bons enregistrements, je suis tout ouïe...)

Parution d'un coffret qui reprend l'ensemble des enregistrements Decca, correspondant à sa dernière période d'activité,
et réalisés dans de spectaculaires conditions techniques.

Interprétations parfois contestables (Messiaen), parfois bizarres (la Symphonie fantastique, la synthèse symphonique de Boris Godounov, les diverses transcriptions...)
mais quasiment toujours ensorcelantes (Schéhérazade, les Tableaux d'une exposition) ou démiurgiques (La Mer, Wagner...)

Une occasion à ne pas manquer pour les audiophiles et ceux qui veulent découvrir l'art de ce magicien de la baguette !

Xavier a écrit:

Peut-on qualifier de légendaire un chef qui n'a fait que de la daube?

(je m'excuse pour cette outrance, mais sérieusement, qu'on me donne quelques références de bons enregistrements, je suis tout ouïe...)

Voila qui est bien injuste et bien sévère vis à vis de ce brillant musicien et animateur hors pair !
Dois-je paraphraser ce que tu  écris à propos de Jimmy Levine sur un autre forum ?
L'Orchestre de Philadelphie dirigé par Stokowski, c'est quand même un son assez extraordinaire pour l'époque.
Et bien, j'aime Leopold et ses transcriptions (entre autres) !

fomalhaut

Quelques info :

https://en.wikipedia.org/wiki/Leopold_Stokowski

http://www.stokowski.org/index.html

http://www.stokowski.org/Stokowski%20Philadelphia%20Orchestra%20Chronological%20Discography.htm

http://www.classical.net/music/guide/society/lssa/disco.php

http://stokowski.tripod.com/disco/lsdiscs.htm

https://adp.library.ucsb.edu/index.php/talent/detail/28428/Stokowski_Leopold_conductor

Encore une fois, qu'on me donne des références de bons enregistrements que j'aurais ratés, je veux bien essayer. (et j'en ai déjà essayé pas mal...)
Pour l'instant tout ce que j'ai entendu allait du catastrophique au moyen.

Mais légendaire suppose précisément qu'il y ait une part de mytho.

(Pas assez écouté Stokowski pour avoir un avis… Je n'ai rien trouvé d'extraordinaire ni d'infamant, bidouillages – pas si terrifiants – mis à part.)

Xavier a écrit:

Encore une fois, qu'on me donne des références de bons enregistrements que j'aurais ratés, je veux bien essayer. (et j'en ai déjà essayé pas mal...)
Pour l'instant tout ce que j'ai entendu allait du catastrophique au moyen.

Xavier, tu peux essayer ce disque :

Stokowski à essayer:

Le seul CD de Stotowski que j'ai à la maison, ce sont ses transcriptions de Bach. Bon, je sais bien, c'est du n'importe quoi pas très subtil, mais j'avoue que j'adore ça

Moi c'est la 2e symphonie de Mahler (BBC) le seul enregistrement de lui, assez correct.

Le peu que j'entends de lui ca me donne des boutons, donc je l'évite naturellement.

Bruno Luong a écrit:

Moi c'est la 2e symphonie de Mahler (BBC) le seul enregistrement de lui, assez correct.

Le peu que j'entends de lui ca me donne des boutons, donc je l'évite naturellement.

Et voila Bruno Luong ! Après Xavier qu'on devine en embuscade, le "Stokowski case" est mal parti !
Puis-je demander à ces mélomanes ce qui les choque tant dans les interprétations de "Stoki" ? En particulier, ce que Xavier entend par "Daube" ?
Et puis, après tout, quels sont ces enregistrements de Stokowski allant du "catastrophique au moyen" ?
Stokowski a eu beaucoup de succès depuis ses années à Philadelphie jusqu'à sa mort : les nombreux mélomanes qui l'ont aimé et apprécié sont ils des affreux ?

Pour ma part, j'ai longtemps ignoré ce chef. Il se trouve que j'ai eu l'occasion d'entendre sa "symphonic synthesis" (#20 minutes) de Boris Godounov qui m'a paru originale et je me suis intéressé à lui, sans en faire une priorité.

fomalhaut

fomalhaut a écrit:

Puis-je demander à ces mélomanes ce qui les choque tant dans les interprétations de "Stoki" ? En particulier, ce que Xavier entend par "Daube" ?
Et puis, après tout, quels sont ces enregistrements de Stokowski allant du "catastrophique au moyen" ?

Il faudrait que je fasse la liste de tout ce que j'ai écouté de Stokowski, ce serait fastidieux. (et comme je les ai rarement écoutés deux fois, je ne les ai pas tous en tête)
Pour ce qui est des "daubes" (j'avais pourtant bien mis un smiley et précisé qu'il s'agissait d'une outrance...) ou plutôt de ce que je trouve foncièrement mauvais chez lui, je parle de tous les enregistrements où le mauvais goût l'emporte de très loin sur le reste, où Stokowski change des instruments de la partition, change des notes, veut se démarquer à tout prix et s'éloigne très sensiblement du style des oeuvres qu'il dirige...
Après, comme je l'ai dit, il y a aussi beaucoup de choses moyennes, donc pas géniales mais pas tout à fait mauvaises non plus.
Mais je ne vois pas ce qu'on peut lui trouver de vraiment intéressant...

Citation :

Stokowski a eu beaucoup de succès depuis ses années à Philadelphie jusqu'à sa mort : les nombreux mélomanes qui l'ont aimé et apprécié sont ils des affreux ?

Ben non, ils ont juste un goût différent du mien, ce n'est pas un problème, il ne faut pas prendre les choses de façon si grave.

fomalhaut a écrit:

Puis-je demander à ces mélomanes ce qui les choque tant dans les interprétations de "Stoki" ? En particulier, ce que Xavier entend par "Daube" ?
Et puis, après tout, quels sont ces enregistrements de Stokowski allant du "catastrophique au moyen" ?

Pour moi c'est le coté sur-alignée en permanence les traits que je supporte pas, et il le fait sur tout les niveaux, que ce soit l'equilibre des pupitres, tempi, ou dans ses changements de l'orchestration ou réarrangement.

Pour donner un exemple concrèt : la 4e symphonie de Tchaikovsky enregistrée tardivement dans les années 70s, c'est très choquant pour moi.

Bruno Luong a écrit:

Pour moi c'est le coté sur-alignée en permanence les traits que je supporte pas (...)

Je ne comprends pas ce que tu veux dire par-là .

Mélomaniac, in Versions de la neuvième de Beethoven, a écrit:

Mélomaniac, in playlist :

fomalhaut a écrit:

Oui, Stokowski c'est très bien dans cette fameuse 9ème !
Lorsque Melomaniac a lancé un fil Stokowski (21 décembre 2017), j'ai eu envie de citer cet enregistrement (entre autres) parmi les plus remarquables  du Maître.
J'ai alors manqué de courage devant l'hostilité exprimée par plusieurs membres à l'égard de Stokowski et je ne l'ai pas fait...

fomalhaut

https://classik.forumactif.com/t8642-leopold-stokowski-1882-1977?highlight=Stokowski

Je n'aurais pas pensé à cette 9° de Beethoven parmi mes enregistrements préférés de Stokowski car rien qu'à considérer le legs chez Decca, les merveilles abondent.
Dans le répertoire russe : les extraits de ballet tchaikovskien (et le Roméo et Juliette, quasiment réinventé !), Tableaux d'une Exposition, Schéhérazade.
Mais aussi français, la Fantastique (romanesque à souhait) et sa Mer transcendante (pour moi, une des plus poétiques interprétations debussytes jamais captée).

Dans un autre fil :

(https://classik.forumactif.com/t3022p50-chostakovitch-symphonie-n11?highlight=Chostakovitch

J'ai mis en avant la 11ème symphonie de Chostakovitch et Les Planètes de Holst.
Je suis assez réticent vis à vis des Tableaux d'une Exposition car "Stoki" oublie quelques pages.

fomalhaut

Stokowski dirige Stravinsky, Debussy, Messiaen .

Leopold Stokowski dirige Igor Stravinsky (1882-1971), L’Oiseau de feu - Suite (version de 1919) ; Debussy, Prélude à l’après-midi d’un faune, La Mer ; Olivier Messiaen (1908-1992) L’Ascension, Quatre Méditations Symphoniques pour Orchestre

[00 :00] 01. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 1. Introduction
[03 :34] 02. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 2. Danse de l’oiseau de feu
[04 :43] 03. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 3. Danse ronde des princesses
[10 :25] 04. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 4. Danse infernale du roi Kashchei
[14 :56] 05. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 5. Berceuse
[18 :42] 06. - Stravinsky : L'oiseau de feu, Suite (1919) - 6. Finale
[22 :14] 07. - Debussy : Prélude à l'après-midi dun faune (1894)
[34 :08] 08. - Debussy : La Mer (1905) - 1. De l'aube midi sur la mer
[43 :52] 09. - Debussy : La Mer (1905) - 2. Jeux de vagues
[51 :51] 10. - Debussy : La Mer (1905) - 3. Dialogue du vent et de la mer
[60:51] 11. - Messiaen : L'Ascension, Quatre méditations symphoniques - 1. Majeste du Christ demandant sa gloire à son Père (Très lent et majestueux)
[64:32] 12. - Messiaen : L'Ascension, Quatre méditations symphoniques - 2. Alléluias sereins d’une âme qui desire le ciel(Bien modéré, clair)
[69:39] 13. - Messiaen : L'Ascension, Quatre méditations symphoniques - 3. III Alleluia sur la trompette, alleluia sur la cymbale (Vif et joyeux)
[75:55] 14. - Messiaen : L'Ascension, Quatre méditations symphoniques - 4. IV Priere du Christ montant vers son Père (Extremement lent, emu et solennel)
Orchestre symphonique de Londres
Leopold Stokowski, chef d’orchestre

Personnellement ,beaucoup de plaisir à écouter ces 4 oeuvres ,toutes dirigées par Leopold Stokowski .Sans doute pas vraiment les versions de référence et sans doute aussi , des traficotages de partitions. Mais le résultat est là, on a un certain plaisir à écouter et voir diriger de cette façon,pour moi du moins. L'absolu n'existant pas en musique, on est toujours dans l'à peu près, alors autant s'accomoder de l'exagèration de Stokowski, car on sait qu'il y a autre chose ailleurs.Bien sûr ,ce sont enregistrements studio et pas des Live. Moi ,je ne boude pas du tout mon plaisir et si ça a pu attirer des auditeurs à la musique ,je dis tant mieux.

Pour l'écouter/
https://youtu.be/aHSaoLtiSg4?si=tIxV1lIokeLcTGhy

PS/ Pour l'enregistrement de la 28ème symphonie d'Havergal Brian, il s'était livré à des traficotages de partition qui l'arrangeait.Il était très coutumier du fait.
Un petit hommage aussi ,à deux membres disparus du Forum, le grand Mélomaniac et Fomalhaut, deux personnes différentes, mais qui aimaient plus que tout la musique, et c'est ça qui compte finalement.Les petites querelles sur les versions, c'est secondaire .