MARDI 4 OCTOBRE 2022 – 20H00
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris
Concert donné en hommage à Lars Vogt
Wolfgang Amadeus Mozart — Maurerische Trauermusik K. 477
Gustav Mahler — Des Knaben Wunderhorn, extrait : «Wo die schönen Trompeten blasen »
Antonín Dvořák — Romance pour violon et orchestre
Robert Schumann — Symphonie n° 2 : 3. Adagio espressivo
Antonín Dvořák — Silent Woods (Klid), pour violoncelle et orchestre
Ralph Vaughan Williams — Along the Field, extraits : 1. We’ll to the woods no more, 6. Good-bye, 7. Fancy’s knell, 8. With rue my heart is laden
Johannes Brahms — Concerto pour piano n° 1 : 2. Adagio
Franz Schubert, arr. Max Reger — Nacht und Träume D. 827
Robert Schumann — Symphonie n° 2 : 4. Allegro molto vivace
Orchestre de chambre de Paris
Daniel Harding, direction
Deborah Nemtanu, violon solo
Ian Bostridge, ténor
Christian Tetzlaff, violon
Alban Gerhardt, violoncelle
Paul Lewis, piano
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C'est Lars Vogt, mort il y a un mois, qui devait diriger l'Orchestre de chambre de Paris ce mardi soir dans un programme Mendelssohn. L'orchestre a organisé une soirée en sa mémoire qui réunissait plusieurs de ses amis.
En ouverture, une image de Lars Vogt a été projetée tandis qu'était diffusé un extrait d'interview où Vogt revient sur la place qu'occupait la musique dans sa vie et le plaisir qu'il prenait à diriger et jouer avec l'OCP. Ce fut la seule prise de parole, posthume, de la soirée, puisqu'il n'y a eu aucun discours. En plus du programme de salle était distribué un livret qui revient sur la vie de Vogt et où figure un hommage collectif de l'orchestre.
Du beau programme conçu par Harding et l'OCP, la Trauermusik de Mozart était la seule pièce à proprement parler funèbre : dirigée avec solennité, Harding y privilégiait le contrepoint et l'étagement des cordes (peu vibrées, bien sûr). Ian Bostridge est ensuite apparu pour la première fois dans un extrait du Knaben Wunderhorn : expressif et bien accompagné par un orchestre tout en douceur où luisaient les bois et la trompette solo en sourdine.
Je découvrais la Romance pour violon et orchestre de Dvořák, vraiment une belle pièce qui regorge de petites trouvailles d'orchestration, d'un lyrisme élégiaque et paisible traversé de quelques secousses plus sombres et tumultueuses. Qui plus est elle était portée par Christian Tetzlaff, que j'entendais pour la première fois en concert : on reste suspendu aux lignes qu'il trace. Par comparaison j'ai trouvé Silent Woods (ou Klid, Bois calme ou Waldesruhe) plus anecdotique, malgré l'engagement et le grain du violoncelle d'Alban Gerhardt.
Pour conclure la première partie, l'Adagio de la 2e symphonie de Schumann, dans lequel Harding creusait et articulait jusqu'à leur terme les lignes mélodiques.
Bostridge est revenu accompagné de Tetzlaff pour des extraits d'Along the Field, cycle pour violon et voix de Vaughan Williams sur des poèmes d'Alfred Edward Housman : un très beau moment. Dans We’ll to the woods no more, le violon, comme hésitant, évoque les mouvements élégiaques de Vaughan Williams, Lark Ascending par exemple. Dans l'ensemble les mélodies conservent quelque chose de populaire : Good-bye et Fancy's Knell ont un caractère dansant, le chanteur interpelle presque l'auditeur. With rue my heart is laden porte l'ombre de la Grande Guerre. Bostridge a été éloquent et le texte fourni dans le programme permettait de mieux goûter sa diction.
Puis Paul Lewis a été superbe dans le mouvement lent du 1er concerto de Brahms : variété et limpidité du toucher, pudique avant que le son ne gonfle et domine la salle. Les passages solistes évoquaient les Intermezzi et autres courtes et denses pièces pour piano de Brahms. Et quel beau mouvement, j'avais oublié par exemple ce court solo d'alto (Jossalyn Jensen).
Puis le Nacht und Träume de Schubert arrangé par Reger, Bostridge revenant une dernière fois. Et pour conclure le 4e mouvement de la 2e symphonie de Schumann, exalté et presque libérateur pour les cordes, avec ses passages redoutables de vélocité, avant de reprendre un ton plus noble, parfois inquiet.
Tout cela s'enchaînait rapidement, aucun artiste ne revenant saluer. Pas de bis mais de longs applaudissements, les quatre solistes rejoignant le plateau. Harding a laissé l'orchestre seul recueillir les derniers bravos du public.
En somme une très belle soirée, émouvante et simple, marquée au coin de l'excellence grâce à la pléiade de musiciens réunis sur scène, à l'exigence de Daniel Harding, ne cédant rien à l'émotion facile, et à la générosité de l'orchestre. On pouvait difficilement imaginer meilleur hommage à un homme qui faisait manifestement l'objet d'une amitié et d'une admiration sincères. Bravo à tous !
Concert à regarder : https://philharmoniedeparis.fr/fr/live/concert/1144281-hommage-lars-vogt
Ou à écouter : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/hommage-a-lars-vogt-par-l-orchestre-de-chambre-de-paris-sous-la-direction-de-daniel-harding-6410907