Kapsberger : suites pour luth, chitarrone, airs...

Kapsberger est, avec, Piccinini, le grand représentant du luth (et luth théorbé, et théorbe... je ne reviens pas sur les distinctions, voir ici) du début du XVIIe. Ses œuvres sont des standards de l'instrument, et ont en conséquence (ça coûte pas cher, un luthiste) été abondamment enregistrées.

Un mot sur quatre disques que je viens d'écouter.






Kapsberger & Piccinini - Œuvres pour luth & chitarrone - Konrad Junghänel (Accent)
On déplore parfois que les grands interprètes arrêtent de jouer lorsqu'ils se changent en chefs... pour Junghänel au contraire, le changement est heureux. Le disque débute bien, mais passé dix minutes, il change d'instrument, un luth théorbé aigre, criard, très faux, et qu'il joue de plus avec une grande raideur.
Je n'ai pas pu finir mon assiette, presque éprouvant. On trouve sur YouTube quantité d'amateurs bien mieux qualifiés... il a surtout le mérite des pionniers ; mérite qu'on peut lui accorder sans se forcer à l'écouter.






Kapsberger - Œuvres pour luth & chitarrone - Hopkinson Smith (Astrée)
Essentiellement dédié aux œuvres pour luth. Tout l'inverse : souplesse invraisemblable, son brillant, facilité extrême. Un peu plus lyrique que bondissant peut-être, mais d'un élan irrésistible.






Kapsberger - Pièces de luth & airs - Luca Pianca, Guillemette Laurens, Enrico Onofri (Teldec)
Réédité en collection économique, ce volume ne sent pas du tout la découverte comme les disques d'Harnoncourt et Stubbs : c'est avec les deux fondateurs du Giardino Armonico, au faîte de leur gloire, que Guillemette Laurens étale ce qui est sans doute vocalement son plus beau témoignage. Superbe choix d'airs très prenants, en particulier Tu che pallido esangue et ses folles coloratures archaïques.  






Kapsberger & Castaldi - Pièces de luth & airs - Victor Coelho, Il Furioso (Toccata Classics)
Dans le même genre, mais avec différentes tessitures. Un très beau disque, avec un accompagnement encore plus vivant (et une sacrée voix de basse), même si l'association Pianca-Laurens reste au firmament.

 Et Paul O'Dette ?

Je n'ai parlé que des disques écoutés depuis vendredi. O'Dette est une valeur sûre pour la délicatesse (une approche beaucoup moins franche du son que Smith), je ne l'ai pas encore écouté dans Kapsberger.

Parmi les grands noms, y a aussi le disque de Rolf Lislevand, indisponible :




On trouve ce CD pas cher chez Brilliant, mais je ne connais pas l'instrumentiste :

Mélomaniac a écrit:

Parmi les grands noms, y a aussi le disque de Rolf Lislevand, indisponible :

Encore un tout autre genre, très spectaculaire, dans une acoustique de cathédrale (on a l'impression que son instrument ronfle comme un orgue !), avec un soutien de gambe.

Citation :

On trouve ce CD pas cher chez Brilliant, mais je ne connais pas l'instrumentiste :

Lecture assez lumineuse et joyeuse, agile, captée d'un peu près (on entend toutes les cordes qui ne vibrent pas bien, les respirations, etc.). Le luth ne doit pas être d'une qualité extraordinaire (ça sonne un peu « sortie d'usine »), mais c'est très bien joué.

 Bon beh je crois qu'on a fait le tour de la discographie.

Merci David, c'était un beau sujet.

Mélomaniac a écrit:

 Bon beh je crois qu'on a fait le tour de la discographie.

Pas du tout, il y en a beaucoup d'autres. La plupart des disques ne sont pas monographiques, tout simplement.

J'ai au bas mot 70 références de disques contenant du Kapsberger dans ma besace. Certes, beaucoup sont épuisés, et la plupart contiennent un quart d'heure de Kapsberger au milieu d'autres compositeurs... mais il y a encore de quoi discuter.


Parmi les monographies, il y a le disque Pluhar, particulièrement bizarre (très récrit comme d'habitude).

Oui je suis d'accord, le disque de Junghänel...Il avait fait mieux,encore que je n'ai jamais vraiment aimé son timbre.
Pour Smith,c'est le seul enregistrement que je n'ai pas de lui,mais cela doit être superbe.
Rolf Lislevand:France musique avait diffusé un très beau concert en 2012,avec des oeuvres de Sanz,Corbetta,de Murcia,de Visée et:

Alessandro Piccinini:Toccata (Bologne, 1624)
Hieronymus Kapsberger:Canarios, Passacalles, Arpeggiata (Rome 1640)
Alessandro Piccinini:Ciaccona (Bologne, 1624)

8 toccatas du premier livre de Kapsberger aussi ici :


Le programme :

Barbara Strozzi : Cantate, ariette e duetti, Op. 2: No. 14. L'Eraclito amoroso
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 3
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 6
Giulio Caccini : La pellegrina: Intermedio IV: Io che dal ciel cader farei la luna
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 7
Johannes Hieronymus Kapsberger : Avrilla mia
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 4
Claudio Monteverdi : Se i languidi miei sguardi, "Lettera amorosa in genere rapresentativo"
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 2
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I di arie passeggiate: Ultimi miei sospiri
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 5
Giulio Caccini : Amarilli mia bella (Amarilli my beautiful)
Giulio Caccini : Mentre che fra doglie e pene
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 8
Johannes Hieronymus Kapsberger : Libro I d'intavolatura di lauto: Toccata No. 1
Tarquinio Merula : Canzonetta spirituale sopra Alla Nanna

J'ai l'intégrale de Richard Egarr sur Globe (entre autres). Ça me repose d'Aida et du Crépuscule des Dieux..

Polyeucte a écrit:

8 toccatas du premier livre de Kapsberger aussi ici :

C'est le disque de Dunford ? Il vaut quoi ? J'ai écoute le concert à Sablé (visible toujours sur You Tube) et ça m'a vraiment plu.

tartatane a écrit:

C'est le disque de Dunford ? Il vaut quoi ? J'ai écoute le concert à Sablé (visible toujours sur You Tube) et ça m'a vraiment plu.

Oui c'est ça! Et c'est magnifique je trouve...

Le disque de Kapsberger que j'aime le plus est de Sandro Volta, parce qu'on ressent qu'il adore la musique! Il est doux, recueilli, il chouchoute, il caresse. Je vais trop loin,  je ne peux pas mieux expliquer.

• Che fai tù? Villanelles
Les Kapbsber’girls: Alice Duport-Percier (soprano), Axelle Verner (mezzo-soprano), Barbara Hünninger (basse de violon), Albane Imbs (archiluth, théorbe, guitare baroque, tiorbino, direction)
Evje, IX.2017 & IX.2018; Vézelay, I.2018
Muso

Contre toute attente, j’ai beaucoup aimé ce premier disque de ces chouchoutes-de-David.

Intrinsèquement, les Villanelles ne constituent pas forcément la part la plus passionnante de l’œuvre de Kapsberger - de la mélodie accompagnée d’inspiration populaire d’une écriture musicale assez nue (comparées aux extraits du Libro quarto d’intavolatura di chitarrone, c’est même franchement pauvre.)

Tout l’intérêt de ce que donnent ici à entendre les Kapsber’girls vient de ce que, s’autorisant de la latitude d’improvisation que laisse la notation de ces villanelles et de leur statut ambivalent, les musiciennes n’hésitent pas à en proposer des réalisations particulièrement imaginatives - les tirant tantôt vers la musique populaire (avec des modes de chant et des ornementations rythmiques tirant carrément sur le folk), tantôt vers un style madrigalesque intensément lyrique. Cette liberté, cette inventivité, toujours entées sur une musicalité très fine, donnent à ce disque une variété inattendue (une approche à la Montserrat Figuerras aurait probablement donné quelque chose de vite lassant) et des climats irrésistiblement communicatifs!

Vraiment réjouissant! (Et puis quelle finesse et quelle saveur dans le jeu de cordes pincées d’Albane Imbs!)

Le disque est un peu plus sophistiqué que les concerts, plus fluides et naturels, donc certains enchaînement entre pistes peuvent paraître un peu trop contrastés, mais sinon, oui, tout l'intérêt est de revivifier ce genre à nos oreilles, les traiter comme on chanterait une chanson folk ou pop (Axelle Verner est d'ailleurs un soprano qui n'hésite pas à chanter en registre de poitrine clair, comme on le fait dans ces répertoires), comme si l'objet venait d'être composé pour faire la fête entre amis. Quelque chose de très direct dans leur approche, ce qui doit nécessiter, vu ce qui est inscrit sur les partitions, un travail particulièrement considérable !

Les interprètes (issues du CNSM de Lyon) sont de très haute volée, ce qui fait que la sympathique expérimentation se change en petite révélation, me concernant – moi non plus, les airs de cour italien légers du premier XVIIe, je ne m'étais jamais figuré que ça puisse être beaucoup plus passionnant que de la musique de fond.

Benedictus a écrit:

• Che fai tù? Villanelles
Les Kapbsber’girls: Alice Duport-Percier (soprano), Axelle Verner (mezzo-soprano), Barbara Hünninger (basse de violon), Albane Imbs (archiluth, théorbe, guitare baroque, tiorbino, direction)
Evje, IX.2017 & IX.2018; Vézelay, I.2018
Muso

Ah tiens, j'avais un œil dessus! Après le commentaire encourageant, forcément...

DavidLeMarrec a écrit:

Quelque chose de très direct dans leur approche, ce qui doit nécessiter, vu ce qui est inscrit sur les partitions, un travail particulièrement considérable !

Les interprètes (issues du CNSM de Lyon) sont de très haute volée

Oui, c'est ça qui est formidable: ça semble très spontané, sans façons, ça a un côté «bande de copines qui font un bœuf baroqueux» alors qu'en fait il doit y avoir un sacré travail derrière tout ça!

Rubato a écrit:

Ah tiens, j'avais un œil dessus! Après le commentaire encourageant, forcément...

En plus, je pense que, vu tes propres inclinations folk-baroque-madrigal, ça pourrait te plaire.

Benedictus a écrit:

Oui, c'est ça qui est formidable: ça semble très spontané, sans façons, ça a un côté «bande de copines qui font un bœuf baroqueux» alors qu'en fait il doit y avoir un sacré travail derrière tout ça!

Oui, chaque programme est maturé vraiment longtemps, et elles l'emmènent ensuite en tournée… Le plus ancien (d'où provient une partie de ce disque) doit bien tourner depuis quatre ans ! Elles ajoutent progressivement de nouveaux programmes, apparemment sans abandonner les anciens.