Graciela ParaskevaídisGraciela Parskevaídis est une compositrice argentine née de parents grecs. Elle vivait en Uruguay avec son mari Coriún Aharonián, également compositeur. Hors d’Amérique latine elle était semble-t-il surtout connue en Allemagne. C’est d’ailleurs auprès d’une revue allemande que j’ai pu commander ses disques.
Dans un article de 1994 Aharonián essaie de définir la musique contemporaine latino-américaine à partir d’un corpus d’œuvres significatives et dégage les tendances suivantes (voir ici) :
1. Un sens du temps plus court et plus concentré chez les compositeurs d’Amérique latine par rapport à leurs collègues européens.
2. Un processus non discursif qui préfère une structure faite de zones expressives au classique enchainement de cellules en développement.
3. Corrélativement, l’utilisation de blocs expressifs non directionnels à l’intérieur desquels des microprocessus ont lieu.
4. Parmi ces microprocessus, la présence d’éléments réitérés, c’est-à-dire une répétition non mécanique enrichie par des ostinati.
5. L’austérité, une certaine esthétique de la « pauvreté ».
6. La violence et le gout pour les « petites choses ».
7. Le silence comme un élément musical à part entière.
8. Présence du « primitif », bien au-delà d’un aimable exotisme.
9. Tentative de faire siennes les nouvelles technologies, en particulier l’électronique.
10. Percée à travers les frontières, notamment vers la musique populaire.
11. Conscience idéologique. Ainsi face au minimalisme mécanique du Nord qualifié de réactionnaire et fasciste, le minimalisme latino-américain combat la passivité de l’auditeur et est d’avantage une économie de moyen.
12. La magie et la fonction magique de la musique.
13. Une préoccupation pour l’identité culturelle (en particulier dans un contexte impérialiste et colonial) : la musique est le résultat de son environnement social, qu’elle matérialise.
Beaucoup de ces traits peuvent s’appliquer à la musique de Graciela Parskevaídis. Son parti pris radical est une économie de moyen au service d’une expressivité sans concession. Par facilité je vais laissez la parole à Cergio Prudencio, compositeur et chef d’orchestre bolivien (à défaut d’avoir le temps pour proposer une traduction valable à partir de l’original espagnol et de sa traduction anglaise, ce qui suit est une paraphrase libre).
Son œuvre propose une esthétique radicale, où le son est toujours élaboré comme une texture dans un espace-temps non discursif. Cette radicalité s’exprime par des aspects techniques et en particulier le matériau austère : ses œuvres germent et se développent à partir d’idées très concrètes, qui peuvent être de caractère intervallique ou timbral, par une restriction de la matière organique sonore qui suscite en elle-même un rendement expressif maximal. (...) Les idées ne coulent pas ni se répètent : elles demeurent et s’interposent, parvenant à abstraire la sensation d’un temps chronologique.Si ses œuvres sont autonomes et ne nécessitent aucun préalable ni aucun argumentaire, elles ont cependant un sens humain profond, et elles témoignent de la conscience politique de son autrice. Si on lit l’espagnol, on lira à ce propos un extrait important que j’avais déjà cité ici :
classik.forumactif.com/t538p224- (j’ai mis la traduction anglaise un peu plus bas).
Pour conclure on pourrait, en bien des points, comparer son esthétique à celle de Galina Ustvolskaya, surtout dans les pièces pour piano, mais la comparaison la plus évidentes hors du continant sud-américain est sans doute Luigi Nono, le dernier Nono (si tant est que cette expression signifie encore quelque chose). C’est pas pour autant la même musique ni tout à fait le même langage, mais il y a des ponts évidents. Quant à moi je n’ai pas beaucoup de mots mais pense que c’est une compositrice essentielle.
Pour la discographie on trouve, à côté de pièces isolées dans des anthologies latino-américaines, allemandes ou polonaises, quatre monographies : trois chez Tacuabé (à peu près chronologiques) et une chez Wergo.
magma I (1966/67) pour neuf cuivres
E desidero sono colori (1969) pour chœur féminin
huauqui (1975) composition électroacoustique
todavía no (1979) pour trois flutes et trois clarinettes
un lado, otro lado (1984) pour piano
magma VII (1984) pour quatorze vents
dos piezas para pequeño conjunto (1989) pour cinq instruments
sendas (1992) pour sept vents et piano
algún sonido della vida (1993) pour deux hautbois
libres en en sonido presos en el sonido (1997) pour cinq instruments
el nervio de arnold (1992) pour guitare
pero están (1994) pour flute, hautbois et voix
solos (1998) pour flute et guitare
...a hombros del ruiseñor (1997) pour piano
Doz piezas para oboe y piano (1995) pour hautbois et piano
No quiero oír ya más campanas (1995) pour ensemble
discordia (1998) pour neuf voix
otra vez (1994) pour piano
“... y allá andará, según se dice...” (2005) pour orchestre d’instruments natifs
en abril (1996) pour piano
ático (2006) pour piccolo et flute à bec
contra la olvidación (1998) pour piano
piezas de bolsillo (1998) pour quatuor de percussion
dos piezas para piano (2001) pour piano
álibi (2008) pour quatuor de saxophone
libres en en sonido presos en el sonido (1997) pour cinq instruments
¿Y si fuera cierto? (2003) pour flute alto, cor anglais et piano
un lado, otro lado (1984) pour piano
tris (2006) pour hautbois, basson et contrebasse
... il remoto silenzio (2002) pour violoncelle
sin ir más lejos (2013) pour flute alto, piano et percussion
sendas (1992) pour sept vents et piano