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Auteur | Message |
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Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 13 Aoû 2020 - 16:09 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 13 Aoû 2020 - 23:20 | |
| Akira Kurosawa : Rashômon 1950 Ce film est tout de même d'une grande concision et d'une grande beauté. Le scénario est extrêmement simple : trois personnages se retrouvent à la porte de Rashômon, ils ont été interrogés dans un même procès - et donc ont été témoins de la même histoire ; ils racontent chacun(e) leur version mais elles se contredisent. Ce film est bien sûr un film sur la vérité, mais pas seulement la vérité en tant que concept abstrait comme le fait Lang dans Beyond a reasonable doubt ; ici, la vérité va être consubstantielle à un paraître, comme une sorte de devenir-vu : on va mentir pour s'accorder la position la plus glorieuse, ça devient d'ailleurs malgré tout assez cocasse car on fait même parler un mort puis un des personnages revient sur sa version quand on lui dit que ce n'était pas la vérité. La vérité elle-même n'intéresse d'ailleurs pas Kurosawa puisque l'on ne saura pas la véritable version de l'histoire ou dit autrement, celle validée par le juge. Ce film exploite également beaucoup l'instabilité du ternaire (que l'on trouve sur le jeu cinématographique récurrent du trouple, ou dans la figure de l'amant(e)) : il met en place trois grandes temporalités (et donc trois lieux) mais aussi trois personnages (que ce soit dans la temporalité présente que la passée) ; d'ailleurs la résolution (d'ailleurs extrêmement surprenante) de toutes les tensions se fait par l'ajout d'un quatrième personnage qui symbolise d'ailleurs l'espoir et le renouveau puisqu'il s'agit d'un bébé - d'ailleurs, la pluie cesse à peu près au même moment et cela donne une part plus reluisante au personnage principal qui peut finalement se montrer positivement humain. Le film se passe dans un cadre en apparence assez restreint (le Japon au onzième siècle) mais la mise-en-scène de Kurosawa va lui donner une portée quasi-universelle notamment par le choix de lieux allégoriques : le tribunal n'est qu'une sorte d'espace blanc dont on ne voit rien ; la porte Rashômon est très quelconque, tout comme la forêt. Ce qui frappe également, c'est le montage couplé à la mise en scène qui donne des scènes superbes (notamment les scènes un peu hallucinées où le personnage principal regarde la femme ou les scènes de combat), il arrive notamment à donner un véritable relief à la forêt. C'est un très grand film. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 90940 Age : 42 Date d'inscription : 08/06/2005
| | | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33021 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 14 Aoû 2020 - 7:23 | |
| Ah oui, c'est un des très grands Kurosawa ! _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 14 Aoû 2020 - 23:02 | |
| Jonás Trueba : La virgen de agosto 2020 + C'est vrai que ce film fait énormément penser au Rayon vert de Rohmer et sur beaucoup de points. Tout d'abord, la structure sous la forme de fragments journaliers avec la date écrite avant chaque jour ; il y a ensuite bien sûr la dynamique du récit, sorte de dynamique instantanée du hasard. Mais je trouve que c'est un film qui va dans un sens plutôt opposé à celui de Rohmer : Eva tient absolument à rester à Madrid alors que tout(e)s les madrilènes partent alors que chez Rohmer le personnage de Marie Rivière tient absolument à partir et a du mal à trouver quelqu'un pour partir ensemble ; et même en termes de couleurs : les jours sont écrits en vert sur fond blanc chez Rohmer alors qu'ils sont ici écrits en blanc sur fond rouge. En plus, la dynamique des couleurs (très parlante sur les relations entre les personnages) est plus globalement rohmérienne que précisément de ce film : les scènes en quatuor avec des couleurs croisées parmi les deux couples rappellent les scènes finales de L'ami de mon amie, par exemple. J'ai beaucoup aimé la façon dont les couleurs des vêtements d'Eva évoluent : on commence sur du rouge en haut et une sorte de rose/rouge-passé en bas, son amie performeuse porte du jaune, et l'homme qu'elle rencontre du vert ; c'est parlant lorsqu'elle se retrouve mal à l'aise avec le maillot de bain bleu qu'on lui a prêté ; et à la fin, elle se retrouve avec une tenue totalement hybride en terme de couleurs : rouge à pois blancs et rouge-passé à pois verts et cela est comme une trace de sa trajectoire durant le film. J'ai beaucoup aimé la photographie du film, également, avec certaines scènes aux très belles lumières (dont les couleurs sont très signifiantes - cf. la scène après-concert). Le rythme du film, assez lent mais très enveloppant m'a beaucoup plu et le temps du film coïncide avec le mien. Je n'ai par contre pas très bien compris le propos autour de la virginité (le titre original étant, si on le traduit littéralement, "la vierge d'août" et la fin du film y fait allusion) et (ça semble lié) celui avec le céleste ; peut-être est-ce une transposition du miracle du rayon vert ? ou alors peut-être est-il question du doute auquel fait face Eva face à une certaine foi en l'existence ; ça ne semble en tout cas pas être un propos très sexiste comme dans Madre de Sorogoyen. La performance d'Itsaso Arana est également notable, je ne connaissais pas du tout cette actrice ! C'est un beau film d'été, en somme. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 14 Aoû 2020 - 23:19 | |
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| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33021 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 15 Aoû 2020 - 7:54 | |
| - Emeryck a écrit:
- devenir-vu
Deleuze … sors de ce corps ! _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 15 Aoû 2020 - 8:32 | |
| - Cololi a écrit:
- Emeryck a écrit:
- devenir-vu
Deleuze … sors de ce corps ! C'était un petit troll. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 90940 Age : 42 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 21 Aoû 2020 - 5:01 | |
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| | | Francesco Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4084 Localisation : Paris Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 22 Aoû 2020 - 17:32 | |
| - Emeryck a écrit:
- Josef von Sternberg : Morocco
1930
+ / Je suis en général rarement convaincu par les films de von Sternberg à part pour L'ange bleu et peut-être quelques fragments par-ci par-là et ce film ne fait pas exception à la règle : techniquement, il y a pas mal de choses notamment en terme de lumières et de cadres (même si ce n'est pas non plus la folie si l'on compare à ce que l'on fait à l'époque) mais j'ai trouvé l'histoire assez peu intéressante et les acteurs n'étaient pas crédibles ensemble - c'est d'ailleurs assez frustrant car individuellement, ils sont très bons : Dietrich a une de ces classes... et Grant a un rôle assez étonnant mais leur amour échevelé ne passe pas à l'écran, je trouve. Sinon, le fait que le film ait été tourné au Maroc, bon... c'est assez douteux car ça sert une espèce d'exotisme fantasmé de pacotille ; c'est dommage. C'est Gary Cooper dans Morocco. Bon, moi je dirais simplement que "l'exotisme fantasmé de pacotille" (on pourrait dire aussi "sublime artificialité") c'est justement l'essence du film, avec sa simplicité de conte, l'aspect linéaire du récit, l'opacité des caractères, ce qui reste, après l'épure du scénario, ce sont surtout des images du désert, les plans sur les visages (follement beaux) des deux acteurs, des séquences vides sur le plan dramaturgique (celle de la chanson) ou superbement significatives et/mais elliptiques (la toute fin, quasiment muette). Effectivement, je pense que ne pas sentir que ça fasse volontairement et paradoxalement studio, non réaliste, que ça relève du fantasme, d'une imagerie etc., c'est passé à côté du sens du film. (après, on peut apprécier, ou pas. Moi, j'apprécie). C'est un rare cas de film dont l'atmosphère a clairement inspiré une oeuvre lyrique, sinon, la spectaculaire et un peu épuisante dernière opérette de Lehar, Giuditta. |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6803 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 22 Aoû 2020 - 20:40 | |
| - Francesco a écrit:
C'est Gary Cooper dans Morocco. Bon, moi je dirais simplement que "l'exotisme fantasmé de pacotille" (on pourrait dire aussi "sublime artificialité") c'est justement l'essence du film, avec sa simplicité de conte, l'aspect linéaire du récit, l'opacité des caractères, ce qui reste, après l'épure du scénario, ce sont surtout des images du désert, les plans sur les visages (follement beaux) des deux acteurs, des séquences vides sur le plan dramaturgique (celle de la chanson) ou superbement significatives et/mais elliptiques (la toute fin, quasiment muette). Effectivement, je pense que ne pas sentir que ça fasse volontairement et paradoxalement studio, non réaliste, que ça relève du fantasme, d'une imagerie etc., c'est passé à côté du sens du film. (après, on peut apprécier, ou pas. Moi, j'apprécie).
C'est un rare cas de film dont l'atmosphère a clairement inspiré une oeuvre lyrique, sinon, la spectaculaire et un peu épuisante dernière opérette de Lehar, Giuditta. Fantasmes et sublime artificialité c'est exactement ça, l'essence des Sternberg hollywoodiens le fétichisme de l'image dans ce qu'elle peut avoir de plus outrageusement fabriquée pour aboutir a une poésie qui n'est plus vraiment dépendante des nécessités dramatiques ou qui la transcende dans un pur objet esthétique. On peut ne pas aimé mais ça reste l'un des corpus les plus cohérents et les plus personnels de la période (et l'un des plus original justement par ce fétichisme des visages, des objets, des décors, qui ne correspond pas vraiment aux habituels clichés sur la transparence du cinéma classique). Et puis il y a toujours la présence fascinante de Marlene Dietrich qui là aussi devient plus qu'une actrice une pure création cinématographique, littéralement une icône qui fait l'objet d'un culte de la part de la caméra. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 23 Aoû 2020 - 12:05 | |
| Oui, je ne suis tout simplement pas sensible à cet aspect — que je trouve un peu problématique par ailleurs : cette vision réductrice ne peut pas être le point de départ du film. |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6803 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 23 Aoû 2020 - 13:29 | |
| - Emeryck a écrit:
- Oui, je ne suis tout simplement pas sensible à cet aspect — que je trouve un peu problématique par ailleurs : cette vision réductrice ne peut pas être le point de départ du film.
En quoi est-ce réducteur? pourquoi un film ne pourrait-il pas aussi être avant tout un objet esthétique qui explore ses propres plastiques pour le seul plaisir de la forme ? Je comprend qu'on y soit pas sensible et qu'on préfére une autre approche plus substantiel, moins "art pour l'art", mais dire ainsi que c'est réducteur je trouve que c'est invalidés un choix artistique tout a fait valide et dans le cas de Sternberg mené de manière parfaitement cohérente et consistante sur plusieurs film. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 90940 Age : 42 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 30 Aoû 2020 - 4:30 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 30 Aoû 2020 - 20:58 | |
| - Parsifal a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Oui, je ne suis tout simplement pas sensible à cet aspect — que je trouve un peu problématique par ailleurs : cette vision réductrice ne peut pas être le point de départ du film.
En quoi est-ce réducteur? pourquoi un film ne pourrait-il pas aussi être avant tout un objet esthétique qui explore ses propres plastiques pour le seul plaisir de la forme ? Je comprend qu'on y soit pas sensible et qu'on préfére une autre approche plus substantiel, moins "art pour l'art", mais dire ainsi que c'est réducteur je trouve que c'est invalidés un choix artistique tout a fait valide et dans le cas de Sternberg mené de manière parfaitement cohérente et consistante sur plusieurs film. C'est réducteur à propos de l'histoire marocaine : je ne dis pas qu'il faut que tout soit absolument exact mais il ne faut pas abuser. Pour moi, il y a des cas où cela pose problème comme ici : peut-on réduire le Maroc à cela ? Je pense qu'on peut le faire pour la France ( Wilder l'a bien fait) mais c'est plus problématiques pour des pays qui ont souffert du colonialisme. Je n'ai jamais pointé du doigt l'incohérence (au contraire, je trouve ça cohérent) mais oui, j'invalide ce choix car il me paraît problématique. |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6803 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 30 Aoû 2020 - 21:40 | |
| - Emeryck a écrit:
- Parsifal a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Oui, je ne suis tout simplement pas sensible à cet aspect — que je trouve un peu problématique par ailleurs : cette vision réductrice ne peut pas être le point de départ du film.
En quoi est-ce réducteur? pourquoi un film ne pourrait-il pas aussi être avant tout un objet esthétique qui explore ses propres plastiques pour le seul plaisir de la forme ? Je comprend qu'on y soit pas sensible et qu'on préfére une autre approche plus substantiel, moins "art pour l'art", mais dire ainsi que c'est réducteur je trouve que c'est invalidés un choix artistique tout a fait valide et dans le cas de Sternberg mené de manière parfaitement cohérente et consistante sur plusieurs film. C'est réducteur à propos de l'histoire marocaine : je ne dis pas qu'il faut que tout soit absolument exact mais il ne faut pas abuser. Pour moi, il y a des cas où cela pose problème comme ici : peut-on réduire le Maroc à cela ? Je pense qu'on peut le faire pour la France (Wilder l'a bien fait) mais c'est plus problématiques pour des pays qui ont souffert du colonialisme.
Je comprend mieux ce que tu veux dire, mais c'est une approche qui posée dans ces termes me parait elle aussi poser quelques problèmes à propos d'un film produit a Hollywood dans les années 1930; Je veux dire on peut évidemment (et on doit et on le fait) discuter l'idéologie orientaliste qui sous tend ce type de représentation, mais faire le reproche a un film produit par les studios hollywoodiens dans les années 1930 de ne pas prendre en compte l'histoire marocaine, ou d'en faire un traitement irréaliste c'est passé complétement a côté et vouloir faire porter au film un poids qu'il ne peut pas et qu'il n'aurait pas pu porter quand bien même scénariste et réalisateur l'auraient voulu (et Sternberg n'est pas exactement connus comme un cinéaste engagé) tout simplement parce que le contexte ne s'y préte pas (et pas sous une forme qui ne serait pas "problématique"). Dans ce cas autant éviter tous les films américain de cette époque qui peuvent avoir un cadre colonial, parce que ça sera toujours soit un cadre exotique utilisé comme décors et véhicule de stéréotypes renouveler avec plus ou moins d’intérêt (ou mis au service comme c'est le cas ici d'un fétichisme de l'image) qu'il peut évoquer chez le spectateur occidental sans projet politique (conscient je précise, ça participe bien sur de tout un ensemble de représentation plus ou moins directement lié à l'imaginaire colonial et on peut toujours rapporter la production du film a des problématiques en cours a l'époque dans la société), soit des justifications plus ou moins subtile et plus ou moins digeste du colonialisme. On peut aussi apprécier la beauté d'un film sans souscrire a leur imaginaire idéologique (conscient ou inconscient) et en conservant une distance critique, et on n'est pas toujours obligé de regarder un film avec l’œil du chercheur qu'il soit critique culturel, ou militant. On peut aussi essayer de le comprendre et de l'apprécier selon ses propres termes. et heureusement qu'une fiction même historique n'est pas obligé d'être a 100% exacte je serais très malheureux dans un monde ou il n'y aurait ni Dumas, ni Les Deux Orphelines de Griffith (et son histoire anti-bolchevique de la révolution française qui est un sommet de comique involontaire, dans un film par ailleurs excellent) |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 12:10 | |
| - Parsifal a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Parsifal a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Oui, je ne suis tout simplement pas sensible à cet aspect — que je trouve un peu problématique par ailleurs : cette vision réductrice ne peut pas être le point de départ du film.
En quoi est-ce réducteur? pourquoi un film ne pourrait-il pas aussi être avant tout un objet esthétique qui explore ses propres plastiques pour le seul plaisir de la forme ? Je comprend qu'on y soit pas sensible et qu'on préfére une autre approche plus substantiel, moins "art pour l'art", mais dire ainsi que c'est réducteur je trouve que c'est invalidés un choix artistique tout a fait valide et dans le cas de Sternberg mené de manière parfaitement cohérente et consistante sur plusieurs film. C'est réducteur à propos de l'histoire marocaine : je ne dis pas qu'il faut que tout soit absolument exact mais il ne faut pas abuser. Pour moi, il y a des cas où cela pose problème comme ici : peut-on réduire le Maroc à cela ? Je pense qu'on peut le faire pour la France (Wilder l'a bien fait) mais c'est plus problématiques pour des pays qui ont souffert du colonialisme.
Je comprend mieux ce que tu veux dire, mais c'est une approche qui posée dans ces termes me parait elle aussi poser quelques problèmes à propos d'un film produit a Hollywood dans les années 1930;
Je veux dire on peut évidemment (et on doit et on le fait) discuter l'idéologie orientaliste qui sous tend ce type de représentation, mais faire le reproche a un film produit par les studios hollywoodiens dans les années 1930 de ne pas prendre en compte l'histoire marocaine, ou d'en faire un traitement irréaliste c'est passé complétement a côté et vouloir faire porter au film un poids qu'il ne peut pas et qu'il n'aurait pas pu porter quand bien même scénariste et réalisateur l'auraient voulu (et Sternberg n'est pas exactement connus comme un cinéaste engagé) tout simplement parce que le contexte ne s'y préte pas (et pas sous une forme qui ne serait pas "problématique"). Dans ce cas autant éviter tous les films américain de cette époque qui peuvent avoir un cadre colonial, parce que ça sera toujours soit un cadre exotique utilisé comme décors et véhicule de stéréotypes renouveler avec plus ou moins d’intérêt (ou mis au service comme c'est le cas ici d'un fétichisme de l'image) qu'il peut évoquer chez le spectateur occidental sans projet politique (conscient je précise, ça participe bien sur de tout un ensemble de représentation plus ou moins directement lié à l'imaginaire colonial et on peut toujours rapporter la production du film a des problématiques en cours a l'époque dans la société), soit des justifications plus ou moins subtile et plus ou moins digeste du colonialisme.
On peut aussi apprécier la beauté d'un film sans souscrire a leur imaginaire idéologique (conscient ou inconscient) et en conservant une distance critique, et on n'est pas toujours obligé de regarder un film avec l’œil du chercheur qu'il soit critique culturel, ou militant. On peut aussi essayer de le comprendre et de l'apprécier selon ses propres termes.
et heureusement qu'une fiction même historique n'est pas obligé d'être a 100% exacte je serais très malheureux dans un monde ou il n'y aurait ni Dumas, ni Les Deux Orphelines de Griffith (et son histoire anti-bolchevique de la révolution française qui est un sommet de comique involontaire, dans un film par ailleurs excellent) Oui, je suis en grande partie d'accord avec ce que tu dis ; je pense cela dit qu'il existe des films qui ont un autre intérêt que ce parti-pris très fort du fétiche de l'image : celui-ci semble entièrement tourné vers cet aspect - c'était de toute façon déjà le cas dans certains films lorsqu'il s'agissait de filmer Dietrich. Bien sûr, et heureusement ! Mais ici, le parti-pris est si radical qu'il est difficile de s'intéresser à autre chose. Oui, c'est sûr ! |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6803 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 12:21 | |
| - Emeryck a écrit:
Oui, je suis en grande partie d'accord avec ce que tu dis ; je pense cela dit qu'il existe des films qui ont un autre intérêt que ce parti-pris très fort du fétiche de l'image : celui-ci semble entièrement tourné vers cet aspect - c'était de toute façon déjà le cas dans certains films lorsqu'il s'agissait de filmer Dietrich. Après je comprend que ce parti pris "fétichiste" laisse de marbre il n'y a plus que ça d'une certaines manières et les émotions ne passent presque plus que par cette extase formelle, et il y a une sorte d'indiférence a tout ce qui lui ait extérieur y compris les possibles implications idéologiques |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 12:26 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 15:52 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 17:55 | |
| Alain Cavalier : Être vivant et le savoir 2019 Le projet initial du réalisateur était de faire un film autour du livre Tout s'est très bien passé d'Emmanuelle Bernheim en sa compagnie où il jouerait le rôle de son père - qui a été hospitalisé et a choisi de cesser de vivre - et où elle jouerait son propre rôle. Emmanuelle Bernheim nous ayant quitté en 2017, Cavalier décide de transformer le projet du film en utilisant les quelques séquences qu'il a filmées avec l'auteure pour faire une sorte de chronique d'hommage en son honneur. Je n'ai vu aucun film de Cavalier au-delà des années soixante mais ce film me semble vraiment très personnel, très loin de ses premiers films : une sorte de documentaire à terreau fictionnel, le résultat est très touchant. On pourrait penser que le film est extrêmement tragique mais le réalisateur (par sa pudeur, notamment) réussit à transformer cet aspect tragique pesant en une émotion beaucoup plus légère ; cette transformation peut également avoir lieu car Cavalier attribue une immense part du film à la vie (le titre en témoigne, même s'il fait implicitement référence à la mort dans sa seconde partie) : il s'agit de filmer la vie, en direct, que ce soit par les écritures du réalisateur, qu'à travers une main, un légume, mais également à travers des étapes (je pense au plan où l'on voit la réponse au SMS de condoléances de Cavalier) ; ce que j'ai trouvé de très beau dans le film, c'est les citations (qui prennent une tonalité différente) du livre de Bernheim et la phrase-titre qui résonne particulièrement, assez proche de la tonalité globale du film. Ce film est également une réflexion du réalisateur sur son grand âge (quatre-vingt huit ans à l'heure actuelle) et son rapport à la mort. Une belle découverte, qui m'a d'une part envie de lire le livre d'Emmanuelle Bernheim et de voir l'adaptation de François Ozon (en cours de tournage) prévue pour l'année prochaine. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 19:46 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 23:21 | |
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| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15526 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 31 Aoû 2020 - 23:35 | |
| Tu aurais plutôt dû essayer She Wore a Yellow Ribbon, comme je te l'avais recommandé - Yellow Ribbon, c'est une sorte de version moins sèche de Rio Grande, à la fois plus nostalgique et plus souriante (on y retrouve McLaglen/Quincannon, mais John Wayne y est un père veuf à la veille de la retraite), plus proche aussi de l'atmosphère chaleureuse et du rythme nonchalant de Wagon Master. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 90940 Age : 42 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mar 1 Sep 2020 - 0:32 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mar 1 Sep 2020 - 11:12 | |
| - Benedictus a écrit:
- Tu aurais plutôt dû essayer She Wore a Yellow Ribbon, comme je te l'avais recommandé - Yellow Ribbon, c'est une sorte de version moins sèche de Rio Grande, à la fois plus nostalgique et plus souriante (on y retrouve McLaglen/Quincannon, mais John Wayne y est un père veuf à la veille de la retraite), plus proche aussi de l'atmosphère chaleureuse et du rythme nonchalant de Wagon Master.
Oui, je le sais bien, je me le suis aussi procuré ! |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mar 1 Sep 2020 - 15:47 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mar 1 Sep 2020 - 23:35 | |
| Arthur Penn : Bonnie and Clyde 1967 + J'ai bien aimé ce film mais j'avoue avoir été très légèrement déçu tant on m'en a parlé en bien. Ce film marque tout de même une rupture avec le cinéma américain de l'époque, tout est porté à l'écran de manière déchaînée et explicite notamment en terme de violence - cf. la scène de fin. En représentant ce couple d'apprentis-bandits, à contre-courant de l'ordre établi, ce film semble constituer un écho (anticipé) à ce nouveau courant que sera le nouvel hollywood. Je pensais que le film allait davantage romantiser l'histoire autour du couple, dans le genre amants maudits ; ce n'est en fait pas du tout le cas : les personnages ne sont pas du tout univoques, apparaissant tantôt sous des traits sympathiques (ils ne volent pas l'argent des paysans, ils leur permettent de tirer sur les panneaux posés par la banque sur leur maison rachetée par celle-ci), tantôt sous des traits moins sympathiques. Le montage est assez étonnant, jouant beaucoup sur le rythme, notamment avec des cuts assez brutaux et des images accélérées, ça marche vraiment bien. J'ai trouvé que les représentations phalliques (rien que le pistolet tenu par Clyde au début) étaient un peu usante par leur caricaturalité - même si je dois reconnaître que l'utilisation un peu démystifiante de l'impuissance de ce dernier fait sourire. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 11:50 | |
| Yves Boisset : Un condé 1970 + Ce film raconte l'histoire d'un policier animé par un instinct de vengeance suite à l'exécution d'un de ses collègues par une bande de trafiquants, il ne va pas s'embarrasser de la moindre considération éthique pour - sous couvert de son titre de policier - se venger. Les films remettant en question datant de cette époque sont assez courants (Solo de Mocky, Max et les ferrailleurs de Sautet, par exemple) mais aucun d'eux n'ira si loin que celui de Boisset - qui ne sombrera d'ailleurs pas dans un "tous pourris" qui alourdit le film de Mocky. Le ministère de l'intérieur de l'époque a d'ailleurs voulu interdire la sortie du film, qui est finalement sorti grâce à l'appui (notamment) de Jean-Pierre Melville. J'ai trouvé ce film intelligent dans le réquisitoire qu'il mène contre la police car il montre bien que le problème du commissaire interprété par Michel Bouquet (totalement au contre-pied de ses rôles jusqu'alors, qui offre une belle composition) n'est pas individuel mais bel et bien structurel : il dit qu'il ne peut plus salir une institution déjà aussi sale ; de plus, les personnages ne sont jamais vraiment univoques - d'ailleurs le film devait initialement s'appeler Le condé mais Boisset a accepté de changer le titre, cela montre bien l'essence structurelle du problème. Même s'il a assez mal vieilli (la photographie est assez terne et les effets spéciaux - le sang, notamment - sont maintenant très désuets), ce film comporte son lot de scènes fortes, notamment la scène où Rufus se fait interroger par le personnage de Bouquet, ne voulant pas parler, ce dernier met le personnage de Rufus sous l'eau, son fils arrive et son père lui dit "Tu vois, c'est ça un flic". |
| | | Cololi chaste Col
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| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 14:25 | |
| Pour moi c'est un grande réussite. Je ne sais pas s'il y a d'autres pareilles réussites dans la cinéma policier français. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15526 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 15:01 | |
| - Cololi a écrit:
- Je ne sais pas s'il y a d'autres pareilles réussites dans la cinéma policier français.
Quand même!... Il y a de sacrés chefs-d'œuvre du genre chez Melville, Chabrol, Clouzot, Corneau, Tavernier, Becker, Miller, Clément, Verneuil, Lautner, plus ponctuellement Sautet, Malle ou Truffaut... (Et en plus, des films que tu aimes, il me semble.) (Cela dit, moi aussi, j'aime beaucoup Un condé - c'est même d'assez loin le film de Boisset que je préfère.) EDIT: En y réfléchissant, je me demande même si ce n'est pas le genre cinématographique dans lequel le cinéma français se sera le plus brillamment illustré. |
| | | Cololi chaste Col
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| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 16:05 | |
| - Benedictus a écrit:
- Cololi a écrit:
- Je ne sais pas s'il y a d'autres pareilles réussites dans la cinéma policier français.
Quand même!... Il y a de sacrés chefs-d'œuvre du genre chez Melville, Chabrol, Clouzot, Corneau, Tavernier, Becker, Miller, Verneuil, Lautner, plus ponctuellement Sautet ou Truffaut... (Et en plus, des films que tu aimes, il me semble.)
(Cela dit, moi aussi, j'aime beaucoup Un condé - c'est même d'assez loin le film de Boisset que je préfère.) Oui, oui je connais tout ça évidemment. J'aime évidemment (sauf Sautet ... enfin ... sauf Classe tous risques qui est excellent). _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15526 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 16:21 | |
| - Cololi a écrit:
- (sauf Sautet ... enfin ... sauf Classe tous risques qui est excellent).
Oui, c'est précisément à Classe tous risques que je faisais allusion. (Je n'aime pas trop Max et les ferrailleurs, qui d'ailleurs me semble un peu en marge du genre «film policier.») |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 16:31 | |
| - Benedictus a écrit:
- Cololi a écrit:
- Je ne sais pas s'il y a d'autres pareilles réussites dans la cinéma policier français.
Quand même!... Il y a de sacrés chefs-d'œuvre du genre chez Melville, Chabrol, Clouzot, Corneau, Tavernier, Becker, Miller, Clément, Verneuil, Lautner, plus ponctuellement Sautet, Malle ou Truffaut... (Et en plus, des films que tu aimes, il me semble.)
(Cela dit, moi aussi, j'aime beaucoup Un condé - c'est même d'assez loin le film de Boisset que je préfère.)
EDIT: En y réfléchissant, je me demande même si ce n'est pas le genre cinématographique dans lequel le cinéma français se sera le plus brillamment illustré. Oui, je suis assez d'accord - en comprenant ce que Cololi veut dire : je pense que jamais quelqu'un (à ma connaissance) n'est allé aussi loin que Boisset avec Un condé en France dans ce domaine, jamais de manière aussi brutale. Je pense que c'est effectivement le cas, au moins jusque dans les années soixante-dix et sans doute pour des raisons financières : on peut remarquer que beaucoup de réalisateurs français ont commencé avec un film noir (qui est un genre inclus dans le policier, sans complètement le représenter) notamment Costa-Gavras avec Compartiment tueurs, Blier avec Si j'étais un espion, Sautet avec Classe tous risques, Malle avec Ascenseur pour l'échafaud et sans doute encore plein d'autres donc c'est sans doute aussi le genre dans lequel le cinéma français aura le plus navigué. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 17:34 | |
| Andrzej Żuławski : Possession 1981 + C'est un film absolument remarquable. Ce film montre le délitement d'un couple dont l'homme est parti on ne sait où ni durant combien de temps, ce que l'on constate, c'est qu'ils ne cessent de se hurler dessus et l'on apprend peu après que sa compagne le trompe ; on pourrait croire à un film des plus quelconques, il n'en est pourtant rien : Possession est un de ces films qui vous marquent durablement. Le réalisateur va donner une consistance incroyable à ce qui s'apparente à un lieu commun : le partenaire avec lequel le personnage d'Adjani le trompe n'est en fait (dans un premier temps) qu'une allégorie physique du délitement du couple. C'est un des points que j'ai le plus apprécié dans ce film : tout est extrêmement organique donc palpable et la sublime photographie de Bruno Nuytten accompagne merveilleusement tout cela : des cadres très serrés, parfois dans des directions contraires pour chacun des deux protagonistes qui illustre parfaitement la tension entre eux - la musique est remarquable de ce point de vue, aussi. Cependant, à cette territorialisation du délitement du couple se greffe un propos plus politique sur le totalitarisme (plus particulièrement sur le régime soviétique ici - Żuławski était polonais et a eu des ennuis avec le régime soviétique) ; ainsi, le partenaire avec lequel elle le trompe (qui est en fait une sorte de créature tentaculaire - très organique, encore une fois) est également une allégorie de ce totalitarisme ; le choix de la ville de Berlin semble ainsi évident car c'est sans doute la ville emblématique d'une fracture engendrée par le régime soviétique - plusieurs plans sont d'ailleurs faits sur le mur de Berlin. Par l'aliénation, cette créature (qui est très centrale dans le film, à tout point de vue) instaure un jeu de doubles dans les personnages mais aussi dans les lieux ; cela donne un aspect encore plus ancré de la folie progressive - là encore souligné par des mouvements de caméra circulaires qui tranchent avec les mouvements plus heurtés évoqués ci-dessus et la photographie aux teintes très froidement bleutées de Nuytten donne une sorte de côté dévitalisé à l'image. Ce film m'a rappelé Repulsion de Polanski pour son traitement éminemment spatial des dynamiques (cela contribue à l'aspect très palpable du film) notamment en terme d'interpénétration d'espaces : elle est un peu différente chez Polanski car il s'agit juste de la progression d'un dehors ; ici, tout cela se passe entre les espaces de dualité, avec un désordre et une violence de plus en plus palpables au fil du film - les performances extrêmement physiques d'Isabelle Adjani et de Sam Neill sont vraiment mémorables ; la scène de fin est d'ailleurs une réussite complète, comme un triomphe tragique : la maison d'un blanc clinique et une superbe scène mettant à profit toute la tessiture physique et expressive d'un escalier pour un triomphe, et des images de fins comme un spectre. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 2 Sep 2020 - 23:02 | |
| Bertrand Tavernier : L'horloger de Saint-Paul 1974 / + Il s'agit du premier film de Tavernier qui vint assez tard à la réalisation (à trente-et-un ans), c'est également le premier film de ce réalisateur que je vois et je dois dire que ça m'a plutôt touché. Il y est question d'un père horloger auquel on apprend que son fils a tué, il se rend alors compte qu'il ne le connaissait pas mais malgré cela, on voit que ça le touche profondément - belle performance, très sincère de Philippe Noiret ; l'aspect intéressant du film, c'est le fait de mêler l'enquête policière (objective, disons) à l'enquête affective (subjective) et il est finalement davantage question de la découverte du fils par son père à travers les autres que d'une enquête policière (qui existe de manière minimale ; à titre d'exemple, le verdict du juge est expédié en une scène d'à peine une minute). On sent que Tavernier a mis beaucoup de lui-même dans ce film : tout d'abord, l'intégralité se passe à Lyon (sa ville natale) dont il compte bien nous montrer toute la beauté à travers plusieurs plans non-fonctionnels sur divers édifices de la ville ; le réalisateur a également infusé le film de sa faible affinité avec l'époque des années soixante-dix : journalistes malhonnêtes, gens (réactionnaires) qui n'ont que le mot "gauchiste" en bouche, avocat qui veut forcément faire d'une affaire de meurtre un crime passionnel, etc. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 15:29 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 17:36 | |
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Dernière édition par Emeryck le Jeu 3 Sep 2020 - 18:46, édité 1 fois |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33021 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 17:45 | |
| C'est pas faute d'en avoir fait la promo ! (plus sérieusement, Pierre Rissient en avait fait la promo en France) Il faut voir Manille aussi ! (c'est du même niveau) Je rajoute que Le Chat qui fume va sortir un Brocka à la fin de l'année. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 18:47 | |
| - Cololi a écrit:
- C'est pas faute d'en avoir fait la promo ! (plus sérieusement, Pierre Rissient en avait fait la promo en France)
Il faut voir Manille aussi ! (c'est du même niveau)
Je rajoute que Le Chat qui fume va sortir un Brocka à la fin de l'année. Oui, j'avais vu que tu avais aimé Manille ; j'avoue que je suis tombé dessus un peu par hasard. Je me suis donc aussi procuré Manille ! |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33021 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 18:56 | |
| Pour le Brocka que le Chat qui fume va sortir c'est : _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15526 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 19:06 | |
| Grand film! (Le seul Brocka que j'ai vu, cela dit.) |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 19:38 | |
| - Benedictus a écrit:
- Grand film! (Le seul Brocka que j'ai vu, cela dit.)
à l'image des dimensions de l'affiche postée ? |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 3 Sep 2020 - 23:24 | |
| Alain Resnais : La guerre est finie 1966 + / J'ai beaucoup apprécié ce film de Resnais, il établit la continuité avec son prédécesseur (Muriel ou le temps d'un retour) par sa tonalité politique un peu codée mais il fait appel à une structure totalement différente, il adjoint du romanesque et ce genre de romanesque un peu errant m'a beaucoup fait penser à Clair de femme de Costa-Gavras. J'ai trouvé le montage de ce film absolument stupéfiant, il parvient à créer une sorte de présent relatif et dynamique : la majorité des séquences sont dans un présent absolu (enfin, celui du film) mais lorsqu'un personnage évoque quelque chose, on a soit le son soit l'image de la chose en question (ce n'est pas non plus d'une littéralité complète) ; à la fois, le montage n'est pas purement représentatif puisqu'il conserve aussi son potentiel dynamique (la scène de la boule de billard tirée aboutissant sur une chute de marteau, par exemple). Le film (scénarisé par Jorge Semprun d'après son expérience personnelle) raconte l'histoire d'un activiste anti-franquiste espagnol réfugié à Paris effectuant des voyages réguliers en Espagne, il est ainsi amené à la réflexion lorsqu'il est confronté à ses camarades des divers pans de la gauche (trotskistes, maoïstes, léninistes) et le film traduit ses moments de doutes en images ; j'ai trouvé que les changements d'identités successifs allaient bien avec les réflexions internes du personnages principal. En plus, le noir et blanc est très beau (surtout pendant les scènes intimistes) et la voix-off fonctionne extrêmement bien, je trouve. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 4 Sep 2020 - 11:20 | |
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 4 Sep 2020 - 13:25 | |
| Quelques documentaires vus récemment : Laurent Achard : Brisseau, 251 rue Marcadet 2018 Pas tellement intéressant, ce documentaire est vraiment fait à l'arrache, les cinq premières minutes sont composées de discussions sans intérêt, on a aussi le droit aux "attends, coupe la caméra, je vais pisser" et à "Lisa, tu me ramènes une petite bière, s'il te plait ?". Brisseau parle toutefois un peu des films qu'il aime ou non et de son cinéma (très décevant car il explique choisir ses sujets en "repoussant les interdits", mais ça permet de comprendre l'unité de sa filmographie). En somme, ce n'est pas un bon documentaire.Dominique Auvray : Wang Bing, tendre cinéaste du chaos chinois 2019 + / Derrière ce titre absolument nul se cache un bon documentaire : le réalisateur chinois y parle de la façon dont on fait du cinéma en Chine, de ses films (jamais diffusés en Chine car il ne se soumet pas au test de la censure), de son arrivée au cinéma et de ses films. C'est vraiment très intéressant car il donne beaucoup d'éléments de contexte et il est d'une humilité extrême.Joël Farges : Le Champo du quartier latin 2018 Ce film est en fait une fiction retraçant un peu quelques éléments historiques du célèbre cinéma autour d'une histoire un peu sentimentale. Cette histoire est d'ailleurs suprêmement caricaturale, irritante en mode "nostalgie d'une cinéphilie perdue" avec des citations débiles et ultra-romantisées du genre "le cinéma c'est la vie" ou "le cinéma c'est plus important que la vie", les acteurs/trices sont en plus vraiment mauvais(e)s. Les interventions d'Antoine de Baecque sont assez intéressante sauf quand il dit que le cinéma, c'est avant tout des actrices (je ne sais plus trop comment il tourne ça), ce qui n'est pas faux mais qui, dit de cette manière, semble dire que c'est consubstantiel au cinéma alors que c'est juste la conséquence d'une domination masculine (bien connue) et ça, le réalisateur, il adore : il ne parle que d'actrices de manière très précieuse et idéalisée. Enfin bref, on n'apprend pas tellement de choses sur le Champo, en plu; heureusement, ce film m'a fait connaître le très beau court-métrage Un troisième d'Anne Thoraval. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 5 Sep 2020 - 0:15 | |
| Quan'an Wang : La femme des steppes, le flic et l’œuf 2019 J'ai été assez surpris par ce film car il s'ouvre sur une fausse piste : on nous montre d'emblée un meurtre qui n'a en fait aucune valeur expressive - ce qui n'est pas commun. En fait, ce film est dépourvu de toute progression dramatique, ce n'est pas du tout ce qui intéresse le réalisateur : ce qu'il veut nous montrer, c'est la manière dont vit cette tribu mongole par les températures et les distances extrêmes. Le film évoque (il n'en parle pas tellement car il est assez peu dans l'assertion) également beaucoup le cycle de la vie, très naïvement, en montrant différentes morts (le meurtre entre humains, le meurtre d'un animal par un humain, la fin du jour) mais aussi des naissances (le lever du jour, la grossesse - humaine et animale, reçues différemment) ; d'ailleurs, le meurtre a ici un statut un peu particulier car il s'agit en fait d'une mort double car c'est également la mort immédiate de tout le réseau cinématographiquement connoté du meurtre. Sinon, le film a une photo globalement très jolie (quels paysages !), parfois un peu répétitive - je n'ai par contre pas compris l'intérêt des ralentis assez moches et très "fabriqués". Le film arrive même a faire preuve d'humour sur sa bande-son, notamment par la diversité des musiques et le montage des bruits de chameau. Je n'ai pas complètement adhéré à ce film mais ç'a retenu mon intérêt. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 5 Sep 2020 - 0:37 | |
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| | | Roupoil Mélomaniaque
Nombre de messages : 1895 Age : 43 Localisation : Pessac Date d'inscription : 22/04/2017
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 5 Sep 2020 - 9:51 | |
| - Emeryck a écrit:
- En fait, j'ai été très déçu car je n'ai pas réussi à entrer dans le film (c'est sans doute plus difficile lorsque l'on ne connaît pas les manga), l'esthétique ne m'a pas séduit et j'ai trouvé que l'histoire était assez mal racontée, pour être plus précis, elle l'était de manière bordélique
L'effet produit sur quelqu'un qui connait le manga est de fait très différent (quand j'ai vu pour la première fois le film, je connaissais déjà le manga par coeur), puisqu'il est logiquement beaucoup plus facile de s'y retrouver (de fait la narration du film est assez spéciale et doit être particulièrement déroutante quand on découvre tous les personnages et l'univers d'Akira), et qu'en même temps on est surtout frappé par les choix d'adaptation extrêmement étonnants d'Otomo : le film ne reprend qu'une toute petite partie des thématiques du manga (assez inévitable vu la densité de la chose, mais toute la réflexion sur l'arrière-plan politique et sur les liens entre politique et avancées scientifiques passe essentiellement à la trappe alors que ça apporte énormément de profondeur à l'oeuvre originelle ; et bien entendu le choix de sacrifier le personnage titre modifie totalement tout ce qui correspond en gros à la deuxième moitié du manga, la fin du film est nettement moins intéressante et réussie). Pour le reste je suis assez d'accord avec toi, esthétique vieillie (et encore, je n'ai pas revu le film depuis quinze ans, ça doit passer encore beaucoup moins bien aujourd'hui), et narration à revoir malgré quelques thèmes intéressants. J'en garde quand même un souvenir positif, mais en fait, pour vraiment apprécier le talent d'Otomo à sa juste valeur (mais probablement revoir ton évaluation du film encore à la baisse en comparaison), il faut absolument lire le manga dont la première moitié (au moins jusqu'au réveil d'Akira et à sa réaction à la mort de Takashi) est un des sommets absolus du neuvième art, tous genres confondus (personnellement, c'est la série que je mettrais tout en haut de mon panthéon personnel en BD). |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 13638 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 5 Sep 2020 - 16:36 | |
| Kleber Mendonça Filho : Aquarius 2016 + / J'avais découvert ce réalisateur l'an passé à l'occasion de la sortie de son dernier film (Bacurau), j'avais plutôt aimé, notamment par l'utilisation des visages et le propos global mais je l'avais trouvé un peu long. Je ferais ici un peu le même reproche (on est tout de même à deux heures vingt de film) d'autant plus que le sujet me semble ici un peu moins original : il s'agit d'une femme poussée à la porte de son appartement par une compagnie immobilière voulant reprendre l'intégralité de l'immeuble, elle résiste. On trouve déjà le propos de Bacurau sur la transformation agressive du territoire pour des intérêts économiques/politiques (déjà présent dans Les bruits de Recife, même, je crois) et la part croissante qu'elle prend dans le récit ; par contre, je n'ai pas trouvé tellement originale l'opposition entre l'aspect très installé (collections de vinyles, livres et le meuble qui parcourt tout le film) du personnage principal et l'aspect nouveau et destructeur des promoteurs immobiliers, ça me semble vraiment trop banal. Sinon, j'ai beaucoup aimé les cadres qui sont assez discrets mais élégants et les nombreuses séquences musicales (très hétéroclites) sont vraiment plaisantes ; j'ai également trouvé remarquable la prestation de Sônia Braga. J'ai trouvé que la fin était dramatiquement étrange puisqu'il y a une attaque vers les promoteurs mais on ne voit pas la réponse, je ne comprends pas bien l'intérêt --- à part peut-être pour dresser une métaphore (assez littérale, là encore). |
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