RF - ONF/Honeck / Lisiecki - Grieg/Dvorak - 05/03/2022

Programme :
VALENTIN SILVESTROV : Hymne
ANTONÍN DVOŘÁK : Rusalka Fantasy (arrangement de Manfred Honeck et Tomáš Ille)
EDVARD GRIEG : Concerto pour piano et orchestre
ANTONÍN DVOŘÁK : Symphonie n° 8

Distribution :
JAN LISIECKI piano
ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
MANFRED HONECK direction.

Une fois n'est pas coutume, je n'avais pas spécialement envie d'aller à ce concert. Mauvaises dispositions et mauvaise place... Heureusement, je me suis fait un peu violence !

Programme copieux, dans lequel la fantaisie sur Dvorak était presque de trop. Salle à moitié pleine, comme ça semble être de coutume ces temps-ci à RF... Voilà un moment que l'on n'a pas eu l'ambiance des grands soirs dans cette salle... et même si cela permet de se replacer facilement, ça donne l'impression d'une institution qui vivote et de concerts sans enjeux.

Couple de jeunes voisins à ma droite qui ont passé toute la première partie à se peloter, s'embrasser et se caresser... comme au cinéma. Intervention de leur voisin de derrière à l'entracte, humiliation en règle, "vous devriez aller à l'hôtel, vous passeriez un meilleur moment"...


Silvestrov : pièce non prévue dans le programme, jouée en hommage au peuple ukrainien (ça change de l'hymne officiel, joué à chaque concert ces jours-ci). Morceau qui n'a pas grand chose d'un hymne, musique assez statique, avec de belles harmonies. Quelques secondes, j'ai cru qu'il s'agissait du Dvorak, et je me disais que mon Dvorak réservait bien des surprises, ce coquin... mais, bien sûr, ce n'était pas de lui !

Dvorak / Rusalka : beaucoup de longueurs dans cette suite, avec portant de très belles mélodies, façon Dvorak bien sûr. L'ensemble est peut-être mal orchestré, ou mal "mélangé". Je n'ai pas accroché.

Grieg : c'est un tube, et pourtant, il n'est pas joué si souvent que ça ! J'ai beaucoup d'affection pour ce concerto, le seul que je sois capable de jouer, et qui me suit depuis mon enfance. Depuis longtemps, j'attendais d'en voir une version un peu virile, massive, moins romantique. J'étais ravi de découvrir ce pianiste en concert, alors que je le suis au disque depuis son intégrale des concertos de Mendelssohn.
Interprétation de Lisiecki très satisfaisante samedi soir ! Bien proportionnée, bon tempo, peut-être un peu rigide. Je me suis régalé !

Dvorak / Symphonie n°8 : même si le concerto m'avait déjà sorti de ma bougonnerie, j'ai été saisi par la symphonie. Il faudrait beaucoup de superlatifs pour tout décrire, tellement c'était une perfection. Dirigée sans partition, elle a été menée à un rythme effréné, avec des frissons à chaque mouvement. Dans le finale, l'âme de Dvorak est passée, à un moment que je pourrais presque minuter ! Musiciens tout sourire, c'était dansant, jouissif, prenant. Public très enthousiaste !
Quel mélodiste ce Dvorak ! Il y a plus d'idées dans cinq minutes de cette symphonie, que dans la carrière entière de bon nombre de compositeurs...

Dédicaces de Lisiecki à la sortie, mais il avait plus d'égards pour ceux qui venaient d'acheter un CD au vendeur d'à côté que pour ceux qui, comme moi, n'ont fait signer que le programme de salle. Jolie clef de sol en guise de signature !

Très beau concert en effet (j'y étais à la séance du jeudi).
Je pense quil y avait plus de monde que tu le dis. Il est imprudent de leur reprocher de ne pas remplir leur salle, sinon ils risquent d'enchaîner Mahler, Bruckner et Brahms !
Une découverte que l'Hymne de Silvestrov : une oeuvre un peu planante, avec un petit côté Arvo Pärt. Macelaru devait la jouer hier soir, à la soirée exceptionnelle.
Il y a certainement ici des spécialistes de Silvestrov qui pourront me dire si toute son oeuvre est dans ce style.
J'étais content d'entendre quelques thèmes de Russalka, Le défaut est que les enchaînements étaient quelque peu abrupts. Le compositeur aurait fait ça beaucoup mieux.
Il est incompréhensible qu'on ne donne pas cet opéra plus souvent. Il devrait être au répertoire courant tellement cette oeuvre est émouvante et regorge de mélodies magnifiques.
Dans un tout autre style, c'est aussi beau que du Verdi. En tout cas, c'est du même niveau.
Dans le concerto de Grieg, Lisiecki a montré un jeu très délicat, avec une grande dynamique, capable de vrais pianos et de fortissimos très fortissimos, mais sans jamais brutaliser son clavier.
En bis, un nocturne de Paderewski m'a paru assez faible.
Puis j'ai retrouvé avec un immense plaisir la 8ème symphonie de Dvorak, la plus belle à mon goût. J'étais là surtout pour elle.
Dvorak est décidément un des plus géniaux créateurs de mélodies. Quel lyrisme !
Manfred Honeck est un très bon chef, qui a su faire chanter ces thèmes si beaux, usant du rubato comme il fallait.
Un petit reproche tout de même : tous les passages héroîques, et il y en a pas mal dans cette oeuvre, avec trompettes triomphantes, étaient trop secs.
Curieusement, les chefs ne comprennent pas tous qu'il faut adapter la dynamique de l'orchestre à la salle, et là, il aurait pu jouer un peu moins fort.
Maintenant, je fais un rêve : une intégrale des symphonies de Dvorak, au moins les 5 dernières, complétée par les concertos et les poèmes symphoniques,
par Hrusa et l'orchestre de Bamberg, ça aurait de la gueule ! Pour l'année prochaine, c'est trop tard, mais pour l'année d'après, c'est encore possible !
Et ça nous consolerait un peu de ne pas avoir eu l'intégrale Prokofiev.

Oui, le jeudi pour moi aussi, la salle était bien remplie – et même pas du fait de la disette de ces deux semaines de vacances scolaires (avec un impact particulièrement spectaculaire sur les programmations des salles, tout l'équipage est parti au ski avec les enfants !) : c'était un public manifestement peu régulier, plus jeune que d'ordinaire, qui applaudissait entre les mouvements.

Rocktambule a écrit:

Dvorak / Rusalka : beaucoup de longueurs dans cette suite, avec portant de très belles mélodies, façon Dvorak bien sûr. L'ensemble est peut-être mal orchestré, ou mal "mélangé". Je n'ai pas accroché.

Cette Suite est une merveille absolue – c'est pour elle que je me déplaçais : les meilleurs moments de l'opéra concentrés avec un grand sens des transitions et des contrastes… et en plus l'arrangeur a réorchestré les parties trop pauvres, intégré les lignes vocales… j'aimerais tant qu'on ait droit à ce luxe pour du Wagner.

Pour moi une des meilleures choses jamais entendues en concert. (Après, j'ai beaucoup écouté l'opéra, ça aide sans nul doute !)

Citation :

Grieg : c'est un tube, et pourtant, il n'est pas joué si souvent que ça !

J'ai l'impression qu'il est vraiment souvent joué. Je ne l'écoute quasiment qu'en concert, et à chaque fois je suis très agréablement surpris par la qualité du discours musical.

Fritelli a écrit:

Une découverte que l'Hymne de Silvestrov : une oeuvre un peu planante, avec un petit côté Arvo Pärt. Macelaru devait la jouer hier soir, à la soirée exceptionnelle.
Il y a certainement ici des spécialistes de Silvestrov qui pourront me dire si toute son oeuvre est dans ce style.

Il a eu, comme Górecki, une période avant-gardiste très différente, mais sinon le Silvestrov de maturité c'est en effet assez planant, la répétition en moins par rapport à Pärt.

Citation :

Il est incompréhensible qu'on ne donne pas cet opéra plus souvent. Il devrait être au répertoire courant tellement cette oeuvre est émouvante et regorge de mélodies magnifiques.

Pour le coup, l'Opéra de Paris l'a beaucoup donné, il y a bien eu 4 séries dans la mise en scène de Carsen. (Vu les deux dernières, effectivement le plus beau spectacle que j'aie pu voir à Bastille.)

Œuvre absolument géniale, je suis d'accord. On pourrait aussi donner d'autres Dvořák – Armida c'est différent, mais remarquable aussi !

Citation :

Dans un tout autre style, c'est aussi beau que du Verdi. En tout cas, c'est du même niveau.

En termes d'écriture, c'est même au-dessus : beaucoup de construction motivique, clairement il a étudié son Wagner !

Citation :

En bis, un nocturne de Paderewski m'a paru assez faible.

Une cantilène sur une carrure rythmique unique, dont l'harmonie bouge un peu… assez long et inoffensif en effet (du Paderewski-piano, quoi). Mais j'étais ravi, ça change, ça permet de découvrir. (Il aurait évidemment pu jouer un bon compositeur polonais, ce n'est pas ce qui manque.)

Citation :

Maintenant, je fais un rêve : une intégrale des symphonies de Dvorak, au moins les 5 dernières, complétée par les concertos et les poèmes symphoniques,
par Hrusa et l'orchestre de Bamberg, ça aurait de la gueule ! Pour l'année prochaine, c'est trop tard, mais pour l'année d'après, c'est encore possible !
Et ça nous consolerait un peu de ne pas avoir eu l'intégrale Prokofiev.

La même, mais pour Novák.

DavidLeMarrec a écrit:

Il a eu, comme Górecki, une période avant-gardiste très différente, mais sinon le Silvestrov de maturité c'est en effet assez planant, la répétition en moins par rapport à Pärt.

Par rapport à Górecki, la période avant-gardiste de Silvestrov a été plus longue, plus ambitieuse et plus riche en œuvres vraiment marquantes. (Et puis même les symphonies-mélasse du Silvestrov néo, ça reste malgré tout d'une tout autre hauteur que la 3ᵉ de Górecki.)

Moi j'aime bien Silvestrov-planant (certes, je n'en écoute pas beaucoup), et les chœurs de Górecki seconde manière me touchent beaucoup.

Mais la saison prochaine je vais devoir choisir entre Glass et Neuwirth.

Ah, les chœurs à cappella de Górecki, c'est très bien, oui. À coup sûr ce que je préfère de lui (et probablement ce que l'esthétique wojtyłienne a produit de mieux.)

Benedictus a écrit:

l'esthétique wojtyłienne

Ça désigne quoi, musicalement ?

(Pour moi, l'esthétique wojtyłienne, je l'associais plutôt à Vous le sel de la Terre. )

DavidLeMarrec a écrit:

Benedictus a écrit:

l'esthétique wojtyłienne

Ça désigne quoi, musicalement ?

Rien, en fait; c'était juste une façon sarcastique de dire: c'est polonais, c'est doloriste, c'est bien calibré pour les émotions de masse, c'est profondément rétrograde (et plutôt sommaire par rapport à ses références du passé), mais ça a pu avoir l'air novateur dans les années 80 en prenant à rebours la doxa moderniste de la décennie précédent.

DavidLeMarrec a écrit:

(Pour moi, l'esthétique wojtyłienne, je l'associais plutôt à Vous le sel de la Terre. )

Bien vu!

Benedictus a écrit:

c'est polonais, c'est doloriste, c'est bien calibré pour les émotions de masse, c'est profondément rétrograde

Ah, ok, je vois ! J'avais pensé des choses avec le positionnement de l'Église de son temps, et non au personnage lui-même ! (pourtant ton expression parlait d'elle-même…)