PP – Vasks, Liszt, Prokofiev – Poga, Apkalna, LNSO – 24/2/23

VENDREDI 24 FEVRIER 2023 — 20h
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Pēteris Vasks — Hymnus

Franz Liszt arrangement pour orgue et orchestre de Marcel Dupré — Fantaisie et Fugue sur le choral « Ad nos, ad salutarem undam »

Sergueï Prokofiev — Roméo et Juliette (extraits des suites n°1 et n°2)
Montaigu et Capulet
Juliette enfant
Père Lorenzo
Danse
Menuet
Masques
Romeo auprès de Juliette avant leur séparation
Mort de Tybalt

Andris Poga, direction
Iveta Apkalana, orgue
Orchestre national symphonique de Lettonie


Programme inhabituel qui mettait en valeur l'orgue, s'inscrivant avec quelques jours de retard dans le sillage du Week-End Orgues de la Philharmonie.

En ouverture une pièce pour orgue du Letton Pēteris Vasks : autour d'un motif ascendant de choral, une suite de progressions harmoniques, comme des ouvertures et des épanouissements successifs, dans des couleurs douces et sereines. Joli, un peu long peut-être.

L’orchestre entre en scène pour la curiosité de la soirée : l’arrangement de Marcel Dupré de la fantaisie et fugue pour orgue de Liszt « Ad nos, ad salutarem undam », elle-même fondée sur un choral du Prophète de Meyerbeer. Dans l’exposition, l’orgue de la Philharmonie écrasait de manière excessive un orchestre pourtant fourni (bois par trois) qui joue par doublures plutôt épaisses, mais l’équilibre s’est amélioré au fil de l’œuvre, et on a pu apprécier un orgue hyper-virtuose auquel Dupré réserve dans l’adagio central, de ton pastoral, des dialogues insolites avec harpe, célesta, ou bois. La fugue finale est spectaculaire, peu subtile mais efficace. On y apprécie la cohérence de l’orchestre, avec des cuivres impeccables (rythme, justesse).

Après l’entracte, une suite extraite par Andris Poga du Roméo et Juliette de Prokofiev, qui en réunit tous les principaux tubes : les cordes sont homogènes et se tirent brillamment de la Mort de Tybalt, de belles individualités se distinguent aux vents (flûte). L’occasion de rappeler que la Lettonie est un vivier de musiciens de premier plan. Pas grand-chose à dire sur la direction de Poga, que j’ai trouvée solide mais prosaïque.

Salle mal remplie, ce qui n’était hélas pas une surprise vu le programme, mais le public, parmi lequel figurait Jean-Claude Casadesus, régulièrement invité à diriger l’orchestre à Riga, a fait un accueil chaleureux aux interprètes.

Deux bis lettons : pour Iveta Apkalna une toccata de Aivars Kalējs. Et Poga a dédié à l’Ukraine une valse mélancolique de Emīls Dārziņš, morceau d’une grande poésie, fondé sur un thème populaire, conclu par un long solo de clarinette qui se dissout dans le pianissimo, admirablement joué.

C’est Tarmo Peltokoski qui prend la suite de Poga comme directeur musical du LNSO (Latvian National Symphony Orchestra).

Suis allé à ce concert par curiosité pour découvrir l'orchestration de l'oeuvre de Liszt, et aussi pour écouter un orchestre que je ne connaissais pas.
Hymnus de Vasks m'a paru tourner en rond, avec des harmonies fort banales. Tout cela est très consonant, mais ça ne suffit pas pour me plaire !
J'ai été un peu déçu par l'oeuvre de Liszt/Dupré. L'orchestration m'a semblé accentuer son côté décousu.
En plus, l'organiste réussit à couvrir l'orchestre, même en jouant mezzo-forte.
Cela peut être un défaut de l'arrangement, mais j'en attribue plutôt la faute à l'organiste qui n'a pas su registrer convenablement.
Je n'apprécie décidément pas Ivetta Apkalana, déjà entendue à la Philharmonie dans le concerto de Poulenc qu'elle avait joué de manière assez transparente.
Sur les claviers, son jeu n'était pas toujours très propre dans les traits de virtuosité, contrairement à son jeu de pédales, beaucoup plus au point.
Pour ne rien arranger, elle a tendance à faire trop de cinéma, jouant à la star, comme pour compenser un talent que je trouve limité,
surtout si on le compare à celui de Latry, entendu à deux reprises dans les semaines précédentes.
C'est finalement grâce aux extraits de Roméo et Juliette que je n'ai pas regretté d'être venu : ils permettaient de découvrir un magnifique orchestre,
très discipliné, avec de très belles individualités dans les bois. L'interprétation de Poga m'a conquis.
En bis, une petite perle, la Valse mélancolique de Darzins, que je ne connaissais pas, m'a enchanté : très jolie oeuvre, qui fait penser à du Tchaikovski en plus léger,
et dont le thème m'est resté en mémoire longtemps après. Hélas, il semble que ce soit la seule oeuvre orchestrale qui nous reste de ce compositeur.
Salle très peu remplie : les productions Albert Sarfati n'ont pas dû rentrer dans leurs frais !

Emīls Dārziņš, c'est un classique assez incontournable du patrimoine letton, il doit y avoir des choses de lui au disque. Je n'en ai entendu qu'une seule fois en concert en revanche (pour l'année de la Lettonie en France, dans les années 2000).