DIMANCHE 12 FÉVRIER 2023 19H00
Maison de la Radio et de la Musique – AuditoriumUnsuk Chin —
Le Silence des sirènes * (création mondiale de la nouvelle version)
Franceso Filidei —
I Giardini di Vilnius ^, concerto pour violoncelle (création mondiale)
Théo Mérigeau — Hoquetus animalis ^^Unsuk Chin —
Puzzles and Games from Alice in Wonderland **
Faustine de Monès *, soprano
Alexandra Oomens **, soprano
Sonia Wieder-Atherton ^, violoncelle
Lucile Dollat ^^, orgue
Orchestre philharmonique de Radio France
Antony Hermus, direction
Hélène Collerette, violon solo
Concert de clôture du festival Présences consacré à Unsuk Chin. Diffusion sur France Musique le 29 mars.
Le Silence des sirènes s'inspire du chapitre XI de l'
Ulysse de Joyce, "
Sirens" : la pièce s'ouvre par une intervention de la chanteuse seule, qui lance depuis le fond du parterre une mélopée en grec (
Viens, Ulysse fameux, gloire éternelle de la Grèce, arrête ton navire afin d'écouter notre voix), consonante, qui a un côté chant nostalgique de marin. Elle s'avance tout en chantant et finit par rejoindre l'orchestre sur scène. Suivent des épisodes d'une écriture vocale très variée : parlé-crié, imitation d'oiseaux, chant plus lyrique, pur mélisme (?). Mais Chin sait rendre le texte intelligible quand elle le veut et l'enchaînement des différentes scènes et des différentes humeurs se fait de manière organique. La conclusion revient au motif de l'incipit soliste. Faustine de Monès a bien restitué cette riche écriture.
J'ai trouvé très séduisant le concerto pour violoncelle de Filidei, donné en création mondiale. Structure plutôt claire à mes oreilles : une introduction suspendue, incertaine, le violoncelle s'y cherche une voix via des petits motifs dans son registre aigu. Assez rapidement émerge un développement qui par son atmosphère m'a fait songer à Arvo Pärt. Je ne sais pas quelle part ont pris les paysages et le climat de la Vilnius du titre dans l'écriture, mais on retrouve dans le concerto ce sentiment d'espace mâtiné de transcendance de certains compositeurs baltes. Pas grand-chose à voir scrito sensu avec l'écriture de Pärt, mon impression doit tenir aux motifs qui tintinnabulent (quelque peu) et circulent de manière fluide entre instruments. Vient ensuite un passage plus agité, ostinato, assez dramatique et prenant. Après un retour à l'ambiance liminaire, un moment d'épanouissement et d'ouverture, lumineux, apaisé, d'une grande beauté. Là encore j'y ai entendu quelque chose de balte ou de nordique. S'ensuit un nouveau passage ostinato, qui creuse un unique motif, dans une veine un peu chostako-soviétique. La pièce s'achève par une dissolution sonore, la soliste et les contrebasses désaccordant leur corde la plus grave jusqu'à la sourde débâcle finale.
Un "vrai" concerto pour violoncelle, où on entend des éléments de la formation bruitiste de Filidei (peut-être aussi spectrale, mais pour être honnête je ne l'ai pas remarqué) associés à une vraie inspiration mélodique et une forme lisible.
Après l'entracte Lucile Dollat devait jouer une pièce pour orgue de Théo Mérigeau. En regagnant son siège le public voyait plusieurs techniciens s'affairer autour de la console d'orgue amenée sur scène : panneaux démontés, câbles triturés, boutons activés. Il commençait à devenir clair que ça ne fonctionnait pas, et en effet Pierre Charvet a fini par nous annoncer l'annulation du morceau. Dommage pour l'interprète et le compositeur.
(j'avais pour ma part aussi une place pour le concert du festival de la veille avec le National et François-Xavier Roth, annulé pour cause de grève. Au bout du compte je n'ai découvert aucun compositeur !)
On est donc passé directement à la pièce finale : une sorte de suite tirée de l'opéra de Chin d'après Lewis Carroll, pour soprano et orchestre. Je crois mais il faudrait vérifier que la soprano ne chante que des passages qui reviennent à Alice. Ça s'ouvre dans une ambiance très ravélienne, presque un pastiche de
L'Enfant et les sortilèges, et la suite est très amusante, variée. Le texte reste presque toujours intelligible. On est vraiment dans le monde d'
Alice : drôlerie, frayeurs soudaines, changements d'atmosphère et déformations,
nonsense. Alexandra Oomens a été remarquable par sa diction et son incarnation.
Soirée tout à fait convaincante pour moi donc !
L'an prochain, le festival mettra en vedette Steve Reich.
Antony Hermus, Unsuk Chin et Faustine de Monès
Hermus, Francesco Filidei et Sonia Wieder-Atherton
Hermus, Alexandra Oomens, Chin