PP - ODP - Lorenzo Viotti - Chosta 11-12 / 06 2021

Programme
Serge Rachmaninoff Les Vêpres, op.37 : 1.Venez, adorons Dieu notre Roi
Nicolaï Rimski-Korsakov Four romances : 2.Romance orientale pour voix et orchestre
Serge Rachmaninoff Les Vêpres, op.37 : 6.Mère de Dieu et Vierge
Serge Rachmaninoff 12 Romances : 7. Zdes' Khorosho (How fair this spot), pour voix solo et orchestre
Serge Rachmaninoff Vocalise, op.34 n° 14, pour voix et orchestre
Nicolas Kedroff Pater Noster
Alfred Schnittke Concerto pour choeur : 4ème mouvement
Dmitri Chostakovitch Symphonie n° 10

Distribution
Orchestre de Paris
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lorenzo Viotti Direction
Lionel Sow Chef de chœur
Sabine Devieilhe Soprano


Le programme initial de la soirée aurait dû être Daphnis et Chloe de Ravel en version intégrale et le Gloria de Poulenc (et accessoirement le concert que j'attendais le plus ) mais tout ça a été remplacé par un programme plus roboratif et plus désespéré.

Le choeur a chanté en distanciation (au moins un rang entre chaque chanteur) et masqué, autant dire que ce n'était peut-être pas la meilleure soirée pour juger des détails de couleurs du choeur même si j'ai trouvé que cela sonnait tout de même très bien. Je trouve que le programme était trop morcelé au final et l'enchainement d'extraits courts cassait le rythme de l'ensemble. Sabine Devieilhe aura chanté finalement assez peu, avec comme moment de bravoure la vocalise de Rachmaninov, très bien tenue.

J'ai beaucoup aimé l'extrait du Concerto pour choeur de Schnittke au point de regretter de ne pas l'avoir eu en entier, alors que je n'ai pas trop vu l'intérêt du Pater Noster de Kedroff, dans une esprit très minimaliste et dépouillé.

J'ai moins d'avis sur la 10ème de Chostakovitch, n'étant pas un très grand amateur de l'oeuvre, à part le second mouvement grimaçant et entrainant.
L'interprétation ne m'a pas révélé des trésors inconnus même si plusieurs effets étaient très réussis. J'ai trouvé ça dans l'ensemble moins prenant dès qu'on sortait des moments hargneux.

C'était quand même un joli choix, pour un choeur qui n'a pas la charpente à la russe, de tout chanter dans la nuance douce extrême, ça fonctionnait très bien. (J'aurais adoré, moi aussi, avoir tout le Schnittke, mais c'était la pièce la plus exigeante, le concerto entier, c'est quatre mouvements, dont un de 14 minutes et un de 12 minutes, le final qu'on a eu est de loin le plus court, c'est pas du tout la même quantité de travail !)

J'ai trouvé vraiment intéressante la lecture très lumineuse et presque tendre de Viotti pour cette symphonie de Chosta : inattendu, mais cohérent et vraiment bien réalisé !

Ce concert m'avait fait écrire un gros "oui" sur la brochure de saison. Pourquoi "oui" ? Pour le Gloria ! Daphnis et Chloé a déjà été entendu plusieurs fois en version suites, je l'aime beaucoup, mais c'était surtout pour Poulenc… Et puis, petit à petit, je me suis intéressé à ce chef, notamment par quelques lectures sur ce forum, et j'avais hâte de le découvrir. Retrouver un concert avec chœur également, moi qui me suis mis à écouter de plus en plus de chant choral durant ces satanés confinements.

Intervention au micro du chef : avec beaucoup de classe et d'élégance, il nous a prié de ne pas applaudir entre les morceaux, pour passer les six premières œuvres d'un bloc, puis l'extrait du concerto de Schnittke et la symphonie comme un autre bloc.

Œuvres chorales : les Vêpres de Rachmaninov font partie de mon top ten, déjà entendues à la Cité de la Musique lors d'un week-end consacré à Rachmaninov. Un peu frustré de n'en entendre que des extraits, mais c'était le jeu de ce concert. Grosse découverte : le morceau de Rimski-Korsakov, magie orientale, magnifiquement porté par Sabine Devieilhe, que je découvrais pour la première fois, après l'avoir découverte dans la symphonie n°4 de Mahler en vidéo l'automne dernier (je ne suis pas, ou pas encore, glottophile comme vous). Le morceau de Kedroff et la Vocalise de Rachmaninov ont été plus anecdotiques, mais pas désagréables. La grosse découverte, pour moi, aura été le concerto de Schnittke : mystérieux à souhait, à mi-chemin entre la mystique russe orthodoxe entendue dans des églises dans mes voyages en Finlande ou en Estonie (ou à l'église rue Daru de Paris) et la magie évocatrice du Seigneur des Anneaux (qu'importe si ça paraît vulgaire à certains, j'adore cette musique !). Ce concerto a tourné en boucle au disque ce week-end chez moi, presque jusqu'à l'overdose, autant dire qu'il est adopté ! J'accroche moins sur d'autres œuvres de ce compositeur, mais il faut sûrement fouiller (un requiem qui me tente bien).

Chostakovitch : pas une œuvre facile. Je la connaissais, je crois, uniquement au disque (Paavo Järvi, comme souvent), et à part le deuxième mouvement, le reste me laissait un peu froid. Le premier mouvement, c'est peut-être une habitude chez ce compositeur, est lent, très long et un peu immobile. Souvent, d'ailleurs, je m'y ennuie, mais vendredi soir non. Je dois dire que l'ambiance était charmante, le chœur étant resté écouter, le chef étant particulièrement beau et charismatique, avec une veste croisée à la Mäkelä, la sensualité latine en plus, mon placement étant plus que parfait… Le deuxième mouvement particulièrement énergique était très réussi ! J'ai aussi beaucoup apprécié le programme qui expliquait en détails les citations thématiques DSCH et Elvira, qui parsemaient la symphonie. C'était amusant de les retrouver, quasiment à chaque phrase. Un finale très enlevé, magnifique !

Sorti de la PP en sifflotant, c'est vraiment le symptôme d'une soirée réussie ! A refaire avec ce chef !

Premier intérêt de ce concert : permettre enfin au chœur de chanter et de se produire en public, après plus d'un an de sevrage, et en plein effectif (dans les 90 chanteurs ?), disposé à l'arrière-scène et sur les balcons de part et d'autre de la scène. On les a sentis heureux sous le masque. Programme modifié mais intelligemment construit par Viotti, où les pièces chorales et les mélodies de Devieilhe s'enchaînaient sans pause, d'habiles jeux de lumière marquant les transitions. Les Vêpres de Rachmaninoff sont vraiment une œuvre merveilleuse, j'étais sur mon petit nuage pendant le dernier extrait  . Et du deuxième balcon la disposition des choristes donnait une belle ampleur polyphonique au son. Devieilhe a très bien servi ses mélodies, qui m'ont moins intéressé.

Comme vous le mouvement de Schnittke m'a fait forte impression, poignant, une atmosphère à la Seigneur des anneaux, oui, mais contrariée par des courants glaciaux, étranges. On sent aussi que c'est une écriture exigeante pour les voix.

Symphonie de Chosta : j'ai aimé que Viotti ait son idée et que l'orchestre le suive. Je ne suis en revanche pas sûr d'avoir aimé l'idée en question. David parle de lecture lumineuse et tendre, j'ai plus entendu les pendants de ces qualificatifs : lisse et romantique, ni grinçant, ni désespéré, ne jouant pas l'exacerbation. Et les longueurs du premier mouvement me sont restées longues.

Cor solo particulièrement remarquable. Au premier violon Solenne Païdassi, (ex-?)konzermeisterin du Belgian National Orchestra à la riche carrière de soliste, très bien dans ses traits.

(point Viotti : jeune et beau comme sur les photos. )

J'y étais samedi soir et j'ai été enthousiasmé par l'ensemble du concert.

J'ai trouvé le choeur particulièrement au point pour un concert de reprise, et les masques n'y changeaient pas grand chose, ça s'entendait à peine.

Devieilhe était magnifique, j'étais pile en face d'elle, mais de toute façon elle remplissait très bien la salle.

Surtout j'ai été tout à fait bluffé par la direction de Viotti (et l'orchestre!) dans la 10è de Chosta, que j'ai trouvé d'une intensité remarquable.

Le début très très lent (car ce n'est pas à proprement parlé un mouvement, c'est un Moderato) m'a fait très peur, mais il a réussi à mener ça d'une manière vraiment étonnante, en creusant le son et en faisant chanter les soli de manière très désespérée et chostakovienne.
Les différents points culminants de ce 1er mouvement en sont devenus encore plus intenses et bouleversants, j'ai été complètement happé.

Comme je l'anticipais, Viotti a ensuite donné un 2è mouvement particulièrement rapide et effrayant, jouissif comme jamais.

Les deux derniers mouvements sont moins géniaux, mais je ne m'y suis jamais ennuyé, et j'ai trouvé le final un peu plus sombre que de coutume.

Pour moi une grande réussite, et en plus une lecture originale.

Citation :

Daphnis et Chloé a déjà été entendu plusieurs fois en version suites, je l'aime beaucoup, mais c'était surtout pour Poulenc…

Surtout c'est à chaque fois la seule 2è suite et sans choeur (18 minutes de musique), c'est autre chose que l'intégralité avec choeur!

Xavier a écrit:

en faisant chanter les soli de manière très désespérée et chostakovienne. […] j'ai trouvé le final un peu plus sombre que de coutume.

Ah oui, je n'ai vraiment pas entendu la même chose !

J'ai trouvé ça au contraire complètement émancipé de la couleur soviétique et désespérée / affolée qu'on y entend d'habitude, de la musique pure, presque souriante.

Peut-être que tu y étais la veille et que c'était un peu différent?

Ou peut-être que notre placement dans la salle joue aussi un rôle important et que notre habitude/appréciation de cette symphonie est très différente...

"Affolée", effectivement non, ça prenait beaucoup son temps; mais du coup, dans les climaxs du I, j'ai trouvé ça vraiment très intense et bouleversant. (même des frissons pour moi!)

Xavier a écrit:

Peut-être que tu y étais la veille et que c'était un peu différent?

Possible.

Citation :

Ou peut-être que notre placement dans la salle joue aussi un rôle important et que notre habitude/appréciation de cette symphonie est très différente...

Probable.


Disons qu'en temps normal, je trouve cette symphonie, en bon Chosta qui se respecte, assez sinistre et menaçante, alors qu'ici tout m'a paru purement musical, lumineux, avec des timbres très clairs, une pâte peu dense, on entendait vraiment l'orchestre qui joue la Symphonie de Bizet plutôt que celui qui a l'habitude de jouer du soviétique.

Moi j'ai beaucoup aimé parce que, justement, je redoutais la symphonie épuisante émotionnellement. Là c'était tranquille, j'ai pas été défrisé. (Du coup je m'étais imaginé que ceux qui voulaient du vrai Chosta noir, poisseux, insoutenable, devaient être particulièrement déçus. )

Globalement d'accord avec vous tous
Concert contrasté, j'ai vraiment eu du mal avec la symphonie, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'univers Chostakovitch, à ressentir la douleur et l'oppression, ça m'a paru très neutre et assez interminable (à part ce deuxième mouvement joué le mors aux dents, avec un engagement invraisemblable du chef et de l'orchestre, ahurissant de virtuosité !).
J'avais pourtant beaucoup aimé la 10e de Jansons en 2019, pourtant pas du tout angoissante non plus, assez hors style également, mais avec une veine lyrique et opulente qui mettait très en valeur l'impressionnante Radio bavaroise.
Donc mitigé sur Viotti, j'aimerais le réentendre ! (sa Carmen était de belle facture à l'ONP il y a 2 ou 3 ans).

En revanche, extase totale pour la première partie avec le Choeur, superbe d'homogénéité, on est complètement saisi dès les premiers murmures qui s'élèvent dans la salle (rendu acoustique absolument inouï, en tout cas depuis le premier balcon centre), on se délecte aussi de l'accompagnement diaphane de l'orchestre dans les pièces pour soprano avec une Devieilhe magnifique elle aussi. Très grand moment ! On veut revoir ce répertoire choral russe très vite, dans cette salle !

tomseche89 a écrit:

Globalement d'accord avec vous tous  
Concert contrasté, j'ai vraiment eu du mal avec la symphonie, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'univers Chostakovitch, à ressentir la douleur et l'oppression, ça m'a paru très neutre et assez interminable (à part ce deuxième mouvement joué le mors aux dents, avec un engagement invraisemblable du chef et de l'orchestre, ahurissant de virtuosité !).
J'avais pourtant beaucoup aimé la 10e de Jansons en 2019, pourtant pas du tout angoissante non plus, assez hors style également, mais avec une veine lyrique et opulente qui mettait très en valeur l'impressionnante Radio bavaroise.
Donc mitigé sur Viotti, j'aimerais le réentendre ! (sa Carmen était de belle facture à l'ONP il y a 2 ou 3 ans).

En revanche, extase totale pour la première partie avec le Choeur, superbe d'homogénéité, on est complètement saisi dès les premiers murmures qui s'élèvent dans la salle (rendu acoustique absolument inouï, en tout cas depuis le premier balcon centre), on se délecte aussi de l'accompagnement diaphane de l'orchestre dans les pièces pour soprano avec une Devieilhe magnifique elle aussi. Très grand moment ! On veut revoir ce répertoire choral russe très vite, dans cette salle !

Tout a été déjà dit, c'est l'inconvénient d'arriver après tout le monde !
J'ai éprouvé un grand plaisir à cette première partie inhabituelle, où il y avait plein de surprises, avec quelques perles (le Schnittke, le Rimsky...), trop courtes hélas. La disposition du choeur a fait qu'on état complètement enveloppé par les voix. C'était très jouissif.
Très belle symphonie de Chostakovitch, je lui reprocherais juste le côté trop serein de tous les passages lents. Chez Chosta, il faut toujours sentir que le drame n'est pas loin. Mais le souvenir du dernier concert à Paris de Jansons est encore très présent dans ma tête. C'est donc difficile de lutter !
Je ne connaissais pas ce chef : très belle découverte. Et au moins, il a un répertoire varié !