OC - Filidei - L’Inondation - Pomárico/Pommerat - 09-10/19

Opéra en deux actes de Francesco Filidei (livret de Joël Pommerat), inspiré du texte éponyme d'Evgueni Zamiatine.
Commande de l'Opéra Comique avec l'aide à l'écriture du Ministère de la Culture.

Direction musicale Emilio Pomárico
Mise en scène Joël Pommerat
Décors et lumières Eric Soyer
Costumes, maquillages, perruques Isabelle Deffin
Vidéo Renaud Rubiano
Assistant musical Leonhard Garms
Collaborateur artistique Philippe Carbonneaux
Assistante décors Marie Hervé
Chef de chant Thomas Palmer

La Femme Chloé Briot
L’Homme Boris Grappe
La Jeune Fille Norma Nahoun
La Jeune Fille Cypriane Gardin
Le Voisin Enguerrand de Hys
La Voisine Yael Raanan-Vandor
Le Narrateur, le Policier Guilhem Terrail
Le Médecin Vincent Le Texier

Enfants Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique : Colin Renoir-Buisson et Mona Lebas (27 septembre, 1er octobre), Tiago Lucet-Remy et Lisa Rugraff (29 septembre, 3 octobre)
Figurants Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique : Elliot Appel, Enzo Bishop (27 septembre, 1er octobre), Julius Lombard Lavallée, Esteban Ratel (29 septembre, 3 octobre), Arthur Roussel, Mateo Vincent Denoble
Orchestre Philharmonique de Radio France

Quelques impressions rapidement rassemblées :

Un spectacle d’une finition remarquable.

Dieu sait que j’ai des souvenirs de productions musicalement extraordinaires dans cette salle (Comte Ory, Nonne sanglante), mais on ne peut pas dire que ce soit toujours au rendez-vous scéniquement... Or, là, le travail de Pommerat est vraiment bon - lisible et intelligent, précis du point de vue de la direction d’acteur et fouillé, visuellement réussi. Son seul défaut est d’être peu adapté à la salle, puisque les espaces superposés dissimulent ce qui se déroule derrière les murs ou le sol, suivant là où le spectateur est situé. (Cela dit, j’y ai trouvé mon compte en trouvant que ça ajoutait du malaise et du mystère.) Mais comme le spectacle est créé pour tourner, ça se comprend (à Limoges par exemple, ça ne posera aucun problème).

Séduit par la partition de Filidei, parfois un brin trop illustratrive peut-être, mais plusieurs moments d’une grande beauté, notamment les récits du narrateur, très pelléassiens (ils rappellent la lecture de la lettre en I, 2 ; la dernière scène pourrait faire référence au V). L’accordéon, très présent dans le spectre sonore, donne une couleur singulière à l’œuvre, quelque chose d’aussi lugubre qu’ondoyant (un peu comme la surface d’une eau stagnante).

J’avoue avoir trouvé, malgré toutes les qualités du spectacle, le temps long, peut-être parce qu’aux effets de ma fatigue s’ajoutait l’étirement exagéré de certaines scènes - le livret et l’action aurait pu gagner à être resserrés.

Le Philhar’ de Radio France assure admirablement, déployant un son très brillant et vif.
Admirables aussi, tous les chanteurs-acteurs, même s’il y a chez certains des problèmes de projections.
Il faut saluer l’incarnation engagée de Chloé Briot, très touchante.
J’ai aussi été très séduit par Norma Nahoun, au timbre clair et fruité, qui ne m’avait pas tant captivé dans La finta pazza à Versailles.

Je signale que c'est visible en direct (et après en replay) sur ArteConcert demain (3 octobre) à 20h.

Ici : https://www.arte.tv/fr/videos/092446-000-A/l-inondation-de-francesco-filidei-et-joel-pommerat-a-l-opera-comique/


Une autre critique peut être lue ici.

Merci pour tes impressions Adalbéron

J'y suis allé dimanche après-midi. Je suis très béotien en matière d'opéra mais j'ai aussi beaucoup apprécié le spectacle.
J'étais placé dans la corbeille juste au bord de la scène et au-dessus de la fosse. Ça a été une expérience sensorielle assez mémorable d'avoir le Philharmonique de RadioFrance juste en-dessous de soi et d'avoir l'impression d'être littéralement porté par la musique.
J'ai particulièrement bien pu apprécier leur savoir-faire. Le chef Emilio Pomárico m'a beaucoup impressionné : pendant les plus de 2 heures de la représentation il n'a pas arrêté un instant ... A la fin, son estrade était entièrement couverte de sueur.
Parmi les musiciens, j'ai plus particulièrement remarqué les percussionnistes avec leurs ustensiles incongrues (gaines électriques, langue de belle-mère, couverts de table, cailloux ...). L'un d'entre eux était installé dans une loge juste à côté de moi. C'était surprenant de l'entendre (les appeaux d'oiseaux   ).

Les chanteurs m'ont tous semblé très biens ... Mention spéciale à Guilhem Terrail et Vincent Le Texier dans des seconds rôles.

Concernant la musique, j'ai été très dérouté. Francesco Filidei est un compositeur que je suis depuis plusieurs années et c'était avant tout pour lui que j'étais venu. Il s'est surtout fait connaître par la dimension avant-gardiste lachenmanienne de son travail ... Là, en comparaison, j'ai eu un peu l'impression d'entendre du Ottorino Respighi ! Les vingt premières minutes je me suis demandé si il n'y avait pas une erreur quelque part    
Passé cet effet de surprise, j'ai beaucoup apprécié sa musique    Je suis impatient de pouvoir la réentendre plus attentivement, mais on peut déjà dire que c'est une grande réussite.

L'histoire m'a plutôt intéressée. J'ai trouvé que cela convenait bien à un livret d'opéra.
Contrairement à Adalbéron, je n'ai pas trouvé l’œuvre trop longue. Au contraire, l'action étant sensée se dérouler sur deux ou trois années, j'ai trouvé certaines ellipses mal fichues et les caractères de certains personnages pas assez approfondis (la jeune fille, le gendarme).

La mise en scène, elle, m'a paru assez lisible. Un peu trop peut-être.

Pour l'annecdote : avant la représentation, alors que j'attendais l'ouverture des portes dans un bistrot à côté, j'ai eu la surprise de voir Francesco Filidei venir s'attabler juste à côté de moi  Il avait l'air (pré)occupé et je n'ai pas osé le saluer ...

Je découvrais l'Opéra Comique. Un très bel endroit. Après la représentation, je voulais en profiter pour y flâner un instant ... Mais le personnel a fait déguerpir le public aussitôt

Je rejoins largement notre ami Adal après avoir vu le streaming ; c'est vraiment un très beau travail de mise en scène et une production très soignée, mais j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à accrocher sur la longueur de la soirée, et qu'il m'est arrivé de m'ennuyer un peu pendant les deux heures du spectacle. Le dispositif scénique m'a rappelé Katie Mitchell et Written on skin (puis Alcina), avec les étages et les compartiments, comme autant de cellules où se déploie l'action. Ce n'est pas une nouveauté, mais Pommerat utilise très bien toutes les ressources de cette scénographie ingénieuse, et les lumières et les effets spéciaux (l'appartement du bas inondé) sont aussi très réussis.

La musique de Filidei a effectivement un côté illustratif, avec les nappes sonores qui évoquent l'eau stagnante ou débordante, et les percussions omniprésentes pour les climax dramatiques. La voix est traitée de façon intéressante ; on évite plutôt le sprechgesang traditionnel dans l'opéra contemporain pour privilégier une déclamation plus souple, avec des réminiscences pelléassiennes (et on est bien ici dans ce "tragique du quotidien" dont parlait Maeterlinck) et des duos très réussis, surtout à la fin de l'oeuvre. Les interprètes sont très bons, Chloé Briot tout particulièrement, et ce jeune baryton que je ne connaissais pas, Boris Grappe, bon chanteur et excellent acteur. Et c'est très chouette d'assister à un opéra dont le compositeur vient saluer à la fin (même si c'est pour récolter quelques sifflets, ce qui n'a pas été le cas cette fois-ci où le triomphe a été unanime) !